Guillaume-François ROUELLE (1703-1770)
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Extrait du Dictionnaire d’Histoire de la Pharmacie, Editions Pharmathèmes, Ouvrage Collectif sous la Direction de O. Lafont, 2003, rubrique Rouelle, p 363, signée Christian Warolin (avec l’autorisation de l’éditeur)
« Rouelle (Guillaume-François), Mathieu (Calvados), 15 septembre 1703-Passy, 3 août 1770. Frère aîné d’Hilaire-Marin. Après des études classiques à Caen, il s’inscrit à la Faculté de médecine de cette ville, puis il réoriente ses études vers la chimie. Il part pour Paris, à pied, et entre en 1730 dans l’ancien laboratoire de LEMERY, tenu par l’apothicaire allemand Spitzley, rue Saint-André-des-Arts où il reste sept ans. Il est probable que Spitzley lui a fait connaître les ouvrages de chimie tels que les œuvres de Stahl. Il fréquente les cours de botanique et d’histoire naturelle du Jardin du Roi, en particulier ceux d’Antoine et Bernard de Jussieu dont il gagne l’estime. .Rouelle s’établit, en 1737, place Maubert où, dans son laboratoire, il organise des cours de pharmacie et de chimie fréquentés par un large public et des personnalités tels que Bayen, Diderot, etc. La notoriété qu’il acquit attira l’attention de Buffon qui le nomma, en 1743, démonstrateur en chimie au Jardin du Roi en remplacement de Gilles-François Boulduc décédé l’année précédente. Il assistait l’apothicaire Claude Bordelin, professeur titulaire, mais la collaboration ne fut pas sans nuage. Peu après, le 6 mai 1744, Rouelle fut élu à l’Académie royale des sciences comme adjoint-chimiste..
En 1746, il transporta son laboratoire rue Jacob au coin de la rue des Deux-Anges où il continua ses cours de chimie. Mais il n’était toujours pas apothicaire ; aussi formula-t-il, en 1750, une demande pour être admis dans la communauté des apothicaires de Paris, ce qui fut accueilli avec empressement, et le 30 mais 1750, il fut reçu maître apothicaire. Il ouvrit aussitôt une boutique à côté de son laboratoire. En 1752, il obtint une place d’associé-chimiste à l’Académie royale des sciences. Ne voulant interrompre ni son activité dans son laboratoire, ni ses cours de chimie, il refusa la place de Premier apothicaire de Louis XV mais accepta celle d’inspecteur général de la pharmacie à l’Hôtel-Dieu. .
La fatigue consécutive à l’expertise d’une nouvelle méthode de raffinage du salpêtre conduite à l’Arsenal pendant des mois, altéra sa santé. Il demanda au Roi, en 1768, de lui désigner un successeur à la place de démonstrateur au Jardin Royal. Ce fut son frère Hilaire-Marin qui l’obtint. Devenu paraplégique, Rouelle mourut en 1770.
Son portrait est exposé Salle des Actes de la Faculté de Pharmacie Paris-V (n°34) et son médaillon figure sur la façade de la Faculté. .
Sur les douze enfants nés de son mariage, il n’en restait que deux, un fils et une fille qui épousa, en 1771, le chimiste Jean d’Arcet, futur président de l’Académie royale des sciences en 1793.
La veuve de Guillaume-François aidée de son beau-frère Hilaire-Marin tint la boutique de la rue Jacob, de 1770 à 1783. Bertrand Pelletier en devint acquéreur et la géra de 1784 à 1797 puis ce fut sa veuve seule de 1797 à 1812 et avec son fils Joseph Pelletier ensuite. Celui-ci, seul titulaire à partir de 1816, y extraira la quinine du quinquina avec Joseph Caventou en 1820. Le numérotage des rues de Paris ayant été réalisé en 1805, l’officine se trouvait au 15 de la rue Jacob, puis au gré des modifications de numérotage, elle reçut les nos 43, puis 45. En 1885, l’officine fut transférée en face au n°48. .
Des cours dispensés par Rouelle, il reste des manuscrits, mais son Cours complet de chimie resta à l’état de projet. La Bibliothèque inter-universitaire de pharmacie de Paris détient six manuscrits et la Bibliothèque nationale possède une copie d’un manuscrit libellé par Diderot.
De ses travaux, on ne connaît que cinq mémoires publiés dans l’Histoire de l’Académie royale des sciences : sur les sels neutres et leur division méthodique, sur l’inflammation de l’huile de térébenthine par l’acide nitrique, sur les embaumements des Egyptiens. .
Il est notoire que Lavoisier, dans sa jeunesse, a connu Guillaume-François Rouelle et a suivi ses cours de chimie, mais a-t-il été effectivement bénéficiaire de cet enseignement ? Les jugements des auditeurs de Rouelle étaient dithyrambiques, ainsi l’apothicaire Antoine-Louis Brongniart, qui fut professeur de chimie au Muséum d’histoire naturelle, considérait Rouelle comme «le père de la chymie en France » ! Diderot qui suivit les cours pendant trois ans et devint son ami, affirmait que :
« le stahlianisme [la doctrine de Stahl] a été connu en France par les leçons de M. Rouelle et par les ouvrages de M. Macquer. Rouelle a répandu le goût de la saine chymie en France (…) il occupe le premier rang parmi les chymistes modernes ».
En 1743 (année de la naissance de Lavoisier), Rouelle était au sommet de son talent d’enseignant et sa renommée avait franchi les frontières. En fait, il était resté fidèle à la théorie des quatre éléments et avait adopté celle du phlogistique de l’allemand Georg Stahl, qu’il modifia d’ailleurs. Cette théorie était à l’honneur en France entre les années 1750 et 1770, Macquer qui était un fidèle élève de Rouelle l’exposa dans ses Eléments de chymie théorique (1749). .
Lavoisier fut à l’origine phlogisticien jusqu’à ce que ses travaux l’eussent convaincu de l’inadéquation de cette théorie à ses résultats expérimentaux. C’est en juin 1785 que son mémoire Réflexions sur le phlogistique enterra définitivement cette conception dépassée. Ainsi, il n’apparaît pas que Lavoisier ait pu bénéficier de l’enseignement de Rouelle, sinon pour en constater l’obsolescence. »
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