Pierre Seyot (1876-1942)

Pierre Seyot (1876-1942)

et l’enseignement  de la botanique et de la mycologie

à la Faculté de pharmacie de Nancy de 1919 à 1942.

Les activités du professeur et les difficultés du doyen

 

Pierre Seyot est arrivé à Nancy peu après la Grande Guerre, et il est mort en activité en 1942. Pendant ses deux décennies de présence en Lorraine, il a eu de nombreuses activités : celles de professeur, de doyen, de pharmacien hospitalier, d’inspecteur des pharmacies, de membre du conseil départemental d’hygiène, de membre du conseil municipal, de président de la Société lorraine de mycologie et de la Société lorraine des sciences. Il est possible que j’oublie certaines de ces activités et que j’en ignore d’autres.

Pierre Seyot de 1876 à 1919 : les études et le professorat à Rennes

Fils de François Seyot et d’Anne-Marie Aubrée, Pierre Marie François Ange Seyot naît le 3 mai 1876 à Chasné(-sur-Illet), à proximité de Rennes, dans l’Ille-et-Vilaine. Élève à Vitré, bachelier en 1893, il effectue alors son stage officinal à Fougères et le valide en 1896. À l’issue d’un service militaire de courte durée, il suit à Rennes les enseignements en vue du diplôme de pharmacien de 1e classe et de la licence ès-sciences naturelles. Il est diplômé pharmacien à Paris en avril 1901 alors qu’il a obtenu trois certificats de licence, dont celui de botanique. Il est aussitôt nommé préparateur de botanique à la Faculté des sciences de Rennes où il travaille pendant douze ans avec le professeur Lucien Daniel[1]. Ce spécialiste de botanique appliquée influence son élève qui va s’intéresser comme lui aux applications de cette science à l’horticulture et à l’arboriculture, ainsi qu’à la mycologie. Pendant l’été de cette année 1901, Pierre Seyot décide d’ouvrir une pharmacie estivale à Paramé, le quartier des plages de Saint-Malo, en vue de s’assurer une indépendance financière lui permettant d’effectuer ses études de médecine. Les ayant entreprises avec succès, il les abandonne toutefois en novembre 1903, ne trouvant plus le temps nécessaire à la conclusion de sa licence tout en étant préparateur à la faculté et en se consacrant aux travaux de son doctorat ès-sciences. La pharmacie de Paramé est vendue en 1909.

En 1904, Pierre Seyot obtient les certificats qui complètent sa licence et il commence à publier les résultats de ses recherches sur les Rosacées et sur le cerisier. Il soutient sa thèse de doctorat ès-sciences naturelles à la Faculté des sciences de Paris en 1908 sur ce sujet : Le cerisier : étude morphologique et physiologique de son appareil végétatif aérien (1908, sans lieu, sans nom, 186 pages). On trouve aussi dans la littérature scientifique un document de titre différent : Études morphologiques et physiologiques sur le cerisier (Rennes, Imprimerie des arts et manufactures, 1908, 184 pages) qui est peut-être un ouvrage tiré de sa thèse, comme cela est classique. Au début de l’année 1910, Pierre Seyot est délégué dans les fonctions de professeur suppléant des chaires de pharmacie et de matière médicale de l’École de plein exercice de médecine et de pharmacie de Rennes. Il est admis au concours de recrutement qui est organisé en juillet. Ses fonctions de suppléant ne durent que deux années, et il est nommé professeur titulaire de la chaire de pharmacie de l’École le 1er novembre 1912. Il démissionne alors de son emploi à la Faculté des sciences.

Pierre Seyot épouse Magdeleine Marie Hamet à Paris le 5 février 1914. Elle est née à Brest le 9 juillet 1888, et je l’ai trouvée qualifiée de « professeur licenciée ». Ils ont trois enfants : Jacques Louis, né en 1914 ; Magdeleine Anne Marie, née en 1916 ; et Louis Jean-Pierre, né en 1917. Au moment de la déclaration de guerre, en août 1914, selon ce qu’écrit le professeur Meunier dans la notice nécrologique qu’il consacre à son collègue en 1942, il est mobilisé en qualité de médecin. Ceci m’étonne car ses études de médecine ne devaient pas être très avancées quand il les a abandonnées en 1903. Il revient des combats (Flandres, Artois, Somme, Verdun) décoré de la croix de guerre. La base Leonore indique qu’il reçoit la Légion d’honneur le 11 juillet 1920, pour prendre rang du 16 juin, en qualité de pharmacien aide-major de 1e classe (lieutenant) au 10e corps d’armée de Rennes.

Nancy : la chaire d’histoire naturelle et les travaux de botanique

Pierre Seyot arrive à Nancy pour succéder à André Charles Hollande qui avait été nommé professeur d’histoire naturelle, mais qui avait presque immédiatement demandé son transfert dans la chaire de bactériologie nouvellement créée. Hollande est présent à Nancy depuis le 1er janvier 1912 en qualité de chef de travaux de micrographie et de chargé d’un cours complémentaire d’histoire naturelle (zoologie). A la suite du départ pour Strasbourg du professeur Pierre Lavialle, titulaire de la chaire, en 1919, Hollande a été nommé professeur d’histoire naturelle le 16 janvier 1920. Comme il est devenu extrêmement compétent en bactériologie pendant le conflit, pendant lequel un laboratoire hospitalier lui a été confié, il demande presque aussitôt son transfert dans la chaire correspondante qui vient d’être créée à Nancy. Il y est nommé le 1er novembre 1920. La chaire d’histoire naturelle est donc à nouveau déclarée vacante par un arrêté du 25 octobre 1920, et c’est à la suite de ce mouvement que Pierre Seyot devient professeur.

Seyot va donc occuper la chaire d’histoire naturelle (botanique) nancéienne jusqu’à son décès en 1942. Il est d’abord nommé chargé de cours magistral à compter du 15 octobre 1919. Au cours de cette année 1919-1920, il dirige aussi les travaux pratiques de micrographie générale et appliquée que lui confie un arrêté du 20 novembre 1919. Il est encore nommé chargé du cours par arrêté du 7 juillet et par arrêté du 2 décembre 1920. Au début de cette année universitaire, il reste chef de travaux de micrographie jusqu’à l’arrivée de son successeur Vogt, nommé par arrêté du 26 novembre. Enfin, un décret du 2 décembre 1920 le nomme professeur titulaire de la chaire à compter du 1er jour du mois. Il s’y consacre à l’enseignement de la botanique, de la cryptogamie et de la mycologie. Il est donc à la fois le successeur de Lavialle et de Hollande, mais aussi l’héritier d’Auguste Sartory dont la spécialité était la cryptogamie et la mycologie. Quand Vogt démissionne, en février 1923, c’est le professeur qui reprend la charge des travaux pratiques jusqu’à la fin du mois d’octobre, puis encore l’année suivante ! Quelques années plus tard, pendant la période qui s’étend de 1929 à 1934, il est également chargé du cours d’hygiène.

Peu après le conflit, en 1921, l’éditeur bien connu Berger-Levrault fait paraître un album de caricatures des professeurs et du personnel de la faculté. Édité sous le patronage du doyen Bruntz, dû au talent de P. Remy et intitulé Nos Proff’s, il rassemble seize portraits-charges qui avaient été réalisés à l’occasion d’une soirée organisée par les étudiants. La section de pharmacie de l’Association générale des étudiants de Nancy a pris la décision de faire imprimer cet album en vue de pérenniser ces représentations, qui sont à la fois très gentilles et très ressemblantes. En parcourant ces pages, on ne manque pas de constater que les professeurs et les chefs de travaux sont présentés dans l’ordre hiérarchique d’ancienneté et de grade. Il est donc possible de s’amuser et de se moquer de ses maîtres, mais pas dans n’importe quel ordre !

Seyot apparaît dans une loupe ; il est assis sur une chaise derrière une table, l’une et l’autre semblant bien hautes… C’est peut-être une allusion à une petite taille que les photographies ne mettent pas en évidence. Cependant la loupe est aussi un matériel d’observation des petits organites végétaux. Le professeur a devant lui un microscope, qui est l’outil habituel du micrographe, et il examine des organes végétaux dont un petit tas se trouve à sa gauche. Ce sont des pépins si l’on en croit la légende du dessin, et cette allusion rappelle ses travaux sur le cerisier. Il a également publié une étude de quinze pages, non datée, sur d’autres pépins : « Étude biométrique des pépins d’un Vitis vinifera cultivé complètement franc de pied et greffé ». Peut-être était-elle parue dans ces mêmes moments ? L’allusion aux pépins peut aussi avoir pour origine le fait que le maître se déplaçait fréquemment avec un parapluie. Il en est en effet question dans la légende ! Il faut encore noter que des champignons se sont développés au pied de la chaise et de la table. Enfin, la présence d’une sorte de fer à cheval sur la semelle de la chaussure est peut-être un rappel à l’équipement du professeur lors des sorties botaniques et mycologiques. 

 

Le professeur Seyot dans l’album des caricatures. Collection P. Labrude.

 

A cette époque en effet, l’enseignement de la botanique comporte encore des séances pratiques au jardin botanique. Celui qui se trouve dans l’enceinte universitaire au pied de la faculté a dû perdre beaucoup de son ampleur par suite des constructions, mais il est possible de se rendre à celui de la rue Sainte-Catherine, qui est situé à côté de la partie de la Faculté des sciences dévolue à la botanique et à la zoologie. Traditionnellement des sorties appelées « herborisations » ont lieu sur le plateau de Malzéville, et, une fois par an, en fin d’année, beaucoup plus loin et sur plusieurs jours. C’est la « Grande Herbo ». Elle a généralement pour cadre les Vosges du côté de Gérardmer et du Hohneck. Mais elle prend aussi quelquefois la direction de Saverne et des Vosges du nord. Un jardin botanique est en effet créé au col de Saverne au début de la décennie 1930. La flore halophile des zones salées, comme Marsal, est également un but d’étude et d’excursion. Car en effet, la dite « herbo » est aussi une occasion de détente festive ! Je ne connais que quelques destinations de cette époque : celle de juin 1925 conduit les participants dans le Haut-Jura, celle de 1926 dans les Hautes-Vosges.

Dès 1920, le Bulletin de la section corporative des étudiants en pharmacie accueille une note intitulée « Quelques plantes nouvelles pour la Flore lorraine ». M. Seyot fait aussi des conférences au profit du Comité lorrain des plantes médicinales (1926).  

Plusieurs thèses d’université portant sur des sujets botaniques sont issues du laboratoire : Blaise en 1921, Sternon en 1925, Legras et Koang-Hobschette en 1929, Bulzacchi et Friteau en 1930, Soulas et Vigneron en 1932, Benoist en 1935, Huon en 1937. En proviennent aussi trois thèses historiques, celle de Martin en 1931 sur les apothicaires de Vitry-le-François, celle de Tétau en 1932, sur ceux de Nancy au XVIIIe siècle, et celle de Romieux en 1937 sur les vieux remèdes bretons. Par contre je n’ai pas trouvé de travail de mycologie. Le professeur Seyot a sans doute inspiré d’autres travaux, et il a présidé des jurys que je ne cite pas car leurs sujets sont trop étrangers aux préoccupations habituelles de sa chaire.

Quelques publications « exogènes » sont à noter : en 1934, des considérations sur le colportage pharmaceutique paraissent dans le Bulletin des sciences pharmacologiques. Elles sont sans doute à mettre en lien avec l’activité de pharmacien inspecteur que Seyot exerce pendant nombre d’années, avec sa volonté de lutter contre les abus commerciaux et son désir de promotion de l’intégrité et de la dignité de notre profession. En 1936, Le Pharmacien de France publie les réflexions d’un ancien doyen sur « La place du stage ». La publication sur un uréomètre à eau pour le sang et l’urine est à mettre en lien avec son activité de biologiste. Plus étrange est le travail intitulé « Un salinimètre pour la mesure de la salinité de l’eau de mer dans les estuaires et le voisinage des côtes » qui est présenté à une réunion scientifique en 1938. Pourrait-il être en relation avec des travaux sur la flore des zones salées de Lorraine ? 

La famille Seyot à Nancy

Peu après l’arrivée de la famille à Nancy, Madame Seyot entreprend des études de pharmacie, qu’elle termine pendant l’année 1926-1927. A partir de l’année 1923-1924, elle est aide-préparateur (ou moniteur) du cours de botanique. Elle adhère à l’Association des anciens étudiants dont le professeur Seyot est également membre, en sa qualité de professeur puisqu’il n’est pas diplômé de la faculté. En 1929, elle succède à son mari à la pharmacie de Maréville et elle en reste responsable jusqu’à 1950, année où Emile-Pierre Steimetz prend sa succession pour environ une année. Jacques Louis Seyot, le fils aîné du couple, devient lui aussi pharmacien. Pendant ses études, il est reçu au certificat de zoologie de la Faculté des sciences en 1934 et il est préparateur de la chaire de son père en 1935 et 1936. Diplômé en 1939, il avait épousé en 1938 Marguerite Pierson, diplômée l’année précédente. Ils s’installent pharmaciens à Eaubonne, aujourd’hui dans le département du Val-d’Oise. Quant à Louis Jean-Pierre, il est reçu docteur en médecine à Nancy en 1945. Madame Seyot, qui est indiquée comme sans profession dans l’acte de décès de M. Seyot en 1942, lui survit longtemps ; elle meurt à Dieulefit en 1981.

 

L’inspection des pharmacies

 A l’époque de Seyot, l’inspection des pharmacies, des dépôts de médicaments des médecins et vétérinaires, et des fabriques et dépôts d’eaux minérales fait partie de la tâche des professeurs, des agrégés et des chefs de travaux pratiques. Si nécessaire, les pharmaciens de 1e classe peuvent y contribuer. Les nominations sont prononcées par arrondissement par le préfet sur proposition du doyen de la faculté. Seyot participe à cette mission dès qu’il est à Nancy. En janvier 1920, c’est pour les arrondissements de Nancy (moins la ville) et de Briey en Meurthe-et-Moselle, et ceux de Verdun et de Montmédy dans la Meuse ; en 1921, ce sont les mêmes localisations. Il se produit alors une suspension d’activité. Celle-ci reprend en 1923, année où il s’occupe de la ville d’Epinal ; à partir de 1924, il est à nouveau responsable de l’inspection de la première circonscription de Meurthe-et-Moselle, constituée par les quatre cantons de Nancy. 1935 est la dernière année où il est inspecteur.

 

L’activité hospitalière

 Le professeur Seyot ne s’occupe pas que de sa chaire. Il participe en effet aux activités des hôpitaux et à leur vie professionnelle. Par arrêté du 1er mars 1922 et jusqu’à 1929, il est pharmacien-chef de l’Asile d’aliénés (sic) de Maréville, en « banlieue » de Nancy. A ce moment, il habite 20 boulevard Emile-Zola à Laxou, une adresse qui est proche de Maréville. Il abandonne peut-être en 1929 en raison de son activité décanale. Dans ce cadre, il travaille aussi au profit des Hospices civils en collaborant à l’élaboration du statut des internes en pharmacie et au projet de construction du bâtiment spécialisé destiné à la pharmacie de l’Hôpital central.

 

Le décanat et la vie publique et scientifique

Lorsque le doyen Bruntz est nommé au rectorat de Nancy en 1929, c’est Seyot qui lui succède au décanat le 1er mars 1929 pour un mandat de trois années. Il effectue un second mandat à compter du 1er mars 1932, mais il ne se représente pas en 1935. Cependant il est amené à reprendre la fonction en 1939. Je reviendrai sur ce point. S’il est effectif que la construction de la nouvelle faculté, rue de la Prairie, future rue Albert-Lebrun, s’est effectuée sous le décanat de son successeur Pierre Pastureau (le doyen Paul Gillot, successeur direct de Seyot, est mort le 2 juin 1935 après seulement un mois de décanat), la documentation montre que les discussions préparatoires ont eu lieu au cours du mandat du doyen Seyot, en liaison avec le recteur Bruntz et la municipalité nancéienne. En sa qualité de professeur d’une faculté, Seyot préside les jurys des sessions d’examens dans les sections pharmaceutiques des deux écoles préparatoires de la grande région qui dépendent de la faculté de Nancy : Besançon (1928, 1935) et Reims (1922, 1923, 1927, 1932). Il est aussi membre ou président de jury du concours d’agrégation à Paris (1926, 1929), membre du conseil académique en 1928, et du jury du concours d’internat à Nancy.

En dehors de ses activités professorales, décanales et hospitalières, Seyot participe à la vie municipale, et il appartient au Conseil départemental d’hygiène. Au plan scientifique, il fait partie de la Société des sciences de Nancy depuis 1920, et de la Société botanique de France depuis 1925. Mentionnons enfin qu’en sa qualité de doyen, il est l’auteur du chapitre sur la faculté qui paraît dans l’ouvrage sur l’université (L’Université de Nancy 1572-1934) qu’édite la revue régionale Le Pays lorrain en 1934. Mais, sans aucun doute, de toutes ses activités, la plus importante est la présidence de la Société lorraine de mycologie qu’il exerce à partir de 1921 et jusqu’à sa mort survenue en 1942.

Une vie universitaire essentiellement consacrée à la mycologie

C’est la mycologie qui devient son « point d’ancrage ». Il s’y consacre en effet rapidement après son arrivée à Nancy puisqu’il est élu président de la Société lorraine de mycologie dès le 9 mai 1921. La société avait bien sûr souffert de la guerre, mais aussi de l’affectation de son président Sartory à Paris pendant le conflit, et ensuite de son départ pour Strasbourg en 1919. Plusieurs années s’étaient donc passées sans qu’il ait été possible d’avoir beaucoup d’activité.

L’intérêt qu’il porte aux champignons est certainement dû à l’activité que le professeur Daniel y consacrait à Rennes lorsque lui-même y était étudiant puis assistant. Il devient membre de la Société mycologique de France[2] le 1er septembre 1921, étant parrainé, selon Dillemann, par MM. Philibert Guinier (membre de l’Ecole forestière de Nancy) et Fernand Moreau, cependant qu’il préside aux destinées de la société lorraine à partir de mai de cette même année. Chaque lundi, de onze heures à midi, de la mi-juillet à la fin d’octobre, il reçoit les mycologues à son laboratoire pour des séances d’identification. La faculté prête bien sûr ses locaux pour l’assemblée générale de la société et pour les expositions publiques. Le cours public dont s’occupait Sartory avant la Grande Guerre reprend à l’hiver 1920. Il a lieu en début d’année civile (janvier et février), le jeudi de 17 heures à 18 heures, sous la forme d’un cycle bisannuel de « causeries » illustrées par les aquarelles du maître. La société est réorganisée, cependant que les excursions printanières et automnales reprennent. Il en est de même pour les expositions qui constituent un moyen majeur d’information et de formation du public intéressé. Les trois premières présentations ont lieu en 1922 ; deux se déroulent à la faculté, en septembre et en octobre, et la troisième est « délocalisée » à Saint-Dié (Vosges) où réside l’ancien professeur de pharmacie galénique de la faculté, Grélot. De nombreuses villes des quatre départements qui constituent historiquement la région lorraine accueillent les expositions des années suivantes, qui sont assorties de conférences et de présentations des espèces exposées. Aussi la société se renforce-t-elle de sections nouvelles et que les effectifs s’accroissent. C’est en 1925 que le nombre des membres est le plus élevé : 674. Emile Steimetz, futur président de la société et futur professeur de mycologie est entré à la société l’année précédente.

La société avait commencé avant la guerre à faire paraître un bulletin, le Bulletin de la Société lorraine de mycologie. Deux numéros étaient parus. La publication ne réapparaît qu’en 1922, compte tenu des perturbations dues à la guerre, et ce numéro 3 couvre toute la période qui s’est écoulée depuis la mobilisation de 1914. La parution se poursuit dès lors assez régulièrement, avec le plus souvent un numéro annuel, jusqu’au numéro 12, en 1936, qui marque la fin de la première série de la revue. Le président Seyot participe à la rédaction de ce bulletin dès sa nouvelle parution. Des éléments de son cours public paraissent dans les numéros successifs ; ils portent sur les champignons anormaux (1922), sur les Amanites (1930), sur les bolets (1934) et sur les Lactaires (1936, avec deux autres notes). Le Bulletin de l’Association des anciens étudiants de la Faculté publie également ses travaux : l’étude sur les Amanites paraît dans le numéro 16 en 1928-1929. Il en est de même quelques années plus tard (1934) pour l’atlas de bolets. En 1921, Seyot fait aussi éditer des tableaux muraux destinés aux établissements d’enseignement primaires et secondaires. Des tableaux de classification du règne végétal paraissent en 1928.

La session annuelle de la Société mycologique de France a lieu à Nancy du lundi 26 septembre au dimanche 2 octobre 1932, et le « président-doyen » met les locaux de la faculté à la disposition de la société pour les réunions administratives, les sessions scientifiques et deux expositions publiques de champignons. Il présente une note sur des « champignons nouveaux ou atypiques », cependant que Steimetz participe à l’organisation matérielle de la session. Une visite de la ville permet de présenter les facultés et les instituts universitaires. Elle se termine à l’Institut botanique et agricole que son directeur, le professeur Gain, fait visiter. Quatre expositions de champignons sont organisées au cours de cette semaine : d’abord à Nancy, puis à Lunéville, ensuite à Metz et enfin à nouveau à Nancy, chacune d’elles se déroulant sur deux jours. Des excursions ont lieu, d’abord dans les forêts avoisinantes (Haye, Vitrimont, Mondon et Fréhaut), puis dans les Vosges et à Colmar, enfin dans les bois de Woippy et de Saulny, près de Metz. Les congressistes n’ont pas le temps de s’ennuyer !

Pendant ses années de professorat et ses mandats présidentiels successifs, Seyot rédige plusieurs ouvrages scientifiques et didactiques sur les champignons. Le premier, en 1923, s’intitule « Les principaux genres de champignons Petite flore du format album de poche », et comporte, en 36 pages, divers tableaux de détermination illustrés de nombreuses figures dues à l’auteur. Vient ensuite l' »ABC mycologique », dont la première édition, en 124 pages illustrées de nombreuses figures et de dessins aquarellés, est subventionnée par le ministère de l’Instruction publique. Il est de 1923. Deux autres éditions lui succèdent. Celle de 1931 porte un titre plus précis auquel a été ajoutée la mention « livre de poche de l’amateur, contient tout ce qu’il faut savoir pour cueillir des champignons sans crainte d’empoisonnement ». L’ouvrage est le support du cours public, mais il est aussi utilisé sur le terrain. Il est facile à trouver aujourd’hui sur internet. Plus tard suivent « Les Amanites et la tribu des Amanitées » (1930), « Les Bolets de France » (1935) et l' »Atlas des Lactaires » (1938).

Seyot participe à la rédaction du livre jubilaire du professeur Lucien Daniel, dont il a été question plus haut. Cet ouvrage est édité à Rennes chez Oberthur en 1936 (Mélanges dédiés au Professeur Lucien Daniel, Correspondant de l’Institut, Université de Rennes 19 décembre 1936, 1936, 638 p.). Il y est l’auteur d’un texte intitulé Agaricus danieli, pages 479 à 485. Le Bulletin de la Société d’histoire naturelle des Ardennes publie son travail sur Armillaria mellea en 1939. M. Seyot est membre d’honneur de la société depuis 1924. Cependant, la production scientifique du professeur Seyot reste modeste, même en tenant compte de ses ouvrages. À un moment où le nombre de thèses d’université est important, je n’en ai compté aucune de mycologie.

Seyot membre et président de la Société des sciences de Nancy

 Un court paragraphe doit être consacré à la participation de Seyot aux travaux de cette société très ancienne (1828, Société des sciences naturelles de Strasbourg), qui est « arrivée » à Nancy avec l’Ecole de pharmacie en 1872. Il est présenté le 15 décembre 1920 par MM. Grélot (professeur à la Faculté) et Nicolas, qui sont ses parrains. Admis le 15 janvier 1921, il présente bientôt deux communications : « Sur la possibilité de stéréophotochromie par la méthode indirecte » et « Sur deux champignons anormaux ». En 1930, la revue de la société accueille son travail sur les amanites, qui est également paru dans le Bulletin de l’Association des anciens étudiants. En 1933, c’est le tour de celui qui est consacré aux bolets. « Un nouvel uréomètre de précision » paraît dans les Mémoires de la Société en 1934. Ce travail doit être en rapport avec l’activité de biologie médicale du pharmacien de l’asile de Maréville. Seyot est élu président de la société en 1929.

 

La Seconde Guerre mondiale et les difficultés du professeur redevenu doyen…

 En décembre 1938, le doyen Pastureau est contraint à demander à être relevé de ses fonctions en raison de son état de santé. Le nouveau doyen, nommé le 31 janvier 1939, est le professeur Fernand Kayser, titulaire de la chaire de chimie, tandis que l’assesseur est le professeur Meunier, titulaire de la chaire de pharmacie galénique. En septembre, le conflit les conduit l’un et l’autre à être mobilisés, si bien que le doyen honoraire Pierre Seyot est amené à entamer un troisième mandat décanal, à titre provisoire. Celui-ci va s’achever en juillet 1942 avec son décès. Mais ces deux années, qui suivent la défaite et pendant lesquelles débute l’occupation allemande, sont marquées par de nombreuses difficultés.

Nancy se trouvant en zone interdite, ceux qui en sont partis en mai et juin 1940 et ceux que leur affectation militaire a amenés loin de Nancy ne peuvent y revenir. La rigueur de la ligne de démarcation particulière qui sépare l’Est du reste de la zone occupée ne s’assouplit qu’à partir de décembre 1941. Le professeur Meunier a décrit les péripéties de son retour à Nancy. Pour regagner la faculté en août 1940, Cordebard doit disposer d’un ordre de mission et d’un laissez-passer. Chacun ne peut pas en obtenir car en effet, certaines catégories de personnes sont déjà visées par des mesures coercitives. Par ailleurs, les Allemands occupent différents bâtiments universitaires qu’ils ont trouvés vides ou inutilisés en arrivant au mois de juin. C’est le cas de la nouvelle faculté de pharmacie qui n’est pas terminée. Si le gros oeuvre est achevé, l’aménagement intérieur n’est pas réalisé et le chantier est à l’arrêt. Les Allemands en font un camp de prisonniers de guerre et ils refusent de la rendre en dépit des demandes du doyen.

C’est le 5 octobre 1940 que le recteur Bruntz est autorisé à ré-ouvrir l’université. Toutefois l’occupant pose ses conditions. La Kommandantur précise entre autres choses que les bâtiments qu’elle occupe depuis son arrivée restent à sa disposition, que les professeurs juifs doivent être exclus de l’université et que les étudiants juifs n’y sont pas admis. A la faculté, l’exclusion concerne le professeur Kayser, doyen, et le professeur Roger Douris, titulaire de la chaire d’analyse chimique et toxicologie. Ils n’exercent plus à partir de décembre 1940. Entre-temps, le recteur Bruntz, né en 1877 et donc seulement âgé de soixante-trois ans, a été relevé de ses fonctions à compter du 15 novembre 1940 et remplacé par le doyen de la Faculté de droit, le professeur Félix Senn. A la faculté, il faut donc continuer à faire assurer les enseignements par ceux qui sont présents à Nancy, ceci dans des conditions assez similaires à celles qui existent depuis septembre 1939. En effet, d’autres enseignants que ceux que l’occupant exclut sont absents, soit parce qu’ils sont loin (par exemple en Afrique du nord) et que le voyage est difficile, soit parce qu’ils ne tiennent pas à revenir compte tenu de la situation. Le doyen éprouve des difficultés pour obtenir leur retour. La situation est encore compliquée par le fait que les exclus sont révoqués, et qu’il faut trouver des personnes susceptibles d’assurer le service des chaires, en d’autres termes qui sont docteurs ès sciences ou pharmaciens supérieurs. La procédure de recrutement du successeur de ces réprouvés sera même mise en route. C’est ainsi qu’Henri Cordebard, chef de travaux, est chargé du service de la chaire d’analyse chimique et toxicologie à compter du 1er janvier 1942. Il « remplace » le professeur Douris évincé par les lois d’exclusion. Par suite de l’absence de certains professeurs dont la présence au jury aurait été normale compte tenu du sujet (le dosage de l’éthanol en milieu chromique), c’est Seyot qui préside le jury de soutenance de la thèse de pharmacien supérieur de Cordebard le 29 décembre 1941.

Le décès du maître et ses conséquences pour la faculté

Pierre Seyot était malade. Le professeur Meunier écrit qu’il ne venait plus à la faculté depuis un certain temps. Il meurt à son domicile de la rue Montesquieu dans l’après-midi du 20 juillet 1942, dans sa soixante-septième année. La Faculté doit donc élire un nouveau doyen et pourvoir à l’enseignement de la chaire dont il était titulaire. C’est le professeur Meunier, assesseur, qui accepte la charge décanale mais en refusant de porter le titre afin de ne pas gêner son collègue Kayser, passé dans la clandestinité, et de ne pas laisser penser que la situation d’exclusion est un fait acquis et admis. Les trois enseignements que dispensait M. Seyot échoient à Emile-Pierre Steimetz, chef de travaux de micrographie et docteur ès sciences, qui les conserve jusqu’en 1945. La chaire d’histoire naturelle reste vacante jusqu’à la nomination d’abord provisoire du professeur Robert Franquet, qui vient du Muséum et prend en charge la botanique et la cryptogamie, qu’il étend à la mycologie médicale, dont il va faire un point fort de la faculté. Steimetz conserve alors la mycologie avec les champignons supérieurs, à laquelle il s’intéressait déjà comme nous l’avons vu, et celle-ci devient son domaine de prédilection. Il est nommé maître de conférences de sciences naturelles puis professeur à titre personnel après la guerre. Le professeur Kayser sera réintégré en octobre 1944 et il reprendra ses fonctions décanales. Il en sera de même pour Douris. Pour sa part, le recteur Bruntz sera symboliquement réintégré le 10 octobre 1944, et admis officiellement à la retraite à compter de ce mois.

Très accaparé par toutes ses activités administratives et publiques, le professeur Seyot a assez peu publié et, s’il a dirigé plusieurs thèses de botanique et même d’histoire, il est étonnant de constater que la mycologie n’a pas beaucoup fait l’objet de son attention de chercheur et de directeur de thèses. Il s’est surtout consacré à des ouvrages d’enseignement et destinés aux mycologues. En arrivant en 1919, il était titulaire de la Croix de guerre 1914-1918. La croix de chevalier de la Légion d’honneur lui a été décernée le 16 juin 1920, et il a reçu la rosette d’officier de l’Instruction publique le 4 septembre de la même année. Enfin, il a été nommé chevalier du Mérite agricole en 1933.  

 

Pierre Labrude
Janvier 2021

 

[1] Lucien Louis Daniel (1856-1940) a débuté sa carrière dans l’enseignement primaire et l’a poursuivie dans le secondaire. Elève de Gaston Bonnier, c’est un spécialiste de botanique appliquée. A la Faculté des sciences de Rennes, où il est présent de 1901 à 1927, il est d’abord chargé d’un cours libre de botanique appliquée à l’horticulture. Il devient ensuite maître de conférences et enfin professeur titulaire. C’est aussi un mycologue averti.

[2] La Société mycologique de France est née à Epinal, dans le département des Vosges, lors d’une exposition de champignons organisée par la Société d’émulation du département, les 5 et 6 octobre 1884. Elle est la doyenne des sociétés mycologiques.

 

Voir  aussi La Mycologie et les pharmaciens (Dillemann, 1984)

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