M.-F. Geoffroy (1644-1708) et son jour de gloire
Article de Olivier Lafont
(17/3/1990 (Moniteur des Pharmacies et des laboratoires, n°1883)
« C’est au sein de l’une de ces dynasties d’apothicaires parisiens, étudiées par G. Planchon1, que naquit Mathieu-François Geoffroy. Son bisaïeul, Baptiste Geoffroy, était déjà maître sous le règne d’Henri III et son grand-père, Étienne Geoffroy, avait occupé les prestigieuses fonctions d’échevin en 1636, à une époque où, selon Fontenelle2, elles n’étaient accessibles qu’à « des bourgeois d’ancienne famille et d’une réputation bien nette, espèce de noblesse qui devroit bien valoir celle dont la preuve ne consiste que dans les filiations ». C’est cet Étienne I qui avait installé la boutique familiale rue Bourgtibourg « près le cimetière Saint-Jean »3.
Un honnête homme.
La notoriété dont jouissait ce notable peut se mesurer à la solennité de la pompe déployée lors de son décès le 17 août 1673, à l’âge de 87 ans. La teneur du billet d’enterrement rédigé en cette occasion en porte témoignage : « Vous estes priez d’assister au Convoy, Service et Enterrement de deffunt M. Geoffroy, Doyen des échevins, Doyens= des juges consuls, Doyen des maistres et gardes apothicaires-espiciers, Ancien Commissaire des pauvres et Ancien Marguillier… »
Le fils du titulaire de ces nombreuses dignités, également nommé Étienne, reçu maître en 1638, avait épousé Marie, la fille de François Fremin, un maître chirurgien réputé. Leur héritier, Mathieu-François, fut baptisé le 20 mai 1644 en l’église Saint-Paul, comme il ne manqua pas de le préciser dans son journal qu’édita P. Dorveaux4. Si l’on trouve mention, dans ce document, de ses études au collège des Jésuites, futur collège Louis-le-Grand, au séminaire de Saint-Charles ou au collège de Navarre, on chercherait en vain, dans ces « vingt-cinq feuillets volants in-8 », trace de sa réception comme maître apothicaire, pourtant dûment enregistrée à la date du 22 novembre 1666 !
Ses biographies1,5 s’accordent à reconnaitre que Mathieu-François n’a, en aucune façon, laissé une œuvre scientifique comparable à celles de ses fils, Etienne-François6,7 ou Claude-Joseph8, qui appartinrent tous deux à l’Académie des sciences. En revanche, cet honnête homme avait des relations et connaissait à merveille l’art d’en user.
Lorsque le voyageur anglais Lister se mêla de décrire une boutique d’apothicaire, ce fut tout naturellement la sienne qu’il choisit : « Il y en a de fort ornées et qui ont même un air de grandeur, telles que celle de M. Geoffroy. Elle est dans la rue Bourgtibourg ; l’entrée de la basse cour est une porte cochère avec des niches où sont de grands vases de cuivre. Quand vous êtes entré, vous trouvez des salles ornées d’énormes vases et de mortiers de bronze, qui sont là autant la parade que pour l’usage. Les drogues et les préparations sont dans des armoires rangées autour de ces pièces. Sur les dernières sont des armoires très propres et parfaitement montées. J’ai beaucoup à me louer de la politesse de ce savant à mon égard9. »
Dans cette officine se tenaient, si l’on en croit Fontenelle, « des conférences réglées où M. Cassini apportoit ses planisphères, le P. Sébastien ses machines, M. Joblot ses pierres d’aiman, où M. du Verney faisoit des dissections et M. Homberg des opérations de chimie, où se rendoient, du moins par curiosité, plusieurs sçavants fameux et de jeunes gens qui portoient de beaux noms »2.
Lorsqu’en 1694, Mathieu-François dut choisir un « conducteur » pour l’examen de maîtrise de son fils Etienne-François, le futur théoricien des affinités chimiques, ce n’est pas à quelque membre obscur de la communauté qu’il s’adressa mais à Simon Boulduc, alors à la veille de sa nomination à l’Académie des sciences, titulaire de charges à la Cour et accessoirement apothicaire de Saint-Simon, ce qui ne fit pas peu pour sa renommée10. Le vieil adage « passe-moi la casse, je te donnerai le séné » trouva une application des l’année suivante, lorsque Geoffroy rendit le même service aux Boulduc à l’occasion de la réception de leur rejeton, Gilles-François1, 6.
Parallèlement, le correspondant de la famille à Montpellier, Pierre Sanche, appartenait à une célèbre lignée d’apothicaire et de médecins ; c’est chez ce maître méridional que le jeune Etienne-François accomplit, entre 1692 et 1693, un séjour studieux de dix mois, tandis que le fils Sanche était accueilli rue Bourgtibourg4.
Les rapports de Geoffroy avec le monde des arts ne le cédaient pas en qualité à ceux qu’il entretenait avec les hommes de sciences. Son dessinateur attitré avait nom Sébastien Leclerc et il ne répugnait pas à se faire représenter par des peintres en renom, tels Nicolas de Plate-Montagne ou le célèbre Largillière, même si, en raison de ses fonctions officielles, le choix de l’artiste ne lui était pas toujours imputable.
Quant aux personnes de distinction qui lui accordaient leurs pratiques, au nombre desquelles on peut relever le duc de Chaulnes, l’abbesse de Vernon, l’intendant de Caen, Foucault, l’épouse du Grand Dauphin et, surtout, la famille Le Tellier avec le chancelier, sa veuve, puis Louvois lui-même, dont il avait été le condisciple au collège de Clermont, leur position sociale en faisant autant d’intercesseurs à son égard, tels Mme de l’Ivry, qui lui fit présent d’une boucle de diamants, ou Foucault, qui lui offrit une superbe pendule à répétition. la palme revint toutefois à la chancelière qui, non contente de lui avoir fait don d’une magnifique « bague d’un seul diamant brillant », ainsi que de sommes d’argent importantes, tint à le coucher sur son testament, sans oublier son fils aîné4. L’entregent de notre apothicaire lui permit d’occuper bien des fonction honorifiques : commissaire aux pauvres en 1677, marguillier de l’église Sain-Paul en 1683, garde de la Communauté en 1684, etc. Aucune de ses satisfactions d’amour propre ne saurait toutefois se comparer à celles dont le digne petits-fils d’Etienne I fit sobrement état dans son journal, à la date du « jeudy 16 aoust 1685 » : « J’ay esté eslù premier Echevin ».
Une vie d’échevin.
L’administration de la ville de Paris, en cet été 1685, comportait à sa tête un prévôt des marchands qui se trouvait être, depuis 1684, Henri de Fourcy, chevalier, seigneur de Chessy, président aux requêtes. il était assisté de 4 échevins dont deux étaient en poste depuis l’année précédente : Denis Rousseau et Jean Chuppin. Les deux nouveaux officiers, Mathieu-François Geoffroy et Jacques Gayot avaient été élus pour deux ans, conformément aux statuts, le lendemain de l’Assomption11. Depuis 1681, ces fonctions étaient seules encore électives ; les autres « Messieurs de la ville », de moindre rang, occupaient des offices vénaux12. On ne comptait, en 1686, pas moins de quatorze conseillers, six quarteniers, un greffier, un procureur et un receveur11. L’élection devait être confirmée par le conseil du Roi et les nouveaux échevins présentés par le prévôt à Versailles. Le journal de M. F. Geoffroy mentionne cette cérémonie : « le dimanche 19, j’ay eu l’honneur de prester serment entre les mains du Roy à Versailles et de la esté à Chaville saluer M. Le Chancelier et au retour j’ay donné à soupé à tous Messieurs de la ville. » La visite au chancelier Michel Le Tellier, qui devait mourir le 30 octobre suivant, était-elle destinée à remercier le ministre d’une intervention efficace ou de simple politesse ? Le doute demeure permis. Le repas de réception, quant à lui, revenait d’une tradition bien établie.
La première grande manifestation publique à laquelle participa M.-F. Geoffroy mérite que l’on s’y attarde, bien que le commentaire qu’il nous en laissa soit fort lipdaire : Le Jeudy 28 mars, j’étois en qualité d’échevin à la cérémonie de la place des Victoires. » Cette place circulaire, qui demeure, en dépit de bien des dépradations, l’une des plus harmonieuses de Paris, fut l’oeuvre commune d’un courtisan particulièrement flatteur, le maréchal de la Feuillade, et d’un architecte encore peu connu, Jules Hardouin dit « Mansart ». Un ouvrage publié à Amsterdam en 172013 résume on ne peut plus clairement l’affaire : « Le marquis d’Aubusson de la Feuillade fit cette même année (1686) ériger une statue à la gloire du Roi dans une place ouverte expressément et qu’on appela la place des Victoires, à cause que les principales victoires ou conquêtes du Roi y furent représentées dans des médaillons de cuivre, attachés à quatre groupe de colonnes posées aux quatre coins de cette place, sur lesquelles le fondateur voulut qu’il y eût des lumières perpétuellement ardentes pour éclairer la statue. » Ces illuminations furent brocardées et l’on chanta :
« La Feuillade; sandis, je crois que tu me bernes d’avoir mis le Soleil entre quatre lanternes. »
Le Roi avait été représenté par Van den Bogaert dit « Desjardins » « en costume du sacre à pied et couronné de lauriers par une victoire » 14, 15. Le socle de marbre blanc portait sur l’inscription « viro immortali » et était entouré de « quatre captifs de bronze, enchaînés de chaînes dorées, l’Espagnol, le Hollandais, l’Allemand et le Turc ».
C’est donc le 28 mars 1686 que l’inauguration eut lieu, comme le confirment les archives municipales11. Dès neuf heures du matin, le colonel, les officiers et les archers de la ville étaient à cheval et « en fort bon ordre et équipage ». Sur les dix heures, Messieurs de la ville, prévôt et échevins compris, vinrent revêtir leur « robbe de velours ». il s’agit des fameuses robes mi-parties, épaule droite rouge et épaule gauche couleur du tan. Cette teinte est bien sûr celle du tannage et non du temps, réalité bien prosaïque mais dont la connaissance aurait épargné bien du tracas aux réalisateurs du film « Peau d’âne ». Après une collation, l’ordre hiérarchique de marche fut précisé « pour prévenir les contestations ». Il fallu même distribuer « à chacun son billet du rang qu’ils auroient à tenir ». Ce luxe de précautions n’avait rien de superflu car, en ce siècle passionné de préséance, certaines réunions officielles, moins bien organisées, se terminèrent en pugilat, les dignitaires en grande tenue échangeant des horions pour une chaise bien placée.
Après avoir rejoint le duc de Crequi, gouverneur de la capitale ainsi que le régiment des gardes, ces messieurs purent enfin se rendre sur les lieux de l’inauguration, non sans avoir dû définir, chemin faisant, un nouvel ordre de marche ! Après la cérémonie et le traditionnel souper, le gouverneur, le prévôt et les échevins , suivis des autres officiers de la ville « vestus de leur robbe » reçurent Monseigneur (le Grand Dauphin), Monsieur et Madame (Philippe d’Orléans et la Palatine), Monsieur le duc (de Condé), M. et Mme de Bourdon, accompagnés de plusieurs « seigneurs et dames de la Cour ». La journée se termina par un feu d’artifices11. Tout cela n’eut pas l’heur de plaire au jeune duc de Saint-Simon qui trouva une occasion de stigmatiser l’orgueil du Roi : « Sans la crainte du Diable que Dieu lui laissa jusque dans ses plus grands désordres, il se seroit fait adorer et auroit trouvé des adorateurs ; témoins entre autres ces monuments si outrés, pour en parler même sobrement : sa statue de la place des Victoires et sa païenne dédicace, où j’étois, où il prit un plaisir si exquis »16.
Beaucoup moins mondaine fut la sortie du mercredi 2 octobre 1686 : Je suis party de Paris en qualité de premier échevin pour aller faire la police sur les ports le long de la Seine en remontant, veu en même temps la rivière de Loin depuis Moret jusqu’au canal de Briare, etc. » Cette activité fluviale entrait tr-s exactement dans les attributions des héritiers de l’ancienne Marchandise de l’eau et ce document peut même servir à définir cette partie de leur rôle.
Entre-temps, le 23 septembre, notre apothicaire avait rendu visite à Longcorne, à « Mme de Chaunes, malade d’une colique ». il devait d’ailleurs reprendre la route, le 18 octobre, et « partir en poste pour Beauregard, proche de Blois, chez M. et Mme Fieubet, y voir M. de Launac, malade ». Ainsi se déroulait une vie d’échevin au XVIIe siècle, les obligations officielles alternant avec les tâches administratives sur un fond de poursuite de la profession d’origine. Le jour de gloire d’un apothicaire. Le journal de M.-F. Geoffroy porte, à la date du 18 novembre 1686, mention de l’opération de la fistule à l’anus… faite au Roy par M. Felix, son premier Chirurgien ».
Le marquis de Sourches donna de cette intervention, qui avait été longtemps différée en raison de la qualité du patient, une relation fort précise, dont ces quelques lignes donnent le ton : « Le Roi ne cria point et dit seulement « Mon Dieu ! » quand on lui fit la première incision. Comme l’opération étoit presque faite, il dit à Félix de point épargner et qu’il le traita comme le moindre particulier de son royaume ; ce qui obligea Félix de lui donner encore deux coups de ciseau… »17.
L’opération avait débuté à huit heures et la relation officielle précise : « le Roi fut saigné sur les onze heures par précaution, entendit la messe à midi et à deux, on lui porta un potage qu’une trentaine de personne lui virent manger. Le conseil se tint d’ailleurs naturellement à cinq heures et dura deux fois soixante minutes ! Le souverain avait tout de même subi deux coups de bistouri et huit coups de ciseau » 18.
La convalescence ne se passa toutefois pas très bien et des « duretés » étant apparues, il fallut, le 7 décembre, effectuer de nouvelles incisions, « mais cela ne put s’exécuter sans causer au Roi d’étranges douleurs et même lui donner un peu de fièvre »17. La conclusion de cet épisode chirurgical peut être trouvée dans cet ouvrage publié anonymement à Amsterdam et cité plus haut : « Il guérit en effet au grand contentement de ses peuples qui, quoique plus chargez qu’ils ayent jamais été sous son règne, ne laissent pas d’avoir pour ce Prince la dernière vénération »13.
Pour rendre grâce à Dieu de sa guérison, Louis XIV décida d’assister à un office dans la cathédrale de Paris. Ce fut une des très rares occasions où le souverain fit visite à sa capitale et, comble de félicité pour Messieurs de la ville, le Roi accepta de présider un banquet !
La composition du bureau avait changé le 16 août et deux nouveaux échevins, Nicolas Chuppin et Jean-Gabriel de Sanguinière avaient remplacé les deux sortants11.
Notre apothicaire écrivit fièrement dans son journal : « Le jeudy 30 janvier, le Roy, après avoir entendu la messe à Nostre Dame, vint disner à l’Hostel-de-Ville : M. de Fourcy, prévost des marchands, eut l’honneur de servir Sa Majesté et moy de servir Monseigneur le Dauphin en qualité de premier Echevin. »
C’était en effet la coutume depuis la visite de Catherine de Médicis, en 1549, que les convives royaux fussent servis par Messieurs de la ville, en suivant parallèlement l’ordre hiérarchique. il était donc conforme à la tradition que le service du Dauphin, second personnage de la Cour, fût assuré par le deuxième dignitaire de la ville : Geoffroy.
Le Roi et sa suite avaient emprunté le pont Notre-Dame « dont les maisons nétoient ornées de riches tapisseries, de tableaux et de miroirs avec des lustres suspendus d’espace en espace ». Les membres du bureau de la ville, « vestus de robbe de velours…réceurent sa Majesté au bas des degrez à la descente de son carrosse ». Le banquet eut lieu dans la grande salle. Le buffet de vermeil doré de la ville y avait été dressé. « Les plats estoient portés six vingt archers de la ville. » » Le premier service fut de cent cinquante plats ou assiettes et le deuxième de vingt deux grands plats de rôts, de vingt et un plats d’entremets et de soixante quatre assiettes. Et le troisième service qui étoit le fruit, fut servy avec la mesme abondance et avec une quantité de fleurs extraordinaire, qoyque la gellée fut des plus fortes, et ensuite on servit toutes sortes de liqueurs ; et pendant le repas, les vingt quatre violons et les haubois du Roy qui estoient sur un amphithéâtre, au coing de la salle proche de la porte, jouèrent »11.
Avec un tel menu et compte tenu de l’appétit légendaire du Dauphin, notre premier échevin ne dut guère avoir de répit.
Détail gastronomique curieux : « On avait été jusqu’à Rouen chercher des veaux engraissés dans les pâturages des bords de la Seine et appelés veaux de rivière, c’était un mets très goûté à cette époque » 19, 20, 21.
Le peuple de Paris n’avait pas été exclu de ces réjouissances, pâtés et viandes froides accompagnaient le vin qui coulait à flots, à son intention, de quatre fontaines et de quelque sept mille bouteilles ! Ce n’était d’ailleurs qu’un juste retour des choses, car le carrosse royal avait été subi par « de continuelles acclamations de crys « Vive le Roy ! ». Cet accueil populaire spontané et sincère a été récemment présenté comme « un des sommets psychologiques du règne »22. Pas question de repos après cette glorieuse mais épuisante journée pour les malheureux échevins. On peut en effet relever dans les notes de M.-F. Geoffroy que : « le lendemain, 31 janvier, la ville fut à Versailles remercier le Roy de l’honneur qu’il lui avoit fait ».
Le service municipal reprit son cours ponctué parfois de satisfactions tangibles mais surtout riche en obligations : un office à Notre-Dame pour le prince de Condé, une visite au Parlement et à la Chambre des comptes, la réception d’un nouveau gouverneur ou la signature d’un contrat avec le maréchal de le Feuillade pour l’entretien de sa fameuse statue.
Il semble que, peu à peu, Mathieu-François ait fait une affaire personnelle des tâches relative à la commémoration de la journée du 30 janvier. Il s’occupa tout particulièrement des médailles, réalisées comme on pouvait s’y attendre, par Sébastien Le Clerc et dont les dessins furent retrouvés dans les papiers de ses héritiers3. C’est ainsi que l’on peut lire dans son journal que : « le dimanche 15 juin, la ville fut à Versailles présentée au Roy et à toute la Cour, des médailles qui avoient esté frappées exprès au sujet de l’honneur qu’elle a receu. » Toute la ville était encore du voyage mais il n’en alla pas de même la fois suivante : « Le mercredy 30 juillet, j’ay esté député de la ville pour aller à Saint-Cloud présenter des médailles à M. le duc de Chartres (le futur régent), qui n’estoit point à Versailles lorsque la ville y fut en distribuer. »
Des médailles allaient encore causer du tracas au premier échevin par deux fois en 1688. « Le vendredy 12 mars, M. Petit, Me du Balancier du Roy, m’a livré cent deux médailles que le Roy avoit fait frapper au sujet du disné qu’il avait fait à l’Hostel-de-Ville pour estre distribuées à Messieurs de la ville. » »Le samedy 13, j’ay esté à Versailles prendre l’ordre du Roy de M. de Louvois pour en faire la distribution que je fis les trois jours suivants. »
L’autre grand mode de diffusion de l’époque ne fut pas négligé pour faire connaître ce glorieux évènement à la population et c’est tout naturellement notre apothicaire qui s’en chargea : « J’ay fait dans le mois de décembre (1687) la distribution de l’estampe que la ville a fait graver au sujet de la venue du Roy à l’Hostel-de-Ville. »
Matthieu-François ne mentionne qu’une gravure ; on en connait pourtant, de nos jours, au moins deux qui proviennent d’almanachs et commémorent cette fameuse journée. la plus remarquable11, qui est reproduite ici, s’intitule : « Louis le grand amour et les délices de son peple » et porte en sous-titre : « Le disné du Roy à l’Hostel-de-Ville de Paris ». Le banquet en constitue le thème principal et l’on distingue fort nettement Geoffroy. Notre premier échevin, en grande tenue, se trouve derrière le Dauphin et porte un plateau sur lequel on remarque une superbe carafe, à sa gauche, le prévôt tient un plateau identique destiné au service du Roi, qui occupe le centre de la scène. Aux murs, sur le dais qui surplombe la table ou dans des cartouches, sont figurées « les actions de grâces, les festes et les réjouissances pour le parfait rétablissement de la santé du Roy en 1687. » tant en France que « dans les pays estrangers ».
La seconde estampe, dont G. Brière et coll. ont publié une reproduction23, sous le titre « Réception du Roi à l’Hotel-de-Ville, le 30 janvier 1687 », montre l’accueil fait au souverain à sa descente de carrosse. Tant d’énergie déployée autour de Louis XIV dans sa propre capitale, aussi somptueuse fut-elle, paraît quelque peu futile à l’observateur moderne. Il n’en était rien, cette cérémonie avait une signification politique ; elle marquait, après les désordres de la Fronde, une réconciliation entre la ville et son roi.
Ce n’est donc pas à la glorification d’une simple manifestation mondaine, particulièrement réussie, que Mathieu-François Geoffroy consacra son temps et son efficacité ; c’est la démonstration de l’union entre le monarque et son peuple.
Olivier Lafont
Bibliographie :
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