Nous avons vu déjà plusieurs expositions sur les thèmes abordés par les publicitaires de l’industrie pharmaceutiques au XXe siècle. Un des sujets qui a retenu leur attention : l’histoire de la médecine et de la pharmacie, à l’image de la série des buvards GOY sur les pharmaciens célèbres et celle sur l‘histoire de la pharmacie à travers les âges.
Mais les Etablissements GOY n’ont pas été les seuls à s’intéresser à ce sujet. C’est ainsi que le laboratoire Pépin et Lebroucq qui évoque les pharmacies d’autrefois. Dans l’examen choisi, il s’agit d’une officine au temps des Valois, dessiné par Jean Droit.
Roussel a également consacré une série de documents publicitaires aux apothicaireries en France. On y trouve de nombreuses apothicaireries hospitalières bien connues comme celle de Louhans pour laquelle on peut lire le commentaire suivant : « A Louhans, sous-préfecture de Saône et Loire, dont certaines constructions datent de 1491, prenez sur la Place des ponts la Grande Rue bordée de maisons arcades des XVIIe et XVIIIe siècles. L’église au toit de tuiles émaillées est en pierre et en brique ; sur le porche, inscrits sur la balustrade, les premiers mots de l’Ave Maria.
L’Hôtel-Dieu de 1767, où les malades occupent des lits vieux de trois siècles, est tenu par les sœurs hospitalières de Sainte Marthe, dont Fac Similiter est la devise.
L’apothicairerie renferme une très belle collection de vase de pharmacie hispano-mauresques dont certains mesurent environ 30 centimètres.
Les boiseries sont du XVIIIe siècle et l’on peut admirer, dans l’ancienne pièce de préparation, de la vaisselle d’étain ».
Une autre apothicairerie exposée est celle de l’hôpital Saint-Jacques de Besançon. La notice indique : « Besançon, préfecture du Doubs, riche d’une extraordinaire prolifération de monuments gothiques renaissants, ainsi que des XVIIe et XVIIIe siècles, est ceinturée de remparts, œuvre de Vauban en 1688.
L’hôpital Saint-Jacques et l’œuvre des architectes Roger et Jacques Magnin (1685 à 1702). C’est une construction aux très vastes proportions. L’installation de la pharmacie de l’hôpital date de 1702.
Elle appartenait à Jacques Gascon qui en fit don à l’hôpital à sa mort. Entre les deux fenêtres, sur un panneau de boiserie dorée, il est écrit : « A Gabriel Gascon pharmacien très habile qui, le premier, donna ses biens, ses soins, et ses médicaments aux malades ». On peut admirer une magnifique exposition de centaines de chevrettes, pots canons, piluliers des XVIIe et XVIIIe siècles dans un décor authentique. »
Cependant, la plupart des laboratoires se sont surtout intéressés à l’histoire de la médecine pour attirer l’attention des prescripteurs.
On peut citer par exemple la belle série des laboratoires Corbière, intitulée : « Saviez vous qu’il était médecin ? « . Une galerie de personnages célèbres sont présentées, souvent méconnus en tant que médecin. On trouve dans cette série le fameux Conan Doyle. On y apprend que Sir Arthur Conan Doyle étudia la médecine à l’Université d’Edimbourg où il est né. Il s’embarqua, comme médecin, sur un baleinier qui partait pour les mers polaires ; de retour à Londres, il essaya de se faire une clientèle, mais la pratique se faisant attendre, il publia quelques nouvelles et écrivit un premier roman que les éditeurs lui refusèrent.
A trente-deux ans, il renonça à l’ophtalmologie pour écrire les aventures du détective Sherlock Holmes qui devait le rendre célèbre.
Un autre personnage apparait dans cette série : Edouard Branly, né à Amiens. « Après avoir enseigné la physique à Bourges et à Paris, Edouard Branly, qui était sorti premier de l’Ecole Normale Supérieure, entra en 1876 à l’Université Catholique. Entre ses cours et ses expériences, il s’inscrivit à la Faculté de Médecine, passa régulièrement ses examens et fut reçu docteur avec une thèse sur le dosage de l’hémoglobine dans le sang par des procédés optiques.
C’est au cours de ses travaux sur les maladies nerveuses que le docteur Branly observa une similitude entre les terminaisons des fibres nerveuses et les conducteurs discontinus comme les limailles métalliques. Ses nuits de labeurs aboutirent, en 1890, à la réalisation de son cohéreur, radio-conducteur à limaille, qui allait permettre de déceler et de capter les ondes hertziennes.
Le jour ou Marconi télégraphia sans fil de Douvres à Wimereux, pour la première fois, il adressa le message suivant : M. Marconi envoie à M. Branly ses respectueux compliments pour la télégraphie sans fil à travers la Manche… ».
Une autre série de publicité à signaler est celle des laboratoires LATEMA, « le médecin vue par ses contemporains ».
Parmi les illustrations présentées, on peut retenir celle du médecin Finot mentionné par Saint-Simon dans ses Mémoires : « La fièvre et la goutte attaquèrent (Monsieur le Prince) à plusieurs reprises. Finot, son médecin et le nôtre de tout temps et de plus notre ami, ne savait que devenir avec lui. Ce qui l’embarrassa le plus fût que Monsieur le Prince ne voulut rien prendre, dit qu’il était mort, et pour toute raison que les morts ne mangent pas. Si fallait-il pourtant qu’il prit quelque nourriture ou qu’il mourût véritablement. Jamais on ne put lui persuader qu’il vivrait, et que par conséquent il fallait qu’il mangeât.
Enfin… Finot s’avisa de convenir qu’il était mort, mais de lui soutenir qu’il y avaient les morts qui mangeaient. Il offrit de lui en produire et lui amena quelques gens sûrs et bien recordés qu’il ne connaissait point et qui firent les morts tout comme lui, mais qui mangeaient.
Moyennant cela, il mangea très bien et cette fantaisie dura assez longtemps dont l’assiduité désespérait Finot, qui toutefois mourait de rire en nous racontant ce qui se passait, les propos de l’autre monde qui se tenait à ces repas. »
Un autre illustration nous montre le jardin des simples d’une abbaye qui pourrait être celle de Chelles. Elle est accompagnée d’une lettre de Madame de Sévigné à Madame de Grigan, du 6 mai 1676 :
« Madame du Gué, la religieuse, s’en va à Chelles.. elle changera souvent de condition, à moins qu’un jeune garçon, qui est leur médecin.. ne l’oblige à s’y tenir.
Ma chère, c’est un homme de 28 ans, dont le visage est le plus beau et le plus charmant que j’aie jamais vu.
Il a les yeux comme Madame de Mazarin, et les dents parfaites ; le reste du visage comme on imagine Rinaldo : de grandes boucles noires qui lui font la plus agréable tête que vous ayez jamais vu…
Il a un jardin de simple dans le couvent ; je crois que plusieurs bonnes sœurs le trouvent à leur gré et lui disent leurs maux, mais je jurerais qu’il n’en guérira pas une que selon les règles d’Hippocrate….
Les laboratoires Longuet avait choisi de son côté, pour la promotion de ses produits, de présenter la médecine en caricature, document signé par le docteur Cabanès.
Ce dernier explique qu’en ce qui concerne la caricature médicale, « on conçoit que, de bonne heure, notre profession ait pu exciter la verve railleuses des artistes. L’homme en santé se rit volontiers de celui auquel il compte ne jamais recourir, jusqu’au jour où, humble et soumis, il viendra se traîner à ses pieds. »
Parmi les gravures présentée dans cette série, on trouve « l’inoculation de l’amour ». Cabanès indique que « l’inoculation eut une vogue telle que les écrivains les plus réputés, tels que J.J. Rousseau, utilisèrent le mot dans leurs romans ;
ainsi, dans La Nouvelle Héloïse, Jean-Jacques montre Julie, dans son lit, atteinte de la petite vérole ; l’amant, à genoux, tient la main de la malade et la baise avec transports, montrant de la sorte, que non seulement, il ne craint pas la contagion, mais qu’il s’y expose délibérément ».
Dans la même série écrite par Cabanès, un opuscule est consacré à la caricature sous l’Empire et la Restauration.
Dans une première caricature qui pourrait s’intituler « lendemain d’orgie » (nous dit Cabanès), on voit au premier plan, étendu sur un canapé, « un personnage sanguin et corpulent, frappé d’apoplexie. La scène est admirablement rendue. Après un succulent repas, où les liqueurs ont succédé aux vins fins, le gros homme au nez en truffe, au cou court et au faciès vultueux, est soudainement tombé sans connaissance.
Le médecin, prévenu en hâte par la portière, est accouru et prodigue au patient les soins que commandent les circonstances. une prompte saignée, une application de farine de moutarde aux membres inférieurs, feront peu à peu venir l’imprudent, qui aurait pu payer cher son intempérance.
Entre temps, le bruit s’est répandu dans la quartier, que M. X… vient d’être assassiné ; la police, toujours aux aguets, s’est mise en mouvement ; le Commissaire, entré presque en même temps que l’homme de l’art, se dispose à « verbaliser ».
On le voit, jetant un regard sévère sur une jeune personne qui baisse pudiquement les yeux, toute effrayée de la responsabilité qu’elle a encourue, en acceptant l’invitation du vieux galantin qui ne lui a rien célé de ses intentions.
Au dernier plan, on voit la portière s’attribuer la montre du foudroyé, dans l’espoir qu’il n’en reviendra pas. Tout cela est finement observé, et chaque personnage nous est restitué dans la vérité de son rôle.
Dans un style différent, le laboratoire Thérica a exposé 18 gravures médicales du XIXe siècle, montrant des traitements adaptées à des pathologies courantes. Voici par exemple la gravure sur les empoisonnements : « Il faut faire vomir le malade le plus promptement possible en lui faisant boire abondamment de l’eau tiède, et en lui mettant ensuite dans la bouche , soit les doigts, soit tout autre corps qui puisse irriter la luette, de manière à provoquer les vomissements.
Il faut calmer les douleurs de ventre par des lavements au lait, au savon, à la gomme arabique, etc. Un fois maître de l’accident, il ne faut d’abord se nourrir qu’avec du bouillon de poulet, ensuite on prendra du bouillon gras et du gruau, éviter longtemps les aliments solides et les spiritueux ».
Une autre gravure de la même série concerne les engelures, gerçures, crevasses, etc.
« On guérit souvent les engelures non ulcérées en les frictionnant matin et soir avec de l’eau de vie camphrée, ou avec de la neige dans laquelle on jette une cuillerée d’extrait de saturne, ou en les baignant dans une décoction de sauge et de gros vin, ou dans de l’esprit de vin, ou dans de l’urine.
Lorsque les engelures sont gercées, ou crevées, appliquez dessus une pommade composée d’une partie de cire jaune fondue dans quatre parties d’huile de noix.
La graisse de porc, la moelle de bœuf font aussi beaucoup de bien ».
Un autre laboratoire, Tétard (Le laboratoire de Médecine Expérimentale), a eu l’idée de présenter une série de dessins sur « les toubibs aux armées » sans aucun commentaire, comme celui-ci : le conseil de révision (1905) :
Pour terminer cette série sur la médecine, il faut mentionner les laboratoires SPECIA et leur série consacrée aux instruments chirurgicaux à l’occasion de la publicité pour Toplexil sirop et Rectoplexil suppositoires.
La gravure ci contre est tirée d’un ouvrage de la Bibliothèque nationale des Ilkbani (1465). Il s’agit ici du traitement d’une hydrocéphalie chez l’enfant par Charaf-ed-Din. Y.A Godard1 explique : « Chacun sait que de nombreux groupes turcs vivaient en Asie Mineure, bien avant que les Turcs ottomans ne s’emparassent de Constantinople, en 1453; ceux-ci s’étaient installés dans la région de Brousse vers la fin du xme siècle. Ils occupaient aussi les parties de l’Europe voisines de la Serbie; avançant toujours, ne reculant jamais, ils devaient conduire leurs troupes jusqu’à Vienne, capitale de l’ Autriche- Hongrie…. L’étude de la médecine était grandement favorisée par l’abondance des hôpitaux que créait la générosité des donateurs musulmans… Le véritable intérêt de cet ouvrage est sa date de 1465, qui remonte au règne du prestigieux souverain que fut Mehmed II Fatih. On peut considérer ces miniatures comme faisant suite à l’art Seldjouk et à l’école de Baghdad, tout en annonçant l’éclat proche de l’art turc ottoman qui, du point du vue pictural, ne s’affirma qu’au cours du XVIe siècle. »
1. Godard Y.A. Charaf al-Din. Le premier Manuscrit Chirurgical Turc. Présentation française de P. Huard et M. D. Grmek. In: Syria. Tome 38 fascicule 3-4, 1961. pp. 339-340.