Parmi les thèmes favoris de la publicité pharmaceutique au XXe siècle, l’histoire a pris une grande place et les illustrations sont nombreuses dans ce domaine. Cette exposition cherche à en montrer quelques exemples. Le plus souvent, ce sont des évènements historiques qui sont mis en valeur, mais on trouve aussi parfois des scènes imaginaires, souvent humoristiques à propos de tel ou tel épisode de l’histoire. On trouve aussi la reproduction de personnages qui ont marqués leur époque et l’histoire de leur pays. Pour commencer, il faut rappeler la série des cartes postales des Établissements GOY qui raconte l’histoire de la pharmacie à travers les âges.
Si l’on remonte plus loin dans l’histoire, ISH a illustré une publicité pour Di-Antalvic par la gravure de David et Goliath tirée d’une bible allemande du XIXe siècle. D’autres épisodes bibliques ont été utilisés, par exemple par Geigy qui a illustré ses vœux annuels par une scène des rois mages. A cette occasion, le document précise que le dessinateur, Jean-Denis Malclès, né à Paris en 1912, est d’origine avignonnaise. « Destiné à l’étude de l’art décoratif, il passe par l’école Boulle, fait un stage chez le plus célèbre décorateur de notre temps, Ruhlmann, puis, par goût, s’adonne à la peinture. » Spécialisé dans les décors de théâtre, il considère que « composer un décor, c’est imaginer une transposition qui donne une réalité précise, vivante, poétiques aux conceptions intellectuelles et immatérielles de l’auteur ; c’est créer un site, un cadre, une atmosphère en accord avec les personnages ». Jean Anouilh lui rendra hommage à propos des décors de sa pièce « l’Allouette » : « A Jean-Denis Maclès qui sait depuis toujours, dans quel lieu exact se sont déroulés mes drames, comme s’il y avait été. »
Plus proche de nous, le laboratoire Logeais s’est intéressé aux « malades célèbres » : Charles VI, Maurice de Saxe, Lors Byron, Marat, Mozart, etc. Pour Charles VI, le commentaire qui accompagne l’illustration mentionne ce qu’avait écrit Jacques Bainville : « Le roi fou : étrange et funeste complication. Ailleurs, le malheureux eut été déposé. La France le garda avec une curieuses tendresse, par respect de la légalité et de la légitimité, chez certain avec l’idée secrète que cette ombre de roi serait commode et laisserait bien des licences ».
Quant à Maurice de Saxe, Charles Malo avait écrit dans son ouvrage « Champ de bataille de l’Armée Française » (1901) :
« Tout le monde sait aussi que le jour de Fontenoy, c’est dans une chaise d’osier, dont chaque cahot lui arrache un gémissement, vite comprimé, qu’il prépare, surveille, rétablit, et finalement gagne la bataille. On connait sa réponse à Voltaire, étonné qu’il songeât à se rendre à l’armée dans un tel état de faiblesse : « il ne s’agit pas de vivre, mais de partir ». «
Toute cette série avait été illustrée par le dessinateur Jean Droit (1884-1961) (le père de Michel Droit). Jean Droit est né le 28 août 1884 à Laneuville, près de Nancy (Meurthe et Moselle).
Après des études en Belgique, il débute une carrière artistique à Bruxelles en 1908 et se fait remarquer par les critiques. On lui doit la fameuse affiche de l’apéritif Rossi. Arrive la guerre de 1914 et Jean Droit est caporal au 226ème RI de Nancy et termine lieutenant. Chevalier de la Légion d’honneur, titulaire des Croix de guerre française et belge, avec quatre citations. Ceci ne l’empêche pas de poursuivre son œuvre de dessinateur et de peintre, publiant dans l’Illustration des œuvres exécutées au front. S’étant marié en 1922, Jean Droit s’installe à Paris et commence par exposer ses tableaux. On lui doit par la suite l’illustration de nombreux ouvrages, la réalisation d’affiches (dont celle des Jeux Olympiques de 1924), de décorations murales et de dessins. Sa dernière œuvre date de 1960. Il a participé à plusieurs campagnes publicitaires pour le compte de l’industrie pharmaceutique. On le trouve associé au Laboratoire Daniel-Brunet qui édite une Revue « Les Sources scientifiques, littéraires et anecdotiques ». Jean Droit réalise aussi des dessins pour CIBA ou encore pour le Laboratoire de Médecine Expérimentale.
Plusieurs laboratoires se sont intéressés au personnage de Napoléon ou de la Révolution française. Dausse par exemple, publia une série « Tensitral » avec plusieurs reproductions de tableaux mettant en scène des évènements historiques vécus par Napoléon. On y trouve l’entrée des Français à Munich en 1806 ; l’arrivée du Northumberland à Sainte-Hélène en 1815 ; les adieux de Napoléon à Alexandre, à Tilsitt en 1807 ; Napoléon au palais de Schoenbrunn en 1805 remettant aux maires de Paris les drapeaux pris à Austerlitz ; ou encore l’entrée des Français à Berlin en 1806.
Le laboratoire Béral, quant à lui, propose un aide mémoire pour retrouver les maréchaux d’Empire, à l’occasion de sa publicité pour Myrtine, « antiinfectieux des voies respiratoires ».
Le laboratoire Deschiens utilise aussi le souvenir de Napoléon pour sa publicité pharmaceutique, ici pour montrer « la distribution des aigles », le 5 décembre 1804. Il s’agit de la reproduction d’un tableau du Musée de Versailles, du peintre David. La Distribution est une reprise des coutumes des légions impériales romaines. L’Empereur remet ici le nouveau drapeau qui porte le symbole de l’empire aux chefs de ses armées.
Cette remise des drapeaux est accompagnée d’un serment de fidélité des chefs à l’Empereur.
La scène se déroule sur le Champ-de-Mars couvert de députations qui représentent la France. Au signal donné, toutes les colonnes se rapprochent de l’empereur qui se lève et lance un discours édifiant sur la valeur du sacrifice en leur demandant de jurer de sacrifier leur vie.
D’où le rapprochement avec le Serment des Horaces (wikipedia).
Enfin, il faut signaler la série des portraits historiques réalisée par le laboratoire Horsine (« le plus puissant régénérateur de l’organisme »), dont une peinture de Napoléon recevant au Louvre les Députés de l’Armée après son couronnement, le 8 décembre 1804. On trouve bien sûr dans les publicités pharmaceutiques d’autres personnages célèbres : Corneille (laboratoire des pharmaciens français), Koch (Labaz), Richelieu (Horsine), etc.
On peut signaler la belle série des littérateurs espagnols proposée par le laboratoire La Biomarine en 1951. On voit ici le portrait de Felix Lope De Vega Carpio (1562-1635) exécuté par Francisco Pacheco.
La vie de ce personnage fut « un mélange déconcertant d’aventures romanesques, de passions violentes et de vertus bourgeoises. La richesse de ses talents lui valu le surnom de « Phénix des Esprits » ». Son rôle fut décisif dans l’histoire des lettres espagnoles. Grande fut aussi la part, surtout indirecte, qu’il prit dans la définition du théâtre moderne en Europe au tournant des XVIe s. et XVIIe s. C’est, en plus, un grand poète, un inventeur de langages modèles qui répondaient aux besoins de la nouvelle société : un espagnol commun s’en dégagea, instrument de la communication entre les différentes classes, élégant sans afféterie, bourgeois sans pruderie, courtois sans hermétisme et populaire sans vulgarité. C’est enfin un maître en bonnes manières : il a imaginé dans ses comédies mille et une situations vraisemblables et montré comment un galant et une dame pouvaient les affronter avec de l’habileté et de la hardiesse. Lorsqu’il mourut en 1635, son jeune ami Juan Pérez de Montalbán se fit l’interprète de tout le peuple de Madrid qui voyait en lui : « Phénix dans tous les siècles, le prince du vers, l’Orphée de la connaissance, l’Apollon des Muses, nouvel Horace entre les poètes, Virgile de l’épopée, Homère par ses héros, Pindare par ses chants, Sophocle des tragiques et Térence des comiques ».
Certes, pour la quantité comme pour la qualité de son œuvre, on tenait Lope de Vega – nous le tenons encore – pour un « prodige de la Nature ». La critique, pour rigoureuse qu’elle soit, succombe au charme qui émane de sa personne et de son écriture (Source : Larousse).
Une autre série originale nous vient du laboratoire Léo et sa série des « Cafés et estaminets de Paris » pour sa publicité pour l’Isonutrine. On peut voir ici deux exemples : le premier concerne Ramponneau : « Chez Ramponneau, au « Tambour Royal », on s’y abreuve pour trois sous et demi la pinte, personnage fort populaire, tout le monde le connaissait pour sa corpulence rubiconde, sa verve triviale et son lazzi.
Les grands seigneurs et les grandes dames ne dédaignaient pas de s’y rendre parfois. Les chansons, les caricatures, les pamphlets le font connaître au quatre vents. La grande célébrité du « Tambour Royal » date à peu près du milieu du XVIIIe siècle. On y verra les Ducs de Bièvre, Penthièvre, le Maréchal de Richelieu. Grimm vient se mêler à la foule et consommer quelques bonnes pintes. »
Le second exemple est celui du Restaurant du Boeuf à la Mode (1792) : « Ce restaurant fut fondé en 1792 par deux frères marseillais. On y dégustait la Bouillabaisse, la morue à la Provençale, des olives vertes et du nougat de Marseille. C’était un petit cabaret traiteur avec une salle bordée de tonnelles, dont Tissot, le propriétaire suivant, fit un établissement somptueux. Sa première enseigne représentait un boeuf habillé en incroyable, et sa seconde un boeuf affublé d’un châle et coiffé d’un chapeau à brides à la mode « Empire ». le bleu, le blanc et le rouge prévalent dans cette enseigne, ce qui valu des ennuis au restaurateur. On y dînera fort bien vers 1817 pour F 10.40, et en 1834 pour F 34.00. Le restaurant a disparu en 1836″.
Parmi les séries historiques, il faut signaler celle consacrée à la Vaccine par le laboratoire Théraplix, pour leurs spécialités Hexomilone et Kanamylone. Il s’agit des caricatures bien connues publiées en 1801.
Pour terminer cette exposition, on peut évoquer un autre thème fréquemment évoqué dans les publicités pharmaceutiques : le souvenir des deux guerres mondiales.
La Pharmacie Leroy à Paris publia une petite image représentant les tanks de la première guerre mondiale, pour sa publicité pour les Grains de santé du Dr Franck.
Plusieurs entreprises se sont intéressés aux dégâts résultants de la guerre, comme le laboratoire BYLA qui publia une série sur « la reconstruction des villes » après la deuxième guerre mondiale. On peut voir ici l’exemple de la ville de Caen, à l’occasion d’une publicité pour Equanil.
Ces quelques exemples montrent que l’histoire a largement inspiré la publicité pharmaceutique au XXe siècle !