Jean-Gustave Marchal (1903-1990),
professeur de microbiologie à la Faculté de pharmacie de Nancy
Auteur : Pierre Labrude
Jean-Gustave Marchal est né à Badonviller (Meurthe-et-Moselle) le 10 août 1903. Son adolescence est cruellement marquée par le conflit de 1914 et par les exactions perpétrées par l’armée allemande pendant les premières semaines de la guerre. A l’issue de ses études secondaires à l’institution Saint-Sigisbert de Nancy et l’obtention du baccalauréat latin-sciences en 1921 et mathématiques en 1922, il effectue le stage d’un an préalable aux études de pharmacie, et suit les enseignements de la Faculté de pharmacie et de la Faculté des sciences de Nancy. Il est reçu pharmacien en 1927 et licencié ès sciences naturelles en 1928. Sa licence est constituée des quatre certificats « classiques » : botanique générale, zoologie générale, minéralogie, et géologie générale. C’est en 1928 qu’il entre au laboratoire de microbiologie de la Faculté de pharmacie en qualité de travailleur bénévole (sic) ; il serait peut-être plus juste d’écrire « chercheur bénévole ».
Après avoir suivi les enseignements de la préparation militaire supérieure en 1926-1927 et en avoir obtenu le brevet, il effectue, de 1927 à 1928, une année de service militaire, qui le conduit à l’hôpital militaire Maillot à Alger, plus exactement au laboratoire de chimie biologique et alimentaire du XIXe corps d’armée, avec le grade de pharmacien auxiliaire (équivalent d’adjudant ; de nos jours : aspirant). Il est promu au grade de pharmacien lieutenant en 1929.
A la fin de ses obligations militaires et à son retour en métropole, il devient assistant au laboratoire de la chaire de microbiologie de la Faculté de pharmacie de Nancy dont le titulaire est le professeur Philippe Lasseur. Ce dernier a été nommé peu après le conflit de 1914-1918. Il a mis sur pied un enseignement complémentaire qui s’est transformé en certificat d’université de microbiologie en 1927. J.-G. Marchal obtient ce certificat en 1930. En 1931, ses anciens élèves se groupent en une association, « l’Association des diplômés de microbiologie de la Faculté de pharmacie de Nancy », qui sera très active et qui éditera un bulletin trimestriel largement diffusé, qui paraîtra régulièrement et pendant longtemps.
J.-G. Marchal est nommé assistant stagiaire du certificat de microbiologie à compter du 1er novembre 1929 par un arrêté rectoral du 26 décembre. Le stage a une durée de trois années, et il est titularisé dans la fonction d’assistant chargé des travaux pratiques le 1er novembre 1931. Il donne dès ce moment quelques cours au certificat de microbiologie. Il soutient sa thèse de doctorat ès sciences naturelles à Nancy en 1932. A ce moment, les thèses d’Etat comportent plusieurs parties : une thèse principale constituée ici par une recherche expérimentale, et une thèse secondaire, appelée « questions posées par la Faculté », qui est une mise au point bibliographique des connaissances sur un ou plusieurs sujets. La partie expérimentale de la thèse s’intitule « Variation et mutation en bactériologie » tandis que les questions portent sur « La tectonique des Pyrénées » et « Les pigments caroténoïdes dans la série animale ». Il est reçu avec les meilleures mentions de l’époque : très honorable et félicitations du jury.
Etant docteur d’Etat, il peut désormais être chargé de cours complémentaire. Il reçoit ainsi la charge du cours d’hydrologie à partir du 1er mars 1935 par un arrêté en date du 6 juillet, et il la conserve jusqu’en 1939. Au mois de février 1937 ont lieu à Paris les épreuves de « l’examen d’aptitude aux fonctions d’agrégé des facultés de pharmacie ». J.-G. Marchal est reçu à ce concours, ce qui lui permet d’être inscrit sur la liste d’aptitude aux fonctions de maître de conférences des facultés de pharmacie. Il l’est aussi pour les facultés des sciences en 1937. Il est nommé maître de conférences[1] de sciences naturelles à la Faculté de pharmacie à compter du 1er avril de cette année 1937 par un arrêté ministériel daté du 22 juin. L’enseignement de la parasitologie est individualisé peu après et il est confié au nouveau maître de conférences. Ce cours complémentaire en « cache » d’autres, car c’est sous son intitulé que sont aussi enseignées la physiologie (avec un peu d’anatomie) et l’hématologie.
Jean-Gustave Marchal est également pharmacien des Hôpitaux de Nancy de 1935 à 1968. Au moment de sa nomination, le service pharmaceutique hospitalier nancéien comporte deux diplômés, l’un affecté à l’hôpital Central et l’autres au groupe hospitalier Maringer-Villemin-Fournier, qui est situé près de la voie ferrée et du cimetière du sud. Il se trouve qu’en 1935 le professeur Gillot, pharmacien en chef des Hôpitaux, titulaire de la chaire de matière médicale de la Faculté et doyen depuis peu, meurt brutalement, sans doute des conséquences de lésions contractées pendant la Grande Guerre et peut-être dues aux « gaz ». Il avait occupé le poste d’adjoint de 1923 à 1930 avant de rejoindre l’hôpital Central et la chefferie du service. Ce poste d’adjoint avait alors échu à André Meunier. La mort du professeur Gillot conduit à la promotion d’André Meunier et au recrutement d’un nouveau pharmacien. Or il se trouve qu’A. Meunier et J.G. Marchal sont de la même promotion de la faculté, et qu’ils sont tous les deux universitaires. Il est donc très vraisemblable que le recrutement de M. Marchal s’est fait sur les conseils du nouveau pharmacien-chef des Hôpitaux. J.-G. Marchal est nommé pharmacien adjoint par arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle le 29 janvier 1935. Il effectue toute sa carrière hospitalière au sein du groupe Maringer-Villemin-Fournier. Il a également été chargé du sanatorium de Lay-Saint-Christophe. Il quitte le service hospitalier en 1968, à l’âge de 65 ans, sans pour autant cesser ses fonctions professorales, les deux activités étant indépendantes chez les pharmaciens, contrairement à la situation hospitalo-universitaire propre à la médecine à ce moment.
J.-G. Marchal est aussi inspecteur des pharmacies de 1936 à 1939. A cette époque en effet, cette activité est normalement essentiellement exercée par les membres de l’enseignement supérieur pharmaceutique, sous la direction du doyen qui les propose à la nomination annuelle du préfet pour inspecter les pharmacies et les dépôts de médicaments dans un arrondissement du département, quelquefois deux. C’est ainsi par exemple qu’en 1937, M. Marchal est désigné pour la 2e circonscription, c’est-à-dire les arrondissements de Toul et de Briey. Cette activité disparaît avec la loi de 1941 sur la pharmacie.
En juillet 1939, J.-G. Marchal part pour l’Algérie, comme il le fait chaque été depuis 1933. Il y poursuit en effet des recherches sur les atteintes bactériennes que subissent les plantes grasses, ce qu’on appelle « phytopathologie ». La mobilisation le fait revenir en métropole, où il est mobilisé dans le grade de pharmacien lieutenant et affecté en qualité de toxicologue dans une formation sanitaire, l’H.O.E. 2 n°5 (H.O.E. signifie « hôpital origine d’étapes »). Sa formation ayant fait retraite pendant la campagne de mai-juin, il est démobilisé à Périgueux en juillet 1940. Il revient en Afrique du nord dès le mois d’août, et il obtient son détachement au laboratoire de microbiologie de la Faculté mixte de médecine et de pharmacie d’Alger par un arrêté du 24 août. Il devient ainsi le collaborateur du professeur Pinoy et se trouve chargé de l’enseignement de la microbiologie aux étudiants en pharmacie. Le 20 décembre, il est affecté à la Faculté de pharmacie de Montpellier mais maintenu à Alger pour l’année 1941-1942 afin d’y poursuivre son enseignement mais aussi ses recherches en microbiologie. Il est alors chargé d’un cours à l’Institut de médecine et d’hygiène coloniale de la ville. Il participe aussi à la lutte contre le typhus exanthématique et à la vaccination des Européens et des indigènes de la Mitidja au moment de l’épidémie de 1942.
Cependant, le fonctionnement aussi normal que possible de la faculté de Nancy, dont certains membres sont absents en raison de la législation qui a été mise en place, rend indispensable le retour des autres. J.G. Marchal est suspendu, menacé de révocation et contraint de rentrer en France. Réaffecté à Nancy par ordre le 27 octobre 1942, il rentre donc en Lorraine et retrouve ses activités de maître de conférences : l’enseignement de la microbiologie au certificat, et celle de la parasitologie et de la physiologie animale en scolarité. Dans son esprit, et c’est lui qui l’écrit, cet enseignement est destiné « à orienter les jeunes vers l’expérimentation physiologique et le laboratoire d’essai des médicaments ». Il organise un laboratoire de recherche qui reçoit l’appui des structures officielles et accueille des étudiants, certains s’y cachant en raison de leur situation irrégulière vis-à-vis des obligations militaires du moment.
Le professeur Philippe Lasseur meurt en janvier 1946. De ce fait, J.-G. Marchal est chargé du service de la chaire à compter du 1er janvier, et il se trouve ainsi investi de la charge du cours de microbiologie. Il est nommé professeur titulaire en octobre. Il est très investi dans la recherche, à l’image de son maître Lasseur, dont il poursuit l’activité dans le cadre de l’Association des diplômés de microbiologie, et surtout de son bulletin. Il en a la responsabilité au décès du professeur Lasseur, et il en maintient la parution jusqu’en 1974. Le laboratoire dispose par ailleurs d’un second moyen de diffusion des travaux scientifiques qui y sont réalisés : les Travaux du Laboratoire de microbiologie de la Faculté de pharmacie de Nancy dont six fascicules sont publiés sous la direction de J.G. Marchal. Cette publication s’interrompt en 1970. Elle était adressée à environ huit cents laboratoires du monde entier. Les professeurs Lasseur et Marchal organisent aussi des conférences de perfectionnement destinées aux pharmaciens et où ils convient des spécialistes français et étrangers de la microbiologie et de la pharmacie. Certains d’entre eux sont nommés docteurs honoris causa de l’université.
Le professeur Marchal est l’auteur d’environ cent-soixante-dix publications et notes, presque toutes dans des revues françaises comme cela se pratique à son époque, et essentiellement dans les deux revues dont dispose le laboratoire où il exerce : Travaux du laboratoire de microbiologie… et Bulletin de l’Association des diplômés… Il est le directeur d’une trentaine de thèses de doctorat en pharmacie, d’Etat ou d’université, de doctorats ès sciences et même d’un doctorat en médecine. Les sujets de recherche portent tous sur la microbiologie mais sont cependant assez divers. La chromogénèse bactérienne et le rôle des pigments dans les phénomènes d’oxydoréduction et le métabolisme des micro-organismes constituent un axe fort de ces travaux. Mais les études portent aussi sur les bactéries phytopathogènes, la pollution atmosphérique par les bactéries (en particulier en Algérie dans le cadre de la lutte contre le typhus exanthématique en 1942), et la résistance aux antibiotiques. Le laboratoire aborde également l’immunologie, la cancérologie végétale et la culture de tissus végétaux. Ces thèmes ont d’abord été développés à Alger entre 1940 et 1942 ; l’étude est ensuite poursuivie à Nancy en collaboration avec l’université d’Alger. La pharmacie hospitalière a donné lieu à quelques travaux mettant en relation les médicaments (les hydrolats) et la microbiologie. J.-G. Marchal a isolé un germe hydrique nouveau ainsi qu’un agent pathogène des lapins.
Cet ensemble de travaux conduit J.G. Marchal à être plusieurs fois récompensé par des prix. Il est lauréat de la Faculté de pharmacie de Nancy en 1924, lauréat de l’Académie de médecine (mention Helme) en 1937, et il reçoit le prix Berthaut de l’Institut en 1961. L’Académie nationale de pharmacie l’accueille en qualité de correspondant. Ses activités de recherche l’amènent à devenir membre de plusieurs sociétés savantes, en particulier la Société des sciences de Nancy, la Société de biologie, et l’Association des microbiologistes de langue française. Il est également membre de la Société botanique de France, ayant comme nous l’avons vu plus haut, effectué des recherches sur la culture des cellules végétales.
En 1972, le département de microbiologie-immunologie-virologie qu’il dirige est important puisqu’il comporte sept collaborateurs : un maître de conférences agrégé, deux maîtres-assistants et quatre assistants, ceci sans oublier plusieurs collaborateurs techniques. Il a en effet la charge de plusieurs enseignements, sur plusieurs années de la scolarité, et de plusieurs certificats d’études supérieures, dont deux sont nécessaires pour la soutenance de la thèse d’Etat, et certificats d’études spéciales, qui sont indispensables pour l’exercice de la profession de biologiste.
Jean-Gustave Marchal réside rue de la République à Nancy. Marié, il est père de trois enfants. Il a reçu plusieurs distinctions, les premières antérieurement à la Seconde Guerre mondiale : la croix de 3e classe des Services militaires volontaires en 1938 à la suite de l’obtention de récompenses dans le cadre des écoles de perfectionnement des officiers de réserve, et les Palmes académiques dans la promotion du 14 juillet 1939. Chevalier de l’Ordre de la Santé publique pour ses fonctions hospitalières en 1953, commandeur des Palmes académiques en 1970, il a été nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1967. Il est élu associé correspondant local de l’Académie de Stanislas le 7 février 1975.
Eléments de bibliographie
Archives de l’Académie de Stanislas (Nancy), dossier de J.-G. Marchal.
Compte rendu de la séance solennelle annuelle de rentrée de l’université de Nancy et rapports des facultés et écoles, édition annuelle, consulté de 1927 à 1937 (fin de parution).
Bonnefont J.-C., « Monsieur le Professeur Marchal », Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1990-1991, 8e série, tome 5, p. 7-9.
Labrude P., « Nancy », dans Cinq siècles de pharmacie hospitalière 1495-1995, sous la direction de F. Chast et P. Julien, Paris, Editions Hervas, 1995, p. 166-170.
Marchal J.-G., Titres et travaux scientifiques de J.-G. Marchal, Nancy, Société d’impressions typographiques, 1946, 21 pages.
[1] Les maîtrises de conférences se substituent aux emplois d’agrégés et présentent par rapport à eux une différence importante qui est la stabilité, les agrégés n’étant nommés que pour une période déterminée. Ces maîtrises sont alors classées en deux sections : « pharmacie chimique et sciences physiques appliquées à la pharmacie », et « pharmacie galénique et sciences naturelles appliquées à la pharmacie ». Les emplois ne sont pas désignés par le nom d’une discipline scientifique. Leurs titulaires assurent en effet les suppléances des différents enseignements correspondant à ces sections et ceux pour lesquels il n’existe pas de chaire, qu’on appelle traditionnellement « cours complémentaires ». Ces cours font l’objet d’un réexamen chaque année. Ils peuvent varier selon les circonstances et changer de « titulaire ».