Le professeur Maurice Hoffman (1937-2014),
ou « l’essor de la pharmacie » au CHR de Nancy
Le professeur Maurice André Hoffman est né le 15 mars 1937 à Morhange, dans le département de la Moselle. De 1959, année où il est devenu interne en pharmacie des Hôpitaux de Nancy, jusqu’à 2001, année de son départ du Centre hospitalier universitaire et de la Faculté de pharmacie, soit pendant plus de quatre décennies, il a participé de manière très active au fonctionnement, et surtout, à l’essor du service pharmaceutique des hôpitaux, qu’il a longtemps dirigé, ainsi qu’à l’enseignement de la pharmacie galénique puis de la pharmacie clinique et de la pharmacie hospitalière, aux étudiants et aux internes en pharmacie. Pendant toutes ces années en effet, il s’est en permanence investi dans la formation des internes, tant au sein du service pharmaceutique qu’au niveau de l’enseignement théorique, dans le cadre du diplôme d’université et du diplôme d’études spécialisées (DES) de pharmacie spécialisée qu’il a créés. Il est aussi le responsable régional et la coordonnateur interrégional du DES de pharmacie hospitalière. Beaucoup d’internes titulaires de ce diplôme sont admis au concours du pharmacopat des hôpitaux et exercent en tant que praticiens au sein d’un grand nombre d’hôpitaux de notre pays.
Les études de pharmacie et leur suite
Maurice Hoffman obtient son baccalauréat « Mathématiques élémentaires » en juillet 1955, puis il effectue son stage en pharmacie à Metz et passe son examen de validation à Strasbourg en juillet 1956. Le département de Moselle dépend en effet alors de l’académie de Strasbourg. Il fait transférer son dossier à Nancy qui est plus proche de Morhange et il y effectue sa scolarité pharmaceutique, d’octobre 1956 à juillet 1960 où il obtient son diplôme. Au cours de ces années, il a mérité une mention au prix de chimie en seconde année et une au prix de pharmacie chimique en quatrième année. A l’issue de sa scolarité, il passe avec succès les examens de plusieurs certificats d’études supérieures, spéciales et techniques (sérologie appliquée en 1961, acoustique en 1961, microbiologie-sérologie-parasitologie en 1962, chimie biologique en 1963, hématologie en 1965) et obtient une équivalence en Biologie humaine en 1971. Il soutient sa thèse de doctorat d’Etat en pharmacie en octobre 1974. Le travail porte sur l’étude in vitro de la libération et de l’absorption de principes actifs, et à leur application aux formes médicamenteuses orales. Il lui vaut le prix Cooper de la Faculté en 1975.
L’internat et les débuts en pharmacie hospitalière
Maurice Hoffman se présente au concours de l’internat où il est reçu dans la promotion 1959 dont il est le major. Il intègre alors les Hôpitaux de Nancy où il effectuera toute sa carrière hospitalière. Celle-ci commence par ses deux années d’internat, d’octobre 1959 à septembre 1961, la première année à la pharmacie dirigée par le professeur de pharmacie galénique Meunier, et la seconde au laboratoire du service de chirurgie B sous la responsabilité du docteur Colson. Parallèlement, de 1961 à 1964, il est moniteur au laboratoire de biophysique du professeur Burg à la Faculté de médecine, et il y est formé au maniement des radioéléments. Après son internat, Maurice Hoffman entre à la pharmacie de l’Hôpital central en qualité de pharmacien intérimaire le 20 septembre 1962, il passe le concours du pharmacopat en 1963 et il est nommé pharmacien des hôpitaux stagiaire le 1er février 1964. Titularisé un an plus tard, il y exerce sous la responsabilité du professeur André Meunier, pharmacien-chef, jusqu’au départ à la retraite de ce dernier, auquel il succède en 1969. Dans ce but, il a dû passer un second concours, celui du pharmacopat des villes universitaires. Monsieur Hoffman prend sa retraite hospitalière en 2001. Il continue cependant, pendant plusieurs années, à participer aux activités du Comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale.
L’essor de l’activité pharmaceutique hospitalière sous sa direction
Beaucoup d’activités et de réalisations marquent les années de la chefferie de service du professeur Hoffman au CHU. Il conduit la transformation d’une pharmacie traditionnelle et encore artisanale avec préparation de gouttes, de cachets, de pommades, de suppositoires, mais aussi de tisanes et de boissons à partir des extraits Noirot, et de préparations à l’unité, etc., le nombre de spécialités étant alors limité, à la pharmacie actuelle du CHU avec ses multiples facettes. En pharmacotechnie, on est passé à des préparations en série et à des préparations à doses adaptées, réalisées selon les posologies propres à chaque patient. Les principales évolutions conduites dans ce domaine sont :
– la mise au point et la réalisation pendant plusieurs années des solutés de dialyse dans l’attente de leur commercialisation par l’industrie pharmaceutique ;
– la préparation dès 1976, en zone à atmosphère contrôlée (ZAC) de poches pour nutrition parentérale, de formule standard pour les adultes, puis de formules personnalisées selon les prescriptions pour les enfants, et de poches de doses adaptées d’antibiotiques ;
– la réalisation en ZAC, à partir de 1979, de poches d’anticancéreux injectables, activité dans laquelle le CHU est pionnier, simultanément à l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif ;
– la réalisation de doses individuelles de gouttes buvables, celle de préparations spécifiques au profit du service de dermatologie alors implanté sur le site Maringer-Villemin-Fournier, et la mise au point de seringues injectables de morphine dans le cadre de la lutte contre la douleur aigue.
Ces préparations sont toujours confectionnées en vue de faciliter la prise en charge des patients, à la suite de demandes médicales, précédant la commercialisation par l’industrie pour les formules standard (solutés de dialyse, poches de nutrition parentérale). Elles sont systématiquement contrôlées au niveau analytique, biologique et quant à leur stabilité et à leur stérilité si nécessaire, au laboratoire de contrôle existant à la pharmacie que M. Hoffman a développée et où des internes sont affectés.
Le Centre d’information sur le médicament est créé en 1971 avec pour objectif de rassembler la documentation permettant de répondre efficacement aux questions émanant des services hospitaliers, de diffuser des documents sur les médicaments, tels que des listes de contre-indications (femme enceinte, enfant, etc.) et de bon usage, ou le livret thérapeutique des médicaments disponibles au CHU, de participer avec le professeur Royer (chef du service de pharmacovigilance) à l’élaboration régulière du bulletin CHU Médicament. Dans le même esprit, le conseil pharmaceutique est développé, en particulier à destination des patients ambulatoires (pour les médicaments à dispensation réservée aux hôpitaux, dont le Cognex pour la maladie d’Alzheimer a été le premier représentant, ou les médicaments spécifiques à la recherche clinique, etc.).
Des activités pharmaceutiques nouvelles apparaissent pendant cette période :
– l’application en 1988 de la loi Huriet-Sérusclat relative à la gestion et à la dispensation de l’ensemble des médicaments destinés aux recherches médicales, qui nécessite la création d’un logiciel spécifique permettant leur suivi complet, depuis la réception du lot jusqu’à la dispensation nominative aux patients ;
– la prise en compte en 1995 de la loi sur la sécurité transfusionnelle transférant au service pharmaceutique la gestion complète et la dispensation des médicaments dérivés du sang avec le suivi de leur traçabilité ;
– la dispensation, en 1994, de la méthadone aux patients suivis par le Centre méthadone créé au CHU ;
– l’organisation de la dispensation aux patients démunis, mise à la charge des hôpitaux par la loi de juillet 1998.
Dans le domaine des dispositifs médicaux, une évolution majeure se produit au moment de l’ouverture de l’hôpital de Brabois en 1973, dans un but de sécurité, avec le passage à l’usage unique pour les aiguilles et les seringues stériles, les gants chirurgicaux, les compresses, etc., une évolution qui s’étend progressivement ensuite à d’autres dispositifs. On était arrivé à l’ère du « stérile prêt à l’emploi ». En parallèle, un recensement des défauts de qualité des dispositifs médicaux est mis en place au sein des services. Ce recueil était adressé mensuellement au réseau national Pharmat. Cette activité a permis la création ultérieure de la matériovigilance. C’est aussi sous l’impulsion de Monsieur Hoffman que les médicaments génériques sont introduits dans l’hôpital dès leur mise sur le marché en 1984 (le premier antibiotique est l’ampicilline), et que l’informatisation de domaines comme la gestion des commandes, la mise en concurrence des molécules, les protocoles de préparation des anticancéreux et solutés nutritifs, etc., est réalisée.
Toutes ces activités ne sont rendues possibles qu’en raison de l’extension et de la création de nouveaux locaux à usage pharmaceutique : la construction à l’Hôpital central d’un second bâtiment de pharmacie regroupant les structures mises en conformité (pièce stérile, secteur des fabrications, stérilisation à l’oxyde d’éthylène, secteur des dispositifs médicaux, etc.), et l’ouverture de nouvelles pharmacies : à l’hôpital Jeanne d’Arc à Dommartin-les-Toul en 1972, à l’hôpital de Brabois adulte en 1973 et à celui de Brabois enfants en 1983, ces derniers étant des établissements neufs.
L’activité d’enseignement et de recherche à la faculté
Parallèlement à son activité hospitalière, Monsieur Hoffman poursuit une carrière universitaire à la Faculté de pharmacie, située tout près de l’Hôpital central. Nommé assistant délégué de pharmacie galénique le 17 décembre 1964, année de la mise en place de la réforme des études pharmaceutiques instituée par le décret du 26 novembre 1962, il est titularisé dans cette fonction en juin 1968. Chef des travaux pratiques de pharmacie galénique, promu au grade de maître-assistant en février 1970, il est reçu au concours d’agrégation et nommé maître de conférences agrégé stagiaire de pharmacie galénique en octobre 1975. Titularisé en 1978, il est intégré dans le nouveau corps des professeurs des universités au début de l’année 1980. Il est expert analyste agréé de 1977 à 1986. Les recherches menées au laboratoire de pharmacie galénique de la Faculté sont en relation avec les besoins hospitaliers, comme les études de stabilité des antibiotiques, ou des anticancéreux après conservation par congélation des poches. Elles concernent aussi la mise au point de nouvelles formes pharmaceutiques : vecteurs colloïdaux, liposomes, microsphères, nano-capsules. En 1987, au moment de la création de la discipline « Pharmacie clinique et biotechnique », le professeur Hoffman demande son transfert dans la sous-section correspondante, et il assure ces enseignements jusqu’à son départ de la faculté en 2001. Il devient alors professeur émérite et il le reste jusqu’en 2005. Il a été nommé chevalier des Palmes académiques en 1993.
Pierre et Michèle Labrude, mars 2019.
Illustration : le professeur Maurice Hoffman.
Archives de la Faculté de pharmacie de Nancy.