7° groupe : « les formes pharmaceutiques, en général magistrales, à composition variable, employées pour l’usage interne » (suite)
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Dans ce même 7° groupe très riche de Dupuy, une deuxième classe de médicaments mérite d’être décrite : celles des formes liquides. On y trouve principalement les potions, juleps et loochs), mais on y associait habituellement les liqueurs (qui appartiennent aussi au deuxième groupe de Dupuy), les mixtures et les gouttes. Comme le disait Dupuy lui-même, les mixtures sont un mot très commode et très élastique, servant à désigner des produits batards, qui ne peuvent être rangés dans aucune des formes pharmaceutiques nettement définies.
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Les potions (juleps, loochs, potions proprements dites) | La potion est un terme très répandu car il a une définition large : c’est en effet un médicament liquide destiné à être pris par cuillerées. La nature des potions est par conséquent extrêmement variable. |
Le mot potion n’apparaît au Codex qu’en 1818. Le Codex de cette année là, encore en latin, distingue les haustus, dont deux sont désignés potio, et parle ensuite des potiones qui, plus que tout autre médicament magistral, doivent être formulés selon les maladies. Il en donne huit formules et seulement quatre loochs ou eglegma. Le Codex de 1908 inscrit sept potions, de même que le Codex de 1937. |
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La même année, Soubeiran distinguait les juleps, les loochs et les potions proprement dites, mais la distinction était, selon lui, arbitraire car il n’y avait aucune limite tranchée entre ces différentes formes. Un julep était une potion ordinairement composée de sirop et d’eaux distillées. On y faisait entrer quelquefois des mucilages, des acides mais jamais de poudres ou de substances huileuses qui puissent troubler sa transparence.
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Julep contre le croup,
L’Officine de Dorvault, 1855 |
Les loochs, quant à eux, étaient des potions dont la consistance était plus épaisse que celle des sirops ; leur base était presque toujours un mucilage, et ils contenaient souvent des huiles. Goris précise même que les loochs sont des potions contenant une émulsion huileuse. Leur nom, dit-il, vient du verbe grec signifiant lécher ou de l’arabe lahok, car, explique-t-il, les loochs avait la consistance du miel et on les absorbait en léchant un pinceau trempé dans la préparation (un pinceau de Réglisse, précise même Dupuy en 1894). Les potions proprement dites étaient constituées, quant à elles, par celles qui n’étaient ni des loochs, ni des juleps. |
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Compte tenu de ces définitions très larges, les potions étaient très souvent prescrites et les formules très nombreuses. On en trouve plusieurs dizaines dans le Formulaire Bouchardat de 1878. Les indications du Codex sur le mode de préparation des potions augmentent encore en 1884, avec l’emploi de l’eau distillée. Enfin, en 1908, on envisage les potions « sucrées » : on n’indique plus que leurs formules sont variables ; elles sont devenues officinales et ont conquis le droit de cité.
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Liqueurs, mixtures et gouttes | |
Les liqueurs, mixtures et gouttes faisaient aussi partie du groupe 7 des formes pharmaceutiques de Dupuy. Ce dernier est d’accord avec Dorvault pour considérer que le titre de liqueur est très vague et est donné par habitude à certaines préparations. Il y avait, par exemple, la liqueur arsenicale de Pearson, et celle de Fowler, la liqueur d’Hoffman (qui appartenait aux teintures alcooliques), la liqueur antiarthritique de Sainte-Marie qui contenait laudanum et teinture d’ipéca, etc. Gouttes anodines anglaises, L’Officine de Dorvault, 1855
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Etymologiquement, la liqueur désignait toute substance liquide : le sujet était donc très vaste ! Plusieurs liqueurs ont été historiquement remarquées, comme la liqueur purgative et vulnéraire du médecin Claude Chevalier, ou encore la liqueur vitale de Rucco, médecin et inventeur en 1812 du produit. |
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Il en est un peu de même avec les mixtures, terme qui pouvait s’appliquer à tous les médicaments préparés par mixtion, c’est-à-dire par simple mélange de produits. Par définition, les mixtures étaient donc très nombreuses. Mais Dorvault considérait que le terme devait être réservé aux médicaments très actifs destinés à être pris par gouttes, sur du sucre, dans un verre d’eau ou d’un liquide approprié. De son côté, Charas, au XVIIe siècle, pensait que les mixtures se différenciaient des potions, « en ce que leur usage en est plus fréquent et plus long et qu’on en boit pas tant à la fois, parce qu’étant composés de remèdes puissants, elles opèrent en petites quantités ». |
Gouttes noires, L’Officine de Dorvault, 1855
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Gouttes Rieaux, Catalogue Cooper, 1930
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Dupuy en 1894 conclut en disant que le mot mixture est « très commode et très élastique, servant à désigner des produits bâtards qui ne peuvent être rangés dans aucune des formes pharmaceutiques nettement définies ». Du coup, on en trouve de très nombreuses formules en nombre croissant chez Charas (1676), Lémery (XVIIe et XVIIIe siècles) et Dorvault (XIXe et XXe siècles). Chez ce dernier, plus de 60 formules de mixtures sont proposées dans l’édition de L’Officine de 1923, comme par exemple : la mixture de Guénau de Mussy contre les névralgies faciales (en friction sur les gencives), la mixture cathérétique (ou vin arsenical cuivreux) contre les ulcères, ou encore la mixture contre la calvitie, à base de rhum, d’alcool, de teinture de cantharide, de carbonate de potasse, de carbonate d’ammonium et d’eau. | |
Les gouttes auriculaires
Album de galénique pittoresque Dessin de Jean-Paul Ladril, Editions Pariente, 1996 |
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Quant aux gouttes, là encore, il s’agissait d’une définition très vague, mais dont de nombreux ouvrages de référence faisaient l’usage. Cette forme pharmaceutique était censée être prise sur du sucre ou dans des liquides appropriés.
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Parmi les recettes de gouttes décrites dans l’Officine de Dorvault, il y avait les gouttes d’aconitine destinées au traitement des maladies rebelles des oreilles, les gouttes alcalines d’Hamilton pour combattre les convulsions des enfants, ou encore les gouttes anticholériques russes de Strogonoff. Il y avait également un remède secret italien appelé gouttes lithontriptiques (ou liqueur de Palmieri), contre les calculs rénaux |
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A. Baumé.
Elements de Pharmacie théorique et pratique, 1790, 6° édition |
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Exposition suivante : 8° groupe : « les formes pharmaceutiques, en général magistrales, à composition variable, employées pour l’usage externe » | |