Eugène Henri HERISSEY (1873-1959)Voir aussi La mycologie et les pharmaciens (Georges Dillemann, 1984) |
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Fils unique d’Hippolyte Hérissey, marchand épicier qu’il perdit vers l’âge de dix ans, Henri Hérissey fréquente l’école primaire de la rue Saint-Sauveur d’où il passe en 6ème au lycée d’Evreux. Aussi doué en lettres qu’en sciences, remarqué par son intelligence et son désir d’apprendre, il obtient son baccalauréat ès lettres en juillet 1890. Bien que ses préférences le poussaient vers une carrière médicale, mais désireux de ne pas entraîner des frais d’études trop élevées à sa mère, il se décide pour la pharmacie « matériellement plus abordable ». N’ayant pu obtenir une place de stagiaire à l’officine Buisson d’Evreux, il s’inscrit pour son stage de trois ans au Neubourg chez Aristide Emery, diplômé de Paris et ancien interne des hôpitaux qui, dès ses vingt cinq ans accomplis, venait de s’installer. Il profite de ses loisirs dans la soirée pour préparer et passer en 1891 son baccalauréat de mathématiques. Son stage validé en 1893, il s’inscrit à l’Ecole supérieure de Paris pour y effectuer sa scolarité. Dès la première année, il est reçu 3ème au concours de l’Internat de 1894. il choisit l’hôpital Laennec où il fait la connaissance de Joseph Bougault et de Victor Harlay qui deviendront et demeureront ses amis. Il y trouve surtout comme patron Emile Bourquelot dont il deviendra bientôt l’élève et sera le collaborateur pendant vingt-six ans : dès 1895, il est en effet chargé des fonctions de préparateur du cour de pharmacie galénique et sera nommé en 1897 au poste de préparateur qu’il occupera jusqu’en 1909. Le 21 mai 1898, il est reçu pharmacien de 1ère classe. Il s’est par ailleurs inscrit à la Faculté des sciences et a commencé la préparation d’une licence es sciences naturelles : il obtient successivement les certificats d’études supérieurs de chimie biologique en juillet 1898, de botanique en juillet 1899, de géologie en juillet 1900 et de zoologie en octobre 1900. Il a, d’autre part, entrepris des recherches qui lui permettent de soutenir à Paris, le 20 mars 1903, sa thèse de Docteur ès sciences naturelles. Il a également commencé ses études de médecine et très largement avancé sa scolarité, mais il ne soutiendra sa thèse de doctorat en médecine qu’en 1942, à 69 ans, à l’instigation de certains de ses collègues de l’Académie de médecine, les doyens Baudouin et Tiffeneau et le professeur René Hazard qui constitueront son jury. Il se présenta au concours du pharmacopat des hôpitaux et fut reçu en 1904 à son premier concours. Il est nommé le 25 juin 1904 à l’hôpital Bretonneau où il ne restera que jusqu’à la fin de 1906. Il est ensuite pharmacien-chef de l’hôpital Broussais de 1907 à 1919, puis peu de temps de l’hôpital Necker et, enfin, de l’hôpital Saint-Antoine où il demeure dix-huit ans, de 1920 à 1938, jusqu’à sa retraite des hôpitaux. Il y marquera sa présence par la création du premier laboratoire central de chimie biologique, création rappelée par une plaque de marbre que ses élèves et amis ont fait apposer dans la pharmacie de l’hôpital Saint-Antoine en 1938, en reconnaissance de son action comme pharmacien et comme biologiste. Par arrêté du 11 juin 1909, il est institué pour dix ans agrégé près de l’Ecole supérieure de pharmacie dans la section d’histoire naturelle et de pharmacie. La grande guerre, en l’éloignant de Paris, interrompt évidemment ses recherches. Affecté aux armées du 3 août 1914 jusqu’au 11 mars 1916, sa conduite lui vaut une brillante citation à l’ordre de la 76ème division. Après avoir reçu diverses affectations, il est détaché en janvier 1919 à l’Ecole supérieure de pharmacie et alors chargé de conférences de pharmacie galénique et de chimie biologique aux étudiants encore mobilisés. Il est lui-même démobilisé, le 25 mars 1919, comme pharmacien-lieutenant-colonel. Ses services de guerre furent reconnus par une nomination en 1919 comme chevalier de la légion d’honneur à titre militaire. Cependant, ses fonctions d’agrégé arrivaient à leur terme le 1er octobre 1919, mais, par application de l’article 2 de l’arrêté du 27 décembre 1880, elles furent d’abord prorogées jusqu’au 31 octobre 1919 puis pour une durée indéterminée. L’article 1er du décret du 4 août 1925 permit ensuite de nommer les agrégés sans limite de temps tandis que l’article 3 de ce décret décidait que les dispositions étaient applicables aux agrégés en exercice, institués avant la signature du décret. Ainsi, à la demande de la faculté, Henri Hérissey put-il être « pérennisé » en même temps que six autres agrégés. Il dut ensuite attendre l’année 1929 pour être nommé professeur « sans chaire » bien que ce titre ait été créé par un décret du 4 janvier 1921. Agrégé de la Chaire de pharmacie galénique, Henri Hérissey avait eu par deux fois l’occasion d’être candidat à la chaire devenue vacante et obtenu à chaque fois le même nombre de voix que son concurrent au Conseil de la faculté. En 1921, son ami Joseph Bougault se décida à briguer la chaire jusqu’alors occupée par Bourquelot. En 1928, Bougault ayant été transféré dans la chaire de chimie analytique, le ministère préféra Goris à Hérissey, présenté ex-aequo. Aussi est-ce seulement le 1er octobre 1930 qu’Henri Hérissey devient titulaire et dans la chaire de chimie biologique. Il devait conserver ce poste treize ans, jusqu’à sa retraite, le 30 septembre 1943. La retraite n’interrompit pas son activité scientifique. Cependant, son état de santé le contraignit à se retirer à Evreux en juillet 1957 et il y décédait dix neuf mois plus tard, le 28 janvier 1959.
Œuvre scientifique Ses premiers ouvrages furent consacrés à des problèmes d’enzymologie : étude de l’émulsine (doctorat en pharmacie, 1899) ; rôle de la seminase (α mannosidase) dans la digestion des mannanes et des galactanes (doctorat ès sciences, 1903), recherches diverses sur la tréhalase (αglucosidase, la gentiobiase (β gluocosidase), la pectorase, etc. Avec Bourquelot et divers de ses collaborateurs, il participe ensuite à plusieurs synthèses biochimiques avec des enzymes hydrolysantes, contribuant ainsi à la démonstration du phénomène de « réversibilité des actions diastasiques ». Par ailleurs, déterminant dans de nombreux extraits végétaux l’indice de réduction enzymologique, méthode générale de recherche des sucres et des hétérosides préconisée par Bourquelot et qui s’est révélée si féconde, il était conduit, comme lui, à transporter son attention des enzymes vers leurs substrats. C’est dans ce domaine difficile de la chimie végétale extractive qu’il devait obtenir ses plus beaux succès : perfectionnement des méthodes d’isolement de principes déjà connus (en particulier stachyose, sinigroside, gentiopicroside) ; découverte, isolement à l’état pur et constitution du viburnitol, cyclitol du Viburnum tinus, du gentiobiose, d’hétérosides noircissants, comme l’aucuboside et l’aspéruloside, d’hétérosides cyanogénétiques comme le prulaurasoside, qu’il fut le premier à obtenir cristallisé des feuilles de laurier-cerise, et l’amygdonitrile glucoside, déjà obtenu par hémi-synthèse, mais qu’il retrouva dans le règne végétal, -hétérosides divers, tels que la gélose et le lusitanicoside. Avec Bourquelot, il établit les rapports d’isomérie, restés classiques entre les trois monosides cyanogénétiques qu’ils avaient découverts l’un et l’autre, et l’amygdaloside, bioside correspondant à l’amygdonitrile glucoside. Membre du Conseil National de l’Ordre des pharmaciens, du Conseil supérieur de la pharmacie et du Comité technique des spécialités, il avait été nommé en 1946 inspecteur divisionnaire de la pharmacie à occupation accessoire. Il était par ailleurs membre de la Société mycologique de France en 1896, président en 1948, membre d’honneur en 1958 ; élu membre résident de la Société de Pharmacie de Paris en 1904, président en 1925 ; élu membre de la Société de biologie en 1907, vice-président en 1923 ; membre de la Société de chimie biologique en 1921, président en 1929 ; Elu membre de l’Académie Nationale de médecine le 2 mai 1939. Il la présida en 1955 et fut nommé émérite le 20 janvier 1959 ; membre honoraire ou correspondant de nombreuses Académies ou Sociétés savantes étrangères. Il avait reçu de nombreuses distinctions dont la Croix de guerre 1914-1918.
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Référence : G. Dillemann. Eugène Henri Hérissey, dans « Historique des facultés de pharmacie et de leurs chaires magistrales ». Le Pharmacien biologiste Tome XIV, n°128. |