Découvertes faites par des pharmaciens (suite 2) |
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Jouvin, pharmacien de la Marine, s’intéressa en 1853 aux mines d’or d’Australie et de Californie. Il est de plus l’auteur de nombreux travaux sur la conservation des carènes en fer des navires. L’innovation dans la construction des bateaux de guerre qui constituait à les munir de ces carènes en fer n’allait pas sans ennuis et, au bout de quelques années, les coques des navires se rouillaient et devenaient inutilisables. Contre cette corrosion des navires, on utilisa des peintures à base de plomb. Jouvin montra, en 1861, que ces composés de plomb pouvaient être décomposés par des sels de fer avec un dépôt de plomb métallique, qui augmente la corrosion du fer par action galvanique. Il conseilla donc l’emploi des peintures à base de zinc en poudre. Balland étudia également en 1892 et 1895 les usages de l’aluminium. Après avoir mis en relief les propriétés physiques de ce métal, il montra le rôle considérable qu’il pouvait jouer dans l’industrie nationale. Il expliqua les services que l’aluminium pouvait rendre dans la fabrication d’ustensiles ménagers et militaires : conservation des denrées en caisses étanches, fils conducteurs de téléphone, galons, boutons, plaques de ceinturon, fourreaux de baïonnettes, gamelles, quarts, bidons, etc…. , allégeant de beaucoup la charge du soldat..
Colorants, Peintures et Vernis
Les apothicaires vendaient autrefois des produits d’usage strictement pictural, comme le bleu d’outremer pour lequel ils possédaient les résines nécessaires pour opérer sa purification.Nicolas Vauquelin, qui découvrit le chrome en 1792, inventa le jaune de chrome. Lorsqu’en 1814, il analysa une substance bleue obtenue à St Gobain dans des fours à soude du procédé Leblanc et Dize, il l’identifia comme chimiquement analogue à l’outremer obtenu par purification du lapis-lazuli (dont l’analyse avait été faite en 1808 par Clément et Desornes). Le fils d’un pharmacien de Colmar, Jean-Michel Haussmann, (1749-1824), vint à Paris, faire ses études en vue de succéder à son père. Mais à peine diplômé, il quitta l’officine pour appliquer à la teinture les connaissances chimiques qu’il avait acquises. Il fonda une usine d’abord à Rouen, puis à Colmar où il fut considéré comme le meilleur teinturier de France. L’un des premiers, il adopta le blanchiment par le chlore, inventa plusieurs mordants, perfectionna le rouge des Indes et régularisa l’emploi de la garance. C’est lui qui découvrit en 1788 l’acide picrique. C’est lui qui appliqua le bleu de Prusse à la teinture..C’est incontestablement Zacharie Roussin (1827-1894) qui permit l’évolution moderne des matières colorantes. Il apporta à l’industrie de la teinture en 1845 les premières matières azoïques vraies, les premiers corps susceptibles d’applications générales en teinturerie. Déjà en 1861, il avait obtenu un colorant bleu violet, dérivé de la binitronaphtaline par l’action de sels d’étain. Puis il découvrit la naphtazarine. Tout le monde s’étonna de voir le désintéressement avec lequel Roussin traita ses découvertes, si exploitables pourtant : une préparation peu coûteuse puisqu’elle a comme matière première « une substance sans valeur qui encombre les usines à gaz », facilement réalisable à l’échelon industriel, fut livrée par son auteur au domaine public sans aucune rémunération pour lui. Après les déboires que sa conscience professionnelle lui avait causés avec la Commune en 1871, il reprit ses études sur les colorants dérivés de la naphtaline. Il découvrit toute une série de nouvelles substances aux belles couleurs. Sa femme travaillait auprès de lui pour apprécier les différences de tons, car cet habile chimiste, inventeur de presque toutes les teintures modernes était daltonien. Le rouge qu’il obtint en 1875 fut baptisé « Marie-Amélie » en l’honneur de sa fille unique ; ce rouge éclatant qui teignait les étoffes d’une façon durable fut, d’après Luizet, la première matière colorante azoïque présentée à l’industrie. La France avait distancé l’Allemagne où Griess et quelques autres travaillaient depuis longtemps sur cette question. En 1880, ce fut le tétrazoïque de benzidine, premier corps qui permit la teinture du coton non mordancé. L’usine Poirrier s’assura le bénéfice de ces découvertes sensationnelles : nacarat, rocelline, orangés I et II, chrysoïne…L’approbation des teinturiers fut unanime à consacrer le triomphe de Roussin, qui continuait à travailler. Mais les manipulations prolongées de substances nocives avaient émoussé son odorat à tel point qu’il ne s’aperçut pas un jour, qu’une fuite de gaz s’était produite dans l’un de ses appareils et il mourut asphyxié..
Carburants.
En 1866, M. Berthelot réussit la synthèse du benzène par polymérisation de l’acétylène, en le chauffant en vase clos, à la température du rouge sombre. Cette découverte ne peut être utilisée comme source industrielle de benzène, mais elle fut riche de conséquences pour toute l’industrie chimique. Déjà, le 8 décembre 1854, il avait réussi la synthèse de l’alcool à partir du gaz d’éclairage : après 53 000 secousses, il avait obtenu, par le mélange de gaz et d’acide sulfurique, de l’acide éthylsulfurique qui, hydrolysé, donnait l’alcool. Mais, comme le constatait le « Moniteur Scientifique » de Quesneville en 1862 : « Jusqu’ici M. Berthelot n’a point cherché à tirer parti de cette expérience si curieuse ; il s’est contenté de faire figurer à l’Exposition Universelle de Londres, dans la vitrine de la maison Menier, dont il est le chimiste consultant, un litre de cet alcool produit de toutes pièces ». C’est également Berthelot qui découvrit le moyen d’obtenir de l’alcool absolu par distillation sur la baryte caustique. Moissan trouva l’acétylène par son four électrique et, grâce à lui, fut le fondateur de la Chimie des Hautes Températures. Mais le véritable cracking découle de l’œuvre de son disciple Lebeau qui est à l’origine des carburants synthétiques. C’est lui qui fonda le Comité des Hautes Températures qui eut un rôle capital dans le chauffage par haute fréquence, l’emploi des grands fours à vide, les fours électriques à étincelle. Avec son collaborateur Damiens, il perfectionna en 1913 la synthèse de l’alcool en employant l’acide vanadique comme catalyseur. Les travaux de ces deux pharmaciens sur les gaz les conduisirent, grâce aux techniques qu’ils avaient imaginées, à une étude systématique des combustibles solides, qui fut très importante par ses conséquences sur le chauffage industriel. Pétrole. L’époque héroïque des lampes à pétrole, encore bien près de nous, débuta grâce à la découverte d’Alexandre Legros, pharmacien à Autun. En 1836, dans son petit laboratoire d’Autun, il se passionnait pour la distillation de la mystérieuse huile de roche, condensation des gaz et des vapeurs du schiste bitumeux réchauffé, et il obtint pour la première fois du pétrole au lieu de l’huile de schiste qui ne pouvait servir qu’au graissage des moteurs, et cela dix-huit ans avant qu’on découvre le pétrole en Amérique. Legros voulut exploiter sa découverte et s’associa avec plusieurs hommes d’affaires, mais n’y réussit pas beaucoup. A l’Exposition Universelle de 1855 à Paris, il présenta le pétrole, qu’il produisait depuis dix-huit ans, et toute une gamme de dérivés, entre autres l’essence, qui, adoptée par l’ouvrier Lenoir, inventeur du moteur à explosion, fut vendue en Amérique jusqu’en 1859. Il lui fallut se battre contre la concurrence des pétroles américains, mais vers 1880, la lutte devint impossible. Il fut obligé de cesser son activité et son fils Emile, également pharmacien, dut aller travailler comme ingénieur chimiste à Dijon.
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