L’ouvrage du docteur Cabanès auquel nous avons déjà consacré quelques expositions http://www.shp-asso.org/remedes-dautrefois-cabanes-3-le-culte-des-pierres-des-arbres-et-des-eaux/ s’est intéressé à l’usage thérapeutique des chiens, des chats et des chevaux. En ce qui concerne le chien, Cabanès rappelle que cet animal fut consommé comme aliment depuis l’Antiquité et même en France dans des situations particulières : pendant le siège de Paris par Henri IV et surtout lors du siège de Paris en 1870-71. « Le gigot de chien, les côtelettes de chien grillées, le filet de chien aux légumes, le rata de chien calmèrent alors bien des fringales ». L’auteur signale un repas fait le 17 novembre 1870, dont le menu a été publié. On pouvait y voir, à côté des brochettes de foie de chien à la maître d’hôtel, d’épaules et de filets de chien flanqués de ratons sauce poivrade, un émincé de râble de chat, un civet de chat et un salmis de rat ! « Le tout fut trouvé exquis et l’opinion unanime des convives se traduisit par l’étonnement de s’être si longtemps privés de mets aussi savoureux ».
Mais on a aussi utilisé le chien comme médicament pour des maladies les plus diverses : pour guérir du mal de dents et de l’épilepsie ; pour faciliter les accouchements ; pour faire disparaître la goutte et les rhumatismes. On eut aussi l’idée de partager en deux des chiens vivants, pour les appliquer tout chauds sur des membres meurtris en enflammés. on a aussi dressé les chiens à lécher les plaies. « Ne lit-on pas dans l’Évangile de saint Luc que des chiens léchèrent les ulcères de Lazare, auquel le mauvais riche refusait les miettes de sa table? ». Les anciens Formulaires évoquent bien sûr « l’huile de petits chiens » qu’on trouve dans la Pharmacopée de Lémery.
On utilisait aussi la graisse de chien. Elle guérissait de tous les maux. Toutes les parties du chien ont été mise à contribution : le crâne, brûlé, pulvérisé, servait à traiter les ulcères ; bu dans du vin, il guérissait la jaunisse et les convulsions. La cervelle de chien était un antidote contre la manie. L’œil du chien servait contre l’ophtalmie; ses dents calcinées contre le mal de dents. Galien prescrivait aux splénétiques la rate de chiens nouveaux-nés. Le lait de chienne était considéré comme excellent pour la nourriture des enfants. On se basait sur ce qu’Esculape, le dieu de la médecine, avait été nourri par une chienne. On employait également ce lait dans les accouchements difficiles. On s’en servait encore pour les maux d’oreilles et pour l’alopécie. L’urine de chien était efficace contre la carie des dents, les ulcères et les verrues. « La Faculté de Londres dut intervenir pour en interdire l’emploi, tant il s’était commis d’abus ». Et l’album groecum, la crotte de chien, il n’a pas si longtemps qu’elle a disparu des bocaux des antiques officines, nous dit Cabanès en 1910.
Le chat fait également partie des animaux dont parle Cabanès. La graisse de chat fait partie de la Pharmacopée de Lémery et se trouve dans de nombreux formulaires anciens. L’onguent de chat se préparait avec un petit chat nouveau-né coupé en morceaux et que l’on mettait dans un pot vernissé avec des vers de terre. Cet onguent « est propre pour résoudre, pour fortifier les nerfs, pour la paralysie, pour les convulsions, pour les catarrhes, pour la goutte sciatique ». Le cataplasme de nid d’Hirondelle de Mynficht décrit par Lémery contenait de la cervelle de chat. Il était destiné à traité les ulcérations de la gorge. La graisse de chat sauvage, nous dit Cabanès, appliquée sur l’ombilic, agissait contre l’épilepsie « pourvu qu’elle eût été prise sur un individu du même sexe que le malade ».
La graisse de chat entrait aussi dans la composition de l’onguent nervin de Lemort décrit par Lémery.
D’autres mammifères, tels le cheval, l’âne, la chèvre, le bœuf, le mouton, ont été utilisés dans divers affections, nous indique Cabanès. De nombreuses parties du cheval ont été proposées comme médicament. Les crins de cheval ont été préconisés contre la dysenterie ; la cendre de ses dents comme dentifrice ; la vapeur de son sabot brûlé, contre l’hystérie ; ses excréments soit crus, soit calcinés, contre les hémorragies. Ces même excréments servaient à la préparation de cataplasmes vantés comme résolutifs, contre les maux de gorge. On a également utilisé les concrétions trouvées dans l’estomac du cheval, concrétions désignées sous le nom d’hippolithes.
Le docteur Cabanès rapporte aussi les vertus médicinales attribuées au poil de chameau : « les Anglais spleenétiques (spleenéthique : qui procure le désoeuvrement et le désintérêt pour son existence et celle des autres de manière inexpliquée, nous dit le dictionnaire) prétendent qu’un oreiller de cette substance est excellent contre l’insomnie et contre la migraine. C’est Edouard VII en personne qui aurait hérité de sa mère cette recette souveraine : quand il est pris d’un accès de migraine, il se fait effleurer les tempes avec un pinceau en poils de chameau ».
Dernière anecdote à propos de l’usage de certains mammifères en thérapeutique. Elle est rapporté par le pharmacien Sébastien Blaze dans ses mémoires de la Guerre d’Espagne à propos du maréchal Lannes :
« Lorsque le maréchal fut apporté à Vittorie, il était couvert d’ecchymoses ; son ventre était enflé et tendu ; il ressentait de vives douleurs dans les entrailles, de la gêne dans la respiration, et il ne pouvait faire aucun mouvement. En outre, bien que souffrant d’une vive inflammation intérieure, ses extrémités étaient glacées. Un énorme mouton fut écorché tout vivant. Pendant qu’on dépouillait l’animal, on prépara une embrocation très chaude d’huile de camomille fortement camphrée. Immédiatement après, la peau, toute fumante, qui laissait transsuder de sa surface écorchée une rosée sanguinolente assez copieuse, fut appliquée sur la peau de son Excellence.

On la croisa exactement et on cousit les bords. Des flanelles chaudes furent appliquées sur les jambes et les bras du maréchal, qui absorba en même temps quelques tasses de thé léger, avec un peu de jus de citron et de sucre. Le maréchal éprouva aussitôt un mieux sensible… puis ils s’endormit dix minutes après et resta dans son sommeil profond et tranquille pendant deux heures. L’enveloppe de mouton lui fut retirée ; tout son corps frictionné avec une embrocation chaude d’eau-de-vie camphrée ; boissons émollientes, lait d’amandes douces éthéré, lavements émollients camphrées, etc. Le cinquième jour, le maréchal fut en état de se mettre en route et de suivre de nouveau l’empereur à franc étrier… ».