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Le Courrier d’Epidaure. Revue Médico-littéraire 1934 (5)

Nous sommes à la cinquième et dernière  étape de notre parcours de la Revue Médico-littéraire, le Courrier d’Epidaure, publié en 1934 par le laboratoire Corbière. Nous avons déjà examiné les 8 premiers mois de l’année 1934 et nous allons examiner les derniers numéros 9 et 10 (novembre et décembre 1934).

Le numéro de novembre 1934 comporte de nombreux articles mais nous n’en montrerons ici qu’un seul, celui intitulé « les diables et les diablesses de Loudun, le martyr d’Urbain Grandier. » Urbain Grandier, prêtre de trente ans, avait été nommé curé de Saint-Pierre-du-Marché, à Loudun, au mois d’août 1617. « Il aimait extrêmement les femmes, et le leur prouvait, séduisant et rendant mères des filles, jusque sous le toit paternel ». Dénoncé une première fois à l’évêque de Poitiers, il fut arrêté et condamné, mais il fit appel et obtint gain de cause. En 1632, le bruit courut que les religieuses Ursulines étaient obsédées par des fantômes et possédées du démon. Exorcisées, elles portèrent d’étranges accusations contre Urbain Grandier, qu’elles accusaient de les avoir ensorcelées. Il déposa une plainte en calomnies et l’affaire semblait réglée. Mais on vit arriver à Lundun un personnage , Laubardemont, créature de Richelieu, qui fit arrêté Grandier. Après 7 mois de procès, ce dernier est condamné à être brûlé pour crime de magie, maléfice et possession sur la personne des religieuses de Loudun. D’autres prêtres connurent le même sort.

Le numéro de décembre 1934 commence par un long article sur Balzac « petit-neveu des rois de Pologne » et son mariage avec Evelyna Hanska, comtesse polonaise qu’il appelle son « étoile polaire ». Balzac, d’origine modeste, était très attiré par l’aristocratie et tombe amoureux, sans l’avoir vue, d’une lointaine princesse polonaise. 

« C’est un grand amour, mais c’est aussi un parti considérable, un de ces partis dont la fortune colossale n’était gratifiée par Balzac qu’à ces héros de la Comédie Humaine. La naissance, la fortune, la splendeur des alliances, tout cela était représenté par Mme Eva, née comtesse Rzewuska, aux yeux éblouis du grand homme ». Il faudra encore bien des années et de multiples péripéties pour que finalement le mariage ait lieu le 14 mars 1850, comme le raconte Balzac lui même à sa soeur :

Tableau en couleur de Balzac par Waliszewski

« Hier, à Berditchef, dans l’église paroissiale de Sainte-Barbe, un délégué de l’évêque de Jitomair, un saint et vertueux prêtre, en tout point semblable à notre abbé Hinaux, le confesseur de la duchesse d’Angoulême, a béni et célébré mon mariage. Il y a donc, depuis vingt-quatre heures, une madame Eve de Balzac ou une madame Honoré de Balzac, ou une madame de Balzac aînée. Ce n’est plus un secret, et comme tu le vois, je te l’annonce dans le plus court délai. Les témoins étaient le comte Georges Mniszech, le gendre de ma femme, le comte Gustave Olizar, beau-frère de l’abbé comte Czarouski, l’envoyé de monseigneur l’évêque, et le curé de la paroisse de Berdichef. La comtesse Anna accompagnait sa mère, toutes les deux au comble de la joie. C’est, comme tu le sais, avant tout un mariage de cœur, car madame Eve de Balzac a donné toute sa fortune à ses enfants, le comte Georges étant peut-être meilleur pour elle que beaucoup de fils ne le sont pour leur mère. Quant à madame Balzac, que t’en dirais-je encore ! elle peut être enviée : mais à l’exception de sa fille, il n’y a pas, dans ce pays, de femme qui lui soit comparable ; c’est bien le diamant de la Pologne et le joyau de cette vieille et illustre famille Rzevuski… Ton frère Honoré, au comble du bonheur. »

Le Courrier d’Epidaure s’intéresse ensuite aux fossiles dans la légende et la tradition. On pensait qu’ils avaient des propriétés d’êtres vivants, ou encore qu’ils provenaient directement des astres. « Aux environs de Marche, au Luxembourg, les paysans nommes les bélemnites « pierres d’étoiles » parce qu’ils pensent qu’elles tombent avec les étoiles filantes. Mais c’est la foudre qui joue le plus grand rôle dans le folklore des fossiles. On sait que les haches de pierre polie ont de tous temps été considérées comme des pierres de foudre. il en est de même des bélemnites et plus rarement des fossiles. » On pensaient que les fossiles avaient aussi des propriétés thérapeutiques. L’article indique que les dents de squales fossiles sont très recherchées en Italie. Elles facilitent la poussée des dents des enfants, éloignent d’eux le mauvais oeil et les préservent des vers. On les suspend à leur cou. En Armagnac, ces dents, appelées langues de serpents, sont conservées avec soi dans les familles à cause de leurs vertus contre les venins. Les pointes ou radioles d’oursins fossiles, dites pierres judaïques, furent jadis usitées contre la strangurie (difficulté d’uriner).  En Italie, un polypier fossile, dit « pietra stellaria » aide à la sécrétion du lait, préserve aussi les enfants des vers intestinaux. Les bélemnites se plaçaient autrefois sous le seuil ou sous le foyer d’une maison pour la protéger contre la foudre.

La gestation de l’Europe, par Takal, le Courrier d’Epidaure, 1934

De vieux ouvrages mentionnent la bélemnite comme absorbante, dessiccative, bonne contre les sortilèges. On l’employa contre le cauchemar et le calcul des reins. Mais ses principaux succès sont obtenus dans les affections des yeux. Dans le Berry, les sorcières en portent toujours dans leurs poches et guérissent les maux d’yeux en les « tatant auvé co piarre de lynx ». « En Bourgogne, dans la vallée de la Dheune, nous avons recueilli la recette inédite suivante, contre les maux d’yeux des animaux ou des hommes : On les enduit d’un onguent fait de poudre de bélemnite mêlée à un escargot écrasé. Ce dernier ne sert peut-être que d’excipient… ». Les fossiles trouvent aussi leurs applications dans le domaine psychique et pour la divination. « Dans le sud du Maroc, les devins prédisent l’avenir en faisant parler des coquilles fossiles de térébratules qu’ils disent élevées et nourries par eux. »… 

Après des articles sur « Les filles de Paris, le Sphinx et Modigliani, la revue publie un petit article sur un châtiment au moyen âge contre les querelleuses : « la Bouteille du Bourreau ». « Il existait en France, au moyen âge, en Allemagne et dans tous les pays nordiques une très curieuse coutume : lorsque deux ou plusieurs femmes se prenaient de querelle, on les conduisaient devant les juges ; si elles obtenaient condamnation, on leur appliquait généralement la peine de la pierre au Col avec promenade moult honteusement de par la ville ; et si la faute était jugée des plus graves, on leur faisait faire cortège les jours de marché, trois fois autour de la ville, précédées de « gents d’armes avec guidon, cornets et trompettes ». Cette pierre était sculptée en forme de tête de femme avec la langue pendante, ou une tête de chien ou de chat.  Le plus souvent, ce fut une bouteille d’où le nom de Bouteille du bourreau, nom définitif qui lui resta ; de là naquit ce proverbe Boire de la bouteille du bourreau. A propos des femmes bavardes, l’auteur rapporte cette anecdote racontée par Rabelais : « Un bon mary avoist épousé une femme muette, il vousloit qu’elle parlast. Elle parlast par l’art du chirurgien qui lui couspa un ecyliglotte (filet) qu’elle avait sous la langue. La parole recouverte, elle parla tant et tant que son mary retourna au chirurgien pour remède de la faire taire. Le chirurgien respondit en son art bien avoir remèdes prospres pour faire parler les femmes, n’en avoir auscun pour les faire taire… Remesde unique : estre surdité de mary contre cestuy enterminable parlement de femmes ».

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