De nombreux laboratoires vont publier, avant la seconde guerre mondiale, des journaux d’entreprise (House-Organs) pour distraire les médecins et leur entourage. Un exemple intéressant est celui des Laboratoires Corbières qui vont éditer Le Courrier d’Epidaure de 1934 à 1939 et dont on trouve quelques numéros sur Gallica. Nous allons examiner les numéros de l’année 1934, première année de parution de la Revue. Le premier numéro, paru en janvier 1934, explique qu’il n’est pas de plus belle route que celle qui mène à Epidaure, « cette cité sainte où règne le divin Asclepios que nous nommons à la française, Esculape ».
Ce premier numéro et les suivants commencent par une reproduction des mois de l’année tirée du « Grant Calendrier et Compost des Bergiers ». La médiathèque de Troyes donne des informations sur ce calendrier : « Edités pour « enseigner la science des bergers qui est science de l’âme, du corps, des astres, de la vie et de la mort », ces livres sont en fait des compilations à usage pratique et moral destinées à un public laïc. Ils s’inspirent d’ouvrages médiévaux tels que « Le Livre des propriétés des choses » de Barthélémy l’Anglais, les « Grandes Danses Macabres », les traités préparant les âmes au Jugement Dernier.
Ils ont recours à l’astrologie, très présente aux XVe et XVIe siècles. Les signes du zodiaque, les planches anatomiques, les danses macabres ou représentations des enfers, les représentations des activités agricoles ou artisanales pour chaque mois de l’année, doivent enrichir le texte pour guider l’Homme vers son salut. Le premier compost des bergers fut imprimé à Paris par Guy Marchant en 1491 avant d’être réédité à de nombreuses reprises dans les décennies suivantes. Pour l’exemple de Troyes, les éditions se succèdent en 1497, 1503, 1510, 1529 et 1541. » Concernant le mois de janvier, ce même document explique que « dans la mythologie romaine, Janus était le dieu des portes et des passages, dans l’espace et le temps, comme le passage d’une année à l’autre. C’est pourquoi un personnage à deux visages opposés est souvent représenté dans les figurations du mois de janvier ».
En ce qui concerne le reste de ce premier numéro, on y trouve des articles très divers et sans lien les uns aux autres.
On peut aussi découvrir des illustrations assez surprenantes dans le contexte de 1934, comme cette bande dessinée intitulée « à la recherche de l’aryen perdu » ou encore « le petit traité de sympathicothérapie » ! Je vous propose de vous arrêter sur deux articles parus en janvier 1934 : Le tourisme chez les romains et les tanneries de peau humaine. Georges Barraud explique que les romains, en construisant des routes, avaient facilité les voyages. Aristide, rhéteur grec de l’empereur Marc-Aurèle, lui écrivit : qu’en créant ces routes, il avait « ouvert toutes les portes et donné à chacun la facilité de voir de ses propres yeux ».
Georges Barraud poursuit : « La poste d’Etat fournissait aux fonctionnaires des voitures qui faisaient près de huit kilomètres à l’heure.
De riches associations de transports tenaient à la disposition du public des chevaux, des véhicules et des postillons ; comme équipages de louage, on avait le choix entre des voitures à quatre roues, confortables, mais peu rapides, et des cabriolets à deux roues.
C’est avec un véhicule de ce genre que César franchit en moins de huit jours, l’espace de huit cent milles environ, qui sépare Rome du Rhône, ce qui représentait à peu près cent-cinquante kilomètres par journée de vingt-quatre heures. »
On circulait alors beaucoup : les fonctionnaires, les commerçants mais aussi les touristes. Toute une classe d’hommes faisait métier de guider les voyageurs au bon endroit ou de leur expliquer les spectacles qu’ils avaient sous leurs yeux.
Comme l’écrit Lucilius Funier, « nous parcourons les terres et les mers au péril de notre vie et bravant tous les dangers, pour aller voir des temples magnifiques, avec leurs riches trésors, des statues de marbre et des antiquités sacrées… les peintures et les sculptures de la Grèce fascinent bien des gens… Cette profusion d’oeuvres, dans laquelle tant d’art se manifeste, attire beaucoup de personnes, et vous vous croyez obligé d’aller les voir, malgré les périls du voyage sur terre et sur mer ». De son côté l’empereur Julien l’Apostat écrit : « J’étais en quartier d’hiver dans ma chère Lutèce : c’est ainsi que les Celtes appellent la petite ville des Parisiens. Elle est située sur le fleuve qui l’environne de toutes parts, en sorte qu’on n’y peut aborder que de deux côtés, par deux ponts de bois ». L’empereur poursuit sa description détaillée de la ville et des endroits qu’il visitait.
Un autre sujet abordé par ce premier numéro du Courrier d’Epidaure concerne les tanneries de peau humaine. Henri Allorge, l’auteur de l’article sur ce sujet, raconte les histoires rapportées sur ce sujet tant au château de Meudon qu’en Vendée. Si les historiens concluent que la tannerie de Meudon est une légende, le tannage de peaux humaines semble bien avoir existé, mais de façon marginale et non organisée.
Le numéro 2 de la Revue aborde des sujets également très divers dont un chapitre intitulé « Les voyageurs du Moyen-Âge ». Le même Georges Barraud y montre qu’on a également beaucoup voyagé au moyen-âge, en particulier vers des lieux de pélerinage, des sanctuaires vers lesquels se pressait la foule des pélerins, comme Saint-Jacques-de-Compostelle, ou Rome pour y adorer « le seuil des apôtres Pierre et Paul ». les fondateurs des ordres monastiques ont parcouru l’Europe : saint Benoit, saint Bernard, ou saint Dominique . Sans oublier les croisades qui vont mettre sur les routes un grand nombre de rois, de seigneurs et de chevaliers et leurs suites…
A suivre !