Extrait de l’ouvrage du docteur Dehaut (1902) sur ce sujet1 :
« Vésicatoire volant – On peut, avec un grand succès, se servir de vésicatoires volants2 pour combattre les douleurs névralgiques ou rhumatismales qui n’ont pas cédé aux remèdes calmants. Il est rare, par exemple, qu’une douleur de côté sans fièvre ne soit pas enlevée en quelques heures par un vésicatoire grand comme la main. Dans les cas de ce genre, on n’a pas besoin de l’avis d’un médecin, comme dans le cas des affections aiguës, qui réclament impérieusement la direction d’un homme instruit…
En effet, le plus souvent, c’est dans les grandes inflammations, telles que les fluxions de poitrine, les pneumonies, les pleurésies, l’inflammation des jointures, etc. , que les vésicatoires volants sont employés. Dans ces cas, toujours graves et urgents, c’est souvent à l’action précise et sûre de ce remède que le médecin attribue le salut du malade. Mais si le vésicatoire sort d’une mauvaise fabrique ; s’il ne prend pas, où s’il prend avec un long retard, dans les maladies où les heures sont précieuses, le malade succombera peut-être, et cela, par la faute d’un remède mal fabriqué.
Nous voulons préserver nos lecteurs d’un pareil danger, et nous sommes certains d’y parvenir, en leur faisant connaitre les vésicatoires d’Albespeyres. C’est surtout à ce savant pharmacien qu’on doit les perfectionnements si importants qui ont été réalisés dans les moyens d’établir et d’entretenir les vésicatoires. En inventant la toile vésicante verte qui porte son nom, il fournit aux médecins le moyen d’établir, à coup sûr, un peu de temps et d’embarras, un vésicatoire tel qu’il pouvait le désirer. En inventant le papier épispastique, il fit disparaître les ennuis si désagréables dépendant des modes de pansement usités jusqu’alors. Ces deux inventions répondaient si bien au besoin général qu’elles furent acceptées par les médecins de tous les pays, et que le gouvernement français les adopta pour le service des ambulances et des hôpitaux militaires.
Mais, comme toujours, les imitateurs sans scrupules sont venus, vendant aux pharmaciens des toiles vésicantes de belle apparence et à bas prix, sans se préoccuper des dangers que peuvent courir, de leur fait, de pauvres malades qui ont un urgent besoin d’un remède fidèle et énergique. Et pourquoi se livre-t-on à ces fraudes criminelles ? Pour économiser quelques centimes sur le prix de revient d’un vésicatoire ! C’est donc à bon droit que nous disons à nos lecteurs :
Toutes les fois que vous aurez besoin de poser un vésicatoire, qu’il soit volant ou à demeure, qu’il soit conseillé par un médecin ou que vous agissiez par votre initiative personnelle, insistez auprès du pharmacien pour qu’il vous donne la toile vésicante d’Albespeyres…
Vésicatoires à demeure – Ce genre de vésicatoire ne s’emploie que dans les affections chroniques, et, le plus souvent, lorsque ces affections sont extérieures, comme les gourmes tenaces, les maux de paupières, les écoulements des oreilles, qu’ils sortent de l’oreille elle-même ou que leur siège soit à l’extérieur. mais ils réussissent aussi très fréquemment à détourner les humeurs qui causent l’inflammation persistante de la gorge et des bronches.
Dans toutes ces circonstances, l’action continue du vésicatoire attire les humeurs et les fait sortir par l’endroit que l’on a choisi comme étant le moins gênant. Comme on le voit, ce remède ne guérit pas en supprimant les humeurs qui causent le mal, mais en les faisant sortir à mesure de leur production dans l’économie. C’est principalement chez les enfants et les personnes lymphatiques que les vésicatoires bien entretenus produisent de bons résultats…
Les vésicatoires volants doivent être appliqués sur le point malade lui-même, ou du moins le plus près possible de ce point ; mais il n’en est pas de même quand il s’agit du vésicatoire à demeure. Celui-ci peut être placé très loin de l’endroit malade, parce que son action dépurative se produit lentement, et qu’elle a le temps de se faire sentir au loin. Grâce à cette propriété, on a pu choisir la partie du corps qui se prête avec le moins d’embarras à l’entretien de l’exutoire ; cette partie est le bras, au voisinage de l’épaule, et, le plus souvent, c’est le bras gauche.
L’entretien d’un vésicatoire à demeure consiste à l’empêcher de se cicatriser, afin que la suppuration ne cesse pas un jour de se produire. On obtient ce résultat en mettant chaque jour sur la plaie un morceau de papier d’Albespeyres de la grandeur que l’on veut conserver à cette plaie, et en choisissant le papier du degré voulu pour donner à la suppuration la force que l’on désire. Les trois degrés de ce papier indiqués par les numéros 1, 2 et 3, le numéro 3 étant le plus fort, permettent d’augmenter ou de diminuer l’activité de l’écoulement d’humeur.
La durée pendant laquelle on doit conserver les vésicatoires varie beaucoup ; elle est toujours longue, et il y a des personnes qui les gardent toute leur vie, ayant reconnu, par expérience, qu’elles ne sont bien portantes qu’à la condition de ne pas laisser fermer l’espèce de fontaine par laquelle s’écoule sans cesse les humeurs, qui, sans cela, se porteraient ailleurs… »
- Manuel de médecine, d’hygiène, de chirurgie et de pharmacie domestiques par Dehaut…24ème édition, Paris, chez l’auteur, 1902
- L’auteur précise plus tôt qu’il y a deux sortes de vésicatoires : « le vésicatoire volant et le vésicatoire à demeure. Ce qui les distingue, c’est le pansement du vésicatoire volant a pour but de le faire guérir tout de suite, sans lui laisser le temps de suppurer ; tandis que, pour l’autre, on cherche à entretenir la suppuration. »