GODFRIN (Julien)

Le professeur Julien Godfrin (1850-1913),

directeur de l’Ecole supérieure de pharmacie de Nancy

et fondateur de la Société lorraine de mycologie

La Société lorraine de mycologie a vu le jour le 10 juillet 1911 lors d’une assemblée générale constitutive organisée sous l’impulsion du professeur Julien Godfrin, titulaire de la chaire d’histoire naturelle de l’Ecole supérieure de pharmacie de Nancy. Deux ans après la fondation de cette société mycologique, donc en 1913, Godfrin meurt, puis la Première Guerre mondiale éclate l’année suivante. La société ne retrouvera une activité que plusieurs années après la fin de la guerre et Godfrin sera oublié, comme beaucoup d’autres et très naturellement. Pourtant, il avait beaucoup oeuvré, très positivement et dans différents domaines. 

Le professeur Godfrin dans son bureau de l’Ecole supérieure de pharmacie, rue de la Ravinelle (collection P. Labrude).

L’instituteur qui devient pharmacien

Julien Godfrin naît le 26 février 1850 à Châtel-Saint-Germain, village tout proche de Metz. Il est le fils de Louis Nicolas Godfrin, né à Lantéfontaine (à côté de Briey), dans le département de la Meurthe, et de sa seconde épouse, Marie Blanchebarbe. Ils se sont mariés à Lorry-les-Metz le 16 avril 1849. Julien est d’abord élève de l’Ecole normale du département, à Metz, de 1866 à 1869, puis instituteur adjoint à Ars-sur-Moselle. Après la guerre de 1870, il est encore instituteur à Etrepilly, dans la région de Meaux, jusqu’à sa nomination en octobre 1872 en qualité de professeur adjoint d’agriculture à l’Ecole normale d’Alençon. Il a donc opté pour la France selon les conditions du traité de Francfort puisqu’il est en France et y reste en qualité de fonctionnaire. Ayant obtenu le baccalauréat ès-sciences à Nancy en août 1872, il y revient dès mai 1873 en qualité de répétiteur au lycée, mais n’y reste pas longtemps, deux années seulement, car il a décidé de changer d’orientation. Il effectue son stage de pharmacie et prépare, grâce à une bourse, la licence ès-sciences. Il est reçu pharmacien de 1e classe à Nancy en 1878, licencié l’année suivante, et il soutient en 1880, toujours à Nancy, sa thèse pour l’obtention du diplôme supérieur de pharmacien de 1e classe. Ces travaux et ces résultats lui valent le titre de lauréat de la Faculté des sciences et de lauréat de l’Ecole supérieure de pharmacie.

Le professeur

À cette époque, le gouvernement crée à Alger des « écoles d’enseignement supérieur », et Godfrin est nommé maître de conférences de botanique à l’Ecole supérieure des sciences. C’est pour peu de temps mais il ne s’en doute bien sûr pas… En effet, le professeur de matière médicale de Nancy, Oberlin, ayant pris sa retraite, l’Ecole rappelle son ancien élève en qualité de chargé du cours. Godfrin soutient sa thèse de doctorat ès-sciences naturelles à la Sorbonne en 1884 et est immédiatement nommé professeur titulaire de la chaire de matière médicale. Il s’intéresse surtout aux caractères anatomiques et histologiques des drogues et à la micrographie, domaines dans lesquels il rédige et publie plusieurs ouvrages : « Manuel technique d’anatomie végétale, guide pour l’étude de la botanique microscopique » (traduction, Savy, Paris, 1886), « Atlas manuel de l’histologie des drogues simples » (Savy, Paris, 1887), « Atlas photographique de l’histologie des drogues simples » (Lhomme, Paris, 1889). Il faut sans doute voir dans cet intérêt sa décision de demander son transfert dans la chaire d’histoire naturelle lors du décès du professeur Bleicher en 1901. Godfrin se consacre dès lors à la botanique et à l’étude de la flore locale.  

L’administrateur

Parallèlement à ses activités d’enseignement et de recherche, Julien Godfrin mène une carrière administrative. En 1900, il devient l’assesseur du directeur de l’Ecole, et, à la mort de Bleicher, qui en était aussi le directeur, il lui succède. Au cours de son mandat, qui dure jusqu’à son décès en 1913, il s’attache de plusieurs manières à la pédagogie. La qualité des locaux en constitue un aspect. L’Ecole avait pu bénéficier de la construction, rue de la Ravinelle, derrière le Palais académique, d’un bâtiment réservé à ses usages, mais il était à la fois trop petit, étrangement conçu (absence de porte sur la rue, locaux à demi enterrés, froids et humides, constitués de deux étages seulement, surmontés d’un pavillon médian) et très laid… Après bien des efforts et grâce à l’aide du recteur Adam, en 1909, l’Université et l’Ecole, avec leurs seules ressources, procèdent à la rénovation et à l’agrandissement du bâtiment. Il se présente alors tel que nous le connaissons aujourd’hui.

En 1907, Godfrin est chargé par le ministre de l’Instruction publique de rédiger un rapport sur la réforme des études de pharmacie. Il connaît donc bien cette question et c’est sans doute dans ce contexte que l’Ecole a le mérite, sous sa direction, de rénover les travaux pratiques et d’en initier d’autres, mesure où elle se montre pionnière par rapport à ses homologues. Ceci est en particulier vrai dans le domaine de la pharmacie industrielle, où elle se dote en 1905 d’un laboratoire d’enseignement très bien équipé et unique dans notre pays. Cette initiative n’est malheureusement pas pérenne en raison du refus réitéré du ministère d’accorder une reconnaissance à l’enseignement sous la forme d’un diplôme spécifique. Ceci n’existe en effet dans aucun domaine de la pharmacie et constituerait, il faut bien le dire, une décision qui, à coup sûr, entraînerait d’autres demandes. L’expérience s’arrête en 1912 mais d’autres écoles de pharmacie sauront tirer parti de l’idée. Toutefois le laboratoire nancéien servira au Service de santé militaire, en qualité d’industrie pharmaceutique, pendant la Grande Guerre.

Godfrin intervient également dans le domaine hospitalier, et c’est sur ses instances que sont créés les premiers emplois de pharmacien dans les hôpitaux nancéiens, l’un aux Hospices civils et l’autre à l’Asile départemental d’aliénés de Maréville. Il en est de même pour le corps des internes en pharmacie, qui n’existait pas à Nancy et dont le premier recrutement par concours a lieu en 1913. Il s’intéresse vivement aux expositions et prend une part très active dans l’organisation de l’Exposition internationale de l’Est de la France à Nancy en 1909 où la Faculté de médecine et l’Ecole supérieure de pharmacie présentent côte-à-côte divers objets et réalisations à l’intérieur du Palais des arts libéraux, et à propos de laquelle il rédige trois rapports sur les produits pharmaceutiques.

La publication d’ouvrages pédagogiques

Successeur du professeur Bleicher à un double titre, Godfrin est attaché aux excursions botaniques et aux herborisations. C’est dans cet esprit qu’il rédige plusieurs ouvrages sur la flore de sa région natale. Il est en effet l’auteur, avec son élève et préparateur Marcel Petitmengin (1881-1908), d’une « Flore analytique de poche de la Lorraine et des contrées limitrophes », parue chez Maloine à Paris en 1909, puis, seul car Petitmengin est décédé de tuberculose, d’un « Atlas de la flore analytique de poche de la Lorraine et des contrées limitrophes », édité en 1913 chez Lhomme à Paris. Mais il crée et développe aussi des « herborisations mycologiques » et organise des expositions à Nancy et en Lorraine. À ces deux titres, il est en 1905 le président de la session annuelle extraordinaire de la Société mycologique de France, qui a lieu à Nancy et dans les Vosges, puis, en 1908, le vice-président de la session analogue de la Société botanique de France. C’est aussi sous son impulsion que se créent l’Association amicale des anciens élèves de l’Ecole supérieure de pharmacie, et la Société lorraine de mycologie.

La mycologie

La Société lorraine de mycologie est donc créée par l’assemblée constitutive évoquée au début de cette note. Elle fait suite à la mise sur pied d’un comité provisoire chargé d’élaborer des statuts. Au moment de sa fondation, elle compte déjà 160 membres… Godfrin qui, comme déjà indiqué, avait organisé auparavant des sorties et des expositions mycologiques, en est élu président. Peut-être a-t-il été influencé, pour la création de cette société régionale, par un événement important qui était survenu en Lorraine, très exactement à Epinal, dans le département des Vosges, le 6 octobre 1884, l’année où il était revenu enseigner à Nancy après son court séjour à Alger : la création de la Société mycologique de France.

Une part significative de l’activité scientifique du professeur Godfrin est effectivement consacrée à la mycologie, et il n’est donc pas étonnant qu’il se soit préoccupé de réunir les mycophiles et les mycophages dans une structure organisée et dispensant des connaissances dans ce domaine où l’erreur d’identification d’une espèce peut être fatale… Dans la liste de ses trente-cinq publications, rapports et ouvrages, figurent huit contributions dévolues aux champignons et une à l’analyse d’un travail consacré aux Amanites mortelles (1910). Ces publications couvrent la période 1891-1902. La plus importante est une « Contribution à la flore mycologique des environs de Nancy », qui comporte cinq listes et paraît dans le Bulletin de la Société des sciences de Nancy ou le Bulletin de la Société mycologique de France. Un travail est consacré aux Lépiotes et deux aux Agaricinées. Toutefois, à ma connaissance, il n’y a pas de cours de mycologie, ni de cryptogamie pour les élèves de l’Ecole pendant la période où le professeur Godfrin y enseigne. Il ne peut pas tout faire, et il appartiendra à son successeur Sartory d’ouvrir un tel enseignement pendant la guerre de 1914-1918.    

La famille 

De son mariage avec Marguerite Marie Benzenger (1865-1944) à Nancy le 2 mars 1885, Julien Godfrin a deux fils qui seront tous les deux pharmaciens et mèneront une riche carrière tant en pharmacie d’officine que dans d’autres domaines, aussi bien dans la profession qu’en dehors. Louis, l’aîné, né à Nancy le 12 avril 1886, s’intéresse à la botanique, à l’hydrologie et aux affaires professionnelles, tandis que le cadet, Pierre, né lui aussi à Nancy, le 15 mai 1891, se consacre à l’enseignement, à la bactériologie et aux activités associatives et consulaires.

Le professeur Godfrin meurt après une courte maladie en mars 1913, âgé seulement de soixante-trois ans. Une salle d’enseignement de la Faculté a reçu son nom en 2003, et elle l’a conservé jusqu’au départ de la faculté vers le campus santé de Brabois en juillet 2018.

Pierre Labrude, décembre 2018

 

Deux thèses sur le sujet :

Larnaudie S., Marcel Petitmengin (1881-1908) pharmacien botaniste : sa vie, son oeuvre, thèse de diplôme d’Etat de docteur en pharmacie, sous la direction de P. Labrude, Nancy, 1998, 87 pages.

Grass E., Julien Godfrin (1850-1913) sa vie, son oeuvre, thèse de diplôme d’Etat de docteur en pharmacie, sous la direction de P. Labrude, Nancy, 2013, 157 pages.

 

  

Tags: No tags

Comments are closed.