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Armand Valeur

 Armand Valeur (1870-1927)

Armand Valeur est né le 12 juin 1870, à Lens (Pas-de-Calais) où son père exerçait la profession de pâtissier. Il fait ses études primaires à l’école communale de sa ville natale. A dix ans, il perd, en quelques semaines, ses père et mère qu’emporte une épidémie de variole noire. En 1882, son oncle Charles Valeur l’envoie faire ses humanités au Collège Saint-Joseph d’Arras. Dès cet instant s’ouvre pour lui une ère de solides études et de brillants succès. A dix-huit ans, A. Valeur est bachelier ès-lettres. Après une année de service militaire, il entre en qualité de stagiaire à la pharmacie Wagon à Lens et termine son stage officinal à la pharmacie Famel à Paris. En 1892, en même temps qu’il valide son stage, il passe avec succès l’examen du baccalauréat ès-sciences. Puis, il mène de front ses études à l’Ecole supérieure de Pharmacie de Paris et à la Faculté des Sciences. Tandis qu’il obtient le premier prix de l’Ecole avec la médaille d’or, il conquiert brillamment la licence ès-sciences physiques en 1895.

Deux ans auparavant, Valeur s’était présenté au concours de l’Internat des Hôpitaux et était arrivé le troisième. Il devient alors, au laboratoire de l’Hôpital du Midi, l’élève et l’ami d’Auguste Béhal, alors agrégé libre de chimie à l’Ecole de Pharmacie.

En 1898, Valeur acquiert le diplôme de pharmacien ; il est lauréat des hôpitaux de Paris avec la médaille d’or et obtient, au concours, un poste d’inspecteur des établissements classés du département de la Seine. Peu de temps auparavant, Marcelin Berthelot se l’était attaché à titre de préparateur au Laboratoire de chimie organique de l’Ecole des Hautes-Etudes au Collège de France. Au centre même des études thermochimiques, Valeur leur apporte une contribution importante et présente, en 1900, à la faculté des Sciences une thèse pour le doctorat ès-sciences physiques qui a pour titre : « Contribution à l’étude thermochimique des quinones. Recherches sur la constitution des quinhydrones ». Le but essentiel de ce travail était de séparer, au point de vue thermochimique, les fonctions « paraquinone » et « orthoquinone ».

En 1901, Valeur passe brillamment le concours de pharmaciens des Asiles de la seine. De cette même année date un travail sur les « glycols tertiaires ». de 1902 à 1912, l’activité scientifique de A. valeur se déploie à l’Ecole de Pharmacie où il collabore avec le professeur Charles Moureu. Ces deux maîtres étudient en commun la spartéine, alcaloïde du genêt à balai, dont la structure était complètement inconnue.

L’effort scientifique de Valeur ne reste pas sans récompense. En 1901, il reçoit de la Société Chimique de France le prix de chimie organique et, en 1913, de l’Académie des Sciences, une partie du prix Jecker. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1914, à la suite des Expositions internationales de Turin et de Gand où il avait été membre et rapporteur d’un jury.

Candidat une première fois au concours d’agrégation de l’Ecole supérieure de Pharmacie en 1904, il est candidat une deuxième fois en 1909 et obtient le titre d’agrégé après un concours particulièrement brillant et la présentation d’une thèse relative à « l’action de l’ozone sur les composés organiques ». En 1912, il est chargé de conférences préparatoires au cours de chimie organique, et en 1913 et 1914, cette mission lui sera renouvelée. Durant les années de guerre, il remplace le professeur Béhal dans l’enseignement magistral.

Pharmacien-major pendant la guerre, il est appelé à Paris pour remplir les fonctions de Secrétaire Général de l’ »Office des produits chimiques et pharmaceutiques » dont le professeur Béhal vient de prendre la direction. On sait quel fut le rôle éminent de cet Office dans le recensement et la répartition de nos disponibilités en produits chimiques et médicamenteux, dans la mise en œuvre de nombreuses fabrications de produits indispensables pour les armées et la population civile, dans nos relations avec nos alliés sur maintes questions techniques. Dans le poste difficile de Secrétaire-général de l’Office, Valeur était à sa vraie place.

Peu de temps après que n’éclatât la grande guerre, A. Valeur qui, déjà, avait été membre du Conseil et vice-président de la Société chimique de France, en était devenu Secrétaire général. Sa collaboration avec M. Camille Poulenc, président de cette Société, devait avoir pour Valeur une conséquence qu’il n’avait pas prévue. M. Poulenc lui proposa en effet d’entrer à titre de Directeur Général des usines dans la grande maison industrielle dont il était le chef. Valeur hésite longtemps. Quand il acquiesce enfin au désir qui lui est exprimé, il se donne tout entier à ses nouvelles fonctions.

En 1926, sa santé s’altère. Son cœur lui donne des inquiétudes. De tristes pressentiments s’impose à son esprit. Il écrit alors cette plaquette qui est d’un écrivain et d’un penseur et qui s’intitule : « La Résurrection » de Pierre Hughes. Elle était le fruit de ses réflexions sur la mort et son lendemain. On y trouve toute l’ironie de son esprit comme toute la sérénité de sa philosophie. En février 1927, atteint de broncho-pneumonie, Valeur s’alite. Il décède le 3 mars suivant.

Valeur avait une intelligence vive, l’amour de l’ordre et de la clarté. Il avait trouvé dans sa carrière un aliment à son incessante curiosité et il eut la bonne fortune de faire éclore et de développer son enthousiasme à deux des plus ardents foyers de la science française. Le trait le plus frappant de son caractère, c’est qu’il était foncièrement bon. Avec la finesse de son esprit et la sensibilité de son âme, A. Valeur était artiste presque autant que savant.

En 1902, il avait épousé sa cousine, Agnès Douez, nièce du professeur Béhal. Deux enfants naquirent de cette union : Jacques en 1906, Jacqueline en 1910. Il entourait les siens d’une immense tendresse.

La Science, la Pharmacie et l’industrie chimique française ont fait, par la mort d’Armand Valeur, une perte considérable, considérable par tout ce que sa lumineuse intelligence leur avait apporté, considérable en raison de tout ce que l’on était en droit d’espérer d’un homme, jeune encore, et dans la pleine maturité de son expérience et de son talent.

 Rédigé d’après Maurice Javillier, Bull. Sc. Pharm. 1927, 34 : 221, publié dans « Les Annales Coopératives Pharmaceutiques, Mars 1936

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