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Manuels, formulaires et pharmacopées

 Manuels, formulaires, pharmacopées

Voir aussi listing des pharmacopées par ordre chronologique

et  l’article de O. Lafont sur les pharmacopées accessibles à l’Ordre des pharmaciens

 


Pharmacopée de Charas (Frontispice, 1676)

Depuis des milliers d’années, des hommes recueillent les formules des remèdes qui leur permettent de lutter contre la maladie et la souffrance ; on a pu dénombrer plus de 1800 de ces  ouvrages où sont consignées les recettes de préparation, décrits les caractères et données les spécifications des médicaments, des plus anciens aux plus modernes. Les formules accumulées par la médecine sacerdotale sont recueillies par des religieux ou des philosophes qui les soumettront à la critique de leurs théories, puis par des hommes de science qui ne craindront pas de leur appliquer même la méthode expérimentale. Hippocrate, fils d’un prêtre du temple de Cos, réunit toutes les observations relevées dans les sanctuaires, tandis qu’Hérophile avait constitué un premier formulaire en réunissant méthodiquement les médicaments indiqués dans les temples. La Grèce, Alexandrie et Rome avaient eu leurs Ecoles qui nous ont légué le Brevarium de Sérapion, les livres de Galien et les Codex de Dioscoride. Les œuvres de Galien et de Dioscoride constituent la base de la pharmacie dès le Moyen-Age dans les divers pays d’Europe et les statuts des apothicaires exigeront plus tard que les candidats à la maîtrise connaissent ces auteurs. Il n’était pas question, cependant, à cette époque, d’imposer aux maîtres de l’art de pharmacie de posséder un exemplaire des ces ouvrages dans leur officine. Les disciples de Nestorius, patriarche de Constantinople expulsé par le Concile d’Ephèse, devaient bientôt fonder en Perse l’Ecole de Dzondizabour où furent réunies deux civilisations de l’Orient : celles de l’Inde et de l’Asie Occidentale.

La préparation des médicaments était devenue une science indépendante de la médecine et le premier ouvrage de pharmacopée était créé en 850 : le Grabadin, et publié par le directeur de la fameuse Ecole : Saborgebn-Sahel. Une seconde publication en sera effectuée au XII° siècle par Aboul Hassan Heba Tollan, médecin du Calife de Bagdad. Les Nestoriens avaient fortement marqué l’Ecole arabe, et c’est tout imprégné de l’Ecole nestorienne que Jean Mesué, de Damas (830), surnommé l’Evangéliste des Pharmaciens », écrivit son traité « De Re Medica » qui fut utilisé par les apothicaires durant tout le Moyen-Age, tandis que vers la fin du X° siècle, Mesué le Jeune, fils de Mesué, rédigera l’Antidotarius seu Grabadin medicamentorum compositorum. Abulcasis sera l’auteur en 980 du Liber servitoris et Avicenne celui du Canon. Les traductions de ces ouvrages auxquels il faut ajouter ceux de Sérapion, Rhazès, Ibn-el-Baytar, seront utilisées pendant de longues années pour l’enseignement de l’art de composer les médicaments.

L’influence sur l’Occident de l’Ecole arabe s’exerça peu à peu dans les Ecoles de Cordoue, de Séville, de Grenade, de Salerme, de Montpellier. C’est au début du XII° siècle qu’un médecin salernitain dénommé Nicolas aurait composé l’Antidotarium Nicolaï. Cet Antidotaire comprenait 142 formules, notamment celle du miel rosat, de l’essence de rose, de l’onguent populeum, de l’oxymel, de l’onguent brun, de l’onguent d’althea. L’Antidotaire de Nicolas fut imprimé pour la première fois en 1471, à Venise, par Nicolas Jenson. En 1280 était publié, en grec, un second antidotaire de Nicolas, dit Antidotaire de Nicolas, le Myrepse d’Alexandrie. Cet antidotaire contenait 2656 formules de médicaments et fut considéré comme le « Codex pharmaceuticus » de la Faculté de Médecine de Paris. Enfin, un troisième antidotaire aurait été composé dans la seconde moitié du XV° siècle par Nicolas Prepositus, médecin français de Tours, et imprimé en 1488. L’antidotaire de Nicolas constitue le premier ouvrage auquel il fut ordonné aux apothicaires de se conformer pour la préparation des médicaments.

Les ouvrages de Mesué, de Nicolas, ou de Platéarius ne pouvaient bientôt plus répondre aux exigences des médecins et satisfaire aux conditions locales de toutes les régions et de tous les pays. Les statuts des Corporations imposaient bientôt des dispositions nouvelles afin de réaliser l’unité dans la préparation des remèdes par les apothicaires d’une même province. Chaque communauté avait ainsi son recueil, son catalogue ou son formulaire particulier. L’unification dans le cadre régional demandera quatre siècles pour s’accomplir. Dès la fin du XV° siècle, le célèbre « Collège des Docteurs en Art et Médecine » de Florence avait publié le premier ouvrage régional de pharmacopée : « El Nuovo Receptario ». Au cours du XVII° et XVIII° siècles apparaissent plus de cinquante pharmacopées régionales nouvelles, tandis que les pharmacopées antérieures étaient l’objet de nouvelles éditions représentant plus de deux cent publications. A la fin du XVIII° siècle, la plupart des villes d’Europe avaient vu naître une pharmacopée à laquelle elles avaient donné leur nom. Le XIX° siècle ne devait plus voir paraître qu’une cinquantaine de pharmacopées régionales nouvelles et une cinquantaine de nouvelles éditions.

L’unification de ces pharmacopées a eu pour but de tendre à l’adoption des préparations les plus efficaces et des médicaments les plus sûrs. Elles ont aussi eu pour objectif de garantir la qualité des produits administrés. L’unification des pharmacopées est liée dans son développement à l’unification politique des cités, des provinces, des états, des nations. En France, la Pharmacopée nationale est née de la Révolution qui a consacré l’unité française. En Allemagne, c’est la proclamation de l’Empire germanique en 1870 qui l’a dotée d’une pharmacopée nationale. Enfin, la constitution politique des Etats-Unis d’Amérique a permis à des Etats différents de posséder une même pharmacopée (1820). A la fin du XIX° siècle, près de vingt-sept pays disposaient d’une pharmacopée nationale dont quatre sur le nouveau continent. C’est entre 1850 et 1900 que furent produites le plus grand nombre de pharmacopées nationales nouvelles. Sur les 35 pharmacopées nationales, 26 appartiennent à des pays d’Europe.

L’Europe, par de son action en vue de l’harmonisation des approches dans les divers pays de l’Union Européenne, a conduit naturellement à l’adoption d’une pharmacopée européenne qui devient de jour en jour davantage la seule référence opposable. En novembre 1969 a été publié le premier volume de la Pharmacopée européenne, recueil qui normalise, pour les différents pays d’Europe, les méthodes d’analyses et de fabrication des médicaments. Rédigé en français et en anglais, il le sera également en allemand, italien et néerlendais. Cette oeuvre commune de chercheurs de Belgique, de France, d’Allemagne, d’Italie, du Luxembourg, des Pays-Bas, de Suisse et du Royaume Uni, a demandé cinq années de travail et fut suivi d’un second volume consacré à des substances biologiques (hormones, sérums, antibiotiques). Cette pharmacopée européenne, remplaçant progressivement les pharmacopées nationales, permet l’usage des mêmes normes pour la préparation des médicaments de base dans les divers pays européens et facilite donc la libre circulation des substances thérapeutiques entre les pays, tout en harmonisant leur contrôle.

 Voir aussi l’article de O. Lafont sur les pharmacopées accessibles à l’Ordre des pharmaciens
 Référence : Evolution et Unification des Formulaires et des Pharmacopées. Jean VOLCKRINGER, Paul Brandouy Ed., 1953
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