Charles MOUREU (1862-1929)
Charles Moureu naquit à Morcenx (Basses Pyrénées). Orphelin de bonne heure, il fut soutenu par son frère, lui-même pharmacien. Charles fit de brillantes études à l’Ecole de Pharmacie de Paris. Nommé interne des Hôpitaux en 1886, il obtint la médaille d’Or en 1891 et fut nommé la même année pharmacien en chef des Asiles de la seine. Agrégé en 1899, il fut nommé professeur de Pharmacie chimique en 1907, poste qu’il quitta en 1917 pour occuper au Collège de France la Chaire de chimie organique. Il fut aussi élu à l’Académie de Médecine en 1907 et à l’Académie des Sciences en 1911. Il fut par ailleurs Président de la Société de Pharmacie de Paris (devenu Académie nationale de Pharmacie) en 1913, de la Société Chimique de France et directeur du journal « La Revue Scientifique ».
Les premières recherches de Charles Moureu ont porté sur la chimie organique et plus spécialement sur les acides non saturés (l’acide acrylique), puis sur divers phénols. Avec R. Delange, il travailla à l’étude des composés acétyléniques. Il a également contribué à améliorer les connaissance sur la sparteïne. Il a contribué par ailleurs à beaucoup d’autres travaux tant en Chimie organique, qu’en hydrologie ou en physique du globe. Charles Moureu était également un professeur remarquable et il écrivit un ouvrage destiné aux étudiants sur les « Notions fondamentales de chimie organique ». Durant la guerre de 1914, Charles MOUREU va jouer un rôle de premier plan sur l’organisation de la réplique aux gazs de combat. Reprenant ses premiers travaux sur l’acide acrylique, il fabriqua l’acroleïne, son aldéhyde, comme gaz de combat sous le nom de papaite.
Charles Moureu est mort en 1929, « après une douloureuse maladie qu’il avait probablement contracté en essayant sur lui-même l’efficacité des gaz qu’il préparait » expliquera son fils Henri.
Références :
- Figures pharmaceutiques françaises. Notes historiques et portraits (1803-1963), Masson & Cie, Paris, 1953, 273
- Grands pharmaciens, Paule FOUGERE, Buchet/Chastel ed., Paris, 1956, 336 p.
Complément sur Charles Moureu,
4° titulaire de la Chaire de Pharmacie chimique
Né le 9 avril 1863 à Morcenx (Basses-Pyrénées),
décédé le 13 juin 1929 à Biarritz (Basses-Pyrénées).
Dernier né des sept enfants d’une famille de cultivateurs et ayant perdu son père à l’âge de un an, Charles Moureu fait ses premières études à l’école de son village puis au collège Moncade à Orthez, et enfin au lycée de Bayonne. Il en est un excellent élève, ce qui lui permet d’acquérir son baccalauréat à dix-sept ans. Suivant les traces de son frère Félix, il se décide à entreprendre des études de pharmacie et accomplit son stage dans son officine de Biarritz. il s’inscrit en novembre 1884 à l’École supérieure de pharmacie de Paris où il effectue une brillante scolarité, obtenant en 1886 le 1er prix de 2ème année, en 1887 le 1er prix de 3ème année (médaille d’or) ainsi que le prix Laillet et, en juillet 1891, le diplôme de pharmacien de 1ère classe. En 1886, il est reçu en concours de l’Internat en pharmacie des hôpitaux de Paris dont il obtiendra la médaille d’argent en 1887 et la médaille d’or en 1889. Dès la fin de son Internat en 1891, il est reçu au concours des pharmaciens en chef des asiles de la Seine et conservera ces fonctions jusqu’en 1907. Il s’est par ailleurs inscrit à la Faculté des sciences et il est licencié ès-sciences physiques en juillet 1888.
Il s’initie aux recherches de chimie organique chez Auguste Béhal dans le laboratoire de ce dernier à l’hôpital du Midi, puis chez Charles Friedel, recherches qu’il poursuivra ensuite dans son propre laboratoire de Ville-Evrard et qui lui permettent d’obtenir en juin 1893 le doctorat ès-sciences physiques avec une thèse sur l’acide acrylique et ses dérivés. Il entreprend alors une carrière universitaire : sous-chef des travaux pratiques de chimie générale à l’École supérieure de Pharmacie de Paris de 1894 à 1899, le 1er juin 1899, il esi institué agrégé en chimie et en toxicologie pour dix ans à partir du 1er novembre 1899 et d’abord chargé de l’enseignement préparatoire au cours de chimie organique. Le 1er avril 1907, à la mort de Prunier, il est nommé professeur de pharmacie chimique à l’École supérieure de Pharmacie de Paris, mais il ne le reste que dix ans, étant nommé professeur au Collège de France, en remplacement de Jungfleisch, par décret du 10 juillet 1917 et professeur honoraire de l’4ecole de pharmacie par décret du 1er juillet 1918. Moins de douze ans plus tard, il disparaissait assez brusquement à l’âge de 66 ans.
Travaux scientifiques.
Ses recherches dans la série acrylique en vue de sa thèse de doctorat le conduisirent à étudier la préparation et la stabilisation de l’acroléine et du chlorure d’acryle, substances très altérables et polymérisables. Il fut le premier à préparer et à décrire le nitrite acrylique qui devait constituer plus tard la matière première pour la fabrication de caoutchouc et de textiles artificiels, ainsi que des matières plastiques. La première matière plastique acrylique, l’orca, devait d’ailleurs sortir après la guerre de son laboratoire.
Après avoir abordé avec Valeur le domaine des alcaloïdes par l’étude de la spartéine, il s’intéressa aux constituants phénoliques des essences (méthyeugénol, safrol, isosafrol, anéthols) ainsi qu’aux dérivés de la pyrocatéchine.
A partir de 1900, il effectua toute une série de travaux sur la fonction acétylénique et sur l’utilisation de l’hydrogène pour l’obtention de nouveaux corps. parmi les nombreux résultats obtenus dans ce domaine, on peut au moins citer la préparation de l’heptynecarbonate de méthyle aux emplois multiples dans l’industrie des parfums, l’étude de la série du furyl-acétylène et, dans cette série, la préparation de l’alcool triphényl-propargylique, substance mère du rubrène. Ce singulier carbure de couleur rouge (alors que le pseudo-rubrène est incolore) dont la découverte a été publiée en 1926, a la propriété d’absorber l’oxygène puis de le restituer en se régénérant.
Ses recherches dans la série acrylique aux composés si instables et dan sle domaine des polyphénols furent sans doute déterminantes pour sa découverte capitale des « anti-oxygène », dont l’utilisation industrielle est si considérable.
C’est à Moureu également que l’on doit l’importante découverte du pouvoir catalytique des peroxydes pour la polymérisation, dont les applications sont très nombreuses pour la production de divers types de matières plastiques.
Tout le long de sa carrière scientifique, Charles Moureu s’est également intéressé aux gaz rares des eaux minérales, avec présence constante d’argon, d’hélium et de néon et à leur radioactivité due à l’émanation du radium.
On ne peut passer sous silence le rôle éminent qu’il a joué pendant la première guerre mondiale comme président de la sous commission des études et expériences chimiques du ministère de la guerre.
Distinctions honorifiques
Lauréat de l’Ecole supérieure de pharmacie de Paris et des hôpitaux de Paris au cours de ses études, il fut lauréat de l’Académie des Sciences en 1901 avec la moitié du prix Jecker, lauréat de l’Académie de médecine en 1906 avec le prix Capuron. Membre résident de la Société de Pharmacie de Paris (future Académie nationale de Pharmacie) en 1895, il en fut le secrétaire annuel en 1901 et le président en 1913. Membre du bureau de la Société chimique de Paris de 1896 à 1904, il en devint le président d’honneur. Elu à 48 ans, en 1907, à l’Académie des sciences et, la même année, à l’Académie Nationale de Médecine. Premier président de l’Union internationale de chimie pure et appliquée dont il fut un des fondateurs. Président du Conseil d’Hygiène et de Salubrité de la Seine, ¨Président de la Fédération des sociétés chimiques françaises et de la Confédération des sociétés scientifiques françaises.
Officier d’Académie en 1901, Officier de l’Instruction Publique en 1906, Chevalier de la Légion d’honneur en 1908, promu Officier en 1917, Commandeur en 1920 en récompense de son action pendant la guerre par ses études sur les gaz de combat, il fit élevé à la dignité de Grand Officier en 1924 à l’occasion de la promotion Pasteur.
Le 2 juin 1951, enfin, était inaugurée à Paris une rue Charles Moureu, située dans le 137me arrondissement, entre la rue de Tolbiac et l’avenue Edison.
Bibliographie
Notions fondamentales de Chimie organique. 1ère édition, Paris, 1902. Ce remarquable ouvrage d’initiation a eu 11 éditions.
La Chimie et la guerre. Sciences et avenir, Paris, Masson, 1920, 384 p.
Biographies
Marcel Delépine. Notice sur la vie et les travaux de Charles Moureu (1863-1929). Paris, 1931, 33 p.
Charles Dufraisse. Charles Moureu (1863-1929). Figures pharmaceutiques françaises. Paris, 1953 : 233-238.
Charles Dufraisse. Charles Moureu (1863-1929). C.R. de la séance publique annuelle de l’Académie de Pharmacie tenue le 9 janvier 1963 : 35-44.
Paule Fougère. Grands pharmaciens, Paris, ed. Correa, 1956.
Itinéraires de chimistes, 1857-2007, 150 ans de chimie en France avec les présidents de la SFC. Ouvrage collectif sous la direction de Laurence Lestel, paru chez EDP Sciences en 2007.
Source : G. Dillemann. Historique des Facultés de Pharmacie. Produits et problèmes pharmaceutiques, 1970+