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Ernest FOURNEAU

 Ernest Fourneau (1872-1949)

 D’origine lointaine espagnole, Ernest Fourneau naquit à Biarritz le 4 octobre 1872 dans un foyer de six enfants. Leurs parents étaient propriétaires d’un grand hôtel de Biarritz et sa jeunesse s’écoula dans un milieu distingué dont il conserva toujours l’empreinte. Après des études secondaires au lycée de Bayonne, il accomplit son stage en pharmacie (3 ans : 1889-1892) chez Felix Moureu, père de Charles. Sa scolarité pharmaceutique se déroule à l’Ecole Supérieure de Pharmacie de Paris où il se lie d’amitié avec plusieurs étudiants qui deviendront célèbres comme Tiffeneau (qui épousa sa sœur), Blaise, Valeur, Delépine, Sommelet qui tous suivaient les cours de Béhal (1893).

Plusieurs fois lauréat de l’Ecole de Pharmacie, il est reçu pharmacien en 1898, puis il passe une année chez Charles Moureu pour se familiariser mieux avec les méthodes de la chimie organique. Mais ce qui intéressait surtout Fourneau, c’était la chimie thérapeutique et, à cette époque en France, il y avait peu de recherches dans ce domaine. Aussi décida-t-il de faire un séjour en Allemagne auprès de grands organiciens tel Gattermann et Willstätter. Il y resta 3 ans et à son retour il intéressa les Etablissements POULENC à la création d’un service de recherches dans ce domaine, qu’il dirigea de 1903 à 1911. Et c’est ainsi que dès 1904 il découvrit la Stovaïne (Stove = fourneau en anglais). Cette découverte ne fut pas un hasard mais l’aboutissement de ses réflexions sur la cocaïne, formule très complexe, et sur le fait qu’il existe une relation entre la structure d’une molécule et ses propriétés thérapeutiques : Fourneau se dit que tout n’était peut-être pas essentiel dans la structure de la cocaïne et qu’il était peut-être possible, en reproduisant son squelette chimique et quelques unes de ses fonctions d’obtenir un nouveau corps simplifié qui conserverait des propriétés anesthésiques analogues.  Et effectivement, la Stovaïne, en possédant les avantages de la cocaïne, était d’un maniement plus sûr et moins toxique.

En 1911, Emile Roux, Directeur de l’Institut Pasteur, décida d’ouvrir un service de chimiothérapie et le confia à Fourneau qui regroupa autour de lui une pléiade de chercheurs, dont le ménage Tréfouël, celui-ci devenant plus tard Directeur de l’Institut Pasteur. 

Les multiples travaux de Fourneau touchèrent à diverses séries : amino-alcools et oxyde d’éthylène, alcaloïdes, réactions et préparations diverses, stéréochimie, uréides hypnotiques, composés arsenicaux, mercuriels, antipaludiques, sulfamides, et sulfones, antihistaminiques et curarisants. En ce qui concerne les arsenicaux, Ehrlich n’avait publié que les trivalents, estimant que les pentavalents étaient inutilisables. Fourneau entreprit l’étude des arsenicaux pentavalents et découvrit deux médicaments de grande valeur : le stovarsol (qui se révéla efficace dans la lutte contre la syphilis) et son isomère : l’orsanine, ayant des propriétés identiques.

Autre exemple d’efficacité de Fourneau : en collaboration avec Tréfouël, il redécouvrit le 205 Bayer ou Germanine que les Allemands utilisaient depuis un certain temps mais dont ils gardaient seulement la formule. Fourneau découvrit la formule compliquée du produit qu’il baptisa 309F ou moranyl. Toute cette intense activité scientifique n’empêchait pas Fourneau d’avoir des goûts et des connaissances littéraires, artistiques et musicales. Il en faisait profiter ses collaborateurs qui appréciaient son charme et sa fantaisie.

Fourneau était bien sûr membre d’une quantité de société savantes mais sa prédilection allait sans conteste à la Société de Pharmacie de Paris devenue Académie Nationale de pharmacie, dont il fut président en 1931, car Fourneau tenait à mettre en avant sa qualité de pharmacien. Secrétaire générale de la Société Chimique de France, il fut plusieurs fois lauréat de l’Académie des Sciences et de l’Académie de Médecine, où il fut élu en 1919 dans la section Pharmacie. Il était officier de la Légion d’Honneur.

Il abandonna l’Institut Pasteur à 74 ans mais poursuivit ses recherches chez Rhone-Poulenc où il disposait d’un laboratoire où quelques élèves pouvaient profiter de son érudition et de son habileté.

Il mourut le 5 août 1949 à 79 ans et on le considéra depuis comme le véritable introducteur de la chimiothérapie en France.

 Tréfouël disait de lui : « Je pense vraiment que M. Fourneau était exceptionnel par l’harmonie de ses dons. Un génie comme le sien aurait pu s’accommoder fort bien d’une spécialisation à outrance. Au contraire, sa souplesse d’esprit lui avait ouvert tous les domaines et lui donnait un charme incomparable, comme aussi certains élans de tendresse que ne pouvait guère faire prévoir son aspect calme et assez sévère. Il était en réalité extraordinairement accessible et humain. »

 

Henri Bonnemain

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