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La Pharmacie et les expositions

Cyclopompe de Petit sur le catalogue de l’Exposition de 1839

 

La Pharmacie
et
les Expositions

 

     

 

Spécialités primées dans les expositions du XIX° siècle (Catalogue Dorvault, 1877)

 

Celui qui a une marchandise à vendre commence généralement par l’exposer. Aussi, toute boutique peut être considérée comme une exposition privée et permanente, tandis que les foires et marchés, dont l’origine se perd dans la nuit des temps, sont des expositions publiques, au sens actuel de cette expression.

On sait que les apothicaires français du Moyen-âge ou plutôt les colporteurs qui les approvisionnaient allaient examiner et acheter les produits orientaux (« drogues », « espices », « avoir-de-poids ») principalement dans les grandes foires de Champagne, puis à partir du XVIème siècle par les moines de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, elles intéressaient plus directement le public. On y rencontrait de nombreux charlatans présentant leurs drogues et des inventeurs plus préoccupés de lancer leurs remèdes secrets que d’en débiter quelques unités sur place. La foire de Saint-Germain servit de thème à l’un des trois ballets qui firent les délices de la cour du roi Henri IV pendant le carnaval de 1607. Un garçonnet faisant l’office de « commère » venait saluer gentiment le public en débitant ces couplets . Quant à la très vieille foire du Lendit à Saint-Denis et à celle de Saint-Germain encouragée à la fin du XVème siècle à la foire de Lyon

Pagode du Musée de matière médicale (Paris, Faculté de Pharmacie),
héritage de  l’Exposition universelle de 1889

Je suis l’oracle
Du miracle
De la foire de Saint-Germain
C’est une homasse
Qui surpasse
Les effects du genre humain, Plus admirable
Que la fable
Du puissant cheval de bois
Car, différente,
Elle enfante
Mille plaisirs à la fois :
Couppeurs de bourse
Sans ressource
Peintres et mestiers divers
Vendeurs de drogues,
Astrologues
De ce monstre sont couverts.

 

 Et un compte-rendu de l’époque décrit ainsi la suite du spectacle : « Incontinent parut une grande et grosse femme richement habillée (c’était la foire, prête à accoucher) ; de ce colosse la sage-femme tira quatre astrologues puis… quatre opérateurs ayant… de petites phioles pleines d’eau de senteur qu’en dansant ils donnèrent aux dames, avec quelques certaines réceptes imprimées pour toutes sortes de maladies. »

L’Ancien Régime connut des expositions plus sérieuses que les foires ainsi chansonnées, par exemple celle que l’Académie de Peinture lançait dès 1648 et qui s’appelait au XXème siècle « le Salon » ; par exemple également celles auxquelles les apothicaires conviaient le public une fois par an. Il s’agissait de la fameuse thériaque, souvent fabriquée par la communauté des maîtres apothicaires d’une même ville pour les besoins de tous : cette « confectio » était parfois précédée d’une « expositio », où les consuls et le peuple venaient admirer les nombreux produits, écouter les discours, assister aux démonstrations et opérations. La bibliothèque de Strasbourg conserve une magnifique aquarelle rappelant l’exposition thériacale organisée dans l’officine de Stroehlin en 1744.

 
 


Spécialités primées dans les expositions du XIX° siècle (Catalogue Dorvault, 1877)

 

Et voici maintenant l’ère moderne.

C’est François de Neufchateau, ministre de l’Intérieur sous le Directoire, qui ouvre la 1èreexposition industrielle au Champ-de-Mars pendant les 5 jours complémentaires de l’an VI, c’est-à-dire environ deux ans avant la naissance du XIXème siècle : 100 exposants, 23 récompenses. La 2ème exposition est installée en l’an IX dans la cour du Louvre camouflée de portiques : 229 exposants, tous inventeurs : il s’agissait uniquement de faire connaître les conquêtes de la science et de l’industrie française.

 


Spécialités primées dans les expositions du XIX° siècle (Catalogue Dorvault, 1877)

 

Les expositions vont progresser sous Louis XVIII, puis sous Louis-Philippe, qui en 1834 réunit 2 477 exposants place de la Concorde, la cour du Louvre étant devenue insuffisante. Cette fois, une Notice détaillée nous documente sur la participation de la pharmacie : Le Perdriel, pharmacien, rue du Faubourg Montmartre, n°78, présente « une toile vésicante, dite adhérente, un taffetas épispatique, un taffetas dit rafraichissant, tous ces trois servant pour mettre sur les plaies ».  Bonnaire et Delacretat, fabricants de produits chimiques, exposent des sulfates et des carbonates de magnésie, le calomel traité à la vapeur et le bi-carbonate de potasse et de soude.

 

 


Spécialités primées dans les expositions du XIX° siècle (Catalogue Dorvault, 1877)

Enfin, on lit, sous la cote 215 :

M. Petit, pharmacien, breveté, rue de la Juiverie, n°3, à Paris. Clyso-pompe : nouvelle seringue importée et perfectionnée… On peut s’en servir assis, debout, couché… Chaque clyso-pompe est accompagné d’une notice de 16 pages (pas une de moins !) sur la manière d’en faire usage.

En 1830, 3 281 exposants sont réunis aux Champs Elysées. Mais, en 1855, il y en aura 24 000 dont le pharmacien Robiquet, venus cette fois de tous les pays du monde. Car Paris avait voulu imiter Londres qui avait organisé en 1851 à Hyde Park la première Great exhibition of all nations. L’Etat français allait subir, hélas ! un déficit de plus de 8 millions. Mais le gouvernement autrichien devait faire mieux en 1873 et laisser sur le Prater l’équivalent de 48 millions de francs

 


Spécialité primée dans les expositions du XIX° siècle (Catalogue Dorvault, 1877)
 

Tout le monde connaît les dates des dernières expositions parisiennes du XIXème siècle : 1867 (Au Champ de Mars et à l’île de Billancourt), 1878 (construction du Trocadéro), 1889 (Tour Eiffel), enfin 1900. La Préface de l’Histoire de la Pharmacie d’André-Pontier, est consacrée tout entière à la description de la section pharmaceutique de l’exposition de 1889, dont André-Pontier était le président. On y admira toutes sortes de fabrications nouvelles, et les pilules enrobées de Blanchard père et le capsuleur de Capgrand-Mothes, et le galactimètre d’Adam, et surtout l’œuf électrique qu’avait inventé Berthelot pour réaliser sa première synthèse, celle de l’acétylène.

La tendance rétrospective de cette démonstration se retrouve, encore accentuée, dans celle de la classe 87 – « Arts chimiques et pharmaceutiques » – de l’exposition universelle de 1900 : elle comportait en effet un musée centennal réparti en une dizaine de vitrines. On y voyait les portraits et la biographie des principaux chimistes et pharmaciens du siècle finissant, des pots prêtés par l’Assistance publique, les appareils du laboratoire de Lavoisier.

Comme leurs aînées – et comme leurs cadettes -, les expositions de 1889 et de 1900 atteignirent leurs buts, stimulant les inventeurs et amusant le bon peuple ; mais elles eurent pour la pharmacie en particulier, un autre effet assez inattendu, qui fut de contribuer fortement à développer en France le goût du passé de la profession : la célèbre Histoire d’André-Pontier, parue en 1900, est elle-même issue des recherches d’archives que son auteur avait entreprises en vue de rédiger les notices de ses vitrines.

 
Spécialités primées dans les expositions du XIX° siècle (Catalogue Dorvault, 1877)
 

 

 Source : E-H Guitard (Dr Ox), Les Annales Coopératives Pharmaceutiques, Août 1937
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