Quelques prospectus pharmaceutiques :
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1° partie de l’exposition 2° partie de l’exposition |
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La publicité par affiches, prospectus ou par les journaux de date pas d’hier. Nous savons peu de chose sur l’affichage dans l’antiquité. Cependant, à Rome, nous connaissons la publicité murale faite par un certain Trebius pour la corporation des unguentarii (parfumeurs). Au XVIIe siècle, on voit se développer cet affichage. Ainsi, dès 1685, Mesnard, premier chirurgien de la feue Reine-mère, affiche son baume, et, en 1688, de Vasseur sa pommade contre les hémorroïdes. Au XVIIIe siècle, le nombre de remèdes spécialisés avait pris un réel développement; aussi le Roi du prendre le 3 juillet 1728 la décision d’ordonner à toute personne possédant même des lettres patentes ou des brevets leur permettant de vendre ou de préparer tel ou tel médicament d’avoir à les envoyer au Lieutenant de Police, celui devant predre les décisions que lui dicterait sa conscience. Ces même réglements prévoyaient que les affiches desdits fabricants seraient conformes à la teneur des brevets et que leur original devait être visé par le premier médecin du Roi. Les annonceurs sont des apothicaires tels que Lémery pour son huile de Talc, des médecins ou des chirurgiens tel Bellet, médecin du Roi, ou encore des membres du clergé. Mais ce sont aussi parfois des particuliers comme Canet, officier de la reine, qui annonce son célèbre onguent dans le journal « Affiches, annonces et Avis divers » de 1765. Les annonces font parfois plusieurs pages. La publicité peut se faire aussi sous forme de brochures ou par prospectus. Ces prospectus sont ordinairement distribués dans la rue, aux carrefours. Ainsi, de Blégny, dans l’Art de guérir les maladies vénériennes (1617), parle de « Billets distribuez dans les places publiques » pour le traitement de la plus invétérée « vérolle »2. L’objet de cette exposition est de montrer quelques exemples de prospectus sur des remèdes fameux à leur époque et qui ont, pour la plupart, été des « remèdes secrets » vendus par des pharmaciens ou des charlatans. Ces exemples permettent de mesurer la liberté donnée jusqu’au milieu du XXe siècle en matière de publicité pharmaceutique ! |
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Le premier prospectus est celui rédigé pour l’onguent CANET. Un article paru dans la Revue d’Histoire de la Pharmacie en 1914 nous donne une idée de l’histoire de cette onguent à travers une anecdote : « Nous lisons dans le Journal des règnes de Louis XIV et Louis XV (
1701-1744), par Pierre Narbonne, premier commissaire de police de la ville de Versailles (édition Le Roi, 1866, p.394): « Un charlatan, nommé Canet, natif de Lyon, composa un onguent avec lequel in entreprit de guérir le prince (le duc du Maine, le fils légitime de Louis XIV). Il commença à le panser au mois de novembre 1735. Le duc du Maine vécut plus longtemps que la Faculté ne l’avait pensé. mais on ne peut l’attribuer qu’à son tempérament et à sa bonne constitution et non aux remèdes de Canet. les remèdes ont en effet peu à peu pourri la bouche et le visage du duc à tel point que l’on fut obligé de faire une incision sur le côté du col, afin de pouvoir lui administrer quelques bouillons. Le vendredi 11 mai 1736, le prince perdit un oeil qui tomba en pourriture. il était dans un si triste état que c’était affreux à voir. Pendant sa maladie, le duc du Maine mit de l’ordre dans ses affaires. il fut obligé de cesser tout travail, quelques jours avant la perte de son oeil. Le prince fit alors congédier Canet et vécut encore jusqu’au 14 mai, qu’il succomba. » L’onguent Canet était bien innocent du crime que lui imputait Narbonne. Le duc du Maine était victime d’une diathèse cancéreuse. A la suite de l’ablation d’une dent qu’il s’était pratiquée lui-même en octobre 1735, le maxillaire s’était gangrené, et les médecins, comme les chirurgiens du Roi, avaient bientôt reconnu que le mal était incurable ». L’onguent Canet figure dans le formulaire de F. FOY (2° édition, 1837) sous le terme d’onguent ou plutôt emplâtre de Canet et répond à la formule suivante, indique F. Chast dans la RHP n°350 : Emplâtre simple 16 parties L’Onguent Canet est également mentionné dans l’Almanach de Versailles de 1789 où l’on peut lire que « le dépôt où se fait le véritable Topique de feu M. Canet est rue Basse, au coin de la Petite-Place, chez la marchande fayencière. Ce Topique est approuvé par Brevet de Commission Royale de Médecine en 1738 et 1761. Il est propre à la guérison des panaris, coupures, abcès, fistules, hémorroïdes, teignes, tumeurs, loupes, épanchements de lait, etc1. On trouve aussi mention de l’onguent Canet dans la formulaire des médicaments d’Apollinaire Bouchardat, dans la première édition de 1840 (p.480) et jusqu’à la 25° édition de 1885. Sa composition est très voisine de celle proposée par Foy. Cliquez sur chaque page pour la découvrir en grand format |
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Le deuxième exemple est également celui d’un onguent, celui de Antoine Colomb Ricoux, Bourgeois de Lyon, qui avait valu à ce dernier un privilège du Roi pour la vente et la distribution du produit, par Brevet du 16 avril 1732. Le Public, indique le document, « instruit depuis longtemps de la vertu de cet Onguent, reconnaitra par l’expérience qu’il guérit toutes sortes de fluxions, avec tumeurs ou autrement, glandes, gangrènes, & les glandes qui, par la suite, pourraient dégénérer en cancer… ».
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Autre document du XVIIIe siècle : cette Avis au Public signé De Marville, daté du 12 mai 1742. Il vante les mérites de deux sels : celui de Glauber et de sel d’Epsom. « Le Gouvernement a voulu que ces Sels fussent distribués au Public à un prix médiocre, c’est à dire dix sols la livre poids de Marc, celui qui tient lieu de Sel d’Epsom, & trente sols la livre le Sel de Glauber: c’est à ce prix qu’on le délivrerar dans le Magasin de Paris en gros ». On sait, dit le prospectus que ces sels sont des purgatifs doux. mais ils pouvaient aussi être utiles pour les traitement du bétail. Le Sel de Glauber aide à l’action du Quinquina dans les fièvres. « Les enfants et les femmes enceintes peuvent en prendre sans danger ».
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Un autre Avis au public est daté du 24 octobre 1763 et est signé par le Sieur Pitara qui précise que prix de son produit est de six livres mais qu’il « aura des égards pour les Pauvres ». Il s’agit d’une « instruction pour l’usage d’un « Emplâtre ou Mouche à guérir les Vapeurs des Dames et des Demoiselles ». Ce sieur Pitara avait, semble-t-il un privilège de Monsieur le premier Médecin du Roi depuis 1748. Cet emplâtre avait selon l’auteur le vertu de « conserver le fruit des Dames enceintes qui n’ont jamais pu porter à terme, à moins qu’il n’arrive un accident dont elles seraient dangereusement blessées ».Ce texte avait été approuvé par Sartine, lieutenant de police.
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Deux autres documents non datées sont cependant très certainement du XVIIIe siècle : L’un concerne le Baume de vie du Sieur Le Lièvre, apothicaire, Distillateur ordinaire du Roi, et l’autre est un avertissement au public pour informer de l’arrivée « en cette Ville » de Philippe Borsany, Opérateur Italien, professeur des secrets expérimentés depuis longtemps par ses Ancêtres et à présent pratiqués par le dit sieur Borsary… Le prospectus recommande en particulier l’usage de l’Orviétan, mais aussi le l’huile balsamique et la « pierre universelle » |
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1. E. Guitard. RHP 1928 : 165-168 2. M. Bouvet, RHP 1957 : 109-118 |
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Suite de l’exposition temporaire : prospectus pharmaceutique des XVIIe au XIXe siècles (2° partie) |