illus014

POMET : Histoire générale des drogues (3)

 Exposition Pomet

Histoire Générale des Drogues

(3/3)

(suite et fin)

 
Le Livre II de Pomet, après le chapitre des Gommes, traite le Suc. »Le mot de Suc, signifie une substance liquide, qui fait partie de la composition des Plantes, & qui se communique à toutes les autres parties, pour servir à leur nourriture & à leurs accroissements ; le Suc est aux Plantes ce que le Sang est aux Animaux ». 

 
Pomet commence ce chapitre avec la Scamonnée, la Scammonée de Smyrne, puis poursuit avec  l’Opium « que les Turcs appellent Amphiam ». C’est une liqueur blanche comme du lait, qui découle de la tête des Pavotsblancs par le moyen des incisions qu’on leur fait. Cette liqueur étant écoulée, elle s’épaissit, & change sa couleur en brune : voilà ce que c’est que le véritable Opium, dont les Turcs font un si grand usage, & dont ils se peuvent nourrir pendant un jour ou deux , sans prendre aucune autre nourriture, ce qui leur est d’un grand secours ; & lorsqu’ils veulent se battre, ils en prennent par excès, ce qui les met hors du bon sens, & ensuite vont au combat tête baissée, sans se soucier du danger.
Pomet précise par ailleurs qu’il y a une autre forme d’Opium, qui découle des Pavots noirs (représentés à gauche) et que le mot opium vient du Grec Opon, ou Opion, qui signifie Suc. Il indique enfin que les Urcs tirent aussi le suc d’une autre plante que l’on appelle Glaucium et que l’on voit à gauche de l’image. Cette Plante est semblable au Pavot cornu, qu’ils mêlent avec le suc des Pavots, & du tout ensemble font une masse. 
La dernière plante décrite par Pomet est le Roucou, que les Indiens appellent Achiotl, ou Vrucu, & les Hollandais Orleane, & nous Roucou. Pomet précise que c’st une fécule que les habitants des Isles du levant & de Saint Domingue tirent d’une petite graine rouge qui se trouve dans une gousse. il décrit la fabrication du Roucou (dessin ci-dessous).
   

 

 

Le fruit est une graine rouge, qui se trouve en grande quantité dans de grosses gousses rondes. Quand on a tiré cette graine de ses  gousses, on la pile, & on l’exprime à la presse pour en tirer le suc, que l’on expose ensuite dans un lieu chaud, pour en faire évaporer l’humidité, & quand est epaissi à peu près comme la pâte, on en fait des masses de différentes formes, qui étant entièrement desséchées, sont proprement ce qu’on appelle Achiols. Le Roucou est astringeant, convient dans les hemorragies, crachemens & pertes de sang, & autres maladies de pareille nature. il est fort en usage par les Teinturiers. on s’en sert aussi pour donner une couleur jaune à la Cire, après l’avoir délayé avec tant soit peu d’huile de Noix, & jetté dans la Cire fondue…

 

Pomet passe ensuite aux domaine des Animaux qui est le titre du Livre Troisième de ce Tome II. Curieusement, il commence ce chapitre par les Momies (Des Mumies) « qui contient en soi toutes les parties du corps humain. C’est le dessin que l’on voit ci-dessous. Pomet donne une longue description de ce que sont les « Mumies » et précise que ces dernières sont employées en Médecine pour le sang caillé ; elle convient dans les affections froides de la tête, à l’épilepsie, aux vertiges, à la paralysie, prise au poids de deux dragmes en poudre dans quelques opiattes convenables, ou en bol avec quelques sirops. elle resiste à la gangrène, consolide les playes,  & est encore employée pour quelques compositions galéniques. 
  

 

Après avoir passé en revue l’Axonge (ou graisse humaine), l’Usnée humaine (mousse verdâtre provenant des têtes de morts), Pomet consacre une page à la Licorne que la Naturalistes nous dépeignent sous la figure d’un cheval, ayant au milieu du front une corne en spirale, de deux à trois pieds de long, nous dit-il. Mais Pomet précise : Comme l’on n’a pu, jusques aujourd’hui, sçavoir la vérité de la chose, je dirai que celle que nous vendons sous le nom de Corne de Licorne, est la Corne d’un Poisson que les Islandais appellent Narwal.   
 

 

 

 

Cette licorne, dit Pomet, était autrefois beaucoup en usage, à cause des grandes propriétés que les anciens lui attribuaient, principalement contre les poisons. Ambroise Paré, dans un petit Traité qu’il a composé de la licorne, dit que dans l’Arabie déserte, il s’u trouve des Anes sauvages, qu’ils appellent Camphurs, portant une corne au front, avec laquelle ils combattent contre les Taureaux, & dont les Indiens se servent pour se garantir de plusieurs maladies, particulièrement les veneneuses, & qu’en Arabie, près de la Mer rouge, il se trouve un autre animal que ces peuples appellent Pirassoupi, qui a deux cornes longues, droites et en spirale, dont les Arabes se servent lorsqu’ils sont blessez ou mordus par quelques bêtes venimeuses, la mettant tremper pendant six ou sept heures dans de l’eau qu’ils boivent pour se garantir.
Parmi les autres animaux décrits par Pomet, il y a bien sûr le Bezoar, le Musc, la Civette, le Rat musquez, le castor, l’éléphant, le Rhinocéros, etc. Une page d’llustration (ci-dessus) est consacré aux oiseaux comme l’Autruche, avec ses plumes « qui servent d’ornement aux Capeaux, aux lits, & aux Dais ». Mais Pomet précise que sa graisse est émolliente, résolutive & nervale. il parle aussi de l’Aigle. De tout cet oiseau, dit-il, nous ne vendons qu’une espèce de pierre qui se trouve à l’intérieur des trous où les Aigles font leurs nids… Cette pierre nous est apportée par les Pellerins de Saint Jacques en Galice. On attribue de grandes propriétez à cette pierre , sçavoir de faire accoucher les femmes heureusement & d’empêcher qu’elles tombent lorsqu’elles sont grosses. Pomet évoque également le Vautour, l’Hirondelle et la Frégate, un oiseau que les Indiens appellent ainsi à cause de la vitesse de son vol. « L’huile ou la graisse de ces animaux est un souverain remède pour la goute sciatique, & pour toutes les autres provenantes de cause froide. on en fait un grand cas dans toutes les Indes comme un médicament précieux ».

Pomet parle également des Cantharides qui sont des mouches que les paysans des environs de Paris nous apportent, dit Pomet, qui se trouvent en quantité sur les Frênes, sur les Rosiers, & sur les bleds. L’usage des Cantharides est pour l’extérieur, étant un fort grand vessicatoire ; c’est le sujet pour lequel les Apoticaires en font la base de l’emplâtre, surnommé vessicatoire. Elles sont cahudes, dessicatives, résolutives, etc… Le dessin ci-dessus évoque les Abeilles, ou mouches à miel. Quelques Naturalistes veulent que l’origine des Abeilles viennent du Lion & du Boeuf morts, & qu’au lieu de vers qui sortent ordinairement du corps des autres animaux, il sort du corps du Lion & du Boeuf, des Abeilles ou des Mouches à miel. Pomet décrit longuement le travail des abeilles, de la manière de receuillir le miel, le miel lui-même, ainsi que la Cire jaune et de la Cire blanche. Nous tirons du miel, dit Pomet, par le moyen de la distillation, une eau, un esprit et une huile qui sont estimez propres pour faire croître les cheveux, & pour effacer les taches du visage. On attribue à l’esprit du miel, bien rectifié, la faculté de dissoudre l’or et le plomb. On peut aussi tirer du miel qui a fermenté un vinaigre… On en tire encore un sel fixe qui est apéritif, propre pour fondre & attenuer les humeurs visqueuses.

 

Toujours dans le Livre III, Pomet consacre un passage à la Vipère, mais surtout à tous les médicaments composés qui lui étaient associées : Thériaque, Orviétan, Mitridat, Trochisques… Pomet indique que la Vipère est une espèce de Serpent qui se trouve en abondance en plusieurs endroits de la France, mais principalement dans le Poitou, d’où nous faisons venir presque toutes les Vipères que nous vendons à Paris.

Après un très long Livre III, le Livre suivant (Livre IV) du Tome II de Pomet porte sur « Les Fossiles »: « J’entends par le mot de Fossille, généralement tout ce qui se rencontre dans les entrailles de la terre, comme sont les Métaux, les demi-Métaux, les Minéraux, les Bitumes, les Pierres & les Terres.Il fait une longue préface sur la définition de ces différents termes, en commençant par le mot Métal « un corps dur & d’une substance égale en toutes les parties, qui se fond au feu, qui est ductille, et qui s’étend sous le Marteau, & qui est différent des Mineraux, Bitumes, Pierres & Terres… Il y a bien de la constestation touchant le nombre des Métaux, les uns veulent qu’il y en ait neuf, les autres sept, & les autres six, en ce qu’il veulent que le vif-argent, l’étain de galce & la fonte passent pour Métaux, mais comme cette opinion n’est pas bien fondée, en ce que l’Etain de Glace & la Fonte sont des choses composées, je maintiendrai à ceux qui ont conclu qu’il n’y en avoit que sept qui répondent aux sept Planettes, & aux sept jours de la Semaine… » 

 

 

Dans ce long chapitre des « Fossiles » décrits par Pomet (l’Or, l’Argent, le Cinabre, de l’Etain, etc.), il y a une seule page d’illustration (extrait ci-dessus) qui illustre un passage consacré aux Mines du Frioul, mines de mercure situées à une journée & demie ou environ de Corentia, en tirant vers le Nord. Pomet donne des précisons sur l’obtention du mercure et les conditions de travail : « Les Machines dont on se sert dans ces Mines sont admirables. les roues sont les plus grandes que j’aye vûes de ma vie, & sont toutes mûës par la force de l’eau que l’on fait venir à peu de frais, d’une montagne qui est à trois mille de là. L’eau que l’on tire de la Mine par le moyen de 52 pompes, 26 de chaque côté, est employée à faire mouvoir d’autres roues, qui servent à differens usages. Les Ouvriers ne sont payez qu’à raison d’un Jule par jour, & ne durent pas long-tems à ce travail. Car encore qu’il n’y en ait point qui soient plus de six heures sous terre, ils deviennent tous paralytiques, & meurent hétiques, les uns plutôt, les autres plus tard ». 

Les derniers Livres du Tome II de Pomet sont consacrés respectivement aux Minéraux (Livre V), aux Bitumes (Livre VI), aux Pierres (Livre VII) et aux Terres (Livre VIII). Pour le Livre V, le Minéral est définit comme étant « tout ce qui tient quelque chose des mines, qui croît dans le mines, ou qui a passé par les mines » : Antimoine, Aimant, CalamineArsenic, Sel Gemme et Sel marinSalpêtre, Alun, etc. Le Livre VI concerne le Bitume, « matière inflammable, grasse, & onctueuse » : Ambre jaune, Bitume de Judée, Pis-Asphaltum, Charbon de terre, Fleur de soufre, Naptha d’Italie, Petroleum, etc. Le Livre VII concerne la Pierre, « corps solide & dur, qui ne se peut fondre au feu ni s’étendre sous le Marteau, & qui s’est formé dans la terre par succession de tems, & qui est une espèce de minéral » : Hyacinthe, Diamant, Pierres de Serpent, Licorne Minérale, Jade, Craye de Briançon, font partie de cette catégorie. Le Livre VIII, enfin, inclut les Terres qui sont utilisées en Médecine mais aussi celles dont les Peintres se servent, en un mot « tout ce qui est tendre et fiable, & qui pour ce sujet n’a pu être mis au rang des Pierres » : Cachou, terre sigelée (sic), Bol, terre de Cologne, Rouge d’Inde, etc.

Ce dernier chapitre conclut l’ouvrage de Pomet qui est instructif à plus d’un titre : il montre une classification les matières premières,avec de multiples explications; il montre aussi l’usage de ces produits en Médecine et en Pharmacie au XVIIe et XVIIIe siècles ; il donne enfin à cette occasion de nombreuses informations sur le mode de recueil, de traitement de ces produits, les conditions de travail, les outils utilisés et l’aspect économique du médicament.    

 

 

Tags: No tags

Comments are closed.