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Histoire des machines pharmaceutiques

 Histoire des machines pharmaceutiques

(à partir des documents de M. André Frogerais, 2012,
 Histoire des comprimés pharmaceutiques en France,
et Histoire des Machines Pharmaceutiques françaises*) 

 

     
  

La fabrication des produits pharmaceutiques commencent en France dans les officines,  et l’industrialisation va être la réponse à des exigences commerciales et techniques.

La fabrication des produits pharmaceutiques commencent en France dans les officines,  et l’industrialisation va être la réponse à des exigences commerciales et techniques.

Pour produire de plus en plus avec une qualité constante,  les pharmaciens d’officine vont devoir créer des usines.

Les premiers établissements industriels sont fondés à partir de 1850, et,  à la fin du XIXe siècle, on recense 473 établissements qui emploient 13 000 personnes, 60% ont moins de 10 employés.

Les plus importantes sont :

–          La Pharmacie Centrale de France (Paris et Saint Denis)

–          Les Etablissements Poulenc  Ivry Sur Seine

–          Société Française de produits pharmaceutiques de Louis Alphonse Adrian Courbevoie

–          Darasse Fontenay Sous bois

–          Les Laboratoires Midy Paris

–          Dausse Ivry Sur Seine

–          Droguerie Georges Vée

 
Appareil industriel pour la pulvérisation
(à pilons ou bocard)
Pilon avec sa came (Goris, Masson et Cie, 1942)
     

Appareil Pouré-Sauton en fonctionnement et préparation des pommades par trituration.
(Goris, Masson et Cie, 1942, Laboratoire de la Pharmacie centrale des Hôpitaux)
Moule industriel pour la fabrication des suppositoires
(Goris, Masson et Cie, 1942)


Appareils à granuler (petit et grand modèle) (Goris, Masson et Cie, 1942)

 

L’apparition sur le marché de machines industrielles va permettre aux fabrications de se mécaniser à partir de 1880. Ces  machines vont rendre possible l’amélioration de la mise en forme des médicaments. L’industrialisation de la pharmacie apparait comme le transfert à grande échelle du savoir faire élaboré dans l’officine.

       Les industriels vont fabriquer des spécialités qui se doivent d’être de qualités constantes et d’un prix compétitifs pour pouvoir correctement rémunérer les pharmaciens d’officine qui les distribuent et des  remèdes inscrits au Codex qui vont se substituer aux préparations officinales. L’industrialisation de la galénique va être rendue possible grâce à la mise à disposition par des constructeurs de machines de plus en plus performantes. Les machines vont s’affirmer comme supérieures en qualité, notamment au niveau du dosage ; de nombreux constructeurs vont naitre, la plupart auront une existence éphémère.

          Henri Négre est le pionnier, l’entreprise est crée en 1880, 57 avenue du Maine à Paris, et fabrique une machine à fabriquer les pilules (brevet N°136 886 ); en 1890 elle fabrique une machine à comprimer alternative brevet N° 204 808) L’entreprise fusionnera en 1887 avec son voisin N.Palau situé avenue du Maine; trois ans plus tard ils se sépareront et deviendront concurrents. Négre sera repris en 1897 par Wallon puis  Savy qui avait eux-mêmes repris la société spécialisé  dans les machines pour le production de produits de confiserie Hermann.  N.Palau devenu concurrent de son ancien associé fabrique des machines et sera racheté  en 1896 par la société  G.Bera qui disparait en 1902. Savy qui deviendra  Savy-JeanJean, successeur de Négre, existera jusqu’aux années 1950; ils se spécialiseront dans la fabrication de mélangeurs.

 

 D’autres sociétés vont se développer :

  • Jules Durriez 79-85 avenue Philippe Auguste, Paris ( 1887-1918).
  • M.Guy, voisin d’Henri Négre et de  Palau, il était établi 21 avenue du Maine, (1914-1923)
  • R.Cogez, successeur de Guy, 19 rue Jules Guede, Paris  (1923-1968)
  • Charles Pouré et Joseph Sauton , 57 rue de la Révolution à Montreuil (1900-1945)
  • C.Le Gall successeur de Pouré  jusqu’en 1945
  • Jean Ratti, 25 rue de Vincennes à Montreuil, fondée en 1904
  • Edmond Frogerais , (1910-1983) rue de la Mairie à Ivry Sur Seine; sa première création fut une machine à imprimer les pilules à la demande de Constant David des Laboratoires David Rabot.

 

Ces constructeurs vont produire des machines pour la production de toutes les formes pharmaceutiques, nous nous intéresserons aux machines destinées aux formes sèches : pilules, pastilles, cachets, comprimés, capsules molles , granulés et leurs conditionnements.

Certaines machines réalisent automatiquement le processus de fabrication comme les machines à remplir les cachets ou à fabriquer les comprimés, mais la plupart se contentent de mécaniser les opérations manuelles; pour la production des pilules 4 machines différentes sont nécessaires.

Elles peuvent être équipées de moteur individuel, mais dans la majorité des cas, elles sont mues à l’aide d’une courroie entrainée par une poulie située sur un arbre motorisé situé au plafond. Elles ne comportaient aucun dispositif de sécurité et l’acier inoxydable est  inconnu.

   

     
 

 

Mélangeur de poudres Pouré et Sauton 
 (M. Bouvet 1919)
 Mélangeurs et étuves

 

Ces appareils ont pour rôle d’assurer le mélange à sec et l’humidification de la masse par des mouillants  comme l’eau, le sirop de sucre, l’alcool, ils sont également la fonction de malaxeur.

 

–           Mélangeur  horizontal à une pale :

 

 

Mélangeur agitateur pour poudres,
avec réservoir préparateur Savy et Jeanjean
 (M. Bouvet 1919)
     
  

Mélangeur-Malaxeur avec double palles en Z

Inventé par l’ingénieur allemand Werner, le mélange est assuré par deux palles tournant en sens inverse à des vitesses différentes, en 1906, Werner revendique avoir construit plus de 11 000 appareils, la capacité maximum est de 11 000 litres mais dans l’Industrie pharmaceutique on se contente d’une capacité maximum de 100 litres soit de slots de 40 à 50 kg; la cuve est en fonte.

 
Catalogue Savy Jeanjean. 
        
Mélangeur Frogerais n°2 (40 litres)(à gauche)
 
Mélangeur Frogerais n°1 (10 litres)
   

    Mélangeur à melon

Ils sont utilisés pour la production des masses pilulaires ou de la pate pour la fabrication des pastilles.

Ils ont constitués par une cuve tournante à l’intérieur de laquelle se trouve un « melon » en bronze qui tourne autour de son axe en sens contraire créant ainsi un mouvement planétaire. Les cuves sont  recouvertes de cuivre. La capacité maximum est de 50 kg.

 

Il y avait beaucoup d’autres constructeurs de mélangeurs surtout pour l’industrie chimique comme Henry (Aubervilliers), Le Clézio

 


Appareil industriel en verre pour argenter ou toluiser les pilules
(Goris, Masson et Cie, 1942)

Machine à malaxer la pâte des tablettes
 (Savy, Jeanjean et Cie)

Malaxeur Pourré et Sauton (d’après M. Bouvet 1919)


Malaxeur Frogerais 1912
  

 
Laminoir
Machine à fabriquer des magdaléons
 

Pilules

La fabrication industrielle des pilules ne diffère pas des procédés employés dans l’officine ; elle  comprend  différentes opérations  successives.

–          Les matières premières sont incorporées par malaxage dans un excipient, le plus souvent de l’extrait de chiendent, de façon à obtenir une masse pilulaire homogène.

On utilise soit un mélangeur en Z, soit un mélangeur à melon.

 

–          La masse est ensuite aplatie à l’aide d’un rouleau afin d’obtenir des galettes rectangulaires d’épaisseur déterminée.

 

–          Ces plaques passent  ensuite  entre des rouleaux de cuivre munie de cannelures de dimensions variables et tournant en sens inverse pou obtenir  un magdaléon.

 

–          Le magdaléon  est introduit dans  le pilulier à l’aider de cylindre qui l’aplatisse; il s’engage ensuite entre deux plaques  comportant des cannelures à sa dimension animée d’un mouvement de va et vient :  la plaque supérieure va découper individuellement les pilules. Si  le diamètre du  magdaléon est égal à la longueur de la découpe, les pilules seront rondes s’il est plus petit où plus grand, elles seront ovales.

 

–          Elles sont ensuite roulées au moyen d’un disque rotatif afin de devenir sphériques.

 

Les pilules peuvent être ensuite imprimées ou dragéifiées.

A chacune de ces opérations correspond une machine; dans le cas de la production industrielle des pilules on peut plutôt parler de mécanisation plutôt que d’automatisation.

 La production était très faible même automatisée : pour produire par jour 20 kilos de pilules il fallait employer 10 personnes. Les comprimés, plus économiques à produire et plus stables, vont rapidement se substituer aux pilules.

 

    Aucun constructeur français ne produira, contrairement aux américains comme A.Colton, une machine qui intègre toutes les opérations.  

 
Machine à fabriquer des magdaléons  (Savy, Jeanjean et Cie)
Machine Palan à fabriquer les pilules
     
 
Machine Nègre à fabriquer les pilules
 Laminoir :

 Il sert à préparer les galettes de masse pilulaire qui seront placées ensuite dans la machine à magdaléons.

Un laminoir peut alimenter trois machines à pilules.

  

      Machine à magdaléons :

Les galettes  sortant du laminoir sont découpées en bâtonnets par la machine à magdaléons à l’aide de cylindres.

  

Machine à pilules :

Elle divise les magdaléons en noyaux pilulaires de 30 à 700 mg.

Les plaques en fonte sont interchangeables.

 
Machine Derriey à fabriquer les pilules
   
   
     
 
Appareil d’Egrot pour distillation fractionnée des liquides (Goris, Masson et Cie, 1942)
 

Les granulés ou saccharures

 

Ils sont constitués d’un mélange de sucre et de principes actifs pulvérulents que l’on rend pâteux par addition  d’eau ou de sirop de sucre.

La masse obtenue est pressée à travers une plaque perforée de trous ronds ou carrés; il se forme un vermicelle qui est séché puis tamisé.

 


Appareil à distillation de Demachy
(Goris, Masson et Cie, 1942)
 
Broyeur pulvérisateur à couronne
(Goris, Masson et Cie, 1942)
 

           
Broyeur à boulets (gauche) et broyeur pulvérisateur du type pendulaire (droite)
(Goris, Masson et Cie, 1942)
 


Préparation des capsules au trempé. Disque avec olives en cuivre.
(Goris, Masson et Cie, 1942)


Fabrication des capsules par pression
(Goris, Masson et Cie, 1942)

 

Les capsules

 

Les capsules par pression sont constituées par une enveloppe de gélatine remplies de médicaments liquides.

Elles sont de forme ovoïde ou sphérique; on les appelle alors perles ou globules.

Elles ont été popularisé par Mothe en 1838. A l’origine les enveloppes de gélatine étaient fabriquées séparément  puis remplies et soudées manuellement. Afin d’industrialiser la production, les industriels vont mettre au point des presses mécaniques semi automatiques.

On réalise dans un premier temps des bandes de gélatine, on place dans un cadre métallique une premier bande de gélatine, puis le liquide médicamenteux et une seconde bande de gélatine.

Le cadre est placé entre les moules inférieurs et supérieurs de la presse, ils sont constitués d’alvéoles creusées de cavité hémisphériques superposées. L’ensemble est pressé ce qui entraine la soudure et  la découpe des capsules.

Le liquide est réparti dans chaque alvéole.

 

 

Broyeur pulvérisateur à marteaux avec pièces détachées
(Goris, Masson et Cie, 1942)
  

 

 

 

Pastilles Goy, précurseur des pastilles MBC
 


Capsules de santol GOY
 

Pastilleuse (Goris, Masson et Cie, 1942)
 

Les Pastilles

 

Elles sont préparées à partir d’un mucilage de gomme, généralement de la gomme adragante.

Les principes actifs,  mélangés à du sucre sont incorporés au mucilage dans un mélangeur-malaxeur à melons.

La masse humide est étendue à l’aide d’un rouleau dans une « pastilleuse »; elle est saupoudrée d’amidon puis découpée par un emporte pièce monté sur un cylindre.

Ils sont de forme diverse : octogonales, rondes, ovales, rectangulaires, carrées… et sont souvent gravées d’un cachet qui comporte un nom, un signe…

Après avoir été découpées, les pastilles sont déposées sur des plateaux et séchées dans une étuve; La production dépend du nombre de poinçons; elle est au maximum de 30 kilos à l’heure.

 
Broyeur Kek(broyeur à couronne avec disques horizontaux)
(Goris, Masson et Cie, 1942)
 

 

 
 

Cacheteur Secca pour cachets à fermeture à sec,
avec types de cachets terminés
(Goris, Masson et Cie, 1942)

Les cachets

Ils ont été inventés par Stanislas Limousin en 1872.

Ils sont constitués par deux cupules de pain azyme de forme ronde qui reçoivent les principes actifs en poudre, elles sont soit emboitées l’une dans l’autre, soit soudées par collage.

Le dosage de la poudre est réalisé par un compresso doseur.

Des machines automatiques et semi automatique ont été construites par Henri Wierbienski.  , les plus performantes produises 20.000 cachets par heure.

 

 

 

Appareil Digne pour cachets à fermeture humide,
avec types de cachets terminés
(Goris, Masson et Cie, 1942)

 

Appareils et accessoires pour la fabrication des cachets : I) appareil primitif de Limousin; II) capteur-cacheteur extensible Finot (1° modèle); III) Cacheteur extensible Finot (2° modèle); IV) Cacheteur Lenglen à 3 plaques avec rouleau mouilleur.
(Goris, Masson et Cie, 1942)

 

 

Appareil du type Brockedon  fabriqué par May and Son (UK)

 

Machine à faire des comprimés (petit modèle). Appareil de comptoir

(Goris, Masson et Cie, 1942)

 

Les comprimés

Les comprimés ont été inventés par un britannique, William Brockedon qui dépose le 8 décembre 1843 le brevet n° 9977 relatif à la fabrication de comprimés par le compactage de poudre entre deux poinçons.

Brockedon n’était pas pharmacien; dés l’âge de 12 ans, il travaille dans  l’entreprise familiale qui fabriquait des montres mais c’était d’abord un artiste peintre. Mécontent de la qualité des mines  de crayon  qu’il utilisait pour dessiner, il imagina un dispositif pour comprimer les poudres de graphite qu’il avait sélectionné : ainsi est né le comprimé.

 

Comment  Brockedon est passé de la compression de poudre de graphite à celle de substances pharmaceutiques, c’est un mystère, mais le 1 mai 1844, le Pharmaceutical  Journal décrit la fabrication de comprimés de bicarbonate de potassium destinés à l‘usage thérapeutique fabriqués selon son procédé.

L’appareillage utilisé est très rudimentaire, il consiste en une matrice, un poinçon inférieur et un poinçon supérieur. La matrice est placée sur le poinçon inférieur, la poudre préalablement pesée remplit la matrice, la compression est assurée en frappant avec un maillet le poinçon supérieur.

 

 A ce stade, Brockedon conçoit le comprimé comme le simple compactage d’une poudre sans addition d’excipient, ce qui limite les applications. Il saura industrialiser son invention en créant un laboratoire  pharmaceutique spécialisé dans la fabrication de comprimés qui exportera aux Etats-Unis, et qui sera plus tard racheté par Burroughs  Wellcome qui fait actuellement partie du groupe GSK.

En  Allemagne, le professeur Rosenthal de  l’Université d’Erlangen en Bavière,  publie en 1875 un article où il décrit une presse manuelle de son invention destinée à la fabrication de comprimés. Rosenthal a le premier l’idée d’ajouter des excipients afin d’augmenter le nombre de  substances pouvant se comprimer. Il publie ainsi 18 formules à base de digitale, calomel, bicarbonate de soude, quinine, santonine…

 

 

 

 
La presse de Rosenthal
 

Atelier de compression

des Laboratoires Dausse Ainé (1896)

 


Appareil à comprimer les poudres
  

L’arrivée en France

En France la forme  «comprimé » va se répandre tardivement et  rencontrer de nombreux  détracteurs.

A l’Exposition universelle de Paris de 1878, les Laboratoires  Frére exposent les pastilles de Charbon de Belloc fabriquées par un nouveau procédé : par compression de la poudre au moyen d’une presse hydraulique; ce sont les premiers comprimés fabriqués en France même si le mode de fabrication n’est pas conventionnel.

Le rapporteur de l’exposition Eusèbe Ferrand qui était directeur de la revue l’Union Pharmaceutique,  consacre dans son rapport un chapitre aux médicaments comprimés.

Il constate que l’usage des comprimés se développe en Allemagne, en Suisse, aux Etats Unis et au Canada, et précise que les laboratoires américains Wyeth  exposent  « de beaux échantillons ».

Férrand  explique que cette forme est inconnue en France pour deux raisons :

–          à  cause de la forme, Il est difficile d’ingérer un disque aux arêtes aiguës d’un diamètre parfois supérieur à 15 mm

–        ce sont des médicaments  « infidèles » car selon lui : «  ils peuvent traverser l’estomac sans se désagréger  puisqu’ils ont  la consistance de la pierre ».

 

 Son jugement est  catégorique: les comprimés n’obtiendront jamais le moindre succès en France.

En 1879, Alfred Riche, professeur de chimie à la Faculté de Pharmacie de Paris, rend compte dans le Journal de Pharmacie et de Chimie de sa visite à l’Exposition Universelle de Paris de 1878, il va découvrir sur le stand du fabriquant américain Wyeth des  pilules –comprimées.

 

        

        Ces auteurs ont la même opinion négative, les comprimés vont longtemps souffrir en France de la concurrence avec les cachets car ils nuisent aux intérêts de certains industriels; pourtant des pionniers vont commencer à en commercialiser.

Le 16 février 1882, les laboratoires Burroughs Wellcome de Londres déposent  en France la marque N°2 888  «tablettes – comprimées Wyeths ».

Le 16 janvier 1884, Arthur Mille, pharmacien, 23 rue Thiers à Reims  enregistre la marque N° 779 : « Pastilles Mille au chlorate de potasse concentré- Mill’s compressed tablets made in London ».

 

Le 30 juillet 1885, les Laboratoires Warner and Co de Philadelphie, représentés en France par Edmond Acard, déposent  la marque N°22 608 « compressed  lentiformes » qui est présentée comme « une forme pharmaceutique médicamenteuse présentant divers produits chimiques ou pharmaceutiques comprimés sous forme de petites lentilles ».

L’année suivante, soit 43 ans après le brevet de Brockedon, leur agent, les Laboratoires Edmond Arséne Acard,  213 rue Saint Honoré à Paris, proposent dans une publicité parue dans le Bulletin commercial de l’Union Pharmaceutique des pastilles-comprimées de chlorure de potasse et de bicarbonate de soude;  par la suite ils distribueront également des comprimés de borax et de rhubarbe.

 

 

 En 1887, les Laboratoires Gustave Chanteaud , commercialisent des comprimés de Sublimé ainsi que des comprimés hypodermiques  destinés à être dissous dans l’eau pour être injectés. Il est précisé que la solution obtenue doit être portée à ébullition avant d’être injectée. Ils les baptisent  lentille-comprimées, certainement à cause de la forme.

 

 

A l’Exposition Universelle de Paris de 1889,  le rapporteur Amédée Vée dans un chapitre consacré aux tablettes comprimées reprend les conclusions de son prédécesseur lors de l’exposition de 1878 : cette forme n’a pas d’avenir en France à cause des problèmes de désintégration, bien qu’il reconnait qu’elle se généralise  en  Suisse, en Grande Bretagne  et aux Etats Unis où les Laboratoires Wellcome Burrough et Warmer  fabriquent  des produits qu’il qualifie de « soignés ».

Deux exceptions d’après lui : les comprimés à sucer de chlorate de potasse  (la lenteur de la dissolution est cette fois considérée comme un  avantage) et les comprimés hypodermiques  (le mode de fabrication permettrait un dosage constant).

Parmi les exposants français seuls la société Rigaud et Chapoteaut  applique le procédé de compression aux granulés et aux poudres.

Edouard Fedit,  des Etablissement Fedit et Compagnie fondés en 1892, 23 avenue Victoria à Paris est présenté par plusieurs auteurs comme  le premier spécialiste du comprimé en France; il fabrique des  comprimés de bicarbonate de sodium et de rhubarbe avec comme excipient du beurre de cacao.

Précurseur des comprimés effervescents qu’il appelle  comprimés gazeux, Il va mettre au point  les premiers comprimés effervescents  à base de sels de Vichy  destinés à  être dissous pour reconstituer de l’eau minérale ; ce qui lui vaudra  l’année suivante, d’être attaqué en concurrence déloyale par la Compagnie Fermière de Vichy ; condamné, il devra s’acquitter d’une amende de 2.000F en dommages et intérêts.

Il fabrique ensuite des comprimés effervescents d’antipyrine.

 Il participe à l’Exposition internationale de Chicago de 1893

 

 

 

 

 

 

   
 

La même année, le professeur Ambroise  Andouard de l‘Ecole de Médecine et de Pharmacie de Nantes, dans son ouvrage de pharmacie galénique, décrit en quelques lignes les  tabloïdes comme étant une variété des pastilles traditionnelles d’origine anglaise. Il cite les comprimés de chlorate de potasse ,  de borax, de sous nitrate de bismuth, de carbonate de lithium, de magnésie, de quinine, de salol, d’acide salicylique, d’antifébrine, de phénacétine, de sulforal et de poudres végétales .

Il préconise l’utilisation d’excipients comme la gomme arabique ou adragante, le sucre en poudre, le bicarbonate de sodium pour résoudre les problèmes de délitement.

En 1893 la revue le Répertoire de Pharmacie de Bouchardat  à la suite d’un accident survenu en Grande Bretagne,  publie un article sur les dangers des comprimés de chlorate de potasse  qui, selon l’auteur, peuvent s’enflammer s’ils sont mal stockés.

La même année, l’Officine de Dorvault consacre pour la première fois, 4 demi-lignes aux tablettes-comprimées ou tabloîds.  La  Pharmacie Centrale de France qui l’édite ne fabrique à cette date aucun comprimé.

Il est à noter qu’en France, à cette époque, personne n’utilise encore le terme de comprimé, on parle de « tabloïd » (avec ou sans e) qui est directement dérivé du terme anglais « tablet »  bien qu’étant une marque déposée du laboratoire américain Parke Davis, de discoïde ou  on emploie des mots composés comme : tablette-comprimée,  lentille-comprimée, pilule-comprimée, poudre-comprimée, médicament-comprimé, pastille-comprimée, comprimé-discoïde et comprimé-gazeux pour les effervescents.

Ce n’est qu’en 1893 qu’apparaît pour la première fois le terme de «comprimé», dans une publicité des Laboratoires Blancard paru dans le guide Rosenwald pour des comprimés d’Exalgine .  On dénomme  cette forme « comprimé » par référence au procédé et non par rapport à la forme pharmaceutique comme c’est l’usage.

 

L’année suivante des comprimés de chlorhydrate de quinine figurent dans le supplément du Formulaire des hôpitaux militaires de 1890.

Pourtant, le 28 Novembre 1894, la société de Thérapeutie  recommande l’emploi de chlorhydrate de quinine  lors des expéditions coloniales sous forme de pilules  au  lieu  de  comprimés-discoïdes à cause de leur mauvaise dissolution.

L’un des participants, Bardet, pour être plus convaincant, précise que pour résoudre les problèmes de dissolution, lors de l’Exposition Universelle de 1878, les exposants américains fournissaient  avec leurs  comprimés,  un petit mortier en agate afin que les patients puissent les écraser avant de les absorber.

En 1896, le catalogue des Laboratoires Dausse Ainé fait mention de pastilles-comprimées produites dans leur usine d’Ivry sur Seine. Le catalogue est illustré d’une photo de l’atelier de compression qui est équipé d’une presse alternative à un poinçon. Dausse distingue quatre familles de comprimés 

–          les comprimés sublinguaux : le chlorate de potasse,

–          les comprimés destinés à être avalé comme les pilules : la rhubarbe

–           les comprimés hypodermiques à base de lactose destinés à faire des solutions injectables : le chlorhydrate de morphine

–           les comprimés destinés à être dissous pour faire des solutions antiseptiques : oxycyanure de mercure

     
 
Remplissage des ampoules (à droite , aspiro-pipeur Leune)
(Goris, Masson et Cie, 1942) 

 En 1897, Alphonse Pannetier qui était pharmacien à Commentry et membre de la Société de Pharmacie,  dans le Journal de Pharmacie et de Chimie, consacre un article aux tablettes-comprimées ou tabloïds , il reprend les conclusions négatives de ces prédécesseurs. Il admet que l’on peut utiliser des comprimés solubles de sels minéraux pour reconstituer de l’eau minéral, mais,  il considère que les comprimés insolubles, destinés à être ingérés constituent « un barbarisme pharmaceutique, ne répondent à aucun besoin » car ils présentent un danger pour la paroi de l’estomac et sont « ridicules et désagréables à avaler ».

 Il préconise pour corriger ces inconvénients de diluer les principes actifs dans des excipients et de  donner aux comprimés une forme globulaire.

En 1898 l’Officine de Dorvaut décrit les tabloïds de chlorate de potasse mais la Pharmacie Centrale de France  n’en fabrique toujours  pas.

Deux ans plus tard, à l’Exposition Universelle de Paris de 1900, selon le rapporteur Albin Haller, la Pharmacie Centrale de France expose des  pastilles-comprimées,  ainsi que les Laboratoires Robin qui fabriquent des comprimés effervescents de glycérophosphate de calcium.

F. Guegen toujours à propos de cette exposition,  constate que  « les comprimés de poudre tendent de plus en plus à remplacer les anciennes tablettes et même quelquefois les pilules ou les cachets ». Il recommande l’utilisation de la machine à comprimer américaine Freck qui  est exposée.

En 1902, le professeur Edmond  Dupuy  de l’Ecole de Médecine et de Pharmacie de Toulouse dans son  Cours de Pharmacie, décrit les tabloïds comme une variété de tablettes d’origine américaine; il leur consacre une demi-page contre 20 pages aux pilules.

Certaines critiques ne sont pas injustifiées, la formulation des comprimés laissent à désirer, notamment  la désagrégation n’est pas encore prise en considération par les galénistes: en 1907 Péloile observe dans les selles de patients des résidus de comprimés qu’il baptise : calculs intestinaux.

En 1910, A. Andouard dans une nouvelle édition de son ouvrage de galénique  utilise pour la première fois, le terme comprimé, mais Il continue à affirmer comme ses  prédécesseurs qu’il n’y a aucun intérêt à comprimer des substances insolubles, car «cette forme ne répond  aucun besoin ».

 

 

 

 

     
 

Le peu d’intérêt des pharmaciens d’officine, des industriels et de l’administration.

Les pharmaciens d’officine ne s’intéressent pas aux comprimés pour plusieurs raisons :

Ils sont équipés pour délivrer des cachets, plus faciles à fabriquer et qui ne demandent  l’achat que  de compresso-doseurs  peu onéreux. Contrairement à leurs confrères allemands ou américains, ils ne seront jamais équipés de presses de comptoir; pourtant des dispositifs manuels de compression du type de celui de Brockedon sont disponibles comme celui proposé dans le catalogue Bodart de 1911 pour la somme de 10 F.

D’autre part les comprimés sont commercialisés sous forme de spécialités ;  la plupart des officinaux y sont opposés;  ils considèrent qu’ils doivent être à la fois le dispensateur et le préparateur des médicaments qu’ils délivrent, et leurs marges sur les spécialités sont très faibles

     
 
Emulsionneurs
(à main, à gauche, émulsionneur Cogez, à droite)
(Goris, Masson et Cie, 1942)

 Quant aux industriels, ils préfèrent produire des pilules, des cachets ou des paquets car les  galénistes ne savent pas formuler les comprimés, les facultés ne l’enseignent pas et le choix  des excipients est limité. A cette époque la formulation se limite à obtenir une poudre qui se comprime sans considération des problèmes de désintégration ou de dissolution.

Des comprimés d’extrait d’opium vont figurer en 1900 dans le supplément du Formulaire Militaire, mais cette formule est suivie d’une mise en garde : « les comprimés d’extraits d’opium remplacent les pilules dans les hôpitaux sans pharmacien et dans le service en campagne ».

Dans l’esprit d’alors, la pilule est pharmaceutique, le comprimé n’est qu’un succédané.

Pourtant le nombre de spécialités sous forme de comprimés va augmenter.

Dans le dictionnaire des spécialités pharmaceutiques de Carmouche de 1885 qui est l’ancêtre du Vidal, ainsi que dans l’Annuaire de Therapeutique de Dujardin de 1894, il n’y a aucune formule de comprimé. Le Formulaire Pharmaceutique de Gautier et Renault de 1895 est le premier à comporter des comprimés : la Rhubarbe des laboratoires Boutry , l’Exalgine des laboratoires Blancard et des discoïdes pour injection hypodermique des laboratoires Midy.

Dans le Formulaire de Gilbert et Yvon de 1899,  5 spécialités sont sous forme de comprimés , dans le Formulaire de Gautier et Renault de 1900 il y en a 8,  et 7 dans le Répertoire du Praticien de 1901.

Mais des spécialités sous forme de comprimés vont s’imposer.

Les Laboratoires Bayer en 1899 déposent la marque Aspirine dans de nombreux pays. L’Aspirine est fabriquée  l’année suivante sous forme de comprimés et importée en France par leur agent les Laboratoires Vicario , c’est un succès.

En France, la Société Chimique des Usines du Rhône acquiert  les droits d’exploitation du procédé de fabrication de l’acide acétylsalicylique selon Bayer et la commercialise sous la marque  Rhodine en 1902, elle prendra le nom d’Aspirine Usines du Rhône en janvier 1915, Bayer du fait de l’état de guerre ayant été déchu de ces droits de marque. 

 

 

     
 
Emulsionneur Segaud
(Goris, Masson et Cie, 1942)
Emulsion d’huile de foie de morue Goy

Les fermants lactiques, très utilisés à cette époque, sont également fabriqués sous forme de comprimés comme le Lactéol du Docteur Boucard (1909), le Biolactyl des laboratoires Fournier, la Paralactine des établissements Byla ou la Bulgarine des laboratoires Thépénier.

Ferré commercialise  depuis 1902 des comprimés de saccharine sous la marque Edulcor.

La Compagnie fermière de Vichy a repris à son compte  la production de Comprimés de sels de Vichy mis au point par Fedit.

Le catalogue des Etablissements Goy de 1901 comprend 17 formules de  pastilles comprimées, celui des Laboratoires Adrian de 1904 contient 59 formules  pour 36 principes actifs, et celui de Dausse en 1908, 38 pour 28 principes actifs.

Par comparaison le catalogue de 1907 de Parke Davis aux Etats Unis qui sont représentés en France par les Laboratoires Adrian et Scott proposent 67 formules de tablettes hypodermiques et 60 de tablettes comprimées qui sont fabriquées dans leur usine de Détroit.

 En 1914, dans sa première édition, le dictionnaire des spécialités pharmaceutiques de Vidal et Georges répertorie 334 spécialités dont 34 sous forme de comprimés, seule la Péristaltine Ciba a survécue, toutes les autres spécialités dont  les comprimés d’ Héroine  Vicario fabriqués sous licence  Bayer, bien que présentés comme très efficaces pour le traitement  de la toux ont disparu.

Mais la vogue des comprimés n’est  toujours pas établie en France;  les comprimés ont encore de nombreux détracteurs. La querelle va se poursuivre longtemps et il faudra encore de nombreuses années avant qu’elle ne s’éteigne.

Elle atteindra son paroxysme lors d’une réunion de la Société de la Pharmacie de Paris le 5 juillet 1916, suite à la publication dans le Journal de Pharmacie et de Chimie du 1er Juin 1916, par Maurice François,  d’une véritable diatribe où l’auteur développe de nombreux arguments  pour conclure  que le comprimé menace de ruiner l’officine.

Le sujet doit passionner beaucoup de lecteurs car dès le numéro de septembre de la même revue, R.Voiry  lui répond en contestant la plupart de ses arguments. Il considère qu’il s’agit « d’une forme pharmaceutique très acceptable sous la réserve que la fabrication en soit faite par des gens compétents »; toutefois il précise que si cette forme est intéressante pour les industriels, son application sera limitée.

A son tour, Léon Gabriel Torraude réfute les arguments de Maurice François dans le Bulletin des Sciences Pharmacologiques; il préconise de réglementer la production des comprimés en faisant figurer dans le Codex une monographie qui décrirait les excipients autorisés dans leur fabrication. Toraude, propriétaire du laboratoire pharmaceutique du Radium, établi 23 rue Grande Rue à Asnières, fabriquait des comprimés dragéifiés de Radio-Quinine.

L’année suivante François va confirmer son jugement, il publie un article sur l’essai de l’Aspirine où il affirme que la forme comprimé se prête mieux que toute autre à la falsification.

Il s’insurge contre le fait que la Société Chimiques des Usines du Rhône  ne fournit  depuis 1915 l’Aspirine que sous forme de comprimés et juge cette situation inqualifiable. Il sera entendu, à partir de l’année suivant :  Usine du Rhône commercialise l’Aspirine  à la fois sous forme de comprimés et de poudre cristallisée.

Maurice François était pourtant  une personnalité reconnue; il était chef de travaux pratiques à la Faculté de Pharmacie de Paris, responsable du Laboratoire de contrôle des médicaments et Président de la Société de Pharmacie depuis 1910 ; en réalité, à travers le comprimé, c’est le développement de la spécialité au détriment des préparations magistrales qu’il critique; il les perçoit comme une menace pour la pharmacie d’officine.

C’est un autre débat, les spécialités sont controversées en raison de l’absence de statut, elles ne feront l’objet d’une réglementation qu’en  1926 et surtout en 1941. Les comprimés qui sont uniquement commercialisés sous forme de spécialités vont pâtir de cette situation.

 L’administration continue de les ignorer, le Codex de 1908 n’en fait toujours pas mention, la commission renonce à inscrire les comprimés  car les formules ne sont pas constantes et comprennent trop d’ excipients

     
 

Ce sont les militaires qui vont  vulgariser le comprimé.

Comme nous l’avons dit précédemment, en 1894, le supplément du Formulaire des hôpitaux militaires comprend des comprimés de chlorhydrate de quinine fabriqués selon le procédé du Pharmacien major Jean- Marie Ricard et en 1900, des comprimés d’extraits d’opium.

La Direction des Services de Santé, sachant que leurs homologues allemands et russes fabriquent en grande quantité des comprimés, demande au Pharmacien principal de première classe, directeur de la Pharmacie Centrale du Val de Grace, Victor Masson,  un rapport sur cette forme.  Il va le publier en janvier 1901 dans les Archives de Médecine et de Pharmacie militaires.

Il décrit les inconvénients et les avantages des comprimés,  le mode de fabrication; sa conclusion est mitigée, il reconnait  que « le comprimé est une nouveauté très séduisante » mais critique l’addition d’excipients qu’il juge pourtant  indispensable pour une meilleure  absorption.  Il recommande « la plus grande circonspection » en vue de l’adoption des comprimés par le Service de Santé.

 Masson préconise l’emploi d’une machine à comprimer américaine du constructeur Freck, de Chicago, dont une centaine équiperait la Pharmacie Centrale de Saint Petersbourg.

Son article est repris en mai dans le Journal de Pharmacie et de Chimie et en décembre  dans la revue la Pharmacie Française. En bas de l’article très opportunément, l’importateur français de la machine Freck fait paraître une publicité pour inciter les pharmaciens à acheter sa machine. Deux modèles sont disponibles : la N°1 pour 100 F et la N°2 pour 190 F. La Pharmacie Centrale en achètera deux en  1902.

     
     
  En juillet 1902, le Pharmacien major de 1° classe, Auguste Georges, et le Médecin major Villard, professeurs au Val de Grace, dans la revue de Médecine et de Pharmacie militaire, décrivent une méthode d’épuration des eaux de boisson pour les troupes en campagne utilisant trois comprimés de couleurs différents :

–          bleu : d’iodure de potassium, d’iodate de  sodium, et de bleu de méthylène,

–          blanc : d’hyposulfite de soude

–          rouge : d’acide tannique

 

 C’est la méthode des « comprimés tricolores ».

Ils seront utilisés sans succès en Algérie  lors de la campagne de pacification du Constantinois  à cause de l’odeur désagréable de l’iode.

 En 1906, le Pharmacien major de seconde classe Paul Bruére, décrit des comprimés utilisés pour le contrôle de la pasteurisation du lait qu’il baptise comprimés enzymoscopiques et  des  comprimés gypsométriques  destinés au contrôle du taux de sulfites dans le vin.

 Armés de ces comprimés, les pharmaciens major pourront à tout moment et en tout lieu vérifier que le vin donné aux troupes n’est pas frelaté.

En 1908, il présente une thèse sur les comprimés,  c’est la première en France sur ce sujet : la première partie est consacrée à la description des méthodes de fabrication, la seconde contient une monographie des comprimés connus et la troisième décrit les méthodes de dosage utilisant des comprimés analytiques.

 Le résumé de ces travaux est publié en 1911 dans les Annales de falsification et dans l’Union Pharmaceutique.

Dans le Formulaire militaire de 1909, il y a désormais  4 formules  de comprimés.

En 1913, des comprimés d’iode libre préconisé par le Pharmacien major de 1°Classe Auguste Pellerin  pour la préparation extemporanée de teinture d’iode figurent au Formulaire; ils sont testés lors de la campagne du Maroc.

A cette époque le service militaire dure trois ans et l’influence de l’armée est considérable; les appelés  vont avoir le temps de se familiariser avec cette nouvelle forme.

Mais c’est la Première Guerre Mondiale  qui va permettre de populariser les comprimés : 4 millions de soldats seront  mobilisés ainsi que de nombreux médecins et pharmaciens.

En 1915, le Médecin principal Vincent et le Pharmacien major de 1°classe Clément Gaillard, professeurs au Val de Grace,  vont mettre au point une formule de comprimés d’hypochlorite de calcium et de sodium pour la purification des eaux de boisson. Il existe trois dosages qui correspondent à un litre d’eau soit le volume d’un bidon, ou à 5  et 10 litres, ces comprimés éviteront beaucoup d’intoxications dans les tranchées.

En 1916 les Services de l’Intendance vont  mettre  au point des comprimés de poudre de légumes  et de bouillon cubes  destinés au ravitaillement des troupes en campagne. Ils arriveront à point nommé. Après les rébellions de 1917, le général Pétain décide d’améliorer les conditions de vie des troupes et s’engage à fournir chaque jour, dans les tranchées une soupe chaude aux soldats, la soupe préparée à l’arrière arrivait froide. Il était  facile au front de faire chauffer de l’eau, d’y dissoudre ces comprimés et ainsi de manger chaud.

L’armée française venait d’inventer le potage instantané.

 Le Formulaire militaire de 1917, comportera  29 formules de comprimés. Il est précisé en préface que «  la nomenclature des ampoules et des comprimés a pris un développement  en rapport avec leur emploi de plus en plus large dans le service courant et principalement dans les infirmeries régimentaires ».

Le comprimé est désormais adopter pour les réserves de guerre, on apprécie cette dose unitaire de  faible volume ; afin d’éviter les confusions, les comprimés devant être ingérés sont ronds et ceux destinés à être dissous pour faire des solutions antiseptiques carrés, à partir de 1917, ils seront  triangulaires, la forme carré étant réservée aux comprimés alimentaires.

Pendant tout le conflit la Pharmacie Centrale de l’Armée au Val de Grace qui fabriquait 18 300 kilos de comprimés en 1913, en produira 260.000 kilos et la Réserve des médicaments de Marseille 70. 000 kilos.

 Les principales productions sont les comprimés de quinine  (85.000 kg) dont la majorité est utilisée aux colonies, et les comprimés d’Aspirine (50.000 kg).

 

 
Comprimés effervescents aux sels de Vichy GOY
 

 

Maurice Bouvet
 
 
Machine Nègre 1890 (d’après A. Andouard)
 

Les débuts de la production industrielle

Avec l’après- guerre, la situation va évoluer sous la pression des patients et grâce à un industriel  bien connu de notre société pour ces travaux historiques : Maurice Bouvet.

Maurice Bouvet  a  bien compris l’intérêt des comprimés, il constate qu’ils sont adoptés en Grande Bretagne, en Allemagne et aux Etats-Unis  et regrette que de nombreux comprimés commercialisés en France soient importés.

Il sait que les réticences et les craintes de la profession sont surtout dues à une méconnaissance du produit qui n’est toujours pas enseigné dans les écoles de pharmacie.

Il  va publier en 1919 un livre intitulé : «la fabrication industrielle des comprimés».  

Il en décrit les avantages, les méthodes de production, les problèmes rencontrés lors des opérations de fabrication et les solutions à apporter, ce qui est rare à une époque où les industriels aimaient  préserver leurs secrets de fabrication. Il publie notamment toutes les formules qu’il connaît promettant avec optimisme d’en compléter la liste par la suite.

 C’est à la fois un livre technique et de vulgarisation; il sera réédité en 1937. Les industriels vont apprendre à formuler, des auteurs publient de nombreux articles techniques sur la formulation, les problèmes d’analyse ou de stabilité.

 La production va se développer, des constructeurs français vont mettre à  disposition des industriels des machines de plus en plus performantes,  la plus part auront une existence éphémère

C’est à la fois un livre technique et de vulgarisation, il sera réédité en 1937.

Henri Negre ,  57 avenue du Maine à Paris  , fabrique depuis 1880 des machines automatiques pour la production des pilules (brevet N° 136 886), des tablettes et des dragées . Il participe à l’Exposition universelle de Paris de  1889. Il dépose le 17 juillet 1890, le brevet n° 204 808 pour une machine à comprimer alternative  à sabot linéaire.

Négre  fusionnera de 1886 à 1887 avec la société N.Palau, ils se sépareront en 1888 et deviendront concurrents,  puis sera racheté en 1897 par M.Wallon qui sera absorbé en 1902 par A.Savy.

 
     
  Machine alternative Palau (1892)  N. Palau construit à son tour  en 1892 une machine alternative à sabot circulaire; il sera  racheté en 1896 par G.Bera qui cessera toute activité en 1902.

 E. Goetze  dépose  le 20 avril 1899, le brevet  n° 284 893 pour une machine à comprimer très originale, rotative à mouvement alternatif, il s’agit certainement d’un modèle unique. Des machines de ce type avaient déjà été fabriquées aux Etats Unis par Mac Ferram en 1874 et Jordan en 1890.

Abraham Morris va déposer deux brevets n° 289 111 et 289 112, le 23 mai 1899 pour améliorer  la technologie des comprimeuses, le premier concerne le montage des  portes poinçons et le second, le sabot d’alimentation.

 

 
Machine à compresser de E. Goetze (1899),
à mouvement altérnatif.
     
   
Machine à comprimer les poudres en tabloïdes (Catalogue Mermilliod 1906)

 

 

Machine alternative de production
 (d’aprés M.Bouvet-1921)
 

A. SAVY, JEANJEAN et Cie , successeur de Négre et Wallon, Avenue Dubonnet à Courbevoie, fabriquent plusieurs modèles;  ils en cesseront la production en 1924 pour se spécialiser dans la production de mélangeur.

 

M.Guy , 21 avenue du Maine à Paris,  construit à partir de 1914 plusieurs modèles de machines alternatives mono et mutipoinçons ainsi qu’une machine rotative. La société Guy sera reprise par R.Cogez en 1923 qui  développera une gamme de machines alternatives à sabot linéaire

 

Jules Durriez ,79-85 avenue Philippe Auguste, Paris,  produit des machines à comprimer de 1887 à 1918, ainsi que Jacquin, 24 avenue du Maine, Paris et   L. Lacaze, 29 rue de l’ile à Dijon

 

Charles  Pouré et  Joseph  Sauton,   57 rue de la Révolution à  Montreuil,  fabriquent :

–          deux modèles de machines alternatives à sabot circulaire.

–           une machine alternative très originale, à fonctionnement horizontale, selon le  brevet n° 269 586 de Paul  Jamain du 9 aout  1897 baptisée Perfecta.

C’est la seule machine fabriquée selon ce principe, comme la machine de Goetze, elle n’a pas du rencontrer un grand succès, bien que le constructeur la recommande pour les poudres difficiles à comprimer.

 Ils obtiendront une médaille de bronze à l’Exposition universelle de Paris de 1900.

Le successeur Emile Pouré va construire une gamme de trois machines alternatives baptisées : Pastilleuse 20, 20-40 et 40-60.

Toujours original, les parties mécaniques sont situées dans la partie inférieure et le réglage de la compression n’est pas effectué  par un excentrique mais par des bielles. La société sera rachetée   par  C. Le Gal en 1945.

 

 

Machine L’IDEAL , version manuelle ou automatique (Catalogue Bachelet 1913)

 

Machine alternative mutipoinçons (d’après M.Bouvet-1919)

 

 


Machine rotative GUY (d’apès M. Bouvet, 1919)
 


Machines petit (à droite) et grand modèle (à agauche) Pouré (d’après M. Bouvet, 1919)

 

 
Presse (d’après M. Bouvet, 1919)
Pastilleuse E. Poré.
 

Jean Ratti , société  fondée en 1904, 25 rue de Vincennes à  Montreuil , fabrique  à partir de 1916 des machines alternatives et en 1918 une machine rotative.

La production de machines à comprimer sera  abandonnée en 1923,  au profit  de machines pour la confiserie notamment pour la production de sucettes.

Négre, Palau, Jacquin et Guy  étaient installés respectivement au  57, 43, 21 et 24 de l’ avenue du Maine, on pouvait parler de « l’avenue des machines à comprimer ».

 Pourré et Ratti sont situés à Montreuil.

La plupart de ces machines ne seront fabriquées qu’en peu d’exemplaires.

 

 La société Ed. Frogerais  a été fondé en 1910, 17 rue de la Mairie à Ivry sur Seine,  puis transférée au 15 rue de  l’Yser à Vitry sur Seine; elle existera jusqu’en 1983.

 


Edmond et Augustine Frogerais. Presse à fabriquer les capsules molles (1911)
Banque d’image BIU Santé

 

Son fondateur Edmond Frogerais  a travaillé de 1904 à 1910 chez Pouré et Sauton puis a crée son entreprise pour fabriquer une machine automatique à imprimer les pilules à la demande de Constant David des laboratoires David-Rabot.

Ses premières machines à comprimer date de 1911; il s’agit de deux prototypes : une machine  alternative à sabot circulaire et une machine à sabot linéaire à trois poinçons..

 Puis il a construit une machine alternative à 5 poinçons baptisée N°1 qui fut ensuite suivie par une machine plus petite à 2 poinçons qu’il dut en conséquence appeler N°0. Ces deux machines furent fabriquées  à plusieurs centaines d’exemplaires.

Durant la première guerre mondiale en 1916, la société Frogerais fabriquera deux presses rotatives à la demande de l’armée française, la  N°2  pour  la fabrication de bouillon cubes et la N°4 pour la compression de poudre de légumes.

La machine N°4 était colossale 2,23m  x  1,3m au sol  et  2,5m de hauteur, équipée de 7 poinçons carrés de 105 mm, elle tournait à la vitesse de 1,5 tours/mm et produisait 540 tablettes de légumes secs à l’heure. Elles furent  fabriquées en deux exemplaires.

Kustner  Fréres  fondé en 1910, rue des 4 chemins à Aubervilliers  construit une gamme de machines alternatives à sabot circulaire.

 


Prototypes Frogerais : une machine alternative à sabot circulaire et une machine à sabot linéaire à trois poinçons (1910)

 


Machine alternative Frogerais n°1 à sabot linéaire

          
Machine alternative Frogerais n°0 à sabot linéaire (à gauche)
Machine rotative Frogerais n°4 (7 poinçons)

Machine rotative Frogerais n°3
   

 

 
 
Appareils industriels à faire les comprimés (Etablissements David-Rabot)

 

 Enfin, l’Université décida de s’intéresser aux comprimés ;  en  1928 le professeur Albert Astruc de la Faculté de Pharmacie de Montpellier dans son Traité de Pharmacie Galénique, consacre 6 pages aux comprimés contre 32 aux pilules mais il reprend les commentaires négatifs de Maurice François.

Il écrit que le pharmacien doit « être aujourd’hui de plus en plus instruit sur cette forme » mais le comprimé n’en  constitue pas moins « une évolution professionnelle qu’il convient de surveiller, diriger,  pour qu’elle n’absorbe pas le meilleur de la pharmacie ».

En 1937, dans l’ouvrage de galénique du professeur Albert Goris de la Faculté de Pharmacie de Paris  15 pages sont consacrées aux comprimés contre 20 aux pilules : le rapport est entrain de changer, ce chapitre est illustré d’une photographie de l’atelier compression du laboratoire David Rabot  qui utilise des presses Frogerais N°0. Il conclut presque à regret  « qu’il faut reconnaitre que l’emploi du comprimé constitue un réel progrès dans l’art pharmaceutique mais que la forme comprimé ne doit être admise qu’avec la plus grande circonspection pour les produits toxiques ». A sa décharge, nous rappellerons qu’il était le spécialiste de la production des catguts et non des comprimés.

 Le Codex de 1937 va enfin comporter une monographie des comprimés; s’ils figuraient dés 1885 dans la troisième édition de la Pharmacopée Britannique, les américains bien qu’en étant les premiers producteurs, attendrons 1936 pour les inscrire dans la douzième révision de la  Pharmacopée américaine.

 Après des débuts lents et controversés, le comprimé finit par s’imposer face à  la réalité économique;  le prix de revient d’un comprimé est moins élevé que celui d’une pilule ou d’un cachet,  la stabilité est meilleur,  le conditionnement plus facile,  les machines de production plus performantes : Usine du Rhône produit en 1918, 600 000 comprimés d’Aspirine par jour.

Les prochaines éditions du Vidal comprendront de plus en plus de spécialités sous forme de comprimés, des produits autrefois fabriqués sous forme de cachets ou de pilules comme l’Opobyl des laboratoires Bailly, sont reformulées en comprimés.

 Rapidement le comprimé va complètement supplanter les pilules; les cachets résisteront mieux. Il faudra attendre l’avènement de la gélule dans les années 60 pour les voir disparaitre.

 De nombreux laboratoires notamment parmi les façonniers comme David-Rabot, Février- Decoisy- Champion,  Goy,  Novalis, Opodex,  Sitsa,  Vernin …. vont acquérir une compétence qui sera  reconnue internationalement et vont se mettre à produire des millions de comprimés.

Le comprimé, inventé par un artiste peintre, est aujourd’hui la première forme pharmaceutique et la France,  le premier producteur européen.

 

 

   
 * Nous remercions André Frogerais de nous avoir autorisé à reproduire son texte et ses illustrations ainsi que la société d’édition Masson qui a accepté que soit reproduites ici les illustrations de l’ouvrage de Goris publié en 1942  
     
     
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