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Géraudel et les autres à travers le Journal Illustré vers 1887

 

 

 

 Géraudel et les autres
à travers
le Journal Illustré  vers 1887

 

   

 

Auguste-Arthur Géraudel

L’histoire commence le 4 Mars 1841 avec la naissance de Auguste-Arthur Géraudel au hameau de Bellefontaine, sur la commune de Futeau (Meuse). Issu de parents sans ressources, Auguste-Arthur a un père souffleur de verre et une mère sage-femme. Géraudel reste à l’école locale jusqu’à 12 ans puis va 2 ans au collège de Ste Menehould. A 14 ans, il doit travailler et entre à la Pharmacie Labrosse comme apprenti pour 4 ans. Il part alors à Metz travailler dans une « Droguerie », magasin grossiste en produits pharmaceutiques. Auguste-Arthur entreprend alors un gros travail personnel et réussit en 1862 à l’examen de grammaire au lycée de Metz, ce qui lui permet d’espérer accéder au titre de pharmacien de 2° classe. Et la chance lui sourit : en 1865, une épidémie de cholera sévit à Paris et Géraudel, Interne en pharmacie à Paris depuis 1864, se montre d’un dévouement exemplaire, ce qui lui vaut d’être remarqué et de recevoir le témoignage de reconnaissance de V. Duruy, ministre de l’instruction publique : celui-ci lui accorde la gratuité des droits pour l’achèvement de ses études. En 1868, Géraudel obtient son baccalauréat ès sciences et devient pharmacien de 1° classe dans la foulée. En 1869, il soutient une thèse sur l’opium, avec pour membre du jury Berthelot et Planchon, entre autres.

 

                    

 

 

 

Géraudel et ses pastilles sont devenues célèbres grâce aux efforts de publicité considérables réalisés dès 1887. La concurrence ne manquait pas : les produits à base de goudron végétal et de façon plus générale les produits pour traiter les affections broncho-pulmonaires étaient légions. De nombreux supports publicitaires seront utilisés par Géraudel pour recommander ses fameuses pastilles : la presse bien sûr sera un des supports importants, comme le Journal Illustré qui publie en novembre 1887 une biographie de Géraudel. L’objet de cette exposition est de présenter quelques encarts publiés à cette époque par Géraudel et par les autres entreprises de spécialités dans le Journal Illustré. 

Voir le texte complet sur Géraudel notre site  

       Les Pastilles de goudron de Norwége

Ayant ainsi aboutit à son objectif, Géraudel rachète l’officine de ses débuts, celle de Labrosse, au 86, rue de Chanzy à Sainte Menehould. Il y poursuit des recherches personnelles et met au point les fameuses pastilles Géraudel. En Raison de sa mère qui souffre de catarrhe bronchique, Géraudel s’intéresse au goudron de Norwége (sic). Cette matière première est bien connue depuis l’antiquité et même avant puisque le goudron végétal était utilisé pour la confection des flèches dès le mésolithique. La Bible en parle également dans l’Exode. Quant à son usage thérapeutique, il était connu dans l’antiquité pour lutter contre les affections respiratoires (ref thèse Erasme Loir en 1940, Montpellier et DORVAULT 1945). Plus près de nous, on trouve des pastilles de goudron (« pice nautica ») en 1860 dans le catalogue MENIER et par la suite, le  Dorvault mentionne les propriétés thérapeutiques du goudron végétal. Ce dernier ouvrage dans son édition 1945 distingue pour l’usage pharmaceutique le goudron végétal ou goudron de Norvège ou du Nord, d’une part, et le goudron des Landes, d’autre part. « Le premier, qui est préféré, s’obtient principalement des Pinus Silvestris et Ledebourii ». L’auteur précise par ailleurs que le goudron s’obtient par la combustion des tronçons, racines et copeaux de pin et de sapin qui ne sont plus aptes à fournir de la térébenthine. « C’est une distillation per descensum »

 

 

 

 

 

 

   
         
 Sous le titre Les remèdes populaires et leurs inventions, le Journal Illustré de 1887 raconté l’histoire de Géraudel. Il précise qu’après ses études de pharmacie, le Tribunal lui confia ses expertises médico-légales. il fut nommé membre du Conseil d’Hygiène, membre de la commission d’inspection des Pharmacies, secrétaire du Comité Agricole de l’arrondissement, et membre du Comité d’étude et de vigilance contre le Phylloxera. « En résumé, Géraudel est arrivé à donner au goudron son maximum de possibilité thérapeutique et à trouver l’inhalateur le plus commode et le plus parfait… La faveur accordée par le public aux Pastilles Géraudel prit enfin un tel accroissement que l’an dernier (en 1886), M. Géraudel ne fabriqua pas moins de deux millions d’étuis. Chaque étui contenant soixante douze pastilles, c’est donc plus de quarante-quatre millions de pastilles fabriquées en 1886 à l’usine Sainte-Ménéhould… Cette usine occupe une cinquantaine d’ouvriers et d’ouvrières dont l’existence se trouve ainsi assurée dans un pays où les grandes industries de ce genre sont rares ».
         
 

 

   Deux publicités « pleine page » sont particulièrement remarquables dans le Journal Illustré. Le première est un calendrier agrémenté de dessin et d’une maxime sur les Pastilles Géraudel « Si vous toussez, prenez des Pastilles Géraudel ». On peut difficilement faire slogan plus simple ! En voici les détails pour les mois de l’année    
         
 Janvier 1887    Février 1887    Mars 1887
       
 Avril 1887   Mai 1887   Juin 1887
 

 

   
 Juillet 1887   Août 1887   Septembre 1887
         
 Octobre 1887   Novembre 1887   Décembre 1887
         
     Un autre document en pleine page mérite d’être découvert : ce sont les mésaventures de M. Poumonfort (Dessins extraits du Courrier Français Illustré)    
     

   
 M. Poumonfort était l’homme le mieux portant qu’on puisse imaginer. Il narguait la maladie et passait des journées entières en caleçon, scandalisant même des canotières d’Asnières par la légèreté de son costume.    Par les temps les plus abominables, alors qu’il neigeait et gelait à pierre fendre, il se donnait le luxe de monter sur l’impériale des omnibus et s’éventait même, au grand ahurissement des passants.    Néammoins un soir, sortant du théâtre sans pardessus selon son habitude, il fut pris de frissons et obligé de s’avouer qu’il était pincé par un mauvais rhume.
         
 Le rhume augmentant lui tomba sur la poitrine, comme disent les bonnes gens, et cela malgré toutes les chandelles qu’il se fourra dans le nez. Deux jours après une bronchite se déclara bel et bien.    Eternuant à en casser les vitres et à renverser les meubles, M. Poumonfort se coucha très ennuyé, mais déclara ne vouloir prendre aucun remède, malgré les objurgations de son concierge    Le trac prit alors M. Poumonfort qui consentit à avaler des tisanes chaudes et chercha à se faire suer en se couvrant le plus possible. Malgré tout cela, une pleurésie dont le dénouement pouvait être fatal, était à craindre.
         
 Mais un bon ami de M. Poumonfort, ayant appris sa triste situation, lui apporta alors un étui de Pastilles Géraudel dont il avait déjà usé avec succès, l’engageant à ne pas désespérer. N’ayant pas grand chose à espérer et ayant tout essayé sans résultat apparent, M. Poumonfort se mit à prendre avec fureur des Pastilles Géraudel, au point que l’air était complètement chargé de vapeurs de goudron. Peu à peu, M. Poumonfort sentit se rétablir le jeu de ses poumons détraqués.   Remis sur pied, M. Poumonfort se jura bien d’avoir toujours sur lui des Pastilles Géraudel. Dans son enthousiasme, il en distribuait à tout le monde dans la rue. Puis, pour accomplir son voeu, il adressa à l’inventeur, M. Géraudel, pharmacien à Sainte-Menehoul, une forte somme à la condition que, toute sa vie, celui-ci enverrait gratis et franco 6 pastilles échantillon à toute personne qui lui en ferait la demande, – ce que M. Géraudel exécute scrupuleusement ainsi que les lecteurs de cette véridique histoire peuvent s’en assurer par l’envoi d’une simple carte postale contenant leur demande.   Depuis ce temps, M. Poumonfort, encore mieux portant qu’auparavant, recommence à narguer la maladie et à passer des journées entières en caleçon de bain. Seulement, dans le dit caleçon il a fait ménager une petite poche toujours garnie de Pastilles Géraudel. Agacé du bruit qu’on a fait autour de Succi et Merlatti, il veut à son tour parier de se promener trente jours, tout nu, par n’importe quel température. N’a-t-il pas, lui aussi, sa liqueur… les Pastilles Géraudel !
         
  Cette publicité pour les Pastilles Géraudel n’empêche pas le Journal Illustré de faire de la publicité pour d’autres médicaments, à commencer par des concurrents directs des Pastilles
 
 
     
 Voulez vous ne plus tousser ? Prenez des Pastilles Brachat    Faites usage de l’eau de Goudron Guyot
         
 Mais le Journal Illustré est aussi le lieu de très nombreuses autres publicités pharmaceutiques. E,n voici quelques exemples parmi d’autres
 
 
     

 

 
 Les gouttes livoniennes, commercialisées par Trouette-Perret à l’époque, était aussi un concurrent de Géraudel. Ces gouttes, à base de crésole de hêtre, de goudron de Norvège et de baume de Tolu étaient censées soignées la toux. Il était « infaillibles pour traiter toutes les maladies des voies respiratoires et recommandé par les Célébrités médicales comme le seul efficace »    Cette page est un bon exemple de publicité pharmaceutique dans les journaux de l’époque. On présentait plusieurs petits entrefilets sur diverses spécialités : ici, on trouve le Baume dermique Pinaud, les bandages de la Maison Grapier, le remède d’Abyssinie contre l’asthme, ou encore les pilules persanes du Dr Blyn’s. Le Dr Emanuel, quant à lui, garantit la guérison des maladies contagieuses !    En parallèle, certains font de la publicité pour leurs résultats. Ainsi, Moessinger qui se vente de pouvoir guérir la goutte et autres maladies douloureuses.
 
 

Voici encore un exemple d’une page de publicité dans les journaux de l’époque. On voit que les produits ne manquent pas , parfois mélangé à des publicités qui n’ont aucun rapport (ex : la loterie de Nice ). On trouve par exemple  ici l’Alcool de menthe de Ricqlès avec ses 45 ans de succès, les capsules Dartois (encore à la créosote de Hêtre), les Pilules benzoïques ROCHER destinées au maladies de la Vessie (notion assez large puisqu’on y trouve le rhumatisme !)

 

         
 Le vin de Quinium Labarraque a fait l’objet de très nombreuses publicités pharmaceutiques, Vin destiné aux « Epuisés ». On connait bien l’histoire de Antoine-Germain Labarraque (1777-1850) et de sa fameuse liqueur, ainsi que ses études sur les chlorures désinfectants dont l’exploitation sera cédé à la Maison Frère en 1842. Mais c’est à Augustin-Pierre Delondre (1790-1865), qui se consacra à la fabrication de la quinine, que nous devons le Quinium Labarraque. « Poursuivant avec une tenacité inlassable son idée de préparer un extrait total de quiquina, le quinium, il avait monté à Graville, près du Havre, sous la raison sociale Labarraque et Cie, une usine pour mettre au point cette préparation. Rappelons ici, pour justifier cette association, que son cousin Louis René Lecanu avait épousé Marie-Louise-Adelaïde Labarraque, fille de A-G. Labarraque » (M. Bouvet, RHP, 1951)

On voit aussi à nouveau les pilules Rocher et le Quina Rocher pour le diabète. Nous n’avons pas retrouvé d’informations précises sur la pharmacie ROCHER ni sur le Baume Pinaud.

   

 A droite, on voit encore un produit ROCHER : la poudre Rocher pour la constipation. Cette poudre aui « est prise avec plaisir par les enfants les plus difficiles, les femmes délicates et les vieillards, est indispensable aux bureaucrates, aux ouvrières et enganéral à toutes les personnes sédentaires… ». Elle ne tarde pas à influer positivement sur le moral : « Nombre de gens moroses, irritables, susceptibles, chagrins, nerveux, inquiets, lui doivent d’être promptement redevenus gais, contents, dispos… »

A gauche, une série de publicité pharmaceutique. L’Apozème de santé Lemaire est l’occasion de rappeler ce qu’est un apozème, une sorte de tisane : Les tisanes étaient définies comme des médicaments qui servent soit de véhicules pour diverses substances médicamenteuses, soit le plus souvent de boissons pour les malades ; elles sont obtenues par action dissolvante de l’eau sur les substances végétales, précisait Goris (1942). Les décoctions et bouillons de céréales ou de légumes étaient considérés comme des « tisanes diététiques ». Par contraste, les apozèmes étaient des préparations réalisées sur prescription médicales et obtenues comme les tisanes, mais avec davantage de principes actifs.  Dans la préparation des tisanes, disait Goris, « il n’entre généralement qu’une substance végétale, sauf pour la tisane d’espèces pectorales, tandis que dans les apozèmes, il y en a quelquefois plusieurs (apozème purgatif), mais il existe des apozèmes n’en contenant qu’une seule. Autrefois, certains apozèmes portaient le nom de tisane, ce qui montre la parenté de ces deux préparations ». Il existait par exemple la tisane de Feltz ou apozème de salsepareille composé, la tisane royale ou apozème laxatif, etc.

 

 

 

 
         
 On trouve aussi quelques sujets d’actualités pour l’époque : Chevreul (qui fêtait ses cent ans), Parmentier et la vaccination !
         
         
 Chevreul apparait dans ce Journal Illustré, à l’occasion du centenaire de sa naissance. Comme l’indique Wikipedia « son centenaire en 1886 est célébré comme événement national, et une médaille d’or est frappée à cette occasion. Nadar et son fils Paul Tournarchon réalisent une série de photos et un interview de Chevreul. Publié le 5 septembre 1886 dans Le Journal illustré, cela constituera le premier reportage photographique de l’histoire. Chevreul reçoit alors des messages de félicitations de nombreux monarques et chefs d’états, dont la reine Victoria. Il entame l’étude des effets du vieillissement sur le corps humain peu avant sa mort qui survient à l’âge de 102 ans, le 9 avril 1889 à Paris. Il lui est fait des funérailles nationales. En 1901 une statue lui est érigée dans l’enceinte du Muséum qu’il a servi tant d’années ».    En 1885, Pasteur découvre le vaccin contre la rage. Les journaux suivent cet évènement et ses conséquences de très près. Dans le journal Illustré de mars 1886, on voit en première page la photos de Russes en cours de traitement chez Pasteur. « Dix neuf Russes sonbt actuellement traités par M. Pasteur; ils ont été mordus le 28 février par un loup enragé qui, pendant deux jours et deux nuits, a parcouru les environs de Smolensk, se jetant furieusement contre les bêtes et les gens qu’il rencontrait… Les dernières communications faites par M. Pasteur à l’Académie des Sciences, au sujet du traitement contre la rage, ont provoqué dans le monde entier un mouvement général en vue de la création d’un hôpital où seront soignées les personnes mordues par des animaux hydrophobes… En attendant la fondation d’un hôpital spécial, on sait que c’est dans son laboratoire de chimie, à l’Ecole Normale, que M. Pasteur soigne les personnes qui viennent recourir à ses soins. »    Journal Illustré du 9 mai 1886

Pourquoi parler de Parmentier en 1886 ? C’est en raison du centenaire de l’introduction de la pomme de terre par Parmentier. On peut lire dans le Journal Illustré : »Des fêtes magnifiques ont eu lieu à Montdidier pour célébrer le centenaire de Parmentier. » L’article rappelle les travaux de Parmentier sur la pomme de terre, bien sûr, mais aussi sur le maïs, le blé et le pain. Il mentionne aussi son action dans le domaine de hygiène .

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