Reproduction du timbre de Techécoslovaquie représentant la Chicorée, émis pour le Congrès International d’Histoire de la Pharmacie tenu à Prague, 20-25 septembre 1971.
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La chicorée, plante médicinale et succédanée du café
(D’après un texte de Alain LEROUX, 1972) |
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Fleurs de chicorée
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Pour l’usage pharmaceutique on a toujours donné la préférence à la chicorée sauvage (Cichorium lntybus), composée liguliflore, la variété cultivée étant beaucoup moins forte et moins amère. Il existe une chicorée domestique (Cichorium endivia), qui appartient à la même famille. Généralement connue sous le nom d’endive, elle a un usage principalement alimentaire et ne sera pas étudiée ici.
Très répandue dans la nature, la chicorée sauvage croît nans les terres incultes, les prairies, le long des chemins et des bois. La tige, souvent plus basse dans nos régions, peut atteindre jusqu’à 1,50 m de hauteur ; elle porte des feuilles lancéolées à larges dentelures et des fleurs formant rosette plate, d’un bleu délicat, qui sont particulièrement sensibles à la lumière et héliotropiques. La forme de la racine cultivée est celle d’une grosse carotte, plus longue et fuselée.
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Il y a 6 000 ans, le papyrus Ebers, encyclopédie médicale en quelque sorte de l’Egypte pharaonique, mentionnait la chicorée : elle était, nous apprend le docteur T. Stettner, très appréciée des Egyptiens au titre de plante digestive et apéritive. A l’époque grecque, le poète comique Aristophane (Ve-IVe siècle av. J.C.) le médecin et célèbre botaniste Théophraste (IVe-IIIe siècle av. J.C.) la citent également. Presque contemporain de ce dernier, le médecin alexandrin Erasistrate la loue fort dans les maladies du foie et des intestins et décrit avec soin la manière de la préparer.
Vers la fin du Ie siècle de notre ère, Dioscoride lui fait bonne place dans son traité de Matière médicale ; il en distingue plusieurs variétés et lui attribue une force régénératrice.
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Image de la Chicorée dans le Kreuterbuch de Leonhard Fuchs, Bâle, 1543
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Chevrette Cafaggiolo ou Catel Durante,
Milan, Chateau Sforza |
Chevrette à décor de trophées, Deruta, vers 1520
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Le premier savant à avoir comparé le café à la chicorée est apparemment le médecin et botaniste Prosper Alpini (1553-1617). Traitant des plantes d’Egypte, à son retour d’un voyage dans ce pays, il relève que la décoction de café est d’un goût qui n’est pas éloigné de celui de la décoction de chicorée. Remarque reprise par l’auteur du traité De l’usage du caphé, du thé et du chocolate (Lyon, 1671) et par le médecin Sylvestre Dufour, Traitez nouveaux et curieux du café, du thé et du chocolat (Lyon, 1685).
Le docteur Hueppe, de Prague, accorde la primeur de la fabrication industrielle de la chicorée torréfiée aux Hollandais, antérieurement à 1690. A la vérité, la torréfaction apparaît certes avoir été pratiquée de tout temps et l’on n’attendit pas le XVIe siècle pour l’appliquer à la racine de chicorée. Mais c’est alors que l’ensemble des opérations de lavage, coupage, séchage et traitement au feu furent mises au point. Des Pays-Bas, le procédé gagna l’Allemagne à une date et dans des conditions qui prêtent à controverses, puis la Belgique et, par l’Alsace, la France. Frédéric II l’encouragea dans un souci économique :. « Cette opération, a-t-on écrit, valut à la Prusse un million d’écus, qui sortait du pays et qui était employé au café. » La première marque commerciale de chicorée que nous connaissions est celle de Forster et von Heine, titulaires d’une licence délivrée par Frédéric en 1769 : un semeur de chicorée fait fi d’un navire chargé de café venant du pays exotique figuré à l’arrière-plan ce qu’explicite la légende : Ohne euch gesund und reich, sains et riches sans vous ! Vers 1802 les usines de chicorée étaient si nombreuses à Brunswick qu’un publiciste écrivait : « Tout ce qu’Hérodote et Pline nous racontent des parfums qui embaumaient l’air de l’Arabie est littéralement vrai de Brunswick et de ses environs : les vapeurs qui s’exhalent des fabriques de chicorée, même à des distances considérables, flattent l’odorat de ceux qui s’en approchent. »
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Grande jarre couverte, Montelupo, XVIe siècle
Coll. A. Leroux
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Chez les Romains, Celse (1er siècle ap. J.C.) la vante et Galien (129 ou 131·201) voit en elle l’amie du foie. Pline l’Ancien (23-79) au livre XX de son Histoire naturelle, indique que le suc des chicorées sauvages ou cultivées employé avec de l’huile rosat et du vinaigre, calme les douleurs de tête et, mêlé au vin, celles du foie et de la vessie. « La chicorée sauvage, poursuit-il, en aliment et en topique, rafraîchit les collections purulentes. Son bouillon relâche le ventre, est bon pour le foie, les reins et l’estomac. De même, bouillie dans le vinaigre, elle dissipe les douleurs de la dysurie ; de même, prise dans du vin miellé, elle guérit la jaunisse, quand elle est sans fièvre. Elle est utile à la vessie. Bouillie dans l’eau, elle est si bonne pour les règles qu’elle fait sortir les fœtus morts. Les Mages ajoutent que ceux qui s’enduisent du suc de plante entière avec de l’huile s’attirent plus de faveur et obtiennent plus facilement ce qu’ils désirent. D’ailleurs, ses extraordinaires propriétés salutaires la font nommer par certains chreston (utile) et par d’autres pancration (tout puissant » [trad. J. André]. Voilà qui témoigne d’une réputation bien établie auprès des Romains |
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Grande jarre couverte, Montelupo, XVIe siècle
Coll. A. Leroux
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Ceux-ci utilisaient largement la chicorée pour leur alimentation. Horace, dans ses Odes (I, 31) ne s’exclame-t-il pas :
… Me pascunt olivae
Me cichorea levesque malvae
Pour moi, je me suffis d’olives,
De chicorée et de mauves légères
Comme le remarque le docteur Henri Leclerc, il faut convenir qu’un tel menu, s’il servait de vigile ou de lendemain à quelque joyeux anniversaire, impliquait certaines notions de diététique.
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Le même usage médicinal et alimentaire était répandu chez les Arabes, qui appelaient notre plante Hindabâ, nom voisin de l’intybine, l’un des deux principes actifs prédominants de la chicorée avec l’inuline. Il faudrait aussi parler de son usage chez les Juifs où son nom est Olesh, aux Indes où les fruits en étaient utilisés médicalement, et en Chine. Pour nous en tenir à quelques exemples empruntés aux Arabes, Rbazès (IXe-Xe siècle) marque nettement sa préférence pour la chicorée sauvage sur la cultivée. Quant à Avicenne (980-1037), le professeur A. Suheyl Unver a jadis appelé l’attention sur le chapitre qu’il lui consacre. En réponse à la question : «faut-il laver ou non les feuilles de la chicorée avant de l’employer en médecine ? », l’illustre savant rédige toute une monographie et conseille finalement d’employer les feuilles sans les laver. Plus tard, Ibn el-Baitar (1197-1248) consacre, lui aussi, un grand chapitre à la chicorée. Un domaine où les Arabes l’emploient beaucoup est l’ophtalmologie. Ainsi Al-Ghâfiqî (XIIe-XIIIe siècle) la prescrit en onction, en liniment ou pansement contre la gerçure ou l’enflure, ou le relâchement de la paupière, contre l’œdème, autour ne la plaie d’un abcès lacrymal incisé, dans l’ophtalmie.
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Chevrette décorée en polychromie « de petit feu », Savone, XVIIIe siècle
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La plus ancienne image d’une plante de chicorée que nous connaissions figure dans le célèbre Codex Aniciae Iulianae ou Constantinopolitanus de la Matière Médicale de Dioscoride, manuscrit grec conservé à Vienne et qui date de 510 environ (Codex Vindob. Med. Gr. 1).
On utilisait jadis pour les préparations pharmaceutiques différentes parties de la chicorée : racines, feuilles, fleurs, graines. Actuellement, seules les racines et les feuilles sont utilisées. Toutes deux ont, du reste, été réintroduites dans la Pharmacopée belge. Elles figuraient encore à la Pharmacopée française, septième édition (1949), et dans les pharmacopées brésilienne, italienne, et portugaise.
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On relève, dans les pharmacopées anciennes, diverses préparations à base le chicorée : l’eau de chicorée (Aqua cichorii), l’extrait de chicorée (Extractum cichorii), le sirop de chicorée (Syrupus cichorii), le sirop de chicorée composé (Syrupus cichorii compositus ou cum rheo), un sel (Sal essentiale cichorii), la racine de chicorée confite (Radices cichorium conditae), la conserve de fleurs de chicorée (Conserva cichorii), l’une des quatre eaux cordiales, les quatre semences froides mineures (quatuor semina frigida minora), un Sanguis cichorii préparé avec la sève fraîche des feuilles. Celles-ci entraient en outre dans la composition du sirop d’erysimum composé (Syrupus erysimii compositum) et les racines dans l’électuaire catholicon simple et double. Enfin, les feuilles de chicorée entraient dans le petit lait antiscorbutique (serum antiscorbuticum) ; elles sont encore utilisées parfois dans la composition des Mei-dranken (boissons de mai). La racine servait à la fabrication de la bière apéritive (cerevisia apericus) et du petit lait pour le foie (serum hepaticum).
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Grande bouteille à eau de Chicorée, Faenza, XVe siècle |
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Chevrette décor à faux godrons, Lyon, XVIe siècle
Sèvres, Musée de la Céramique |
Vase cylindrique décor polychrome de petit feu
Sceaux, fin XVIIIe siècle |
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