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L’apothicairerie de Castelnaudary (Hôpital Saint Jacques)

 

L’apothicairerie de Castelnaudary
 (Hôpital
Saint Jacques)*

 

 

Plan actuel de l’apothicairerie (Thèse Ghislaine Freu-Tubery, Bordeaux II, 1997)
L’hôpital Saint Jacques succéda à la fin du XIVe siècle au premier hôpital de Castelnaudary, l’hôpital Sainte Marie. on situe les premiers travaux de fondation vers 1376-1390. Mais il faudra attendre le XVIIe siècle pour qu’apparaisse les premiers comptes d’apothicaire. En 1732, lors du projet de construction d’un nouvel hôpital, le devis prévoyait l’emplacement d’une apothicairerie. L’apothicairerie actuelle qui renferme une collection de 122 pots classés fut transférée à l’époque de l’agrandissement de l’hôpital en 1783 dans le bâtiment perpendiculaire au précédent. Suspendu au mur, un cadre rappelle par des versets bibliques inspirés de l’Ecclésiaste que l’apothicaire utilise les médicaments créés par Dieu et qu’il tient de lui sa science.
 

A DEO
 EST OMNIS MEDELA
ALTISSIMUS 
CREAVIT DE TERRA
MEDICAMENTA ET VIR 
PRUDENS NON ABHORREBIT
  ILLA 
DEDIT HOMINIBUS
 SCIENTIAM
UNGUENTARIUS 
FACET PIGMENTA
SUAVITATIS ET UNCTIONES
CONFICIET SANITATIS

(Thèse Ghislaine Freu-Tubery, Bordeaux II, 1997)

qu’on peut traduire  : « C’est de Dieu que procède toute médecine. Le Très-Haut a créé les médicaments en les tirant du sol, et le Sage ne les dédaignera pas. il a donné aux hommes la science. L’apothicaire fabriquera des drogues qui apaisent et confectionnera des onguents qui guérissent. » (traduction sensiblement différente de la Bible œcuménique : C’est du Très-Haut que vient la guérison. Le Seigneur a créé les médicaments issus de la terre, l’homme avisé ne les méprise pas. Il a donné aux hommes la science. Le pharmacien en fait de la mixture… »)**

 **Il est anachronique de traduire unguentarius par apothicaire et, encore plus par pharmacien, comme l’a montré O. Lafont dans notre Revue (Rev. Hist. Pharm. 2006, 54, p 307 – 312).Le texte de l’Ecclésiastique a été rédigé en grec en 132 avant J.C.. On peut constater que le terme employé est murepsos, qui veut dire fabricant de parfums ou préparateur d’onguents. Il n’existait pas d’apothicaires et encore moins de pharmaciens à l’époque.

Le personnel pharmaceutique des pharmacies hospitalières a été pendant plusieurs siècles extrêmement limité en nombre. Une ou deux religieuses aidées ou non d’un garçon apothicaire, et parfois d’un maître apothicaire. En 1701, Castelnaudary comptait cinq maîtres apothicaires. Durant la période du XVIIe au XIXe siècle, l’apothicairerie connut pour sa direction une alternance entre une religieuse et un maître apothicaire, alternance qui sera souvent source de conflit. Il faudra en tout cas attendre le début du XIXe siècle pour qu’une réelle structure pharmaceutique soit instituée.

A l’hôpital Saint Jacques, le service pharmaceutique de l’hôpital est tantôt assuré uniquement par des sœurs, tantôt avec un apothicaire de la ville. Comme dans la plupart des hôpitaux en France au XVIIe siècle, les sœurs préparent et distribuent les remèdes aux pauvres malades. Elles effectuent leurs achats de drogues simples auprès des maîtres apothicaires de la sénéchaussée de Castelnaudary qui desservaient l’hôpital tour à tour. Tous avaient été reçus à la maîtrise des apothicaires du Lauragais. A la fin du XVIIIe siècle, l’hôpital donne congé à son apothicaire, Claude Roux, le 1er janvier 1785 et demande à Soeur Rosalie Thouron, de la Congrégation de Nevers, de veiller à l’apothicairerie de l’hôpital de 1785 à 1793, date à laquelle elle part à l’hôpital de Mâcon. Il faudra attendre 1857 pour qu’un pharmacien, Félix Charles Daunis, soit à nouveau en charge de la pharmacie de l’hôpital.  

 La verrerie et autres objets

On a trouvé dans le corridor attenant à l’apothicairerie :
– une trousse de chirurgien

(Thèse Ghislaine Freu-Tubery, Bordeaux II, 1997)

  – un aspirateur de Dieulafoy

Georges Dieulafoy (1839-1911) est l’auteur d’un écrit publié à Paris en 1870 par Masson sur « l’aspiration pneumatique sous-cutanée ». C’est pour ces aspirations qu’il fit construire l’appareillage appelé « Aspirateur de Dieulefoy » dont voit ici un exemplaire

– un irrigateur du Dr Eguisier(Exposition de 1865 à Bordeaux)

Cet instrument fut inventé par le Dr Eguisier pour remplacer les seringues et les clyso-pompes. Il est constitué d’un réservoir en étain, en cuivre ou en porcelaine, dans lequel se meut un piston. Le réservoir porte à son sommet un mécanisme destiné à faire fonctionner le piston : la clé de remontoir. A la base de l’appareil est fixé un robinet sur lequel il est possible d’adapter un tube prolongé d’une canule.

Pour en savoir plus, cliquez ici

un pulvérisateur à vapeur Rainal Frères  

(Thèse Ghislaine Freu-Tubery, Bordeaux II, 1997)

 – une boite en bois contenant le nécessaire pour fabriquer des cachets

 

 

Dans l’apothicairerie elle-même, on trouve divers appareils dont une goudronnière mais surtout des mortiers, en particulier un grand mortier de 1622, probablement du Sud-Ouest de la France, de 70 kg (H = 25 cm, diamètre supérieur 33 cm) avec l’inscription suivante :

   1622 IHS MA MULTAE MALI SPECIE MULTAE SALUTIS ERUNT PETRUS RUFFUS

qu’on peut traduire : Jésus Marie, il y a de nombreuses espèces de maladie et de nombreux moyens de guérison (de salut),  Petrus Ruffus

La panse est décorée de deux tenons en forme de tête d’homme alternant avec six contreforts en forme de balustre.

 

 L’apothicairerie présente par ailleurs plusieurs catégories de pots:
– 62 pots-couverts en porcelaine
– 42 pots-couverts en faïence
– 91 pots-canons en faïence
– 31 chevrettes en faïence 
Ces deux dernières catégories ont été classées en 1911 et proviennent de Moustiers.

Concernant les pots de porcelaine, le décor est constitué d’un cartouche bordé d’un ruban doré avec des sortes de perles, encadré de deux palmes vertes et surmonté de deux serpents et de deux têtes d’animaux. Sur beaucoup de ces pots, l’inscription dorée originelle a été recouverte d’une étiquette verte en papier. c’est le cas du pot Digitale montré ici  dont l’étiquette a perdu sa couleur verte.

Les pots en faïence appartiennent à 7 catégories différentes :

– les pots-couverts à liseré jaune (42 pots) dont voici un exemple


(Thèse Ghislaine Freu-Tubery, Bordeaux II, 1997)

– les pots canons monochrome vert (44 pots),

– les pots canons polychrome (45 pots)comme ici le pot « Sang de dragon »


(Thèse Ghislaine Freu-Tubery, Bordeaux II, 1997)

– les pots canons monochrome rose (2 pots)

    
Catholicum Duplicatum et Conserva Salviae (Thèse Ghislaine Freu-Tubery, Bordeaux II, 1997)

– les chevrettes polychrome (16 pots)

  
Sirop de fleur de pêcher (Thèse Ghislaine Freu-Tubery, Bordeaux II, 1997)

– la chevrette monochrome rose (une seule)

– la chevrette monochrome bleue (une seule) 

La faïence de Moustiers et la famille Ferrat

Les débuts de la faïence à Moustiers reposent essentiellement sur la grande famille des Clerissy à laquelle sont apparentés les frères Jean-Baptiste et Louis Ferrat . C’est en 1763 que les Frères Ferrat, nés respectivement en 1738 et 1744, fabricants associés, apportent un sursaut de vitalité à la production artistique de Moustiers. Ils vont créer une troisième génération de faïences, traitées selon une technique nouvelle, celle du « petit feu »**.

A des décors inédits viendront s’ajouter des couleurs vives et brillantes : un rose carminé et un vert acide que l’ancestrale technique du grand feu ne permettait pas d’obtenir. Les Frères Ferrat vont créer toute une série de décors avec ces nouvelles couleurs vives : vert émeraude, bleu intense et rose ou pourpre (de Cassius), auxquelles s’ajoutent des teintes plus douces, posées sur l’émail déjà cuit : décor à paysage, décor aux arlequins, décor maçonnique, décor aux rats, décor aux oiseaux, décor au « point de Hongrie », décor aux armoiries, décor à la montgolfière, décor révolutionnaire.

Certaines portent la signature « Ferrat de Moustiers » ou « Ferrat Frères à Moustiers ».

 

       
(Thèse Ghislaine Freu-Tubery, Bordeaux II, 1997)

 

 

* Source : Thèse de Doctorat en pharmacie de Ghislaine Freu-Tubery : l’Hôpital Saint Jacques de Castelnaudary et son apothicairerie, Université Victor Ségalen-Bordeaux II, 1997
Remerciements : G. Devaux, directeur de thèse, qui nous a communiqué ces documents

**  Il existe deux techniques de décoration d’objets en faïence. La première est appelée « grand feu » (la seule connue et employée jusqu’au milieu du XVIIIe siècle). Après une légère cuisson dite de « dégourdi », la pièce est trempée dans un bain d’émail. A sa sortie, l’émail devient immédiatement pulvérulent. C’est sur cet émail cru que l’on va apposer le décor, le plus souvent à l’aide d’un poncif (papier calque sur lequel figure le dessin perforé de petits trous. celui-ci est apposé sur la pièce et saupoudré de charbon de bois en poudre; puis on retire le paire et le dessin apparait en dessous en pointillés).
Les oxydes métalliques pour les couleurs supportant ces fortes températures de cuisson sont au nombre de cinq seulement : le bleu (cobalt), le violet (manganèse), le jaune (antimoine), le vert (cuivre) et le rouge (fer). Le rouge est la couleur la plus difficile à réussir et donne le plus souvent un rouge brique. Du fait de cette difficulté, certaines fabriques renonceront à l’employer. A noter que les couleurs apposées sur cet émail pulvérulent sont immédiatement absorbées, interdisant toute reprise. On procède ensuite à la cuisson de la pièce ainsi décorée à une température de 800 à 900 degrés.
La seconde technique de décoration, dite « petit feu » est assez différente. on cuit d’abord la terre et l’émail, puis on appose le décor sur la surface lisse et imperméable. Les retouches sont alors possibles, les tons sont plus nuancés avec davantage de dégradés. Et le rouge n’a pas ce handicap de la haute température. Apparait aussi la couleur rose, dite « pourpre de Cassius », du nom de son inventeur. La pièce subit alors une troisième cusson à 650 degrés seulement. En France, cette technique fut utilisée pour la première fois vers 1748-49, dans la manufacture de Strasbourg que dirigeait Paul Hannong. 

(Auteur : Nelly Fouchet, Expert en céramiques de collection, La vie du Collectionneur, 1997)

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