La publicité pharmaceutique
|
Jules Brisson, né à Cabara en Gironde, a créé les Annales à la fin du XIXème siècle. En 1902, au décès de Jules Brisson, son fils Adolphe devient directeur de la revue, alors en plein essor, et va étendre encore son audience grâce à l’appui de « cousine Yvonne » (Madeleine Sarcey, son épouse) qui prodiguait des conseils moraux, ménagers, pratiques, psychologiques, sentimentaux, …avec un sens inné de ce qu’attendait le public complice, ravi de se sentir aimé, gourmandé, dirigé. Adolphe Brisson avait en effet épousé Madeleine, reconnue par Francisque Sarcey comme étant sa fille en 1885 et qui prit le pseudonyme d’Yvonne Sarcey pour signer ses œuvres littéraires et ses articles. Adolphe Brisson avait procédé à une première transformation de la revue en 1907, puis avait pris plusieurs initiatives dont le « Roman des Quatre » qui eut un réel succès. Les Annales y gagnèrent une réputation de hardiesse. Mais il faudra attendre son fils Pierre, né en 1896 rue Taitbout, à Paris, pour que les Annales se transforme en Annales vertes, avec un format sensiblement différent. Avec 1920, nous sommes donc à une période charnière du journal qui vit ses dernières années dans son format initial. La publicité y tient une place majeure, en particulier la publicité pharmaceutique.
|
Le premier domaine le plus fréquemment l’objet de publicité médicamenteuse est celui des fortifiants et des produits pour combattre l’anémie, dont les fameuses pilules PINK. Le véritable promoteur des Pilules PINK fut le canadien G.T. Fulford qui fit fortune au début du XX° siècle grâce à cette spécialité. A la fin du XIX° siècle, le développement des spécialités pharmaceutiques dans le Nouveau Monde est considérable. En 1886, le journal scientifique « Canada Lancet » fait remarquer que la production et la vente de spécialités pharmaceutiques sont devenues les activités et les industries les plus importantes du monde civilisé. Des millions sont investis directement ou indirectement dans ce domaine. Dès 1880, on estimait que 30% des ventes en pharmacie étaient sous forme de spécialités, malgré l’opposition d’une partie du corps médical et pharmaceutique. Georges Taylor Fulford est né en 1852 à Brockville, dans l’Ontario, Canada, et reçut une formation commerciale. A 22 ans, il devient apprenti en pharmacie chez son frère William, tout en travaillant par moment comme vendeur de billet de train et de paquebot ! En 1879, quand William décide de partir à Chicago, Georges reprend la pharmacie et décide de vendre ses propres spécialités. A la fin des années 1880, il remarque les « pilules roses pour personnes pâles » du Dr William Frederick Jackson, médecin de Brockville, pilules brevetées par le Dr Jackson en 1886. En 1890, ce dernier se désintéresse de l’affaire ou bine considère cette activité comme peu conforme à la déontologie médicale, et il décide de vendre le brevet à Georges Fulford le 4 juin 1890 pour $53.01 (plus les taxes). Fulford se met donc à vendre les pilules PINK, aidé par une épidémie de grippe en 1891-1892. Le succès aidant, Fulford trouve un agent pour les Etats Unis en la personne de Willis Tracy Hanson, en Angleterre avec John Morgan Richards, et en France à partir de 1893 avec l’ouverture d’un bureau à Paris dont le responsable est Eugène Meiffre.
|
De nombreux autres produits sur le thème de l’anémie, le besoin de se fortifier, etc. sont développés à la même époque. On voit encore régulièrement des références aux religieux, référence qui rassure les patients. Ici, les Fères Maristes avec leur Solution de Biphosphate de Chaux !! |
|
|
Le deuxième domaine d’intervention concerne les troubles digestifs. Il s’agit ici d’abord de lutter contre la constipation. Là aussi, le sujet n’est pas nouveau dans la publicité pharmaceutique. Les Annales n’échappent pas à la règle de mettre en valeur les produits qui améliorent le transit ou les maux d’estomac. C’est une publicité discrète mais quasi constante au fil des numéros pour la pilule Clérambourg qui « guérit la constipation ». On trouve aussile Tamar Indien, l’anti-glaireux de Guillié, le dépuratif Bleu, etc. |
|
L’autre grand domaine de création de produits vendus dans les pharmacies concerne la cosmétique, les produits de beauté et pour les soins de la peau. On peut y associer les fameuses puilules Orientales dont la publicité va jalonner une bonne partie du XXe siècle !
|
|
|
Curieusement, l’épilepsie est la quatrième maladie dont le traitement donne lieu à une promotion, aussi importante que les cors aux pieds que l’on verra ensuite. Parmi les spécialités sensées être efficaces contre l’épilepsie, on trouve l’anti-épileptique de Liège du laboratoire Fanyau à Lille dont seul le nom apparaît, sans aucun texte associé |
Un autre domaine ciblé : celui du traitement des cors aux pieds avec plusieurs spécialités : la feuille de saule (sans le nom d’un laboratoire) et les Saltrates RODELL. Pour cette dernière spécialité, il s’agit d’un « bain miraculeux : les maux de pied s’en vont pour ne plus revenir » !. Le texte vantant les mérites des Saltrates varie selon les numéros de la revue.C’est en tout cas une époque où le principal moyen de locomotion reste la marche et les maux de pieds ne sont pas rares ! |
|
|
D’autres spécialités sont promues pour le traitement de diverses affections., dont les affections rhumatismales Un chapitre mérite une brève mention : celui des traitements spécifiques pour la femme, un marché visiblement important. A l’époque, ce sont les capsules des Dr Joret & Homolle. il y a également nombre de publicité pour l’antiphlogistique, les pilules Galton pour maigrir, la phosphatine Falières, les pastilles VALDA (déja !)
|
La Phosphatine Falières :Pierre Emile Falières (1833-1908), originaire du Houga, dans le Gers, a obtenu à Paris son diplôme de pharmacien de 1e classe. Il a appartenu quelque temps au corps des pharmaciens militaires, puis est venu s’installer comme pharmacien d’officine à Libourne (Gironde) en 1859, continuant à effectuer des recherches dans le laboratoire installé au fond de son jardin. C’est ainsi qu’il s’est intéressé à la pharmacie galénique et chimique (sirops, poudres, eaux distillées, bromure de potassium) ainsi qu’aux problèmes concernant la région viticole où il était installé (sophistication des vins, maladies de la vigne et lutte contre le phylloxéra). Il commercialisera plusieurs spécialités créées par lui (Néoquinine Falières, Sirop et Granulé de bromure de potassium). Mais surtout, Emile Falières découvrira une méthode de préparation d’un phosphate bi- et tri-calcique sous une forme pulvérulente particulièrement soluble en milieu très faiblement acide. Il fera entrer ce produit dans la composition d’un aliment infantile qu’il commercialisera avec un plein succès sous le nom de Phosphatine Falières. Il va la fabriquer lui-même pendant quelque temps , mais autour de 1885 on passe du stade artisanal à la fabrication industrielle : Emile Falières vendra ensuite ses spécialités à la maison Chassaing & Cie à Paris.1
|
|
|
|
|
|
|
1. Texte de Sylvie Arléry, Bordeaux |