Exposition temporaire :
A travers quelques almanachs pharmaceutiques
L’Almanach est un calendrier donnant, outre les divisions de l’année, les fêtes, les saisons, le cours du soleil et de la lune et de multiples informations de la vie quotidienne. L’un des plus anciens almanachs connus est Les Travaux et les Jours, poème d’Hésiode (VIIIe siècle av. J.-C.) , qui est un traité de navigation, d’agronomie et de morale. Il se termine par un calendrier de jours fastes ou néfastes. Mais l’almanach a surtout pris son essor avec l’invention de l’imprimerie qui va permettre peu à peu de mettre ce type de document à la portée de tous.
L’objet de la présente exposition est de donner quelques exemples de ce qu’on peut trouver dans ces almanachs pharmaceutiques du XXème siècle ou documents similaires !
La pharmacie va en effet largement utiliser ce support de publicité, plus spécialement durant la première moitié du XXème siècle où les exemples d’Almanachs pharmaceutiques sont nombreux.
On peut citer par exemple La Cooper : n’ayant pas de promotion de ses produits via la presse, ce que faisait l’industrie pharmaceutique, la promotion ne pouvait être faite que par les pharmaciens eux-mêmes et un ouvrage publié par la société les y aidait : l’Almanach François, largement diffusé par les sociétaires dont le nom figurait sur l’exemplaire remis à leurs clients.
3 pages de l’Almanach François, 1911
Diffusé à moins de 40.000 exemplaires avant 1914, cette publication annuelle va être distribuée à plus de 2 millions d’exemplaires en 1932. Remplie d’encarts publicitaires sur les produits de la Cooper, l’Almanach se voulait « amusant, littéraire, agricole et illustré. On y trouvait toutes sortes d’informations. Ainsi, l’Almanach de 1911 donne l’information suivante : « Un médecin de Perse a raconté que là-bas les larmes sont encore considérées comme un remède contre certaines maladies chroniques. A Chaque enterrement, on met dans une bouteille les larmes des assistants…A notre avis, mieux voudrait peut-être encore utiliser les larmes de crocodiles plutôt que celles des héritiers. La qualité pourrait ainsi remplacer la quantité. C’est une réserve inépuisable ». L’Almanach François est une véritable encyclopédie. En 1911, par exemple, on trouve pêle-même les fêtes à souhaiter, des petits textes comme « le prestidigitateur » ou « le pasteur scalpé », « esprit d’autrefois » , un conte provencal : L’homme et le loup, ou encore des recettes de confitures. L’humour y a une place importante avec des dessins et des textes pour faire sourire le lecteur. La place des publicités pharmaceutiques y est encore discrète.
15 ans plus tard, dans l’Almanach François de 1926., au contraire, les publicités abondent ! souvent à l’occasion de dessins humoristiques. Déjà présent dans l’Almanach 1911, on retrouve le jeu de l’Oracle en 1926 : « Cet oracle, le plus vrai, le plus infaillible que l’on connaisse, est l’œuvre du savantisssime docteur ès-sciences divinatoires ABRACADABRAMUS ».
Le sirop de Raifort et salsepareille est mis en valeur même si le client du pharmacien ne sait bien ce que c’est : « Mon maître ayant besoin de dépuratifs m’envoie chercher du sirop très fort et de la saleté pareille… ». « Votre maître est un idoiot et vous un crétin !! », lui répond le pharmacien. « Tout ça est de l’histoire ancienne. Ca n’existe plus à côté du Dépuratif Anglais ».
On trouve des articles très sérieux sur le pharmacien Willot, résistant de la guerre de 1914, à côté d’autres fantaisiste sur le fusil Le Bel de l’armée Les dessins sont souvent l’occasion de vanter les mérites des spécialités de la Cooper.
L’humour est également très présent dans l’Almanach François de 1938, que ce soit sous la forme de « pensées profondes » ou dans la rubrique « Rions un peu ». C’est aussi l’occasion de parler de Saint-Christophe et des accidents de la route, de Parmentier sous forme de Rébus, ou encore de la découverte de l’hélicopter (le Gyroplane). Les publicités pour les spécialités de la Cooper sont encore plus nombreuses.
Comme la Cooper, la SOGEDROF (Société Générales de Droguerie Française), Société d’achat en commun créée par l’Union des Grandes Pharmacies, éditait des publications destinées aux patients et plus spécialement son Guide du Foyer qui paraîtra jusqu’en 1939. On y trouve beaucoup de points communs avec l’Almanach François, même si chacun proposait des traitements différents pour la même pathologie. Dans l’un comme dans l’autre cas, l’objectif de llouvrage était d’abord de distraire le lecteur et de l’inciter à fréquenter toujours la même pharmacie ! Comme pour l’Almanach François, le nom de la pharmacie qui offrait l’ouvrage à ses clients était indiqué sur la première page. Par contre, il n’y avait aucune référence au calendrier et ce n’était donc pas à proprement parlé un Almanach. Il n’est d’ailleurs pas daté.
Le Guide du Foyer édité par SOGEDROF. Pages des plantes toxiques et des champignons
Quelques exemples de pages du « Guide du Foyer) SoGEDROF
Autre exemple, celui de Grimault, Laboratoire de pharmacologie générale de Paris, qui publie son Almanach. Celui de 1935 évoque à la fois la vie de Saint Ignace de Loyola que la Mode à ParisVotre chaussure, Madame ou encore « Quelques mots sur la radiographie», dans une rubrique médicale. L’humour est également de mise comme le montre quelques dessins humoristiques.
Quelques pages de l’Almanach Grimault & Cie 1935
L’Abbé Chaupitre suit lui aussi cette voie et publie, par exemple en 1938, un ouvrage de plus de 200 pages ! où les rubriques se succèdent : Vœux, calendrier (c’est un minimum !), jardinage, conseils du docteur, documentaires, conseils pratiques, cuisine, jeux, contes, nouvelles, poésie et musique, et divers autres articles comme les femmes à travers les âges.
Il y a bien sûr une page sur l’Abbé Chaupitre lui-même décédé 4 ans plus tôt. On voit de lui une photo de 1905, « au moment où il se tourna vers l’homéopathie. Malade, il fut son propre médecin… » . On trouve dans ce volume de très nombreuses informations sur la méthode Abbé Chaupitre bien sûr, mais aussi « La femme à travers les âges », collection de costumes féminins de plusieurs époques, ou encore un document sur « l’encouragement familial aux familles nombreuses ».
Quelques pages de l’Almanach de l’Abbé Chaupitre 1938
Quelques exemples de pages de l’Almanach Abbé Chaupitre 1938 (suite)
Enfin, parmi les Almanachs pharmaceutiques, il faut aussi citer Sauba et son Almanach qui se veut un document « utile, instructif et amusant » et l’Almanach Ribière, ces deux derniers étant imprimés à Bordeaux par l’Imprimerie Bière qui se disait spécialiste en agendas-réclames1.
Cette exposition montre en tout cas la richesse de ces Almanachs du XX° siècle publiés par l’industrie du médicament encore récente. Cela peut constituer une bibliothèque intéressante et éducative, mais aussi montrer l’imagination à l’oeuvre pour attirer l’attention du public dans ce domaine et profiter de sa curiosité pourfaire passer de nombreux messages de Santé publique !