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Les Laboratoires de l’Endopancrine présentent l’Alchimie

   
 

Exposition temporaire :

Les Laboratoires de l’Endopancrine
présentent
l’Alchimie  

  Voici le texte (probablement des années 1960) qui accompagnait le document « Visages de l’Alchimie » des Laboratoires Endopancrine, signé par P.-J. Coron et J. Oudry. (en bleu). Le texte en vert est issu d’ouvrage de O. Lafont*
 


Symbole alchimique traduisant la grande idée de continuité entre le Mikrocosmos et le Makrocosmos avec, au centre, le sceau de Salomon et la représentation alchimique de l’or, de l’argent, du plomb, de l’étain, du fer, du cuivre et du mercure

On retrouve la plupart de ces symboles dans la Pharmacopée de Charas 

 

L’Alchimie, « l’art de la transmutation des métaux » (Petit Larousse).

« Bien que cette définition soit généralement admise, elle n’en est pas moins incomplète et il est à craindre que d’avoir été enfermée dans cette courte phrase, l’alchimie ait été défigurée.

Son origine reste mystérieuse. Toutes les légendes lui attribuent une filiation divine et les historiens la font naître en Chine, en Egypte ou encore en Arabie. De récents travaux ont permis d’en dégager un aspect plus complet et plus exact. En réalité, l’Alchimie semble n’avoir été la « science » de la transformation des métaux vils en métaux nobles, mais un tissu complexe de théories philosophiques tendant à saisir les mystères de la vie et à harmoniser les liens unissant le microcosme humain au macrocosme de l’univers. Si certaines de ses techniques prirent naissance dans les forges antiques des groupes privilégiés appelés à travailler les métaux par le feu, ses rites thaumaturgiques se sont enrichis d’un apport de magie, d’astrologie, de mysticisme, de mythologie et de théosophie.

Cet étonnant ensemble a acquis au cours des temps une cohésion suffisante pour exercer sur la pensée humaine, jusqu’à la fin du XVIIe siècle, une influence dont nous commençons seulement à mesurer l’extraordinaire importance. Loin d’être se simples « faiseurs d’or », les véritables alchimistes œuvraient pour fournir au monde des preuves de l’unité essentielle de toute chose, théorie principale de leur système philosophique. La masse énorme de leurs patients travaux a été consignée dans des milliers de manuscrits et de livres et il n’est pas impossible de penser que d’importantes découvertes non interprétées y sommeillent encore.

Mais ce qui a retardé le dépouillement de ces archives, c’est l’emploi d’une symbolique particulièrement hermétique et spéciale à chaque auteur. Il y a dans l’enseignement alchimique une volonté certaine de ne s’adresser qu’à un cercle restreint, généralement du maître à l’élève qu’il « initie », à qui il transmet son savoir technique en même temps que les théories traditionnelles de sa philosophie. 

     
 
Planche 1 : Oratorium d’un alchimiste du moyen-âge aménagé à proximité de l’officine (ou laboratorium) , pour permettre à l’adepte de méditer, de prier et de consigner le résultat de ses travaux. 
Délaissant les surcharges pittoresques mais inutiles des charlatans, l’officine de l’adepte se réduit à l’appareillage essentiel, rangé en bon ordre. De plus elle est toujours associée à une pièce de reflexion et de prière, -l’oratoire-, la méditation et l’ascèse accompagnant toujours les « travaux pratiques ». C’est dans cette atmosphère de recueillement que l’alchimiste affinait sa spiritualité, approfondissait sa connaissance du monde, collaborait au perfectionnement de la matière et poursuivait la recherche de la pierre philosophale.

 

   

Planche n°2 : Laboratoire du XVIIIe siècle. Dans l’angle : fourneau à distillation avec retorte* recouverte de terre réfractaire, creuset, matras, mortier, trébuchet, etc.

*retorte = cornue

 

Le feu ayant une importance prépondérante dans les manipulations alchimiques, un large fourneau était l’élément capital du laboratoire. Il supportait de nombreux matras, creusets, alambics et cornues. Le soufflet qui l’accompagnait a fourni leur surnom aux chercheurs empiriques, les « souffleurs ». L’athanor fournissait une chaleur continue grâce à un système ingénieus d’alimentation en charbon. Son importance portait les alchimistes renommés à en posséder plusieurs différemment ornés et perfectionnés. Certains de grande contenance avaient l’aspect d’une véritable tour crénelée. Et l’adepte, surveillant la lente transformation de la matière, consignait soigneusement ses patientes observations. La connaissance actuelle des textes alchimiques ne permettant pas de brosser un panorama exact de ce monde ésotérique, il nous a paru bon de vous faire pénétrer dans la maison d’un savant initié du moyen-âge, grâce aux photographies de cette série, en espérant que nos images n’en trahiront pas la magique ambiance. »

P.-J. Corson, J. Oudry

   
  

Histoire de l’Alchimie (O. Lafont*) :

Contrairement aux philosophes grecs qui s’adonnaient exclusivement aux spéculations intellectuelles, même si elles étaient basées sur l’observation de la nature, les alchimistes se montrèrent des expérimentateurs efficaces. Jusqu’à la Renaissance, l’alchimie fut une théorie novatrice permettant de nombreuses découvertes pratiques ; ce n’est qu’ensuite que l’occultisme prit le pas sur la curiosité scientifique. Origine égyptienne de l’alchimie.Sans négliger le rôle des métallurgistes de la préhistoire, puis de l’antiquité, ou celui des teinturiers et des parfumeurs, dont le domaine de manipulation restait limité, il est traditionnel de faire remonter les débuts de la chimie pratique à l’Egypte, en tirant, en particulier, argument de l’étymologie généralement admise du mot chimie. C’est, pense-t-on, le terme χημία, désignant l’Egypte ancienne, qui subit l’addition de l’article arabe al pour donner alchemia, avant de perdre ce préfixe au XVIe siècle. C’est de l’Ecole d’Alexandrie que datent, en effet, les premières recettes alchimiques avec, en particulier, Zosime le Panopolitain, ancêtre respecté des alchimistes, qui paraît avoir connu et pratiqué la distillation au IIIe siècle. De nombreux ouvrages ont circulé, au cours du Moyen Age, sous le nom d’Hermès Trismégiste, alors considéré comme un alchimiste égyptien… L’Egypte fut conquise par les Arabes en 642 à la suite de la prise d’Alexandrie par Amr Ibn Al-As. L’Alchimie devait, dès lors, se développer en milieu islamique*.

 

Planche n°3 : Officine du début du XVIIIe siècle.

 

Le laboratoire de l’Endopancrine fut créée au début du XXe siècle par le Dr. Saal van Zwanenberg. Concurrent de Choay, il était une filiale d’une entreprise hollandaise, Organon. Cette société est née à Oss en 1923. Organon a été la première usine d’insuline et est actuellement plus connu pour le développement de la pilule contraceptive. Organon, intégré il y a quelques années à AkzoNobel, a été mis en vente en mars 2007 et, avec l’accord de la FDP, a été intégré à Schering-Plough le 19 novembre 2007 (Source : Wikipedia). Deux ans plus tard, Schering-Plough (Organon inclu) a fusionné avec le groupe pharmaceutique Merck (MSD) qui est le deuxième laboratoire pharmaceutique mondial en part de marché. 

A chaque planche illustrée correspondait un document d’information sur le Laboratoire de l’Endopancrine. La planche 1 permet ainsi de découvrir un atelier d’un des stades de synthèse des stéroides et la spécialité du laboratoire : l’orgabolin, un anabolisant non dérivé de la testostérone ou de la méthyl-testostérone, l’éthylestrenol. La planche 2  invite à s’informer sur le durabolin, phényl-propionate de nor-androsténolone, « anabolisant à action prolongée ». Cette publicité est illustrée par une partie de l’usine de fabrication du produit : la cuve d’estérification. La planche 3, ci-contre, fait de la publicité pour le ficarmone 120, un extrait de 120 g de foie et 40 γ de B12 native dans une ampoule de 8 ml. On peut voir aussi un atelier d’un stade de fabrication du produit : le système d’alimentation en acide et base pour réglage du pH.

   
 

Planche n°4 : Four en céramique décorée coiffant un foyer à charbon de bois (XVIIIe siècle).

 


Fourneau carré dans la Pharmacopée de Charas, 1676

 

Alchimie occidentale (XII-XVe siècles) : C’est par l’intermédiaire de l’Espagne et singulièrement du Califat de Cordoue que la science alchimique des Arabes passa en Occident. Avant la reconquista et même ultérieurement jusqu’à la prise de Grenade, la péninsule ibérique constituait en effet un lieu privilégié d’échanges culturels entre le monde chrétien et la civilisation arabe. Si les Croisades renforcèrent les contacts entre les deux cultures, elles n’eurent pas d’influence déterminante qu’on leur accordait autrefois dans la diffusion de l’alchimie. Il ne faudrait pas, non plus, négliger le rôle des moines qui, dans ces refuges de la pensée antique que constituaient les couvents, assurèrent la transmission directe de maints écrits de l’époque hellénistique. Quoiqu’il en soit, c’est surtout à partir du XIIe siècle que l’alchimie se répandit en Europe, avec en particulier la diffusion de l’ouvrage intitulé Turba philosophorum qui serait la version en langue latine d’un texte arabe anonyme et assez confus. De nombreuses traductions furent en outre effectuées dans l’entourage de l’empereur germanique Frédéric II Hohenstaufen (1194-1250), qui tenait sa cour à Palerme, en Sicile. C’est donc au moment où l’alchimie arabe commençait à s’essouffler que le relais fut pris par l’Occident chrétien. ..*

 

 

Planche n°5 : Officine  d’un alchimiste du moyen-âge avec le fourneau en briques, appareils à distiller, vaisseaux et mortier.

 

 

La planche n° 4 est accompagnée d’une publicité pour l’endopancrine (insuline). A cette occasion, le Laboratoire précise qu’il fut le premier fabricant d’insuline en France dès 1925 et qu’il mettait à disposition du corps médical l’insuline mais aussi l’insuline Zinc protamine et des insulines retards. on voit également l’usine d’extraction de l’insuline. 

La planche 5 ci-contre est associée à une publicité sur le benutrex, complexe vitaminique B lyophilisé potentialisé par un extrait de foie titré en B12 native. On peut égzlement voir une photo d’une installation de lyophilisation, procédé très utilisé à l’époque pour les extraits d’hormones à partir d’organes d’animaux.   

   
 

Planche n°6 : Officine du moyen-âge avec un grand fourneau central où sont réunis divers ballons, vaisseaux et aludel*.

*terme d’origine alchimique qui désignait jusqu’au XVIIIe siècle un appareil formé d’un empilement de vaisseaux constituant une sorte de colonne, pour réaliser une sublimation

 

La planche n°6 est associée à la cortrophine retard, A.C.T.H. retard au zinc à action immédiate et prolongée, utilisée comme « relance de la surrénale » et « sevrage cortisonique ». Une photographie montre le Laboratoire de recherches pharmacologiques : utérographie, electrocardiographie, électroencéphalographie, hémodynamomètre qui permettent de situer la date du document dans les années 1960 ou début de la décennie 1970.

La planche n°7 (ci-dessous) est à nouveau associée à l’endopancrine avec le même texte que précédemment. Par contre, l’illustration jointe concerne l’atelier de filtration de l’insuline.

   

   
 

Planche n° 7 : Refroidisseur en verre à éléments multiples pour distillation fractionnée (XVIIIe siècle)

 

 

La doctrine : Les théories alchimiques sont d’autant plus difficiles à cerner que certains auteurs, voulant réserver leur enseignement aux seuls initiés, ont rendu leur texte obscur, utilisant plusieurs termes pour désigner des produits identiques et présentant parfois les opérations dans le désordre, afin d’en rendre la répétition plus malaisée. De plus, l’utilisation de symboles esthétiques mais déroutants pour le lecteur naïf participe du même désir d’occultisme. Par ailleurs, un système de pensée, serait-il secret et réputé figé, ne put qu’évoluer au cours de huit siècles. Le souci de présenter la pensée alchimique dans sa forme la plus achevée conduit souvent à décrire l’état de la théorie à une époque où elle n’est plus novatrice, mais devient un système fermé et dépassé par la naissance d’une chimie expérimentale, dégagée du fatras ésotérique auquel se complaisent les adeptes tardifs. En négligeant les aspects purement philosophiques de la doctrine alchimique, il est toutefois possible d’en résumer les conceptions scientifiques*.
   
 

Planche n°8 : Grand mortier époque gothique en bronze.

 

 

Unité de la matière : la plupart des alchimistes sont attachés à l’unité de la matière ; ce qu’ils représentent par Ouroboros, le serpent qui se mord la queue, symbole auquel correspond la devise : « un est le tout ».

Les trois principes : Cette unité repose pourtant sur trois principes, le Soufre et le Mercure, puis le Sel, qui ne fut introduit que plus tardivement. Cette trinité des principes autorisa alors un parallèle théologique avec un Dieu unique en trois personnes. Le Soufre et le Mercure n’ont rien à voir ici avec le solide jaune qu’est la soufre naturel ou le liquide pesant qu’est le vif-argent. Il s’agit de deux principes opposés, l’un masculin, actif, chaud et fixe, le Soufre, l’autre, féminin, passif, froid et volatil, le Mercure*.

   
 

Planche n°9 : Retorte* recouverte d’argile réfractaire et collecteur en céramique (XVe siècle)

*retorte = cornue

 

 

La planche n°8 concerne à nouveau le benutrex et montre, cette fois-ci, une partie d’un atelier de production : le système de régulation de pressions.

La planche n°9 ci contre s’intéresse au durabolin comme la planche n°2. Cette fois-ci, l’image associée est un appareil de résonance magnétique nucléaire permettant de déterminer la position des hydrogènes dans une straucture organique. C’était pour l’époque une innovation importante et un investissement égelement significatif pour les entreprises pharmaceutiques pour améliorer les techniques d’analyse.

   
 

Planche n°10 : Fourneau d’essais pour minéraux du début du XVIe siècle.

 

Comme la planche n°1, il s’agit ici d’une publicité pour l’orabolin, un anabolisant, avec comme photographie associée un appareil à concentrer sous vide. L’extraction des hormones nécessitait en effet de concentrer fortement les extraits obtenus avant disoler le principe actif.

La planche n°11 ci-dessous est une publicité pour la ficarmone 120, comme pour la planche n°3. La photographie montre le système de rectification de solvants.

 

La transmutation : le passage d’un métal à celui qui le suit dans la hiérarchie des sept métaux est donc possible, en diminuant la quantité de Soufre, tout en purifiant et en fixant les principes. Comme par ailleurs le Soufre correspond à la partie dégradable des métaux, on comprend que sa diminution puisse être obtenue par des opérations menées dans l’athanor – le fourneau des alchimistes – et mimant celles qui se produisent dans les entrailles de la terre. Les magistères et la pierre philosophale :On distingue deux démarches, le Petit Œuvre ou Petit Magistère conduisant à la pierre blanche changeant les métaux imparfaits en argent et le Grand Œuvre ou Grand Magistère permettant d’accéder à la pierre rouge, capable de transformer par simple contact un vil métal en or. Cette pierre philosophale est également considérée comme une Panacée et un Elixir de longue vie. Le mariage philosophique du Soufre et du Mercure, éventuellement unis par le moyen du Sel, conduit à la pierre philosophale.Les trois principes et les quatre éléments : les alchimistes soucieux de rattacher leur théorie à l’enseignement d’Aristote ont établi une correspondance entre la théorie des quatre éléments et leurs principes. C’est ainsi qu’ils considèrent que le Soufre est à la fois Terre et Feu, alors que le Mercure est Eau et Air. Quant au Sel, il correspond à la Quinte-essence, l’Ether d’Aristote, parfois également nommé Arsenic*. 

 

 

Planche n°11 : Fourneau à distillation pour grande quantité d’acides minéraux. Appelé en Allemagne « Faulen Heinz » du nom du garçon de la boratoire qui l’inventa en 1580 pour s’éviter d’avoir à regarnir trop souvent les foyers (Faul signifie paresseux)

 

Métaux et planètes : La correspondance entre les sept métaux et les sept planètes, dont Paracelse tirera profit, constitue un lien avec l’astrologie. Cette relation entre les deux arts, encore bien acceptée à l’époque de la gloire de Ruggieri et de Nostradamus, nuira beaucoup à la perception des idées des alchimistes dès le XVIIe siècle. C’est ainsi que Nicolas Lémery ironise dans son Traité des drogues simples : « Les Astrologues et les Alchymistes, qui ont toûjours eu entre eux une grande liaison de principes & de sentimens, ont établi comme une vérité incontestable, qu’il y avait une grande correspondance entre les métaux & les planètes. (…) Quoique cette opinion soit sans fondement, elle n’a pas laissé d’avoir beaucoup de sectateurs. »*
 

Conclusion : Si les élucubrations des alchimistes prêtent souvent à sourire, il convient de se garder de tomber dans le principal travers des historiens néophytes : la critique anachronique des idées et du comportement. La doctrine alchimique, en dépit de son point de départ purement philosophique et spéculatif, a eu le grand mérite d’encourager l’expérience, et, par là même, aboutir à un certain nombre de découvertes pratiques qui, peu à peu, ont permis aux chimistes de se dégager de son contenu ésotérique. Les opérations auxquelles se livraient les adeptes dans leurs laboratoires secrets, enfournant un œuf philosophique dans un  athanor, ressemblent beaucoup à ce qui se pratique encore dans nos modernes centres de recherche. La distillation, la sublimation, la décantation, la dissolution, la calcination n’ont rien perdu de leur actualité. Quant au bain marie, que nous devons sans doute à une femme alchimiste, il rend toujours autant ses services aussi bien en chimie qu’en art culinaire, mais qui se souvient que son inventeur éponyme, Marie la Juive, vivait peut-être au IVe siècle ?*  

 

 

Planche n°12 : Appareil distillatoire, Mohrenkoft ou tête de Maure, avec collecteur en cuivre (XVIe siècle)

 

La planche n°12, la dernière, réalise une publicité pour la cortrophine retard (A.C.T.H.) et montre un appareil de pharmacologie expérimentale : il s’agit d’un montage d’organe isolé (utérus de lapine, sans doute) qui était le moyen de doser l’hormone par un enregistrement des contractions utérines sous l’effet du produit.

 * Extraits de l’ouvrage d’Olivier Lafont : D’Aristote à Lavoisier. Les étapes de la naissance d’une science. Ellipses ed., 1994 
   
 

 

Matériel de l’apothicaire (Pharmacopée de Charas, 1676)
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