Les Laboratoires DAUSSE :De la fabrique d’extraits de plantes aux produits de spécialité – 1834 à 1945 |
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C’est sous la Restauration, en 1826 exactement, qu’Amans Dausse, né en 1799 à Rodez, s’installe dans une officine située au 10 rue de Lancry à Paris, dans le quartier du Château d’Eau. Figure hautement représentative de cette nouvelle génération de pharmacien qui s’attache à isoler, selon les lois de la chimie moderne formulées par Lavoisier, les éléments constitutifs de nombreuses substances organiques et minérales, il adjoint très rapidement à son officine, en 1834, un laboratoire afin de procéder à l’analyse chimique des extraits végétaux et des plantes. Deux ans plus tard, il note dans un premier mémoire destiné à la Société de Pharmacie : « Les extraits pharmaceutiques sont des médicaments officinaux qui représentent, sous un petit volume, les propriétés médicamenteuses des substances. » Un grand tableau, faisant état d’indications pharmacologiques concernant 107 extraits, y est annexé.
En 1855, il s’installe dans le quartier du Marais, nouvellement dédié à l’industrie, et, fort de vastes locaux, développe la fabrication de formes galéniques variées tout en organisant en amont la production et la récolte des plantes elles-mêmes. Lorsqu’il meurt en 1872, le chiffre d’affaires de la maison DAUSSE atteint près de 70 millions de francs dont 15% réalisés à l’exportation. Pour répondre aux exigences commerciales croissantes de la société et d’une industrie pharmaceutique française en plein essor, ses deux gendres successeurs, Duboé et Boulanger, décident, en 1882, d’une usine à Ivry sur une surface de 8000 m2 avec notamment une charpente métallique dessinée par Gustave Eiffel*. Elle assure la fabrication de 230 préparations galéniques différentes. C’est la voie de l’industrialisation qui permet de produire et de commercialiser, sous la marque DAUSSE, les produits chimiques utilisés en pharmacie, les matières premières entrant dans les préparations magistrales, les produits finis comme les remèdes inscrits au Codex et les Spécialités DAUSSE.
Un catalogue, mentionnant plus de 1000 variétés d’extraits, de teintures, d’alcoolatures diverses, au moins 1500 préparations différentes de pilules, granules, comprimés, dragées, est édité en quatre langues, et l’export comprend l’Amérique du Sud et le Japon. Une nouvelle usine avec verrerie intégrée est créée, en 1917, à Morigny, près des domaines agricoles des environs d’Etampes où sont cultivées les plantes médicinales, pour fabriquer et conditionner les solutés en ampoules. Cette expansion, menée de main de maître par Emile Boulanger, qui préside aux destinées de la société depuis 1895, résulte à la fois d’une politique industrielle qui fait large place aux techniques nouvelles, comme celle de la fabrication par autoclaves des extraits par stabilisation de plantes fraîches, et à l’innovation dans le domaine du titrage physiologique des produits galéniques. En 1918, il est coutume de citer DAUSSE parmi les plus importants laboratoires français. La collaboration étroite avec l’université et les pharmaciens d’officine, nombreux à être actionnaires de la société, est privilégiée. Fidèle à son savoir-faire d’origine – la fabrication des extraits végétaux destinés à la préparation de médications en officine – la maison DAUSSE, « sanctuaire de la Galénique », se prépare toutefois à la montée en puissance des spécialités directement proposées au public, à l’isolement des principes actifs et aux productions sur base de chimie de synthèse comme la Camphodausse (analeptique cardiaque), le Morethyl (traitement de la Tuberculose) ou la Scléramine (iodométhylate d’urotropine). En janvier 1939, Emile Boulanger meurt. Son gendre, Charles-Henri Génot prend sa succession. Après les années de guerre, marquées par l’impossibilité de s’approvisionner à l’export et le recours généralisé aux médicaments et aux matières premières d’origine végétale, qui, à l’inverse de ses concurrents, profite naturellement à l’entreprise, DAUSSE se lance dans la fabrication des produits synthétiques. En 1949 la Pholcodine, sédatif morphinique, fait l’objet, en tant que produit chimique, de dépôts de brevet. La gamme des Solurutrines est développée donnant à la société une renommée internationale dans la thérapie des affections vasculaires. En 1951, un laboratoire de chimie est créé à l’usine d’Ivry. Le laboratoire innove aussi sur son savoir-faire historique : celui des extraits végétaux, secteur qui constitue toujours une part importante, quoique décroissante, de l’activité. La mise au point des atomisats – après épuisement de la plante stabilisée et évaporation des jus effectuée sous vide et séchage – pour les formes galéniques est un grand succès industriel. Ce procédé, déclare Pierre-André Delaby, gendre de Charles-Henri Génot, pharmacien responsable et administrateur depuis 1950, met la technique la plus moderne au service de « l’esprit que nous a légué Amans Dausse ». Dix ans plus tard DAUSSE prend, en 1962, une participation de 50% dans CHIMIDROG, qu’elle portera à 99,97% quelques années après, afin de bénéficier d’un réseau d’approvisionnement et de distribution de chimie fine. Cette année est celle des grands changements et des décisions stratégiques : le siège est installé dans le treizième arrondissement, au 58-60 rue de la Glacière, et le renouvellement du patrimoine industriel est décidé. En 1967, les usines d’Ivry et de Morigny sont abandonnées au profit de la nouvelle unité ultra moderne de Tours. Le chiffre d’affaires et la politique produits sont en pleine expansion. Les années soixante voient en effet le lancement de l’Immétropan (traitement des ulcères), de la Pyridoscorbine (vitaminique), du Tensitral (contre l’hypertension), de l’Aturgyl (affections rhinologiques). Les lancements de la Solutrine Papavérine forte Retard (SPFR), en 1966, qui représentera près du chiffre d’affaires total de DAUSSE à la veille de la fusion avec ROBERT & CARRIERE, et de la Pervincamine, en 1969, assoient magistralement la réputation de la société dans le domaine cardiovasculaire. Les années soixante voient aussi des évolutions dans la structure du capital – ouvert notamment depuis 1957 à des actionnaires qui ne sont plus exclusivement des pharmaciens, et en 1968 à des capitaux bancaires – et dans l’organisation de la société. Cette dernière adopte, en 1969, une structure de groupe comportant des sociétés filiales à vocation diversifiée et assume, sous la raison sociale de DAUSSE S.A., un rôle de société propriétaire, immobilière et financière de participation. C’est ainsi que sous le contrôle de la Holding, sont regroupées, sous leurs entités propres, les différentes sociétés du groupe en fonction de leurs types d’activité, dont une petite société, créée en 1960 et spécialisée dans les produits de synthèse, nommée SYNTHELABO !
Médicaments commercialisés par DAUSSE en 1949-1950 (Le Livre du Praticien) : Antifuronculeux B., Arsenosthéniques, Camphodausse, Carbodausse, Collobiase de soufre, Collobiase de Sulhydragyre, Descleran, Diurédausse, Entérodausse calcique, Entérodausse magnésien, Fondant digestif, Fondant de Kola stabilisé, Fondant de Salicaire, Fondant de soufre, Granulé salicylé Dausse, Hémogénol, Hespéridausse, Homopavine, Homopavine-retard, Hormodausse, Hypnodausse, Intraits Dausse : de Belledone, de Colchique, de Gui, de Marron d’Inde P, de Muguet, de Passiflore composé, de Sauge, de Strophantus, de Valériane, Moréthyl, Névrosthéniques progressives, Pavéron, Phosphothéniques, Pilules de Bardane, Prostatidausse, Scléramine, Sédo-Hypotenseur Dausse, Sérodausse A. O. I., Sthénosédine, Strictoforme, Tisane hépatique Dausse, Trousse Hémodiagno. Source : Archives SANOFI-AVENTIS (M. Olivier de Boisboissel, 2005) * Cette affirmation est contestée par l’ouvrage de Remy Bellenger, « Le Laboratoire Dausse » qui montre que l’entrepreneur était M. Poirier (et non Eiffel) et que ce dernier avait construit une charpente en bois. 175 ans d’industrie pharmaceutique française. Histoire de Synthélabo. Michèle RUFFAT. La Découverte Ed., Paris, 1996, 267 p. |
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