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Une nouvelle histoire du Gomenol

Gomenol et son laboratoire : un complément !

Nous avons déjà sur notre site l’histoire du Laboratoire du Gomenol. Mais les archives récemment retrouvée au cours du déménagement de ce laboratoire de la rue des Petites Ecuries (où il avait son siège social dès l’origine) a permis d’obtenir de nombreux documents supplémentaires : publicités en français ou en langues étrangères, documents d’informations des professionnels de santé, formulaires destinés à l’administration, comptes rendus, etc. Nous allons explorer ici quelques-unes de ces archives du Gomenol.

Peu de temps après la découverte du Gomenol par Charles Prévet (qui dépose la marque en 1893), des articles scientifiques sont publiés dans les journaux scientifiques ou les sociétés savantes. En 1893, Gabriel Bertrand, alors chef de service à l’Institut Pasteur, fait une « analyse chimique du Gomenol » et conclut à l’absence de toxicité de produit « car il ne contient pas de traces d’aldéhydes, dit-il, contrairement aux Eucalyptols que l’on retire des autres essences ».

La même année, Forné, de l’Institut Pasteur, considère que le Gomenol est un antiseptique de premier ordre : « Ses vapeurs seules suffisent à empêcher l’envahissement du terrain par les germes qui y sont semés ».

D’autres travaux vont suivre, ce qui permet en 1901 que le Gomenol soit classé parmi les médicaments admis à l’Assistance Publique des hôpitaux de Paris.

Une thèse est également publiée en 1905 par le docteur de la Foulhouse, de l’Hôtel-Dieu de Paris sur le traitement de la tuberculose pulmonaire par injections intratrachéales de l’huile gommenolée à 5% et 10%. Le produit devient alors un des traitements de référence pour cette pathologie.

Très vite, les indications sont élargies. La brochure de Charles Prévet en juin 1900 donne un aperçu de ces indications déjà nombreuses : 1°) affections des voies respiratoires (coryzas, rhume des foins, rhume, bronchites simples ou chroniques, coqueluche, tuberculose, etc.; 2°) affections gynécologiques ; 3°) affections des voies urinaires (cystite, uretrite…); 4°) affections des voies intestinales (entérite, dysenterie…) ; 5°) accouchements ; 6°) grandes et petites chirurgies (brûlures, abcès, plaies opératoires ou accidentelles…) ; 7°) affections rhumatismales.

Pour chacune de ces indications ou presque, Prévet publie une brochure spécifique avec des exemples. Ainsi, le document intitulé « le Gomenol dans la pratique chirurgicale », publié vers 1914, développe 2 domaines : l’aseptie préopératoire (désinfection de la peau, des mains), et la chirurgie esthétique. Un autre document concerne les maladies des voies urinaires, en 1903, par le professeur Guyon, de l’Institut. Ce dernier utilisait le Gomenol pour réaliser une anesthésie locale.

En 1907, P. Rigaux publie une thèse sur le Gomenol en thérapeutique, thèse qui sera largement citée par la suite dans les documents publicitaires. Aux indications déjà mentionnées, il ajoute l’emploi du produit en ophtalmologie (par injections sous-conjonctivales). 

Pour toutes ces indications, les formes pharmaceutiques sont très diversifiées : huile pure, solution à 2.5/1000, huile de glycérine goménolée, onguent, baume, gouttes…

Les voies d’administration sont également nombreuses : injections intratrachéales, injections hypodermiques, lavement, inhalations (cigare, cigarette), voie orale (sirop, capsules, pâte pectorale), pansements, etc. Dans une période où les spécialités font leur apparition, et sont souvent combattues par les pharmaciens, Prévet précise que « le Gomenol n’est pas une spécialité, car il n’est pas le résultat d’une synthèse chimique obtenue dans un laboratoire, c’est au contraire un médicament simple recueilli tel que la nature le produit. »

 

 

Bien que les documents du laboratoire soient rarement datés, on peut penser que les produits à base de Gomenol vont rapidement se diversifier. On trouve dans une brochure de 1926 les différents produits de l’entreprise qui existaient sans doute bien avant cette date pour la plupart :

Produits Prevet au Gomenol
Gomenol pur En tubes étain compte-gouttes de 50 et 100cc, en flacon de 250 cc.
Oléo-Gomenol à 2%
Oléo-Gomenol à 5%
Oléo-Gomenol à 10%
Oléo-Gomenol à 20%
Oléo-Gomenol à 33%
En flacon de 50, 10, 250 cc

En ampoules de 2 et 5 cc (boite de 10)

Existe en outre en tube de 50 et 100 cc

Gomenol-Rhino En tube
Gomenol-Pâtes En boite
Gomenol-Sirop En flacon
Gomenol-Capsules En étui
Gomenol-Glutinules En étui
Gomenovules En boites de 6
Gomenol-Glycérine En flacon de 50 et 100 cc
Gomenol-Onguent En tube
Gomenol-Baume En tube
Gomenol-Savon En tube

Avant la guerre de 1914, on voit apparaitre les premiers combinaisons de produits. En 1912, les annales du laboratoire Clin font une revue de l’usage des colloïdes et plus spécialement de l’électrargol, très à la mode à cette époque pour les traitements des infections. Le docteur Fainsilber, de Paris, avait publié dans le Courrier médical du 16 juin 1912 un article sur la combinaison de l’électargol et du Gomenol pour le traitement d’une infection puerpérale. Ce même sujet sera repris en 1920 par le docteur Louis Brunet pour sa thèse sur « le traitement des pleurésies purulentes par le Gomenol et l’électrargol », avec des conclusions mitigées !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au cours de la guerre de 1914, Prevet édite un petit feuillet intitulé « Comment le soldat doit employer le Gomenol sur le champ de bataille et dans les tranchées ». Il décrit ce qu’il convient de faire en cas de blessures, pieds écorchés, engelures, crevasses, dysenterie, rhumes et bronchites, fièvres typhoïdes, rhume de cerveau ou encore maux de dents. Le Gomenol y est qualifié « d’ami du soldat », en particulier parce que « dans toutes les branches de la médecine, les spécialistes les plus éminents se sont, depuis 20 ans, accordés à le proclamer « un merveilleux agent de guérison ».

Entre les deux guerres mondiales, le Gomenol poursuit son parcours au service de la santé des patients. Les brochures publiés par François Prévet se multiplient dans toutes les indications précitées où il insiste sur l’innocuité du produit. L’emploi se précise dans certaines de ces indications comme, par exemple, la coqueluche.

En 1936, on peut lire un petit document sur le traitement de cette affection par les injections de Gomenoléo-éther par la méthode du professeur Carrière, de Lille. Cette dernière se déroule en 4 étapes : 1°) envelopper le lit (du malade) de rideaux de tulle et les asperger de Gomenol 4 fois par jour ; 2°) mettre à proximité des narines un mouchoir aspergé de Gomenol ; 3°) 3 fois par jour, mettre du Gomenol-Rhino, Gomenoforme ou Gomenoléo-nasal dans les narines ; 4°) donner tous les 3 ou 4 jours un vomitif avec du sirop d’ipeca. Ce traitement est « utilement complété par l’administration de Gomenol-Sirop.

Un autre exemple nous vient du domaine des soins dentaires. Dans une lettre de 1934, F. Prévet précise les indications des produits gomenolés dans ce domaine : après une extraction (avec Gomenol-dentifrice) ; pour le pansement des caries ; pour l’obturation (oxyde de zinc mélangé à du Gomenoléo à 33%) ; hygiène buccale ; Gomenol-Savon (pour le brossage des dents). 

 

 

 

C’est aussi la période où l’exportation se développe. De nombreux documents sont traduits en anglais, allemand, italien, espagnol, arabe, etc.

A partir de 1945, un certain nombre d’innovations vont voir le jour au sein du Laboratoire du Gomenol. La commercialisation des antibiotiques va inciter à examiner l’influence du Gomenol sur l’activité in vitro de certains antibiotiques. Quevauviller constate que le produit potentialise l’action de la streptomycine et surtout de la pénicilline1Le laboratoire met alors au point le Gomenol-syner-pénicilline, une émulsion injectable d’une solution aqueuse de Pénicilline G dans un solvant à base de Gomenol. Le produit sera également présenté sous la forme de suppositoires. Quevauviller met aussi en évidence une synergie avec l’effet anesthésique local de la cocaïne2.

 

Une autre innovation significative aboutit à la commercialisation de l’Hexaquine, un mélange de benzoate de quinine, de thiamine et de Gomenol destiné au traitement des « crampes et courbatures fébriles ». le produit se présente alors se présente alors sous forme de comprimés et de suppositoires3. L’usage du Gomenol va également avoir une nouvelle jeunesse avec l’aérosolthérapie dans les années 1950, avec l’apparition d’appareils à aérosol performants. Cette technique s’appliquait bien sûr aux voies aériennes supérieures mais aussi aux affections gynécologiques et cutanées.

Enfin, le laboratoire du Gomenol décide, dans les années 1960, de se diversifier et de commercialiser sous licence un produit Geigy, le Dosulfine, une association de deux sulfamides. Le produit était destiné à traiter les infections urinaires, mais aussi de très nombreuses autres pathologies infectieuses chez l’adulte et chez l’enfant (sous forme de comprimés et sirops). Trois autres produits sans Gomenol seront aussi mis sur le marché  : un « reconstituant cellulaire » : Plurifactor. Sa composition était un mélange de vitamines, de glycocolle, de pantothénate de calcium et d’ADN (retiré du marché en 1999) ; le deuxième produit était le Microdoine (nitrofurantoïne) destiné au « traitement curatif de la cystite documentée due à des germes sensibles chez la femme adulte, l’adolescente et la petite fille à partir de l’âge de 6 ans, lorsqu’aucun autre antibiotique présentant un meilleur rapport bénéfice-risque ne peut être utilisé par voie orale. » qui fut retiré du marché en 2011 ; enfin le troisième produit sans Gomenol fut la « Quinine Vitamine C Grand » commercialisé jusqu’en 2014 pour le « traitement d’appoint de la crampe idiopathique nocturne de l’adulte ».

 

Ils n’étaient pas les premiers produits du laboratoire sans Gomenol. Quelques années plus tôt, F. Prevet avait commercialisé :

  • un « sédatif antispasmodique », le Gardepanyl (« Phénobarbital-calcium renforcés par Valériane et bioxyde de manganèse ») pour les spasmes douloureux, états anxieux, insomnies…
  • un anti-allergique désensibilisant : Campestryl à base d’agaricus campestris.
  • la gastéose choline à base de citrate de choline, sulfate de magnesium et de sodium… pour troubles digestifs, l’hypertension artérielle et l’artériosclérose…

Un dernier ensemble de documents mérite d’être extrait des archives du Gomenol : le formulaire administratif de calcul du prix de vente des spécialités pharmaceutiques, exigé par l’arrêté du 25 avril 1968. Ce calcul rentrait alors en compte dans la fixation du prix du médicament. Il comprenait le Prix de Revient Industriel (PRI) lui-même (prix des composants, des articles de conditionnements, des salaires, des frais de fabrication et de contrôle) auquel on appliquait ensuite un taux de frais généraux, de redevances, de recherche, de rémunération des fonds propres et de marge bénéficiaire (tous ces taux étant définis par l’industriel lui-même) pour aboutir à un « prix proposé », un prix de vente aux pharmaciens d’officine et un prix public TTC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En conclusion, cet ensemble de documents d’archives complète les informations déjà recueillis sur l’histoire du Gomenol, une spécialité plus que centenaire (130 ans en 2023) ! et sur l’histoire du laboratoire du même nom.

 

1. A. Quevauviller, J. Panouse-Perrin. Rev. Path. Comp. et Hyg. Gen., 1952, 52, 296..
2. A. Quevauviller, J. Panouse-Perrin, Anesthésie, Analgésie, IX, 3, septembre 1952.
3. J. Reusse et al. La quinine dans le traitement de certains syndromes douloureux. Revue du paludisme et de médecine tropicale, 1952, 100.

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