Extrait de l’ouvrage du docteur Dehaut (1902) sur ce sujet1 :
« Dans les ouvrages de médecine écrits il y a plus de deux mille ans, il est question des propriétés remarquables d’une plante appelée Thapsia, qui se récolte en Afrique. L’état de barbarie dans lequel cette contrée était tombée plus tard ayant interrompu la récolte et le commerce de cette plante précieuse, les médecins avaient fini par l’oublier entièrement. On connaissait bien, par les livres anciens, les propriétés de la plante, mais personne ne savait à quelle herbe s’appliquaient les descriptions.
Il était réservé à un savant médecin d’Algérie, placé depuis longtemps à la tête du service hospitalier ce Constantine, d’éclaircir ce mystère. le docteur Reboulleau, bien au courant de l’histoire de la médecine ancienne, ne négligeait aucune occasion d’étudier les procédés employés par les Arabes, dans le traitement de leurs maladies. Il fut plusieurs fois frappé des résultats surprenants obtenus par les guérisseurs arabes, dans des affections aigües de la poitrine, à l’aide d’une plante connue dans le pays sous le nom de Bounefa. Sans entrer dans le détail de la découverte, disons tout de suite qu’il finit par démontrer que cette planté était bien le thapsia des anciens.
La manière d’employer le thapsia par les Arabes est trop barbare pour que notre médecine civilisée puisse s’en accommoder, et il fallut chercher un mode d’emploi qui pût satisfaire tout le monde. Le docteur Reboulleau chargea de ce soin M. Le Perdriel, bien connu comme vulgarisateur de préparations renommées. L’emplâtre de thapsia, si connu aujourd’hui, et si souvent employé par tous les médecins, naquit de la collaboration de ces deux savants.
Lorsqu’on applique l’emplâtre de thapsia sur la peau, celle-ci devient rouge, et bientôt il se produit une éruption composée d’innombrables vésicules très petites et remplies d’un liquide séreux ou purulent.
Cette éruption, qui s’accompagne d’une vive démangeaison, constitue une révulsion très énergique, très rapide et très sûre, dont les médecins tirent un excellent parti dans les maladies de la poitrine, principalement dans les rhumes tenaces, les bronchites ; contre les rhumatismes et les névralgies rebelles et dans nombre de cas dans lesquels il est avantageux de produire à la peau une forte irritation artificielle, pour détourner un mal intérieur.
L’éruption produite par le thapsia se guérit d’elle-même, en peu de jours, sans laisser sur la peau ces traces qui font quelquefois regretter d’avoir employé certains autres révulsifs.
Est-il nécessaire de dire qu’un remède si grandement employé ne pouvait pas manquer d’attirer l’attention de certains industriels, ^parasites qui ne savent rien inventer, mais qui sont habiles à tromper le public par des imitations plus ou moins serviles ? … »
- Manuel de médecine, d’hygiène, de chirurgie et de pharmacie domestiques par Dehaut…24ème édition, Paris, chez l’auteur, 1902