Extrait de l’ouvrage du docteur Dehaut (1902) sur ce sujet1 :
« Parmi les plantes qui, au printemps, font l’ornement des clairières, dans les bois montueux, aucune ne produit un effet aussi brillant que la digitale. Cette plante est formée d’une tige de 60 centimètres de hauteur, s’élevant d’une rosace de larges feuilles ; le long de cette tige unique se voit une rangée de clochettes d’un beau rose, toutes suspendues d’un seul côté. Ces clochettes sont assez grandes pour loger l’extrémité du doigt, ce qui les a fait comparer à un dé à coudre, d’où vient le nom de digitale.
Aucun animal ne broute la digitale, et ce fait suffirait pour prévoir qu’elle possède des propriétés énergiques. En effet, absorbée en quantité suffisante, cette plante retarde les mouvements du coeur, au point de l’arrêter tout à fait, et de causer ainsi la mort.Un grand nombre de médecins ont étudié cette propriété de ralentir les mouvements du coeur, en vue de remédier aux maladies de cet organe dans lesquelles les battements sont devenus irréguliers, trop forts ou trop fréquents.
Il résulte, de toutes ces études, que la digitale fournit le seul remède efficace dans les maladies chroniques du coeur. Cette plante, dont l’énergie est très grande, est employée sous des formes diverses, mais les manipulations qu’on lui fait subir, pour en obtenir ces diverses préparations, sont capables d’altérer ses propriétés, et on n’est jamais certain que le remède sorti d’un laboratoire sera parfaitement semblable à celui qui provient d’un autre.
D’un autre côté, les maladies du coeur ont une longue durée, et elles sont susceptibles de se reproduire après une amélioration plus ou moins prolongée. Il y a donc une grande importance à ce que les malades aient à leur disposition une préparation toujours identique, absolument semblable à elle-même, qui leur permette de reprendre le traitement qui leur a réussi précédemment, sans être astreints à des tâtonnements renouvelés à chaque rechute. C’est pour cela que nous engageons les malades, aussi bien que les médecins, à adopter le Sirop de digitale de Labélonye, qui remplit parfaitement cette condition d’uniformité de composition. En effet, depuis plus de trente ans, ce sirop a toujours été fabriqué exactement de la même façon, avec la plante récoltée dans les mêmes conditions de saison, de terrain et de maturité. Les propriétés essentielles du Sirop de Labélonye sont celles de la digitale elle-même ; elles consistent à ralentir et à régulariser les mouvements du coeur, lorsqu’ils sont violents et déréglés ; à calmer l’irritation du système nerveux ; à augmenter la fonction urinaire ; à diminuer la toux et l’oppression, lorsqu’elles sont causées par le trouble de la circulation.
Mode d’emploi – Il ne fait pas oublier que le sirop de digitale est un remède sérieux, dont l’emploi doit être surveillé. Nous avons l’habitude de régler les doses par cuillerées à café. Les premiers jours, on en prende deux cuillerées à café le matin, dans un verre d’eau, et autant le soir. Après quelques jours, on peut prendre encore deux cuillerées vers le milieu du jour, et trois ou quatre jours plus tard, deux cuillerées vers le milieu de la nuit, ce qui fait, pour les 24 heures, huit cuillerées à café en tout. On peut augmenter la dose totale, successivement, jusqu’à douze cuillerées à café, ce qui correspond à trois cuillerées à bouche ; mais on ne doit pas aller au-delà sans l’ordre du médecin.
Bien entendu, on n’augmente pas ainsi les doses sans y être obligé par l’insuffisance de l’effet.
Il importe que les doses soient écartées les unes des autres, afin que l’estomac ne renferme, à la fois, que la plus petite quantité possible du remède. Si, après plusieurs jours d’emploi du sirop, on s’aperçoit de quelque dérangement d’estomac, comme envie de vomir, douleur, langue sale, il faut interrompre le remède pendant deux ou trois jours, et recommencer par une quantité moindre. Après avoir fait ainsi quelques tâtonnements, on est fixé sur la dose que l’estomac peut supporter. Au reste, dans tous les cas, il ne faut jamais prendre la digitale pendant plus de huit ou dix jours, sans faire une petite interruption, alors même que l’on n’y est pas forcé par quelque malaise d’estomac.
S’il s’agit de battements de coeurs irréguliers, trop forts et trop fréquents, sans qu’il ait enflure des pieds, on continue à prendre le sirop jusqu’à ce qu’on ait obtenu une amélioration satisfaisante, sans prétendre arriver à une guérison complète et radicale. On recommence à prendre le remède, lorsqu’on sent que le mal veut reprendre le dessus.
S’il s’agit d’un hydropisie, avec ou sans dérangement du coeur, on règle les doses de manière à ce que la quantité d’urine soit sensiblement augmentée, sans vouloir aller trop vite, et on continue jusqu’à ce que l’anasarque ait entièrement disparu.
S’il s’agit d’une oppression, d’une toux humide, entretenue par un dérangement du coeur, il faut revenir souvent à l’emploi du sirop de digitale, en prenant les doses petites et souvent répétées, pour éviter de fatiguer l’estomac.
Généralement, l’effet utile de la digitale ne se fait pas sentir le premier jour.
Pendant l’usage du sirop de Labélonye, il faut se nourrir comme on a l’habitude de la faire. Il faut seulement avoir soin de prendre le remède une heure avant le repas, ou deux ou trois heures après.
Chez les enfants, il est rare que l’usage de la digitale soit indiqué, et il ne fur jamais l’employer, dans ce cas, sans l’ordre du médecin.
Les personnes qui ont besoin d’employer la digitale se trouvent bien d’une purgation fréquente selon nos principes ».
- Manuel de médecine, d’hygiène, de chirurgie et de pharmacie domestiques par Dehaut…24ème édition, Paris, chez l’auteur, 1902