Du XVIe au XVIIIe siècle : de l’apothicaire au pharmacien

Du XVIe au XVIIIe siècle :

de l’apothicaire au pharmacien

La période des communautés

 

Les Armes de la Compagnie des Apothicaires et Épiciers de Paris

(Début XVII°siècle), d’après un manuscrit de la Faculté de Pharmacie de Paris

 

 

A partir des ordonnances de Charles VII en 1484, c’est au développement d’une organisation corporative que nous allons assister pendant les siècles suivants. Le premier souci de la communauté fut d’élever le niveau des études de l’apothicaire et d’exiger de lui un long et minutieux apprentissage que sanctionneront des examens sévères. La Communauté d’apothicaires exige que le plus humble emploi à l’officine soit occupé par un garçon issu d’une famille honorable dont les « pères et grans pères bénéficient de tout respect ». la famille doit être aisée car elle aura à payer un apprentissage et des examens coûteux pour l’époque, mais surtout, il faudra acheter une officine et constituer les stocks nécessaires. C’est aussi l’époque où le catholicisme s’impose : les apprentis doivent être « nourris de la foi catholique, apostolique et romaine ».

Le processus pour devenir Maître-apothicaire est semé d’embûches. Au delà de l’apprentissage lui-même qui dure plusieurs années, il faut se prêter à une succession d’épreuves qui se termine par un Chef-d’Oeuvre devenu obligatoire au milieu du XVI° siècle. Il consistait à effectuer diverses préparations indiquées par les Gardes : un opiat, un sirop, un onguent, une tablette d’électuaire ou un looch, une « poudre cordiale », un emplâtre. Les compositions avaient lieu à huit-clos. Ensuite, le Maître apothicaire devait prêter serment devant les Maîtres apothicaires de la jurande, ou devant les Consuls ou Gardes selon les villes. Il pouvait alors enfin ouvrir « boutique » après en avoir fait vérifier l’agencement par les Gardes ou les Bayles, quelquefois par un médecin-délégué. Il fallait aussi ne pas s’installer trop près d’un confrère !

Par rapport au XIII° siècle, en estime que vers 1680, le nombre des officines ouvertes en France s’était multiplié par plus de deux cents. Au début du XVII° siècle, non seulement les grandes villes comme Toulouse ou Lille comptaient une trentaine d’apothicaireries, mais des officines s’étaient ouvertes dans bien des bourgs de moindre importance. La séparation de l’apothicaire et d’autres marchands d’épices, herboristes ou droguistes ambulants, était consommée. L’officine ne diffère guère de celle du Moyen-âge. Elle est encore ouverte sur la rue, d’où l’on peut apercevoir les pots de faïence à canon, bien alignés sur les étagères. A mesure que s’écoulent les siècles, le mobilier et le matériel se perfectionnent. Avec la table à tamiser, la table à balances et ustensiles, la montre à antidotaire, la paillasse de marbre à mortiers, la table de pierre ou de faïence à malaxer baumes, emplâtres et cérats, les comptoirs de vente et d’empaquetage avec les tabourets, la chaise caquetoire réservée aux médecins, le doussier ou grand banc de bois à coffre sur laquelle s’assoit le maître pour recevoir les clients et surveiller les préparations, avec les escabeaux et commodes à tiroirs, il ne reste guère de place pour évoluer.  La clientèle n’attend plus : les médicaments sont livrés à domicile. N’ayant pas de numéros dans les rues, la boutique s’ornait d’une enseigne sous laquelle on désignait le maître. On allait ainsi acheter des drogues au Singe qui pile, au Mortier d’Or, au Heaume, à l’Ours qui boit, etc.

Les formes professionnelle civile que représentaient les Communautés corporatives allait donc remplacer devant les autorités celle des confréries ou associations purement religieuses. Mais celles-ci subsisteront avec leurs statuts particuliers.  Les Communautés étaient dirigées pour les trois cinquièmes par les seuls apothicaires. Les dirigeants de ces Communautés professionnelles se nommaient jurés, gardes, ou maîtres-regardes. Dans le Midi, on les appelait des bayles, des consuls, des recteurs. Ailleurs, des sobeyrans (souverains), des syndics, des prévôts ou comme à Cambrai des mayeurs. Le nom le plus couramment usité fut pourtant celui de Garde ou de Juré.
 

L’apothicaire était tenu d’exécuter telle quelle l’ordonnance médicale. Il arrivait que l’apothicaire manquât d’un des produits ordonnés. La question du qui pro quo se posait alors. Le Parlement de Paris homologua en 1536 une liste légale de produits de substitution (qui pro quo) dressée par six professeurs de la aculté de Médecine. Lorsque l’ordonnance était transcrite sur le livre (l’ordonnancier), les initiales Q.P.Q. indiquaient la substitution en face du produit ordonné. 
 

Cette période intermédiaire entre le moyen-âge et l’époque moderne voit la poursuite et développement de l’usage des médicaments provenant des 3 règnes : ceux issus des animaux sont nombreux : on utilise le sang, sec ou frais, la cervelle, les reins, la bile et le pancréas, les os, les graisses, mais aussi les dents, la poudre d’ivoire, les génitoires de bouc, de lièvre et de castor (le castoreum), le poumon de renard, les excréments d’origine animale ou humaine, l’urine de même que la faune aquatique (grenouilles, tortues, etc.). Les insectes ont aussi leur place comme les fourmis qui étaient utilisées comme aphrodisiaques. Quatre métaux ont par ailleurs tenu une place de choix dans la thérapeutique du XVI° au XVIII° siècle : l’antimoine (tant il rendait malade les moines qui en étudiaient les vertus), le fer, le plomb et l’or. Les Boules de Mars ou de Nancy étaient le médicament à base de fer le plus en vogue. Enfin, les plantes restent au coeur des traitement médicamenteux et l’usage des végétaux exotiques va prendre son essor : la grande découverte des Indes Occidentales, les tours d’Afrique par le Cap, les installations de comptoirs au Canada, au Mozambique, au Malabar, le voyages en Chine vont enrichir considérablement notre pharmacopée. C’est ainsi que les Amériques nous apportèrent la salsepareille, le copahu, la vanille, la pomme de terre, le gaïac, le baume de tolu, le quinquina, etc. Tantôt ce sont les feuilles et les tiges qu’on utilise comme avec le séné  et la rhubarbe, tantôt les sucs sont obtenus par pressage, tels ceux de guimauve, de réglisse ou de gui qui forment la base des pâtes pectorales, des tisanes ou des élixirs. Un des plus célèbres de ces derniers est la fameuse Eau de Mélisse du Grand Couvent des Carmes de la place Maubert à Paris. Tous ces produits d’origine variée rentrent dans la préparations de formules complexes comme les électuaires : l’électuaire représentait un des triomphes de l’art apothicaire. Au point qu’on le nommait parois Hiera (saint) ou Catholicon (universel). Constitué de substances choisies (electio), il était composé de poudres fines mêlées à du miel, du sirop épais ou une résine ou gomme. Lorsqu’il y entrait de l’opium, il prenait le nom d’opiat. L’officine du XVIII° siècle nous a laissé une cinquantaine de formules applicables à un nombre considérable de maladies. Outre la thériaque, les électuaires les plus connus étaient le diascorum, inventé par Frascator comme astringent, le Catholicon double, purgatif. Le looch connut également un grand succès, de même que les bouillons.

Au XVIIIème siècle, beaucoup de remèdes secrets sont répandus sur le territoire français et  les pouvoirs publics essaient de moraliser, d’assainir le commerce des spécialités pharmaceutiques. Louis XV crée une Commission pour controler ces produits. Pour en savoir plus… . Certains de ces remèdes secrets sont restés célèbres comme le Rob de Boyveau-Laffecteur, médicament antisyphilitique qui eut une histoire commerciale mouvementée.

L’apothicaire disparait à la fin du XVIII° siècle et laisse la place au pharmacien

 Références :

Histoire de la Pharmacie en France des origines à nos jours, Maurice BOUVET, Occitania ed. , Paris, 1937, 445 p.

Petite histoire de la pharmacie. Maurice Percheron, Madeleine Le Roux, Edouard Aubanel Ed., 1955

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