Nous avons vu dans une première partie plusieurs journaux humoristiques destinés à divertir les professionnels de santé. Cet humour « carabin » n’est pas nouveau. La profession médicale a donné lieu à beaucoup de caricatures très diverses, et plus spécialement à partir du XIX° siècle. On connaît par exemple tous les dessins de Daumier qui consacra plus d’une centaine de planches au corps médical. La tradition littéraire la plus ancienne implique les médecins dans l’éternel procès qu’intentent les mécontents aux institutions établies, et les mals-portants à ceux qui ne les guérissent qu’imparfaitement ou trop lentement. La satire de cette profession a toujours paru pertinent et même finalement utile à ceux qui l’exercent. L’industrie pharmaceutique au XX° siècle va profiter de cette tradition et financer des journaux humoristiques comme nous l’avons vu précédemment. C’est le choix que fit l’OVP (Office de Vulgarisation Pharmaceutique, créé en 1927) et Louis Vidal avec la création de la fameuse Revue Ridendo qui va paraître de 1933 à 1977, et qui fut un excellent support publicitaire pour les produits pharmaceutiques. Le journal, « temple de l’humour grivois », permit à Logeais, Marinier, Lebrun et bien d’autres de mettre en scène les médecins et les patients.
Louis Vidal (1878-1945) est né à Paris le 4 mars 1878. Ni médecine, ni pharmacien, il avait commencé son activité pharmaceutique en 1906 avec son associé Henri George. Louis Vidal va innover dans trois domaines : 1) le recueil des données sur les spécialités pharmaceutiques naissantes, sous la forme de fiches pharmacologiques, puis du Dictionnaire (à partir de 1914) qui porte son nom encore aujourd’hui ;2) la visite médicale que Louis Vidal va institutionnaliser et mener à la création de l’office de vulgarisation pharmaceutique (O.V.P.) ; 3) Louis Vidal va également développer considérablement la publicité pharmaceutique dans la presse grand public. Plusieurs spécialités bénéficieront de ces efforts conjugués, comme le Romrène (Beaufour), la Bi-Citrol (Marinier) ou encore le Sympatyl (Chantereau).
C’est le 31 octobre 1933 qu’est diffusé le numéro 0 de Ridendo, « Revue gaie du médecin ». Dans ce premier numéro Louis Vidal explique longuement sa démarche, la revue succédant à plusieurs autres de l’O.V.P. : « Les maladies modernes », « les maux historiques », « les travaux d’Hercule », etc. « Ses collaborateurs, dit-il, s’efforceront… d’amener le sourire sur vos lèvres. S’ils vous égratignent parfois, soyez indulgents et… souriez :
ce ne sont point de « méchantes gens ». Puissent ces premières pages vous distraire… ». Louis Vidal explique aussi que le journal, glissé dans le courrier du médecin deux fois par mois, veut apporter un peu de sourire et de blague de Paris « avec ce qu’il est permis de licence entre disciples d’Esculape ». On peut penser que le titre de la Revue fait référence à la phrase d’Horace : « Ridendo dicere verum quid vetat » (Qui empêche de dire vrai en riant ?).
Dans ce premier numéro de 1933, on peut lire l’histoire suivante : « Le « coup » de la baronne : Ce célèbre professeur qui s’est spécialisé dans les maladies de coeur n’est pas, à l’instar de tel héros d’une pièce moderne, le Maître de son coeur » au figuré naturellement. Depuis une dizaine d’années, une dame, que les familiers disent être « la gouvernante » du maître, veille jalousement sur la tranquillité du grand patron. Dès qu’une jolie « consultante » demeure dans le cabinet du Maître plus d’un quart d’heure, l’impétueuse maritorne s’arrange pour pénétrer dans le cabinet de consultation. En général, elle ouvre la porte, l’air affolé, en s’écriant : « -Venez vite, Docteur, la baronne a ses vapeurs ! » La scène est classique. Aussi bien, l’autre jour, une délicieuse consultante, au courant de ces habitudes, entra chez le Maître déclarant : »Docteur, je viens pour une consultation importante et qui va durer assez longtemps ; je vous conseille donc d’aller voir tout de suite où en sont les vapeurs de la baronne, de manière à ce que nous soyons tranquilles après !… ». Divers textes humoristiques traitant de l’actualité, des blagues, des histoires vécues mais cocasses, des saynètes, des portraits de « patrons », des dessins quasiment tous inédits, le plus souvent médicaux (60-90%) mais pas exclusivement feront le succès de cette revue pendant plusieurs décennies. Des rubriques récurrentes comme « Les médecins vus par…« , « De la dernière couvée« , « Le toubib déchaîné« , « Collaborez, amis lecteurs« , des mots croisés orientés médecine, ainsi que divers textes, plus ou moins nombreux selon les années, rédigés parfois par des auteurs connus (Alphonse Allais, Tristan Bernard, Courteline, Dorgelès, Guitry, Eugène Mouton, Sheridan…), toujours pleins d’humour et souvent centrés sur le milieu médical.
Le journal prend son rythme de croisière en janvier 1934, cessera sa parution de juin 1940 à 1948, et perdurera finalement jusqu’en 1977. Il fut malheureusement stoppé en 1977 par le ministère de la Santé, faute de renouvellement de sa commission paritaire et du fait que le ministère de la Santé de Mme Veil voyait d’un très mauvais œil les publications de divertissement adressées aux médecins !
Nous allons voir quelques uns des numéros des années 1930. Parmi les très nombreuses petites histoires du journal, voici celle que l’on trouve dans celui d’avril 1939 : « Récemment, un journal avait ouvert une enquête, -il faut bien s’occuper un peu les jours d’hiver quand on ne peut pas travailler dans le jardin, – pour savoir quelle pièce on pouvait désirer voir s’ajouter au répertoire de la Comédie-Française, et la plupart des personnalités plus ou moins éminentes que l’on a interrogées ont répondu que leur plus cher désir était de voir Knock, de Jules Romains, entrer dans la maison de Molière.
Ainsi, nous rentrons dans la grande tradition classique et après les médecins de Molière, nous aurons les médecins de M. Jules Romains. Je veux bien, mais je n’arrive pas à comprendre la satisfaction que goûtent les spectateurs quand on fait une plaisanterie qui atteint les médecins. Deux traits font toujours le plus gros effet : ceux qui sont dirigés contre les politiciens et ceux qui sont dirigés contre les toubibs. Les politiciens, je ne vais pas prendre leur défense, mais dans un pays de suffrage universel, les électeurs ont ceux qu’ils méritent. Mais pour les médecins, après avoir bien ri de toutes les plaisanteries que l’on peut faire sur eux, les spectateurs n’éternuent pas sans se précipiter au téléphone, pour réclamer les soins d’un docteur en qui ils disent n’avoir aucune confiance quand ils se portent bien, mais à qui ils se livrent tout entiers, dès que leur thermomètre dépasse 37°5.
Je ne vais pas prétendre qu’un médecin peut faire des miracles et ressusciter les morts, mais il sait des choses que je ne sais pas et cela me suffit pour lui demander des renseignements et des remèdes, ce qui ne m’autorise pas, dès que je vais mieux, à me moquer de lui. Je ne dis pas ça pour leur faire plaisir, mais j’ai la même impression quand on débine un médecin que celle que j’ai quand, dans l’escalier, des invités débinent les hôtes dont ils viennent de manger la cuisine. Si ces gens-là ne leur plaisent pas, ils n’ont qu’à ne pas aller chez eux.
Mais le répertoire de la Comédie-Française ne vaut pas que je me fâche , d’autant, sauf erreur, que M. Jules Romains, sous un nom moins solennel, est médecin lui-même et peut-être n’est-ce pas lui qui a renoncé aux malades, mais les malades qui ont renoncé à lui. Supposition gratuite ! Mais les médecins peuvent peut-être croire qu’il est plus fait pour la littérature que pour la médecine. » Dans le même journal de 1939, Miguel Zamacois écrit des « impressions aiguës chez le dentiste », en rimes, dont voici un extrait : « Sur votre bouche, les dentistes ont des émotions d’artistes.
L’amour et le vertige aidant, vous craignez qu’ils entrent dedans ! Pour vos plaintes plus ou moins vives, ils ont des phrases incisives, et, quand vous vous levez fâchés, disent en souriant : « Crachez ». Mais après tout, le mieux à faire, c’est de souffrir et de se taire ; si les dentistes par métier, mangent à votre râtelier, vous leur devez, vous, en échange, la dent qui guérit ou se range ; ils ont d’utiles cruautés ; les dents sont leurs enfants… gâtés ! »
Enfin, ce texte de George Auriol, « Sa Crotte » mérite d’être relu : » Le gros peintre Belge, Van Merluche, avait une délicieuse petite maîtresse, qu’il appelait avec tant d’affectation Ma Crotte, que nous, bons diables, nous avions fini par la dénommer Sa Crotte. C’était fatal. Et je ne vois rien là-dedans, qui puisse vous étonner outre mesure, ni même vous scandaliser. C’était une petite femme, futée comme un rat et gaie comme une linotte, et drôle et pétillante, et d’un esprit ! Ah ! on ne s’embêtait pas avec elle, je vous en réponds ! … Peut-être y avait-il quelque exagération à l’appeler Sa Crotte, car, au fond, elle ne l’était pas exclusivement. Le vendredi il dînait chez elle et lui rendait ses petits devoirs, mais le reste du temps, elle était Notre Crotte ou La Crotte d’un tas de gens, que je ne saurais dire.
Dame, l’homme n’est pas parfait. Sans cela, au lieu de m’échiner à écrire des œuvres fortes, pour vous former l’intellect, est-ce-que je ne resterais pas, tranquillement, dans mon rocking-chair, à fumer ma pipe : Donc, un jour, qu’ils devaient aller au théâtre ensemble, ils étaient, tous les deux, dans le cabinet de toilette. Elle se coiffait. Lui, mettait ses chaussures. Et il avait un mal de chien à les enfiler, -vu que, lorsqu’ils sortaient ensemble, elle exigeait qu’il eut des bottes fines- et, celles-là, étaient justement trop petites.
Il avait donc une botte de mise, et il soufflait, regardant sa femme, laquelle était occupée à convenablement tordre, tortiller et retortiller sa fausse natte. Au bout d’un moment, lorsque sa respiration fut redevenue plus calme :
– Je ne comprends pas, fit-il, comme tu n’es pas honteuse, vraiment, de te mettre sur la tête les cheveux d’une autre femme, ma chère.
Elle regarda, avec un infini dédain, puis, montrant les bottes fines :
-Eh bien ! et toi, dit-elle, tu n’es pas honteux de mettre tes pieds dans la peau d’un autre veau ? ».
RIDENDO eut un succès considérable, comme le montrent les études d’audience en 1963 qui le classait n°1 des revues lues par les médecins. Le numéro 0 de 1933 donne le ton. Dans le n°200, de mai 1956, André Therive donne la clef du journal : D’habitude, dit-il, on ne cherche les ressorts comiques que chez son voisin. Ainsi, les profanes aiment à blaguer les médecins. Dans notre Ridendo, les médecins ont l’originalité de se blaguer eux-mêmes, sans épargner, bien sûr, leurs auxiliaires et leurs clients. « Ils contribuent ainsi à maintenir leur bonne humeur, malgré les aléas du métier, les caprices du fisc et les vicissitudes de la science. Il faut toujours, quand on est chargé d’un sacerdoce, en découvrir les aspects plaisants avec la gravité ». Ridendo est en tout cas l’occasion de peindre le médecin sous des jours très divers et pas forcément flatteur. Il peut être tour à tour indifférent au patient ou au contraire très sensible au charme de ses patientes. Ce dernier thème est d’ailleurs souvent repris dans les supports publicitaires mettant en scène le médecin !
S’il était possible de s’abonner, le magazine était surtout distribué aux médecins gratuitement (11 000 abonnés en 1937, 17 000 en 1950) grâce au financement par les Laboratoires Pharmaceutiques et leurs publicités. Les 451 numéros représentent 12 620 pages, une hauteur de 75 cm et près de 10 000 dessins d’humour ! Ridendo possédait 28 pages environ. Une sorte d’édito intitulé « Les jeux et les ris de Ridendo » fut présent durant la totalité des numéros. Reflet des mœurs de l’époque, de l’évolution de la société, ces textes courts et nombreux portent un regard amusé, moqueur ou féroce sur le quotidien du médecin, sur les dysfonctionnements des institutions, sur les écarts des politiciens ou sur des faits divers. Avocats, notaires, comptables sont aussi souvent la cible de joutes verbales assez savoureuses.
C’est Robert Dieudonné qui alimente cet édito du 1er numéro au n° 119 avec beaucoup de talent, il meurt en septembre 1940 à 62 ans. C’est Jean-Paul Lacroix reprend cette rubrique jusqu’en juillet 1949 (n° 132), relayé par André Thérive jusqu’en octobre 1967 (n° 313), c’est ensuite Pierre Neuville qui prend les commandes jusqu’en mai 1972 (n° 390). Jean-Paul Lacroix réapparait alors dans cet édito, vingt ans après l’avoir quitté et l’anime jusqu’au dernier numéro.
Ridendo se caractérise par la richesse des couvertures sur lesquelles se sont essentiellement exprimés les dessinateurs Jean Touchet, avant la seconde guerre mondiale et Lep après celle-ci. Toutes les couvertures sont illustrées d’un bonhomme rondouillard, représentation d’un Esculape sage et apte au rire. La revue organise par ailleurs des concours avec de nombreux prix sous forme de livres, souvent très richement illustrés, sur papiers rares. On peut aussi noter, au fil des numéros, l’apparition de séries souvent très intéressantes:
-une série originale de dessins de Sauvant W. Maurice, appelée « Micro-dialogues », sur les éléments sanguins
-une série de dessins de Silvant intitulée « La médecine à l’âge de pierre »
-une série intitulée « Bichonnet infirmier » qui conte en 4 dessins par page les mésaventures d’un infirmier, dessinée par Moinss,
-une excellente série de Lep intitulée « Le nouveau dictionnaire médical »
-une série de Doucet intitulée « Mam’zelle Irma, infirmière de 1ère.. »
-une autre excellente série de Raymond Lep qui s’étale sur plusieurs mois avec toujours beaucoup d’humour intitulée « Les sciences médicales » comme la cardiologie, la chirurgie, la médecine légale, l’hydrologie etc.
Puisque nous évoquons quelques dessinateurs, parlons-en ! De nombreux dessinateurs œuvrèrent pour Ridendo, certains débutèrent quasiment dans celle-ci comme Jean Bellus. Quand on recense tous ces dessinateurs, on est surpris par la quantité de dessinateurs occasionnels qui ne fournirent que quelques dessins ; de nombreux médecins, ayant un certain talent en dessin, ont aussi envoyé leurs propres productions. Particularité de la revue: jusqu’au début des années 60, la totalité des dessins sont des inédits, mais à partir de cette époque, la revue intègre des dessins paraissant aussi dans d’autres revues, ce fut le cas avec des dessinateurs très demandés comme Elbé et Lavergne… Si tous n’ont pas acquis une notoriété qui a traversé le 20ème siècle, beaucoup de dessinateurs ou illustrateurs connus et maintenant recherchés, œuvrèrent pour Ridendo comme Alexandre, Bellus, Caille, Chaperon, Dubout, Effel, Farinole, Hémard, Lavergne, Lep, Peynet, Touchet.
Les dessinateurs ne semblent pas avoir connu la censure avec Ridendo et ont bénéficié d’une liberté de ton à laquelle ils n’étaient pas habitués si l’on en croit Pierre Farinole qui, dans son ouvrage « C’était pour rire » aux Editions Vautrain en 1953, écrit en parlant de Ridendo:
Tout autre était l’humour qu’il fallait présenter à Ridendo, « revue gaie pour le médecin »; les toubibs, généralement bienveillants, depuis leur temps de salle de garde, pour la gaudriole de haut goût, formaient eux-mêmes le fond de la collaboration, avec une crudité bien gauloise et une truculence semi-scientifique, qui portaient en elles un hommage inégal à l’inégalable Rabelais.
La place que nous laissait dans cette publication luxueusement éditée leurs envois bénévoles, il fallait bien la remplir d’un suc de la même veine, et c’est dire que nous laissions libre cours aux penchants les plus licencieux et notre subconscient, en même temps que nous cherchions nos sources dans le « Larousse médical ».
Pratique assez courante à l’époque, le lecteur attentif remarquera au fil de ses lectures que parfois la même « blague », le même « jeu de mots » peut se retrouver à quelques mois d’intervalles sous le crayon de dessinateurs différents. Certains dessinateurs utilisaient aussi des pseudos et pouvaient ainsi proposer plus de dessins comme Robert Lenoir qui signait Robert Le Noir ou Robert Black, Lep pseudo de Leprêtre qui signait aussi sous son vrai nom. Remarquons aussi que sur certains dessins parus en 1940, quelques dessinateurs signent leurs dessins en spécifiant leur régiment où ils sont mobilisés à l’image de Ferraz au 117ème RI ou de Jean Bellus au 11ème RI. Quelques dessinateurs disparaissent pendant cette seconde guerre mondiale comme Bécan, Carrizey, Robert. Parfois un dessinateur avait la liberté de s’exprimer sur une pleine page, voire sur une double page, racontant ainsi une histoire à l’aide de nombreux dessins ou évoquant un thème spécifique. Ce fut très souvent le cas avec Marcel Prangey et Raymond Lep.
Cet ensemble de dessin mérite de dire quelques mots des dessinateurs les plus importants.
Jean Bellus est né à Toulouse en 1911. Son père était négociant en vins à Perpignan. Très bon élève, il est admis à l’Ecole des Arts Appliqués. Il aurait aimé faire une carrière artistique mais il se heurte à l’avis de ses parents et entre alors dans une entreprise de confection. N’ayant pas perdu son goût pour le dessin, il présente à Marianne, en 1933 une série sur le nudisme. Il travaille aussi au Rire. Jean Fayard lui publie des dessins dans Ric et Rac, puis dans Candide. Jean Nohain l’appelle à Benjamin, où il crée, pour la jeunesse, le personnage vite populaire de Georgie. Mobilisé pendant la guerre, il est fait prisonnier et ramène de sa captivité l’album « Humour verboten ». Il collabore ensuite à Minerve, Ici-Paris, Jours de France. Il fut le créateur de Clémentine, inspirée de Caroline Chérie, et de sa famille, français moyen type des années 50. Bellus a été l’un des plus populaires humoristes de cette période. En 1954, Bellus réalise pour Le Brun « Comment on s’enrhume » en 12 images, puis, en 1959, « Comment on s’enrhume à la montagne ». Il est également l’auteur d’une série de dessins humoristiques « Secrets de nos belles amies ». Bellus s’est éteint en 1967.
Jacques Faizant (1918-2006) : Né le 30 octobre 1918 à Laroquebrou (Cantal), Faizant avait commencé à dessiner à la fin des années cinquante pour le magazine de Marcel Dassault Jours de France. Il était passé au Figaro en 1960, où son premier dessin à la une du journal avait été publié en 1967, avec comme personnage principal le général de Gaulle, auquel il vouait une profonde admiration. Mais Faizant, quels que soient ses engagements, était bien un dessinateur. L’utilisation des aplats noirs, dont il était l’un des maîtres, la capacité de résumer en un dessin la quintessence de l’actualité, que sa lecture soit de droite ou de gauche. On estime que Jacques Faizant a produit plus de 50 000 dessins au cours de sa carrière. Il va réaliser un ensemble de dessins pour Schoum : « Les personnages de la schoumologie »
Jean Effel (1908-1982) fait aussi partie des dessinateurs qui ont fortement contribué à illustrer la publicité sur le médicament au XX° siècle. De son vrai nom François Lejeune (F.L.), il fut l’auteur de nombreux dessins publicitaires. Son père, fabricant de broderies, n’a cru que tardivement en son talent. Et pour « F. L. », comme pour beaucoup d’artistes de cette époque, il y a eu dans sa volonté de dessiner une « espèce de révolte ». Le résultat, c’est que ses dessins sont avant tout de la poésie.
« Une façon d’éviter d’écrire », comme le note André Carrel. Jean Effel a étudié l’art, la musique et la philosophie à Paris. Après avoir échoué à faire carrière en tant que dramaturge ou peintre, il commence à placer ses illustrations dans divers périodiques français (Paris-Soir, Le Rire, Marianne, Le Canard enchaîné, L’Os à moelle, etc.). Il devient bientôt l’un des illustrateurs les plus courus de France. Parmi les oeuvres les plus importantes de Jean Effel figurent un recueil de caricatures anti-fascistes (1935), le conte pour enfants Turelune le Cornepipeux (1944) et la série La Création du Monde, lancée en 1937. Hommage assez rare pour un humoriste, un timbre-poste lui a ainsi été consacré en 1983. Effel va contribuer à plusieurs campagne de publicité pour les médicaments : ATOPHAN CRUET et pour le Vaposulfum des Laboratoires Brisson. Comme Peynet, Effel participe à la série « Comment on s’enrhume » et illustre plus spécifiquement « Comment on a commencé à s’enrhumer », pour le compte des Laboratoires LE BRUN en 1960. On y voit évoluer Adam et Eve en 12 images Cinq ans plus tard, en 1965, il réalise une nouvelle série de dessins autour de « Comment on s’enrhume chez Molière ».
Un autre dessinateur intéressant est le peintre illustrateur Jean Droit (1884-1961)(le père de Michel Droit). Jean Droit est né le 28 août 1884 à Laneuville, près de Nancy (Meurthe et Moselle). Après des études en Belgique, il débute une carrière artistique à Bruxelles en 1908 et se fait remarquer par les critiques. On lui doit la fameuse affiche de l’apéritif Rossi. Arrive la guerre de 1914 et Jean Droit est caporal au 226ème RI de Nancy et termine lieutenant. Chevalier de la Légion d’honneur, titulaire des Croix de guerre française et belge, avec quatre citations. Ceci ne l’empêche pas de poursuivre son œuvre de dessinateur et de peintre, publiant dans l’Illustration des œuvres exécutées au front. S’étant marié en 1922, Jean Droit s’installe à Paris et commence par exposer ses tableaux. On lui doit par la suite l’illustration de nombreux ouvrages, la réalisation d’affiches (dont celle des Jeux Olympiques de 1924), de décorations murales et de dessins. Mobilisé en 1939, Jean Droit fut à nouveau cité et fait officier de la Légion d’honneur. Sa dernière œuvre date de 1960. Il a participer à plusieurs campagnes publicitaires pour le compte de l’industrie pharmaceutique. On le trouve associé au Laboratoire Daniel-Brunet qui édite une Revue « Les Sources scientifiques, littéraires et anecdotiques ». Dans le n° 1, Jean Droit illustre un poème intitulé « Soufflons la chandelle », introduit par une phrase de Victor Hugo : « L’homme qui ne médite pas vit dans l’aveuglement ; l’homme qui médite vit dans l’obscurité. Nous n’avons que le choix du noir ».
Jean Droit illustre également des documents pour plusieurs produits des laboratoires Pepin et Leboucq ayant pour thème « la femme dans la littérature. Il travailla aussi pour le Laboratoire de Médecine Expérimentale de Beauvais, et pour les Laboratoires Logeais pour le Panxylon. Ses dessins sont également très nombreux pour les Farines Jammet.
Raymond Peynet va également largement participer aux documents publicitaires de la pharmacie. Raymond Peynet est né le 16 novembre 1908 à Paris. Pour Noël 1916, le jeune Raymond reçoit en cadeau une boite de crayons de couleurs. A partir de ce jour, il dessine et illustre les marges de ses cahiers par des graphismes humoristiques. En 1925, il est admis à l’Ecole Germain Pilon de Paris qui devient l’Ecole des Arts Appliqués à l’Industrie et apprend le dessin publicitaire. C’est chez Tolmer, studio de créations publicitaires au début des années 1930, que Peynet crée ses premières affiches, des encarts pharmaceutiques, des conditionnements de boite pour des parfums et des catalogues. Il créé sa propre agence vers 1936. Prisonnier des allemands en 1940, Peynet s’évade et a rendez vous avec un « correspondant de guerre » à Valence. Il attend sur un banc public, devant un kiosque à musique. Le kiosque à musique de Valence devient l’image symbolique de Peynat qui le représentera fréquemment dans ses œuvres. Le nom de Peynet devient vite associé aux Amoureux. Peynet a été le dessinateur pour plusieurs spécialités des Laboratoires Gabriel Beytout. Ces laboratoires avaient en effet consacré un petit opuscule sur ses spécialités, toutes illustrées par Peynet. D’autres laboratoires font appel à lui, en particulier les Laboratoires Couturieux pour le Glésol. Il participe également à la fameuse série « Comment on s’enrhume » des Laboratoires LE BRUN. Ce dernier eut l’idée sur une période de près de 15 ans de faire appel aux artistes de l’époque (1953-1967) pour illustrer ce thème.
Peynet y participe une première fois en 1953 puis en 1962. Il illustre aussi la publicité pour Decontractyl des Laboratoires Robert et Carrière.
Albert Dubout est né le 15 mai 1905 à Marseille. Après des études au Lycée de Nîmes où il a pour camarade Jean Paulhan, puis à l’École des Beaux-Arts de Montpellier. Il monte à Paris à 17 ans. Ses premiers dessins sont sortis dans L’écho des étudiants de Montpellier en 1923. En 1929, Philippe Soupault, directeur littéraire aux éditions Kra, lui fait illustrer son premier livre : « les embarras de Paris » de Boileau. Il illustre près de quatre-vingts ouvrages dont dix huit recueils de dessins. Il collabore à divers journaux et revues dont Le Rire, Marianne, Eclats de Rire, L’os libre, Paris-Soir, Ici-Paris…Il réalise aussi des affiches de cinéma et de théâtre ainsi que des décors. Il travaille dans la publicité, fait de la peinture à l’huile (Il a réalisé 70 tableaux), et dessine de nombreuses couvertures de livres et des pochettes de disques. Comme Sennep, il réalise des dessins pour illustrer des publicités des Laboratoire Fraysse (Revitalose, Dienoestrol) et pour Beytout et son aerophagyl. Comme Sempé, Effel, Peynet et d’autres, Dubout prête son crayon pour la série « Comment on s’enrhume » des Laboratoires LE BRUN. En 1956, Dubout publie « Comment on s’enrhume » en 12 images, puis, en 1966, la série « Comment on s’enrhume en vacances
Moellic (1907-2004) : Marc Moallic est né à Lorient en 1907. Issu d’une grande famille de pêcheurs bretons côté paternel, sa mère était originaire de Saint-Etienne. « Un marin qui va a la rencontre d’une terrienne », dit-il. Marc Moallic suivra ses études au Lycée Peiresc à Toulon où il réussira son BAC avec succès. Il rêvait d’être marin ou pêcheur, pour suivre la lignée de sa famille. Il en fut autrement. Son oncle paternel a été le premier à réaliser, à bord de son voilier « l’Etoile du matin », la traversée Douarnenez-Dakar avant 1914. Il se passionne pour le football lorsqu’il jouait en 1925 à Toulon, au Pont-de-Uve. Puis il se souvient encore que son professeur de dessin, M. Brunel s’aperçut rapidement de ses dons cachés de dessinateur. Sur ses conseils, il suivit les cours à l’école des Arts Déco et les Beaux-Arts à Paris ». Il vivait en 1930 dans un grenier. Il débute sa carrière de dessinateur humoristique dans le journal « Pêle-mêle » et dans « La vie de Garnison ». Il signait Ker-ma, diminutif de sa ville natale Kermalen. C’est au retour de son service militaire qu’il signe « Moallic ». A partir de ce moment, sa carrière de dessinateur humoristique va avoir un départ fulgurant. Plusieurs journaux, notamment des quotidiens le sollicitent ‘Miroir du Monde’, ‘Vu’, ‘Cinevie’, ‘Cavalcade’, ‘France Dimanche’, ‘Ici Paris’, ‘Edition Rouff’, ‘Edition Vaillant’. ‘Agence Centrale de Presse. Técipresse’, ‘Franpar’, ‘Almanach Vermot’ et diverses autres revues ». Au cours de sa carrière, il rencontrera de grands humoristes tels que Goscinny, Uderzo, Gus, Peynet. Marc Moallic va lui aussi travailler pour la pharmacie et participer par exemple à la Revue Ridendopubliée en 1939. Il participe aussi à la série « Comment on s’enrhume » des Laboratoires Le Brun et intitulé son ouvrage « Comment on s’enrhume à la mer » en 12 images (1958). Il est décédé le 20 mai 2004 à l’âge de 97 ans.
Jacques Touchet (1887-1949) est un dessinateur élève de Paul Renouard et de Louis Morin qui a participé à de nombreux journaux dans les années 1950. Il s’illustra également dans plusieurs ouvrages comme « Petits métiers à Salonique » (1916) et « Croquis d’un prisonnier de Guerre » (1918).
Armand Vallée (1884-1960), peintre français, fut aussi dessinateur de mode, affichiste, illustrateur et dessinateur humoriste. Spécialisé dans les scènes coquines, virtuose du crayon, il travailla pour de nombreux journaux illustrés : “Fantasio”, “la vie parisienne”, “Ridendo”, “Ric et Rac”, …
Charles Genty (1876-1956), élève du peintre Fernand Cormon, illustra des journaux satiriques tels que le Rire, Ridendo et d’autres, ainsi que de nombreux ouvrages. Passionné de marionnettes, il créa un petit théâtre de guignol.
Micha Misha Grdseloff, dit Greselot, est un dessinateur et caricaturiste français. Il est plus connu sous le nom de Misha.
Il est né au Caire en 1919. Sa famille d’origine russe, l’emmène en 1921 à Berlin en Allemagne. En 1933, pour fuir la montée du nazisme, ses parents retournèrent en Égypte.
Il y poursuit ses études dans des écoles anglaises et à l’Université Américaine du Caire.
Très tôt sa passion pour le dessin le conduit à envisager à faire carrière dans la presse et le dessin de presse.
Il émigre en France, en 1949, sans argent et ne connaissant personne, mais réussit rapidement à figurer en bonne place dans les pages humoristiques de la presse dont Ridendo. Il participe aussi à de nombreuses campagnes publicitaires, créant des affiches et des catalogues.
Georges Villa (1883-1965) est un dessinateur et portraitiste qui réalisa des dessins humoristiques principalement dans ses deux domaines de prédilection : l’aviation et l’escrime. C’était une figure du Montmartre des Années folles, connu pour ses caricatures et pour ses portraits ainsi que pour ses dessins érotiques au réalisme renforcé par l’utilisation du fusain et du pastel.
Georges Hautot est né le deux février 1887 à Colombes (92) mais originaire de Fermanville (Manche). Pour obéir à sa famille, il commence par suivre les cours de la Faculté de droit de Caen. Il travaille ensuite dans les Postes Parisiens et les télégraphes jusqu’en 1906. Par suite, Georges Hautot va devenir dessinateur et illustrateur et participera à beaucoup d’ouvrages.
Joseph Hémard (1880-1961) : Dans les premières années du XXe siècle, Joseph Hémard publie des dessins humoristiques et des bandes dessinées dans des journaux illustrés comme Les Hommes du jour, Le Rire, Le Pêle-Mêle, Le Bon Vivant, Nos loisirs et parmi les derniers numéros de L’Assiette au beurre (1911-1912). Il travaille à des illustrations publicitaires principalement pharmaceutiques, en particulier Ridendo. Membre des Humoristes qu’il présidera après 1918 comme successeur de Poulbot, il expose à l’Araignée et au Salon d’automne en 1919. Il a aussi écrit des pièces pour un petit théâtre parisien de Guignol créé par Charles Genty.
Raymond Leprêtre (LEP) : Ce dessinateur, né à Paris en 1900, réalisa de nombreuses illustrations à pleine page et vignettes in-texte en couleurs. Il fut sociétaire des Humoristes et se produisit dans des galas de chansonniers dans les années 50. Pour Ridendo, il a réalisé de très nombreuses couvertures de la Revue.
Au retour de la deuxième guerre mondiale, on remarque que la ligne éditoriale sollicite de plus en plus les médecins eux-mêmes afin qu’ils alimentent les rubriques de blagues, d’anecdotes, de textes, de poèmes et même de dessins d’humour. Nous allons voir quelques numéros d’après-guerre jusqu’au années 1960. Parmi les articles du journal, l’éditorial est généralement rédigé par André Thérive, avec des illustrations de LEP, autour d’un thème. Voici, par exemple, un extrait de l’éditorial de février 1954 à propos de la Saint-Valentin : « Si l’on en croit les érudits, la coutume du valentinage était jadis strictement hétérosexuelle. En ce sens qu’elle asservissait toujours un sexes à l’autre (et on se doute bien de quel côté était l’esclave). La jeune fille choisissait son prétendu le jour de la fête des Brandons, et désormais il était astreint à lui faire des cadeaux… La coutume anglaise qu’on s’efforce de propager sur notre continent veut aussi que les Valentins échangent des présents avec leurs Valentines, étant bien entendu que celle-ci se fendront de sourires et baisers, à la rigueur des cartes postales, tendis que ceux-là achèteront des choses plus substantielles et plus coûteuses. D’où nous concluons que cette fête, comme les autres, a été lancé par des confiseurs, fleuristes et bijoutiers. Hypothèse conforme au matérialisme historique, ce qui serait peu, et à la psychologie universelle, ce qui est beaucoup… »
Dans ce même numéro de février 1954, Pierre Dac raconte des « Histoires de fou » : « Le bateau a fait naufrage. Seuls deux passagers ont échappé au sinistre maritime, et ont échoué sur une île, tout ce qu’il y a de plus déserte. Les jours passent, lorsque nos deux bonshommes découvrent une bouteille, y glissent un message et la rejettent à la mer. Une bonne semaine se passe dans l’attente. Tout à coup, l’un de nos deux lascars aperçoit la bouteille qui leur revient telle quelle. Ils s’intérrogent du regard et l’un d’eux s’exclame d’un air très ennuyé : -Pas étonnant, tu as oublié de mettre l’adresse ! » De son côté, Georges Ravon qui, après avoir indiqué que les statistiques de mortalité en Angleterre sont en faveur des personnes mariées, écrit : « les chiffres prouvent donc, officiellement, que la mariage assure la longévité mieux que tous les régimes à base de lait caillé, de levure et de feuille de salades, tout en étant, dans la majorité des cas, beaucoup plus agréable….Il vaut mieux être marié qu’être mort, disait Molière. L’Administration de Sa Majesté le confirme ainsi avec éclat. »
Dans la plupart des numéros de Ridendo, on trouve une rubrique intitulée « Histoires à raconter ». Ainsi, cette histoire de septembre 1954 : « Trésor dans le nez »: « Un gosse revient de l’école en tenant un mouchoir plein de sang sous le nez. -Oh, mon Dieu ! … s’exclame sa maman, tu as eu un accident ? ; -Non, répond le gosse, c’est la faute au prestidigitateur. ; -Quel prestidigitateur ? ; – Un monsieur qui est venu nous faire des tours de magie pour nous amuser, à l’école. Il m’a fait monter sur scène et il a réussi à me faire tomber des pièces de vingt francs du nez. : -Oh, la brute.; – Ce n’est pas lui qui m’a fait mal, mais les copains. Quand il est parti, ils se sont tous mis à me taper sur le nez pour voir s’il n’y avait pas d’autres pièces. »
Voici l’extrait d’un autre éditorial d’André Thérive, de février 1955, cette fois-ci, sur le thème de la grippe : « Chaque époque a eu sa maladie à la mode. La nôtre, surtout en cette saison, a la grippe. La grippe, puisqu’il faut l’appeler par son nom, fait aux pauvres humains la guerre… eût dit La Fontaine. Après tout, cela vaut beaucoup mieux que la peste ou le choléra de nos aïeux. Et peut-être même que la goutte dont plusieurs poètes du Grand Siècle ont chanté les méfaits en vers éloquents. Et surtout que le mal de Naples que les Napolitains, à charge de revanche appelaient le mal français…. Revenons à la gripper, déesse de notre hiver parisien. Elle offre des aspects très utiles. Dont l’avantage de fournir un prétexte admirable pour couper à des corvées mondaines… Bref si la grippe n’existait pas, il faudrait l’inventer. »
En mars 1956, Thérive s’intéresse à un autre sujet : Mars et les martiens : »L’invasion des Martiens sur notre pauvre planète aura marqué une des grandes dates de l’histoire : à peu près à la moitié du XXe siècle. Jadis, on se contentait de porter quelque intérêt à des astres plus proches que Mars, par exemple à la Lune qui avait une grande réputation de poésie et de c…erie, si l’on en croit une expression populaire, mais peu romantique…. Les Martiens sont martiaux et l’on attend avec crainte leur débarquement dans une tenue qui rappelle le robot et le scaphandrier, si l’on en croit les cinéastes. Plusieurs personnes ont déjà aperçu leurs éclaireurs. un paysan de Corrèze et un garde-barrière bourguignon : ce dernier a même relevé leurs empreintes sur la voie ferrée, très analogues à celles de l’Abominable Homme des Neiges » qui, vous ne l’ignorez pas, forme une attraction du Haut Thibet (sic) »….
En novembre 1958, l’intérêt se porte sur les peintres et la peinture moderne. « Nous avons vu des peintres se tailler un gros succès en exposant deux carrés blancs et rouges, copiés sur un signal ferroviaire, ou des sculpteurs enthousiasmer la critique parce qu’ils avaient modelés un oeuf, ou une sphère parfaite, images bien connues de l’Absolu et du Total. Ce n’était encore rien. Un audacieux a conquis la gloire et, dit-on, la fortune en montrant un panneau uni, bleu ou blanc, qu’il appelait fièrement « proposition monochrome ». Mais il a été dépassé et surclassé depuis longtemps par le surréaliste qui pendit à la cimaise de son exposition un tableau intitulé : « portrait d’un imbécile ». A la place de la toile, il y avait une glace. Aucun visiteur ne s’est jamais reconnu… »
Autre rubrique de Ridendo après la guerre : celle des histoires venant des lecteurs eux-mêmes (« Collaborez, amis lecteurs »). Je relève celle-là, du docteur Charles Bessis, en mars 1955 : « Un de mes clients m’a rapporté cette histoire authentique. Il y a quelques années, alors qu’il usait ses fonds de culottes sur les bancs de l’école laïque de Laghouat (NB : en Algérie), il y eut une inspection de l’école. Dans ces territoires du Sud, à l’époque où la France en était encore au stade de la pénétration, une large part de l’emploi du temps était occupée par l’histoire de France et les exploits de l’armée française pour inculquer à ces classes composées de petits musulmans et de petits européens un sentiment national. Donc, ce jour-là, grosse émotion, tant pour le maître que pour les élèves. L’inspecteur veut interroger un élève et, comme de bien entendu, l’instituteur choisit les deux sujets les plus brillants, Marcel et Saad. S’adressant au premier : – Voyons un peu ce que tu sais… Qu’est ce que la France ? ; Marcel, à la fois honoré et plein de trac, bégaye dans sa gorge quelques syllabes, puis de façon plus claire : « – M’sieur, m’sieur… La France, c’est ma mère ». Sourire radieux de l’instituteur vers l’inspecteur. Celui-ci tapote la joue de Marcel et le félicite : C’est très bien, mon petit ; il faut continuer. Puis vient le tour de Saad qui, choisi en même temps que Marcel, veut être aussi brillant. ; -Et toi, dis-moi un peu ce que c’est que la France. Saad, plein d’assurance et le verbe net : « M’sieur, m’sieur, la France, c’est la mère à Marcel…. » Mon client m’a rapporté qu’en sortant de classe ce jour-là, il avait reçu une bonne raclée de Saad qui n’avait pas compris cette différence dans l’appréciation d’une même réponse à une même question… »
Une histoire drôle est également parue en septembre 1955 dans la rubrique « de la dernière couvée », sous le titre « les belles légendes »: « La famille de Mendès-France croit aux signes. Et pas seulement aux oiseaux qui s’envolent vers la Voie lactée. Du moins, c’est ce qu’on raconte actuellement dans les couloirs des assemblées et des ministères. « P.M.F » avait, dit-on, dix ans lorsque son père décida de le soumettre à une épreuve, tout comme dans les contes de Mille et une Nuits. Il l’enferma dans une pièce avec, sur une table, une bible, une pomme et un louis d’or. Voyez les symboles. -Si Pierre, dit Mendès père à la famille assemblée, lorsque nous ouvrirons la porte, est en train de lire la bible, c’est qu’il sera plus tard un homme de sciences… On l’approuva. -Et s’il croque la pomme ? ;-C’est qu’il finira cultivateur… S’il admirait le louis d’or, évidemment, c’est qu’une carrière l’attendait dans la banque. On pénétra enfin dans la pièce. Le petit Pierre lisait la bible. Il lisait la bible tout en croquant la pomme. Et dans sa main droite brillait le louis. -Eh bien, aurait soupiré M. Mendès père, je crois bien qu’il finira président du Conseil. «
Pour terminer, voici quelques définitions trouvées dans Ridendo (Mai 1963):
« AGE : la seule chose que les femmes ne puissent pas accuser sans se condamner elle-même.
AUTODAFE : les flammes savantes.
CÉSARIENNE : Une opération de sauvetage pratiquée quand il y a péril en mère.
COUVREUR : Un ouvrier qui ne craint pas de se trouver devant le faîte accompli.
INCENDIAIRE : Un gaillard qui ne se gêne pas pour faire feu de tout bois.
OBÉSITÉ : le comble de lard.
PHOTOGRAPHE : Un personnage dont le principal objectif est de vous mettre à l’épreuve.
QUINCAILLIER : Un commerçant qui ne saurait faire affaires sans découvrir ses batteries.
VELLÉITAIRE : Un monsieur qui prend son courage à … demain. »
Ou encore, en octobre 1963, ce dictionnaire non académique de Claude Robert :
« ACARIÂTRE : se dit d’une épouse qui ne prend pas son mâle en patience.
ANTHROPOPHAGE : Qui aime ses semblables au point d’en faire son plat préféré.
BANQUIER : Monsieur qui ne fait pas des avances à tout le monde.
ENTERREMENT : Occasion peut-être unique de se faire couvrir de fleurs.
PERCEPTEUR : Fonctionnaire qui passe pour être dur de la feuille.
PHARMACIEN : Spécialiste des spécialités.
VETERINAIRE : Panse bêtes.