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René-Pierre Lesson

René Pierre Lesson ( 1794-1849)

Article paru dans la Revue d’histoire de la pharmacie :  Delaunay Paul. Un pharmacien de la marine et voyageur naturaliste : R.-P. Lesson : L. Rallet , Un naturaliste saintongeais, René Primevère Lesson, 1794-1849, in Annales de la Société des Sciences Naturelles de la Charente-Maritime, 1953. In: Revue d’histoire de la pharmacie, 42ᵉ année, n°142, 1954. pp. 341-343.

Un pharmacien de la marine et voyageur naturaliste : R.-P. Lesson.

René-Primevère Lesson (on voit que l’inventeur de ces prénoms pratiquait le calendrier républicain) naquit le 1er germinal, an II (21 mars 1794), à la Cabane-Carrée, près de Rochefort, de René Clément, commis de la marine, et de Marie-Estelle Nicolas. Après avoir commencé au collège de Rochefort des études que les ressources familiales ne lui permirent pas de pousser à leur terme, il entra le 29 septembre 1809, à 15 ans et demi, à l’école de santé navale de Rochefort. Embarqué dès 1811, comme chirurgien auxiliaire de 3* classe, sur la frégate La Saale, il passait en 1813 sur Le Régulus, qui fut attaqué en 1814 par l’escadre anglaise ; le commandant incendia son navire pour le soustraire à l’ennemi, et put regagner la côte avec Lesson. Ce dernier fut affecté au Cassard ; mais, après la victoire des coalisés, on licencia les bas-gradés, et Lesson fut du nombre des sacrifiés.

Repêché en 1816, sur concours, comme pharmacien de 3* classe, il se verra promu, en 1821, à la 2*. Marié en 1818, il avait perdu, l’année d’après, sa femme, morte en couches, laissant à sa charge une fille, Cecile-Estelle-Atala. En 1822, il partait sur La Coquille, commandée en chef par Duperrey, en second par Dumont d’Urville, pour un voyage d’exploration scientifique, qui le mena de Toulon à Ténériffe, au Brésil, aux îles Malouines. Le cap Horn doublé, le navire remonta le long des côtes du Chili, du Pérou, cingla ensuite vers Tahiti, mouilla à la Nouvelle-Guinée, aux Moluques, en Australie, en Nouvelle-Zélande et derechef à la Nouvelle-Guinée, et, passant par les îles Maurice, Sainte-Hélène, de l’Ascension, jeta enfin l’ancre à Marseille, le 25 mars 1825. Le voyage avait été dur ; le milieu, antipathique et divisé. Duperrey ne s’entendait point avec Dumont d’Urville, et les voyageurs naturalistes embarqués n’eurent pas plus à se féliciter de leurs supérieurs que leurs prédécesseurs de 1796-98, en mission aux Canaries et aux Antilles, n’avaient eu à se louer du capitaine Baudin. Au surplus, Dumont d’Urville entendait régenter la botanique et l’entomologie, laissant au premier chirurgien Garnot le soin des mammifères et des oiseaux, et à Lesson… le reste : poissons, mollusques, crustacés, zoophytes, et… la géologie ! C’était beaucoup ! Notre homme se garda bien de récidiver et laissa d’Urville repartir sur L’Astrolabe, pour une nouvelle croisière, sans solliciter une place à son bord.

De son périple, il rapportait beaucoup de choses…, et n’en fut pas mieux reçu par les savants de la capitale : «Eh ! Que voulez-vous que nous fassions de ces monceaux d’objets ? Pensez-vous qu’on puisse refaire les livres d’histoire naturelle tous les ans ?», lui dit Cuvier. Cependant, Bory de Saint-Vincent se déclara satisfait des algues récoltées par Lesson, et si Blainville fit échec, en 1831, à sa candidature à l’Académie des Sciences, il ne put l’empêcher d’obtenir, en 1833, le titre de membre correspondant de la section de zoologie.

La publication des résultats zoologiques du voyage de La Coquille terminée, Lesson, rappelé par l’administration de la marine, dut quitter Paris et regagner Rochefort, où il fut nommé d’abord chargé de cours (1829), puis professeur de botanique. En 1836, il se vit promu pharmacien en chef de la marine, préposé à la pharmacie du port et au cours de chimie pharmaceutique ; en 1835, premier pharmacien en chef. En 1844, adjoint au maire de Rochefort, il reçut le prince de Joinville.

Il mourut le 28 avril 1849, dans un foyer désert : remarié en 1827 avec la fille de l’ornithologiste Dumont de Sainte-Croix, il avait perdu sa compagne en 1834, et une fille, Anaïs, en 1838. Bien que Lesson se soit évertué à conquérir sur le tard (1821) le diplôme de bachelier es lettres, l’insuffisance de son instruction première, et la brièveté de son séjour dans la capitale, où il bénéficiait du milieu scientifique du Muséum, contrarièrent la poursuite de ses travaux.

Sa Flore rochefortine (1836) comporte nombre de lacunes et d’erreurs, et demeure sans valeur. Par contre, au botaniste amateur qu’il était, se superposa un ornithologiste dont les observations d’après nature et les descriptions originales ont grandement enrichi l’histoire des paradisiers, colibris et oiseaux-mouches. Il a également collaboré pour les oiseaux et les mammifères aux Suites à Buffon ; au Dictionnaire d’histoire naturelle de Bory de Saint-Vincent ; touché à la préhistoire, à l’histoire et à l’archéologie saintongeaises, et même publié, dans l’Encyclopédie Roret (1833), un Manuel d’histoire médicale et de pharmacologie !

Ses débuts difficiles, ses infortunes familiales, les déceptions qui entravèrent son effort scientifique l’avaient incité à quelque misanthropie, et il eut parfois la critique acerbe. Il en cuisit à son collègue de l’école de Rochefort, le médecin Bobe-Moreau, lequel avait inventé, en 1832, des cols anti-cholériques dégageant du chlore, et qu’on cachait sous la cravate !

(D’après L. Rallet : Un naturaliste saintongeais, René Primevère Lesson, 1794-1849, in Annales de la Société des Sciences Naturelles de la Charente-Maritime, nouvelle série, III, 8, mai 1953, p. 77- 131, 2 portr. h.-t.).

Lesson garde un rang honorable dans la cohorte de nos voyageurs naturalistes. Il eut, de son vivant, la satisfaction d’être inscrit sur Ici liste des correspondants de l’Académie de Médecine (section de pharmacie, 6 septembre 1825) et de l’Académie des Sciences (13 mai 1833). La ville de Rochefort a conféré son nom à l’une de ses rues. Mais il était quelque peu oublié. A peine est-il cité par Lefèvre dans son Histoire du service de santé de la marine militaire (1867), et Barraud (Esculape sur les côtes du Pays d’Ouest, La Rochelle, 1950, ch. VI) ne lui consacre que quelques pages. Il convient de louer M. Rallet d’avoir rappelé moins succinctement ses mérites, et apporté dans l’appréciation de son œuvre scientifique la compétence d’un naturaliste.

Paul Delaunay

Voir aussi : Bonnemain Henri. Lesson et la matière médicale : Claude Le Clerc, Grozieux de Laguerenne, Étude de la matière médicale de 1833 à travers les écrits du pharmacien de la Marine René-Primevère Lesson. In: Revue d’histoire de la pharmacie, 77ᵉ année, n°283, 1989. pp. 421-424.

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