Publicités et Affiches (pour voir les reproductions en grand format, voir l’album photo « publicités pharmaceutiques »)
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Selon Maurice Bouvet, la publicité médico-pharmaceutique par affichage ne prend son premier essor en France qu’au XVII° siècle et se perpétue jusqu’à la Révolution. Pour le XIX° siècle, l’affiche médico-pharmaceutique est rarement illustrée et les premières évolutions apparaissent avec Jean-Marie Farina et son eau de Cologne, la Poudre de Duchesse dentiste (1860) et l’eau d’Orezza (1864). Plusieurs facteurs techniques, industriels, démographiques et politiques ouvrent la voie à un âge d’or inauguré par Jules Cheret (1836-1932) avec sa première affiche en couleur en 1867. Divers sujets vont servir à illustrer ces affiches parfois flamboyantes : l’exotisme occupera longtemps une place de choix : la fascination pour les pays lointains (l’Orient tout spécialement) domine. La femme, tentatrice et objet de désir, la femme du monde, aussi bien que la femme pieuse sont autant de facettes d’une iconographie souvent faite par des hommes. Santé et mort sont mêlées. L’Antiquité fait également partie de l’univers des créateurs. A la fin du XIX° siècle, est également lancée la mode de la chromolithographie comme support de la publicité, y compris dans le domaine pharmaceutique. Dans la période 1900-1950, plusieurs graphistes célèbres ont participé à la réalisation d’affiches pharmaceutiques : M. AUZOLLE, affichiste du Cinématographe Lumière; André BERMOND; Leonetto CAPPIELLO (1875-1942), né en Italie, mais dont la carrière fut essentiellement française; Pierre DELAGE, affichiste, décorateur lyonnais, spécialisé dans les stands de Foire et les panneaux publicitaires des devantures de cinémas; Eric CASTEL, qui travaillait principalement pour le cinéma; Robert FALCUCCI, affichiste de Renault et du Grand prix de Monaco; Georges FAVRE (1873-1942), caricaturiste, affichiste, peintre, aquarelliste, élève de GEROME aux Beaux Arts de Paris, qui travailla dans de nombreux journaux dont Le Figaro Illustré et Le Gaulois; Jean d’YLEN (1887-1938), peintre, illustrateur et affichiste, l’un des rares dessinateurs à utiliser dès 1924 une imagerie très proche du surréalisme, surtout pour la société SHELL. Plus tard, d’autres graphistes vont prendre le relais tels que Jean Albert CARLOTTI (né en 1909); Jean COLIN (né en 1912); Albert DUBOUT (1905-1977); André Giroux (né en 1895); Jacques Faizant (né en 1918); Pierre FIX-MASSEAU (né en 1905); Achille MAUZAN (1883-1953); Jean Adrien MERCIER (né en 1899); MOSE (né en 1917, pseudonyme de Moïse, Auguste DEPOND);Jean SENEP (pseudonyme de Jean Pennes, 1894-1980); Paul ORDNER (1900-1969); Victor VASARELY (né en 1908 en Hongrie), et bien d’autres (ex:Dimanche Illustré 9 Novembre 1913). J. Van Driesten réalise quant à lui les illustrations du carnet de santé proposé par Fumouze-Albespeyres. Les journaux nationaux et régionaux vont servir de support à la publicité pharmaceutique, en particulier avant la deuxième guerre mondiale, pour de très nombreux produits : les pilules PINK, le Charbon de Belloc, le Thermogène, l’Elixir de Virginie Nyrdhal, l’Aspirine Usines du Rhône, Gyraldose, le Goudron Guyot, la Jouvence de l’Abbé Soury, le Globéol (Dimanche illustré, 10 octobre 1913), le Jubol (Dimanche illustré, 21 juin 1914), Le Pageol (Dimanche Illustré, 1° Mars 1914) , l’Eau de Mélisse des Carmes Boyer, Urodonal (Dimanche illustré, le 8 février 1914) et bien d ‘autres (Illustration, 28 avril 1900). Après la deuxième guerre mondiale, la publicité pharmaceutique va progressivement se diriger vers les professionnels de santé qui vont recevoir quantité de publicités par la poste ou à travers leurs journaux professionnels. L’imagination des créateurs pour attirer l’attention sur des « éphémères » n’a pas eu de limite et tout particulièrement dans les années 1960-1970 où la législation était encore souple dans ce domaine et la technique permettait la production à prix raisonnable de documents de bonne qualité. Des sujets très divers sont abordés que l’on peut regrouper autour de trois thèmes : les voyages et la géographie ; les œuvres d’art ; et enfin la culture générale qui permet de prendre connaissance de « l’écriture à travers les âges » aussi bien que « les robinets d’époques ». Ces publicités considérées alors comme des vecteurs essentiels par l’industrie sont plus ou moins bien perçues par le corps médical qui en est le destinataire. 1.Voyages, tourisme et géographie Les régions de France et les villes : De nombreux laboratoires pharmaceutiques ont exploité ce filon : montrer les régions, leur vie quotidienne, leur histoire. Un autre grand chapitre de ce thème concerne les monuments et plus particulièrement les châteaux. Les destinations touristiques étrangères, et les moyens d’y parvenir, sont également à souligner. Le paquebot France, par exemple, est l’objet de l’attention de Robert et Carrière qui sort près d’une dizaine de document sur ce thème en 1962 pour le Nuclévit B12. Au-delà du Paquebot, se trouvent les voyages vers des destinations proches ou lointaines. 2. L’Art et les objets : C’est de loin le thème principal qui sert à illustrer la publicité pharmaceutique sur cette période. Les créateurs donnent libre court à leur imagination. L’art Roman, par exemple, est l’objet d’une série remarquable de Roussel en 1965 (plus de 20 documents). Diamant publie un ensemble de documents intitulés : « l’argus de l’art » qui couvre des objets très divers : les monnaies royales françaises, les statues de bois, les meubles 1900, les faïences de Moustiers, les monnaies gauloises et franques. Diamant réalise également la série « La Bourse de l’Art » , par exemple sur les meubles Directoire et Empire. Leo se concentre sur l’Art graphique chinois (1966), etc. Une autre série de représentation concerne les objets : les assiettes Empire de DAUSSE, les carrosses princiers de Lematte et Boinot, les vieilles armes (Lab. AVLON), les boucliers (HEPATROL), les instruments de chirurgie anciens (SPECIA), les étriers anciens (HOUDE), les paravents (SANDOZ), les masques africains (ROLAND-MARIE, CHIBRET), et divers objets (LEO). A noter également la série Glifanan « Vrai ou Faux » qui expose en quelques documents des pièces rares et montre le talent des copieurs. Cette série, très bien documentée, fut réalisée avec la collaboration des Experts de la Chambre Syndicale de Paris, sous le patronage de Maître Maurice Rheims, et avec Monsieur Rober Label pour la peinture ancienne, Monsieur Charles Canet pour les meubles et objets d’art, et Messieurs Paul Ebstein, Charles Durand-Ruel et Jacques Dubourg pour les tableaux modernes. 3. Culture générale : C’est le troisième et dernier thème largement développé par l’industrie pharmaceutique comme support de sa publicité auprès du corps médical dans les années 60. Un premier exemple nous vient de LEO qui publie en 1965 « L’écriture à travers les âges » et expose 14 types d’écriture : gothique, araméenne, cunéiforme, éthiopienne, etc. Roland-Marie édite les gammes chronologiques », série de fiches historiques. DIAMANT, DAUSSE, LEO représentent des bateaux anciens et modernes, ainsi que BRUNEAU, FOURNIER Frères, ROLAND-MARIE. D’autres sujets plus surprenants entrent dans cette catégorie de la culture générale : les signes du zodiaque (LATEMA), les médecins dans l’histoire (LEO, ELERTE, CORBIERE), les étendards (ROUSSEL, FOURNIER Frères), les jouets (ROUSSEL), les personnages historiques (CORBIERE), les robinets d’époques (SANDOZ), etc. Une série tout à fait remarquable est publiée en 1957 par les Laboratoires Fournier Frères sur la « Petite histoire de la Carte postale Illustrée ». Cette série sert de support à des publicités pour les spécialités du laboratoire. On y apprend que la première carte postale illustrée en France date de 1870 et a été éditée pour les militaires du Camp de Conlie. La France produit 8 millions de carte pour l’année 1899, contre 88 millions en Allemagne la même année ! Le sujet des cartes concernait les évènements importants : l’affaire Dreyfus, le procès de Thérèse Humbert, l’Entente Cordiale, l’arrivée de Blériot, etc. Les premières cartes postales sont aussi l’occasion de montrer les progrès : l’automobile, l’avion, les records sportifs, mais aussi les sujets à la mode : Paris, le théâtre, les signatures d’hommes célèbres, les musiciens, les cartes de musée, de départ des forçats pour la Guyane etc. Face à cet ensemble très riche d’éphémères, il est intéressant de se poser quelques questions quant à cette profusion de publicités pharmaceutiques postales. Et tout d’abord, il est utile de se replacer dans le contexte historique. Le cadre législatif, malgré la loi de 1941 et le décret du 14 mars 1963, reste assez peu contraignant jusqu’à la fin des années 70, surtout vis à vis de ce qui est donné au corps médical. En 1968, la Chambre syndicale de l’Industrie Pharmaceutique édite une brochure sur l’information médicale(destinée aux professionnels de santé) qui doit « vaincre la résistance au changement, s’adresser à la raison, s’adresser au jugement du clinicien, et qui ne s’exerce efficacement que pour des produits de qualité ». Ce même document fait l’éloge de la publicité postale, « ce procédé est sans doute plus sommaire que la visite médicale. Cependant, les informations essentielles sur une spécialité, d’ailleurs exigées par la réglementation, ne sauraient être enregistrées d’emblée. La répétition par des messages brefs, concis, précis, qui sont par ailleurs les moins coûteux, permet de donner pour chaque produit une connaissance synthétique…Cela fait de la publicité postale le moyen de prédilection, presque le seul, pour le soutien des produits anciens maintenus à un faible prix par les blocages successifs. La publicité postale est à peu près la seule que l’on puisse leur consacrer. Si bien que la publicité postale contribue à freiner l’augmentation du prix moyen des médicaments ». Les médecins, quant à eux, sont nettement moins positifs : ils déclarent recevoir «chaque jour dans leur courrier entre un et deux kilos de papiers provenant des laboratoires, sous forme d’encarts publicitaires, de brochures mi-publicitaires, mi-informatives, de brochures, de livres et de revues à caractère plus scientifique…L’attitude à l’égard des encarts publicitaires est un rejet unanime. Le deuxième élément de réflexion sur cet ensemble de documents concerne les thèmes abordés et leur relation avec le médicament. Les illustrations choisies n’ont jamais pour but d’apporter une information scientifique ou technique en rapport avec le produit, généralement en cours de lancement. Il y a parfois une allusion aux propriétés thérapeutiques du médicament comme nous l’avons vu avec la série Dicynone de Delalande qui fait le parallèle entre les propriétés du produit et les batailles navales (la fragilité des vaisseaux). D’autres laboratoires se risquent à ces comparaisons : c’est le cas de BYLA qui fait la promotion de Vitaminol B12, reconstituant, sur fond de reconstruction des villes après la 2° guerre mondiale. Robert et Carrière explique ses choix pour le Nuclevit B12 qui « s’est toujours rappelé à vous par une association graphique à un symbolisme de Force, matérialisé par les châteaux méconnus de France. Aujourd’hui Nuclévit B12 choisit les grandes étapes de la construction du paquebot France pour imager sa présence dans votre arsenal thérapeutique. En effet, l’homme malade s’inquiète à juste titre de la déperdition de sa force qu’il appartient à son médecin de lui rendre… ». Enfin, le troisième aspect intéressant concerne la place des artistes et experts dans ce foisonnement. On constate que la plupart des images présentées sont des reproductions d’œuvres célèbres, des photographies non signées, à quelques exceptions près. Haroun Tazieff signe la série des volcans, P. Louy les photos de Pekin, ELPE-BOURGEOIS les photos de paravents. C’est Allizart qui réalise la série de photos des assiettes Empire peintes par Robert, Caren, Swenback ou Drouet. Les aquarelles de diligence pour Tetrolysal sont signées par Antoine Carassi. La série sur Bela Bartok de Robert & Carrière est signée Jacques Baradel. Les cartes géographiques Sarget ont pour créateur René Martin. Certains documents photographiques nécessitent un travail d’équipe. C’est par exemple le cas de la série « Croissance de la ville », réalisée par le laboratoire Mauchant, qui fait appel à 8 photographes : Viollet, Jungmann, Guillemot, Papillon, Beaugeaud, Georget, Christ et de Garam. D’autres professionnels sont parfois mis à contributions comme nous l’avons vu pour la Chambre Syndicale de Paris. Le Pr Jourdin, agrégé d’histoire, participe à la série historique de Roland-Marie à l’occasion de la Transfusine. Lorsqu’on examine l’ensemble de ces « éphémères » de l’industrie pharmaceutique sur une dizaine d’année, on ne peut s’empêcher d’être admiratif du travail considérable réalisé à l’époque par les laboratoires pharmaceutiques. L’objectif affiché de ces documents était évidemment de faire mémoriser aux prescripteurs le nom de leurs spécialités. Mais il fallait attirer l’œil, donner envie au médecin de faire l’effort d’ouvrir son courrier publicitaire. L’imagination dans ce domaine fut débordante et les thèmes abordés sont à la fois intéressants et très variés. On peut penser que ce fut sans aucun doute un élément déterminant dans le succès de certains produits plutôt que d’autres, même si l’on peut espérer que c’est d’abord l’activité des produits qui guidaient le choix du produit prescrit. Bruno Bonnemain |
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Références :
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