Histoire de la création de l’Ordre des pharmaciens |
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Pendant une longue période, la profession pharmaceutique a vécu sous l’empire de la loi de Germinal an XI (11 avril 1803). Cette loi a constitué, à quelques petites modifications près, l’unique charte de la pharmacie jusqu’à la loi du 11 septembre 1941. Elle a donc duré cent trente huit ans. Cependant, au fur et à mesure des années, la loi de Germinal, malgré les nombreux règlements d’administration qui y apportent des retouches successives, prenait de plus en plus de retard. Les abus de toutes sortes, et le souci d’adaptation à l’évolution des sciences médicales conduisent les professionnels à s’organiser et à s’imposer eux-mêmes un certain nombre de règles. C’est en 1878 qu’est créée l’Association Générale des Syndicats Pharmaceutiques et en 1879 la Chambre Syndicale des Fabricants. Ces deux organismes s’attachèrent à créer la Réglementation Nationale et le Syndicat Général de la Règlementation dans le but d’assainir les pratiques commerciales anarchiques : établissement et respect du prix marqué, étude de l’organisation de la répartition du monopole du pharmacien d’officine, lutte contre le colportage. La période de l’entre deux guerres voit se développer nombre de problèmes pour la pharmacie française : le problème du capital en pharmacie qui avait abouti à la pratique des prête-noms, le colportage qui se développa considérablement après la guerre de 1914-1918, les conflits entre pharmacie et herboristerie, ainsi que le rôle de propharmaciens des médecins ruraux, la surenchère des prix à la baisse entre pharmaciens d’officine les fraudes et contrefaçons, l’anarchie de la répartition des officines sur le territoire, etc. En réaction contre ces désordres, les syndicats pharmaceutiques, seuls organismes professionnels à l’époque, en vinrent à étudier les remèdes. En 1923, le rapport Cordier présdente un projet de création d’un Ordr des pharmaciens, où se dégageait déjà le principe de l’appartenance obligatoire à l’Ordre de tous les pharmaciens en exercice, et la séparation des pouvoirs entre l’Ordre et les syndicats. En 1925, l’Association Générale adopte un projet de création de l’Ordre des pharmaciens. Un projet de loi est déposé à la Chambre de députés en 1928. En 1929 le projet est voté par la Chambre et renvoyée par le Sénat devant la commission d’hygiène d’où il n’est plus sorti ! La loi de 1941 est issue à la suite d’un rapport du Doyen Damiens sur l’exercice de la pharmacie et la création d’un Ordre des pharmaciens. Mais la loi du 11 septembre 1941, dans son texte initial, dota la pharmacie d’une organisation inspirée de la doctrine alors dominante dans les milieux gouvernementaux de Vichy: celle du corporatisme, refusant donc la création de l’Ordre des pharmaciens. Les lois de Vichy ne devaient pas survivre bien longtemps à la Libération. Dès le 15 septembre 1944, une ordonnance rétablit les organisations syndicales des pharmaciens qui avaient été supprimées. Toute la partie de la loi relative à la police de la pharmacie était conservée et devenait la loi du 11 septembre 1941. Par contre, l’ordonnance du 5 mai 1945 constatait expressément la nullité du Titre II de la loi de 1941 relative à l’organisation professionnelle, et créait un Ordre National des Pharmaciens. Cette création prenait son origine dans plusieurs activités déployées pendant la 2° guerre mondiale. Le Dr Mestre avait, en 1940, publié une thèse sur l’Ordre des pharmaciens et beaucoup de ses suggestions furent retenues par la suite. La Société de Pharmacie de Paris (devenue Académie Nationale de Pharmacie) avait préparé un projet. De leur côté, un certain nombre de pharmaciens qui pendant la clandestinité s’étaient tenu en liaison intime avec le Conseil National de la Résistance et avec le Comité Médical de la Résistance que présidait le Professeur Pasteur Vallery-Radot, prirent une part active à la reconstitution des syndicats, et préparèrent, avec l’aide d’un avocat du Conseil d’Etat, Me Jacques Bosviel, et en accord avec le Service Centra de la Pharmacie, un projet de loi relatif à l’Ordre des Pharmaciens. C’est le 12 septembre 1944 qu’est créé, par le Commissariat Provisoire de la Santé, un Comité Consultatif de la Pharmacie auprès du Commissariat (qui devait rapidement devenir Ministère de la Santé Publique et dont François Billoux fut le premier titulaire). Ce Comité était constitué de personnalités des Facultés de Médecine et des Facultés de Pharmacie, de l’Administration et de la profession. Il était composé de MM. Doyen Damiens, Professeur Bougault, Professeur Justin-Besançon, Professeur Hazard, Professeur Jeanne-Levy, Professeur Javillier, Messieurs Prevet, Bruneau, Gaudin, Delagrange, Mabileau, Mestre, Vaille, et présidé par le Ministre ou son représentant (Dr Aujaleu, Directeur du cabinet). Après quelques mois de préparation, le projet aboutit : le 5 mai 1945 était promulgué le texte créant l’Ordre, l’Ordonnance n°45.919 instituant l’Ordre des Pharmaciens. « En signant une ordonnance portant institution d’un Ordre National des Pharmaciens, le gouvernement provisoire de la République française a entendu reconnaitre officiellement la prépondérance de l’élément libéral dans l’exercice de la profession pharmaceutique. Le gouvernement de fait de Vichy avait créé à titre d’institution obligatoire des chambres professionnelles en leur confiant la garde de la moralité et la défense des intérêts matériels des pharmaciens. L’ordonnance du 15 décembre 1944, en rétablissant dans tous leurs droits les syndicats de la pharmacie, enlève à ces chambres une partie de leurs prérogatives… L’Ordre des Pharmaciens, qui aura la charge de la moralité et qui par ailleurs était appelé depuis longtemps par les praticiens résulte de ce nouvel état de chose ».(Extrait de l’Exposé des Motifs de l’Ordonnance de 1945)
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D’après : Origine, naissance et réforme de l’Ordre. Bulletin de l’Ordre des Pharmaciens. N° XVIII. Numéro spécial de Mars 1962. Maissonneuve S.A. imp. |