Extrait de l’ouvrage du docteur Dehaut (1902) sur ce sujet1 :
La question des dents peut être envisagée à trois points de vue différents : 1°) la conservation des dents ; 2°) le traitement des dents malades ; 3°) le moyen de remplacer les dents perdues. Dans cette notice, nous nous bornerons au côté hygiénique, c’est à dire, aux moyens de conserver les dents.
L’hygiène des dents consiste à éloigner les causes capables de nuire à leur conservation. Les causes d’altération des dents sont nombreuses ; cependant, on peut, à la rigueur, les ramener à une seule : la production d’une substance acide qui a la propriété chimique de dissoudre la substance de l’émail protecteur des dents. En effet, si l’on plac une dent recouverte de son émail dans un liquide acide, on verra, peu à peu, cet émail se dissoudre, disparaître et laisser une dent toute ramollie. Or, la plupart des substances alimentaires ont la propriété de devenir acides, lorsque leur séjour se prolonge dans les interstices des dents, à cause de la chaleur de la bouche et de la présence de ferments naturels de la salive. Cela revient à dire que la conservation des dents serait presque toujours assurée, si on avait le soin de ne permettre à aucune matière étrangère de séjourner dans leurs interstices. Il faut donc, chaque fois qu’on a mangé, rincer la bouche avec de l’eau froide ou tiède, en se servant d’une bonne brosse, et en employant un cure-dent en bois mou, pour retirer, sans blesser la gencive, les parcelles que la brosse n’a pu enlever. Quant à la toilette du matin, il ne suffit pas toujours de frictionner les dents et les gencives avec la brosse, à cause d’un enduit muqueux très mince qui se forme pendant la nuit et qui adhère fortement à la surface des dents, dans les parties qui ne sont soumises à aucun frottement. Cet enduit retient des particules solides qui s’y attachent et finissent, peu à peu, par former des amas durs et épais qui constituent le tartre des dents. On empêchera la production du tartre en chargeant la brosse d’un peu d’une bonne poudre dentifrice, et on terminera la toilette de la bouche en la rinçant avec de l’eau contenant quelques gouttes d’élixir ou d’eau dentifrice.
Lorsque ces soins élémentaires sont négligés pendant trop longtemps, la couche de tartre augmente dans tous les sens ; elle comble les interstices des dents et, ce qui est plus grave, elle descend entre les dents et les gencives, dont elle prend la place, en les rongeant et en les écartant. De la naissent la fétidité de l’haleine et des névralgies incessantes. Lorsqu’on en est arrivé là, il faut absolument avoir recours à un dentiste, pour enlever tout le tartre, après quoi, on tâchera de guérir la gencive, de la raffermir, en se servant, alternativement, d’un élixir tonique et d’une poudre dentifrice, pour empêcher le tartre de se reproduire.
Le choix d’une poudre dentifrice n’est pas indifférent. Pour que ces poudres soient judicieusement préparées, il faut qu’elles ne renferment ni sucre, ni acide, ni alun, ni autre substance capable de rayer l’émail par l’action de la brosse, mais, au contraire, qu’elles contiennent des principes alcalins. Ces principes alcalins sont nécessaires, pour neutraliser les acides qui ont une si grande tendance à se produire entre les dents. Malheureusement, les dentifrices sont, le plus souvent, préparés par des personnes étrangères à l’art du dentiste et du pharmacien, et on peut dire, sans crainte d’exagération, que bon nombre de ces préparations contiennent du miel, du sucre, de l’alun ou quelque acide ayant bien la propriété de blanchir les dents, mais, capables, aussi, de hâter la destruction de ces organes.
C’est donc rendre un véritable service à nos lecteurs que de leur signaler les préparations de ce genre qui jouissent d’une réputation méritée et dont on peut se servir sans aucune crainte.
Le savant et si célèbre auteur de la découverte du sulfate de quinine, M. J. Pelletier, membre de l’Académie de médecine,n’a pas cru déroger à la dignité de la science, en s’occupant avec soin de la question de l’hygiène de la bouche. C’est à ses nombreuses recherches que l’on doit la connaissance des faits dont il vient d’être question; comme conséquence de ses études sur les causes du mal, il fut naturellement amener à chercher et à trouver le moyen de le prévenir ; ces moyens sont : l’odontine et l’élixir odontalgique. Ces deux préparations ont été approuvées par l’Académie de médecine, et nous croyons que ce sont les seuls de tous les dentifrices qui aient reçu cette rare distinction.
L’odontine, sorte de pâte rose d’une consistance un peu ferme, a une odeur et une saveur agréables ; elle joint à la propriété de blanchir les dents celle d’en conserver et d’en durcir l’émail, ainsi que celle d’en prévenir et d’en arrêter la carie. Pour s’en servir, il faut mouiller une brosse à dents, la passer sur l’odontine, pour l’en charger d’une couche légère, s’en frotter les dents, et ensuite, rincer la bouche avec de l’eau pure ; ou mieux, avec de l’eau dans laquelle on a mis quelques gouttes d’élixir odontalgique.
L’élixir odontalgique de Pelletier raffermit et fortifie les gencives, empêche les dents de se déchausser, enlève toute mauvaise odeur et procure à la bouche une fraicheur très agréable. il suffit d’en mettre quelques gouttes dans un verre d’eau, pour se nettoyer la bouche et les dents, comme on le fait avec tout autre liquide dentifrice.
- Manuel de médecine, d’hygiène, de chirurgie et de pharmacie domestiques par Dehaut…24ème édition, Paris, chez l’auteur, 1902