Moyen-Âge : les premiers apothicaires et les premières communautés
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L’un des acteurs clefs du domaine pharmaceutique au Moyen-Âge est représenté par les Ordres religieux. C’est Cassiodore, né en 468, retiré en Calabre au Monastère du Viviers, qui est l’instigateur du mouvement pharmaceutique que nous devons aux religieux de cette époque. Il recommande en effet aux moines de « distinguer chaque sorte de plante », de « mélanger avec soin les diverses espèces de drogues », d’étudier les ouvrages de Dioscoride, Hippocrate et Galien.il fit traduire de nombreux livres, ce qui permit la diffusion des oeuvres médicinales. La plupart des Ordres monastiques suivent ses instructions. En France, à la fin du X° siècle, on trouve dans les couvents l’apotecarius, qui remplit le rôle de médecin et de pharmacien. Les plantes médicinales sont cultivées dans la plupart des jardins de ces monastères. Les interdictions des différents conciles n’empêchent pas le clergé d’exercer la pharmacie, comme la médecine. En 1309, le couvent des Dominicains de Montpellier abrite plus de 60 moines qui enseignent la pharmacie à des prêtres de toutes nationalités. Une deuxième influence majeure au Moyen-Âge est celle des Arabes considérés à juste titre par G. Le Bon comme « les véritables créateurs de la pharmacie ». Ils ont en effet joués un rôle essentiel dans la transmission des connaissances de l’Antiquité. Mais ils ont aussi introduits nombre de remèdes nouveaux, des formes galéniques originales, du matériel inconnu jusqu’alors. Dès 754, une officine fut créée à Bagdad par le caife Alimanzur. Le matériel de travail des Arabes inclut l’utilisation généralisée de l’alambic. ils vulgarisent l’emploi des plantes, des médicaments chimiques, et de matières animales comme le bézoard, la civette, la limace, etc. Ils mettent à l’honneur le sucre, jusqu’alors peu utilisé, introduisant la culture de la canne à sucre en Espagne, créant des raffineries en Perse et mettant au point des formes pharmaceutique nouvelles : sirops, loochs, juleps, conserves, etc. C’est Avicenne qui, le premier, imagina de dorer et argenter les pilules parce qu’il croyait aux vertus curaives des métaux précieux. Des auteurs arabes de référence vont le rester tout au long du Moyen-Âge et au delà : Mésué (IX° siècle), l’auteur de De Medicinis; Abulcasis (né vers 936); Rhazes (850-932); Avicenne, le premier des médecns arabes , né vers 90; Avenzoar (1113-1162); Averroes (1126-1198; Ibn El-Baytar (1197-1248), etc. Dès le XIe siècle, on trouve à Angers des pigmentarii, précurseurs des apothicaires En 1093 Foulques de Richier, Comte d’Angers, leur interdit d’exercer leur art en dehors de la cour du chapître cathédral. Mais c’est au début du XIIe siècle seulement que l’on constate en France, comme un peu partout en Europe, les premiers indices d’une nette délimitation entre le médecin et le pharmacien. « La sélection des deux professions, dit J. Orient, commença seulement lorsque l’étude des sciences médicales fut introduite dans les universités. Alors les médecins considérèrent l’art de mélanger et de préparer des drogues comme indigne d’eux et confièrent ce soin à leurs apprentis que l’on peut considérer comme les premiers ancêtres de nos apothicaires » . Des officines existent : à Paris, en 1180; à Arles, à la fin du XIIe siècle. Leur nombre devient plus important à partir du XIIIe siècle. Les vendeurs de remèdes sont appelés speciarii, apothecarii, piperarii ou pebrarii, aromatorii. Dès le début du siècle également, les apothicaires de Marseille sont mentionnés dans les statuts de la République locale (1200-1263). La pharmacie devenue ainsi profession indépendante est rapidement réglementée. La réglementation qui va servir de base est celle adoptée à Naples en 1220 par l’empereur Frédéric II. Pour la France, ce sont ceux de la ville d’Avignon qui sont les plus anciens (1242) et Toulouse (1309), puis Paris (1311). Ce n’est que le début d’une longue suite de moyens d’encadrer cette profession qui porte aussi bien sur les droits, devoirs et limites de cet art, que sur la nécessaire formation des apprentis. Les rares renseignements que nous possédions sur les officines, parfois appelées ostels, de cette époque, sont tous concordants pour dire qu’elles sont largemnt ouvertes sur la rue. L’apothicaire d’alors expose ses drogues aux yeux du public, qui peut ainsi constater leur bonne qualité. Des enseignes permettent de retrouver facilement les officines. Les apothicaires de Montpellier, fort bien approvisionnés en matères preières, fournissent de bonne heure à leurs confrères de nombreux médicaments composés : confection d’Alkermès, Thériaque, etc. qu’ils mettent en vente dans une baraque ouverte à la foire de Beaucaire. Dès le début de leur existence, les apothicaires doivent organiser la défense de leurs intérêts professionnels menacés par les concurrents les plus divers. Les médecins les tiennent en tutelle sauf à Montpellier où ils se trouvent sur le plan social dans une situation supérieure aux médecins. L’association entre médecins et apothicaires est interdite. pendant longtemps, les médecins se consolent de cette interdiction en vendant eux-mêmes les remèdes qu’ils prescrivent. Dès cette époque aussi, la lutte est ardente avec les barbiers, de même qu’avec les chirurgiens. Les herboristes ou herbiers sont aussi des concurrents sérieux car ils préparent les décoctions, « clistaires, emplastres, jus d’herbe », d’après les ordonnances médicales. Ils faut ajouter à ces concurrents les ciriers, les pevriers, les regrattiers et surtout les épiciers. Les limites de l’apothicairerie et de l’épicerie sont mal définies à Paris avant 1484, date à laquelle l’apothicairerie est interdite aux épiciers. Les merciers sont aussi parmi les concurrents, de même que les charlatans qui seront combattus pendant plusieurs siècles. Les pharmacopées, encore en nombre limité, sont cependant de plus en plus en usage, que ce soit au XVe siècle ou avant. |
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Illustrations
1) Apothicaire et sa pharmacie au Moyen-âge. Miniature du Theatrul sanitatis, Rome, Bibliothèque Casaneuve 2) Reproduction d’une miniature figurant dans le manuscrit N° 5062 de la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris. Cette miniature est de Gilles Romain. On voit une boutique d’apothicaire au premier plan à droite. Dans la pharmacie, on fabriquait également des sucreries. Sur la table, on voit un pain de sucre et une annonce de Bon Ipocras danscette boutique d’apothicaire médiéval |