illus014

Antoine Brutus MENIER

 Antoine-Brutus MENIER (1795-1853)


Antoine-Brutus MENIER
, fils de vigneron, naquit à Bourgeuil en 1795. Après deux ans de stage chez le pharmacien Maignan, il continu son initiation pharmaceutique au Val de Grâce, mais sa carrière militaire s’achève avec l’Empiure. En 1816, il fonde une entreprise spécialisée dans la préparation des poudres pulvérisées.

Voici ce que sa maison de droguerie publie en 1860 dans son Catalogue commercial, citant le rapport du Jury de l’exposition Universelle de 1855:  

« M. Menier est à la tête d’un établissement de pharmacie et de droguerie tout à fait hors ligne. Cet établissement, fondé depuis trente-neuf ans, et qui n’a cessé de s’étendre et de se perfectionner, est le premier en France où ait été introduite la manipulation en grand des produits pharmaceutiques, et notamment des poudres et des extraits.

A cet égard, il est permis de dire que les procédés de fabrication inaugurés par M. Menier père ont été à l’origine d’une véritable révolution, non seulement dans l’industrie, mais aussi dans le commerce de la pharmacie.

La place considérable qu’occupent, dans la thérapeutique, les médicaments administrés sous forme de poudre, peut donner une idée de l’importance que devait offrir tout perfectionnement apporté dans la pulvérisation des substances médicamenteuses. Cependant, il y a peu d’années encore, chaque pharmacien faisait préparer lui-même, à bras d’homme, dans son officine, des poudres médicinales ; et si l’on réfléchit aux différences de texture des diverses matières, les unes dures, molles ou filandreuses, les autres résineuses, oléagineuses ou élastiques, on comprendra quel résultat imparfait devaient donner des procédés si insuffisants. L’introduction des agents mécaniques dans la pulvérisation était donc déjà par elle-même un très-grand progrès. Mais ce n’est pas le seul qui ait été réalisé dans l’établissement de M. Menier, tel qu’il existe aujourd’hui. Un moteur hydraulique d’une force de 90 chevaux, la turbine verticale sans directrice ou roue-hélice, récemment inventée par l’ingénieur Girard, met en action des machines appropriées à la nature de chaque substance : pilons à couteaux pour les corps filandreux ; à tête conique pour les matières oléagineuses ; en forme de massue, d’un poids énorme, pour les corps durs ; en bois ou en marbre pour ceux qu’altérerait le contact du fer ; meules verticales et horizontales, et enfin tamisoirs mécaniques. C’est à l’aide de ces moyens que M. Menier produit des poudres véritablement impalpables, ou du moins d’une finesse et d’une beauté qu’on ne peut obtenir par les procédés ordinaires, en opérant sur de petites quantités. Ce progrès important et incontestable a été apprécié par les pharmaciens eux-mêmes. Et l’on peut affirmer que depuis qu’ils ont pu se procurer les produits dont ils ont reconnu la bonne préparation et la pureté, ils ont renoncé à les fabriquer eux-mêmes. Il est facile de mesurer l’étendue  de ce perfectionnement quand on voit sortir annuellement de l’usine de Noisiel-sur-Marne plus de 200,000 kilog. De poudres médicinales de toutes sortes, dont M. Menier approvisionne non-seulement les quatre cinquièmes des pharmaciens de la France, mais encore un très-grand nombre d’établissements de l’étranger, en Autriche, en Espagne, en Turquie, en Egypte, ; en Italie et en Amérique.
 

La fabrication des extraits pharmaceutiques n’a pas été moins perfectionnée dans l’établissement de M. Menier. On sait que les extraits préparés à feu nu risquent d’être altérés par l’action d’une chaleur trop forte et que, par cette raison, on ne peut opérer, à l’aide de cette méthode, que sur des quantités restreintes. En 1843, M. Menier père a eu l’heureuse pensée d’appliquer à la préparation en grand des extraits pharmaceutiques les appareils usités dans l’industrie sucrière, d’évaporer les sucs de plantes dans le vide, à une température qui n’excède pas 45 à 50 degrés centigrades, et qui est d’autant moins élevée que le vide est plus parfait. C’est ainsi que M. Menier, dont les procédés n’ont pas tardé d’être imités, est arrivé à produire en grand des quantités commerciales d’extraits d’une qualité excellente.

Ce ne sont pas là les seuls titres par lesquels se recommande l’établissement de M. Menier. Sans parler d’un laboratoire de produits chimiques, à l’usage de la médecine, récemment annexé à son usine, et qui la complète, elle possède encore deux branches de fabrication qui doivent être signalées comme une véritable conquête industrielle : il s’agit de l’orge perlé et mondé, et du gruau. Ces deux produits sortent de l’usine de Noisiel dans un état de perfection qui ne pourrait être dépassé, et qui est dû à la supériorité des machines employées à la décortication. Le gruau, fabriqué à l’abri de l’humidité, n’est plus exposé à s’altérer et à s’aigrir.

Quant à l’orge perlé, qu’il suffise de dire que la hollande, qui était en possession depuis un temps immémorial du monopole de cette fabrication, s’en est vue dépossédée sur le marché français, par la supériorité des produits sortant de l’usine de M. Menier.

En résumé, l’établissement de M. Menier est le premier en France qui, par suite d’une organisation toute spéciale (Plus de 200 personnes sont employées dans l’établissement Menier, tant à Paris qu’à Noisiel, et y trouvent, outre des conditions de bien-être et d’amélioration morale qui honorent le chef de cette Maison, une caisse d’épargne particulier, où l’intérêt leur est compté à six pour cent.), ait présenté le caractère d’un grand centre d’approvisionnement pharmaceutique. En répandant, par la voie d’un commerce très étendu, dont l’importance atteint annuellement un chiffre de plusieurs millions, des produits d’une qualité supérieure obtenus et livrés à des prix réduits, il a contribué à améliorer dans la province, et même à l’étranger, les conditions dans les quelles s’exerce le plus généralement la pharmacie

Par tous ces motifs, M. Menier a paru à la XII° classe et au 4° groupe digne de la médaille d’honneur. »

Rapport des membres du Jury, Exposition Universelle de Paris, 1855

Menier n’est pas diplômé pharmacien jusqu’en 1839. « Gérant une entreprise qui touche si intimement à la pharmacie, j’ai cru de mon devoir de conquérir le titre de pharmacien » explique-t-il cette année là. Quelques temps après, il est élu membre de la Société de Pharmacie de Paris. Sans être candidat, il est élu maire de son arrondissement par ses concitoyens. Il meurt à 58 ans, en 1853. Son fils, également pharmacien, Emile-Justin Menier (1826-1881) poursuit l’oeuvre de son père et finit par séparer la droguerie (qu’il cède à la Pharmacie Centrale de France créée par DORVAULT) et la fabrication du chocolat.

 

 Références :

  • Figures pharmaceutiques françaises. Notes historiques et portraits (1803-1963), Masson & Cie, Paris, 1953, 273
  • Dictionnaire d’Histoire de la Pharmacie, des origines à la fin du XIX° siècle, Olivier Lafont (sous la direction de), Pharmathèmes, Paris, 2003.
Tags: No tags

Comments are closed.