La vie et l’oeuvre de Louis Figuier (1819-1894).
(Delaunay Paul. La vie et l’oeuvre de Louis Figuier : Ch. Clerc, in Revue des Spécialités, 1936. In: Revue d’histoire de la pharmacie, 25ᵉ année, n°97, 1937. pp. 34-35.)
Un peu oublié, Louis Figuier. Et pourtant, comme Jules Verne, il connut jadis la faveur de l’immense public des jeunes, qui se délectaient à feuilleter le Tableau de la Nature, la Vie des savants illustres, la Terre avant le déluge, les Mystères de la Science, les Merveilles de l’industrie; et aussi l’estime des curieux d’âge plus mûr qui consultaient Y Alchimie et les alchimistes, l’Histoire du merveilleux dans les temps modernes, ou l’Année scientifique et industrielle où, pendant près de quarante ans, il donna, des découvertes petites ou grandes, un périodique bilan. Un simple vulgarisateur ? Soit; mais la tâche n’est pas si facile qu’on pense : il y faut la science et le don. Figuier eut les deux.
Louis-Guillaume Figuier naquit le 15 février 1819. Son oncle, Pierre Figuier, d’origine genevoise, reçu apothicaire en 1792, avait fondé à Montpellier une officine qu’il transmit à Jean, son cadet, lorsque son accession à la chaire de chimie générale de l’Ecole de pharmacie le détourna de la pratique. Nommé professeur en 1802, il mourut en 1817. Des deux fils de Jean, l’aîné, Oscar, fut également un chimiste de valeur, doublé d’un avisé commerçant. Il inventa certaine pâte balsamique et certain sirop à base d’escargots, souverains contre les rhumes, bronchites et catarrhes, et que débitait encore, il y a quelques années, 17, rue de la Loge, la pharmacie Figuier-Chanel, disparue depuis.
Oscar fut le premier maître de son frère Louis. Celui-ci, après avoir rêvé de la carrière militaire, se résigna à suivre l’exemple ancestral. Il se fit recevoir pharmacien, puis soutint, en 1841, une thèse de doctorat en médecine, et passa plus tard à Toulouse les épreuves du doctorat es sciences physiques. Entre temps, il avait travaillé, sous Balard, au laboratoire de chimie de la Sorbonne, et tant que, d’abord agrégé à l’Ecole de pharmacie de Montpellier, il devint, en 1853, agrégé de chimie à l’Ecole de pharmacie de Paris et fut maintenu dans ce poste jusqu’au 1er novembre 1862.
Il avait déjà fourni de nombreux articles à divers périodiques : Revue des Deux Mondes, Annales des Sciences, Revue scientifique, Journal de pharmacie. Le fondateur de La Presse, Emile de Girardin, s’avisa d’ouvrir ses colonnes au reportage scientifique et, pour ses feuilletons, embrigada Figuier.
Figuier avait à son foyer une inspiratrice, sa femme, née Juliette Bouscaren, qui, sous le pseudonyme de Claire Sénart, publiait dans la Revue des Deux Mondes, des nouvelles et des romans inspirés par son Midi. Mais elle l’aiguilla mal le jour où elle le lança vers le théâtre. Figuier eut l’ambition de devenir dramaturge. Il élabora des pièces à grand spectacle, des scènes historiques : Les cinq parties du monde (1878), Denis Papin (18S2), Gutenberg (1886), Kepler ou l’Astrologue et l’Astronomie (1889), qui furent représentées à Cluny ou à la Gaîté. Mais il n’y connut pas le succès.
Ayant perdu son fils unique, puis sa femme, il trouva dans le travail la dernière consolation de sa vieillesse solitaire et attristée. Il mourut à Paris le 8 novembre 1894.
(Pr Paul Delaunay, d’après Ch. Clerc, in : Revue des Spécialités, décembre 1936, pp. 699-703.)