Historique des Laboratoires Français de Thérapeutique (L.F.T.) |
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« C’est en 1942 que l’idée de créer un laboratoire pharmaceutique vint à l’esprit de deux bordelais, Franck Coustou et Lucien Mertz. En fait, ce projet était la conséquence d’une thèse de doctorat en pharmacie soutenue par Franck Coustou sur les propriétés de la vitamine C replacée en milieu naturel. Ce jeune pharmacien s’était aperçu en effet que, en présence de certains éléments présents dans les agrumes, pectines et dérivés phénoliques, la vitamine C était beaucoup plus stable que l’acide ascorbique de synthèse et, en raison d’une élimination ralentie, permettait une imprégnation bien plus importante de l’organisme. Ainsi avait été découvert le principe qui allait permettre la réalisation des Frubioses. Toutefois, ce ne fut qu’en 1945 que les premières ampoules de Frubiose C, après avoir obtenu le visa ministériel, furent mises sur le marché. Très rapidement la Frubiose C (10 mg de Vitamine C) puis la Frubiose 100 (100 mg de vitamine C par ampoule, bénéficièrent d’un excellent accueil tant auprès des médecins prescripteurs que du public. Les Laboratoires Français de Thérapeutique avaient pris leur essor. D’abord installée dans une rue du vieux Bordeaux, rue Courbin, la Société devait par la suite acquérir l’usine Roudel, rue de Tauzia, dans le quartier de la gare Saint Jean. Franck Coustou, chargé de cours à l’Université puis devenu professeur à l’Université de Bordeaux II, ainsi que Directeur de l’Institut de pharmacie Industrielle créé sur son initiative en 1964, était chargé de la mise au point de nouveaux produits ainsi que de la direction de la partie technique de l’entreprise, tandis que Lucien Mertz en assurait la direction commerciale. De nouvelles Frubioses furent alors mises au point, et parmi elles, la Frubiose calcique forte qui allait faire une carrière internationale. En même temps, les Laboratoires Français de Thérapeutique étaient parmi les premiers à mettre sur le marché des dérivés de la Vitamine P, protecteur des parois vasculaires, qu’ils extrayaient des écorces de citrons. Pour réaliser une telle fabrication, ils avaient dû créer au Maroc, à Agadir, une usine de congélation où les écorces d’agrumes étaient traitées puis expédiées à Blanquefort où les L.F.T. avaient construit une première unité d’extraction de flavones (principe actif de la vitamine P), la Société LABSO (en 1963). Concurremment, l’usine de la rue de Tauzia était modernisée et équipée, bénéficiant de la mise au point des premières machines automatiques de remplissage et soudure d’ampoules. De même l’un de leurs fournisseurs de boites, les Etablissements Giraudet à Ancenis, réalisa pour leur compte les premières machines automatiques de conditionnement d’ampoules buvables. Grâce à ces équipements, les Laboratoires Français de Thérapeutique furent à même de produire plus d’un million et demi d’ampoules de Frubioses par jour, dont une proportion importante était exportée vers l’étranger. Mais les services de recherche de L.F.T. ne se sont pas limités à la réalisation des Frubioses et représentent encore un bel exemple d’esprit d’innovation. Une gamme de produits divers fut en effet réalisée entre les années 1950et 1969. Malgré le chiffre important de ses exportations, L.F.T. était désireux d’amorcer un mouvement d’implantation à l’étranger et c’est ainsi qu’une filiale, la Dieckmann GmbH était créée à Bielefeld. En dépit de l’avis des spécialistes du marketing allemand, la Dieckmann réalisa un lancement foudroyant des Frubioses en RFA. Entre-temps, L.F.T. avait développé l’usine de Blanquefort, la société LABSO, afin de réaliser sur place, à partir de blanc d’œuf, la fabrication du Lysozyme destiné à la préparation d’un médicament contre les maux de gorge, en plus de l’extraction des Flavones. Enfin, à la même époque, le département de recherche de L.F.T. était individualisé sous la forme d’une société indépendante : Pluripharm S.A.R.L. On notera que dans les années 1960, L.F.T. se plaçait au 14° rang des Laboratoires français, avec un effectif de plus de 600 personnes. Malheureusement, la société devait connaître par la suite des difficultés résultant de l’impossibilité d’actualiser les prix de ses produits en raison de la politique appliquée en France en matière de sécurité sociale. Malgré un chiffre extrêmement élevé, le Groupe voyait ses bénéfices s’amenuiser et pour des raisons diverses, auxquelles les évènements de 1968 ne furent pas étrangers, la société accepta de passer sous le contrôle d’une multinationale : les Laboratoires Boehringer Ingelheim. Cette transaction fut réalisée sous la condition que l’implantation bordelaise serait maintenue et même développée. Sous la direction allemande, le Laboratoire de recherche Pluripharm fut doté de moyens importants qui lui permirent d’entreprendre de nouvelles mises au point et de nouvelles synthèses. A cette occasion une collaboration étroite avec l’Institut du Pin, dirigé par le Doyen Valade, s’avéra des plus fructueuses. De même, à Blanquefort, de nouvelles unités orientées vers la chimie fine et la synthèse de produits internationaux furent ouvertes. …La suite de cette histoire est encore plus triste, puisque les Laboratoires Boehringer Ingelheim ont absorbé en 1989 les L.F.T. puis les ont fermés, la production et l’exploitation des produits ayant été repliées sur leu filiale de Reims. Seule la société LABSO conserve à Blanquefort une position importante dans l’industrie chimique fine, et son implantation dans la région bordelaise ne semble pas menacée. »
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Source : Franck COUSTOU. Pharmacie : de l’officine à la grande pharmacie. Origine et évolution de l’industrie pharmaceutique à Bordeaux. Les cahiers de la mémoire / William Blake and Co Edit., 1991 |