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Les vieux hôpitaux de France d’après les publicités pharmaceutiques du XX° siècle (3)

 

Val-de-Grâce

Les vieux hôpitaux de France

d’après les publicités pharmaceutiques du XX° siècle (3)

Église du Val-de-Grâce

Nous avons vu, lors d’expositions précédentes, les documents des Laboratoires CIBA à propos des vieux hôpitaux français. Nous allons voir ici la dernière série consacrée à quelques hôpitaux parisiens dont certains ont disparu aujourd’hui. Ces documents ont été publiés en 1938/1939, donnant lieu à une documentation importante sur l’histoire de ces hôpitaux. Le premier que nous allons examiné concerne le « Val de Grâce », pour lequel l’ouvrage commence par cette citation de Molière:

Église du Val-de-Grâce

« Digne fruit de vingt ans de travaux somptueux,

Auguste bâtiment, temple majestueux,

Dont le dôme superbe élevé dans la nue

Pare du grand Paris la magnifique vue… »

Ce fameux bâtiment, nous le devons à Anne d’Autriche qui racheta le Petit-Bourbon en 1621 pour y transférer le vieux monastère du Val-de-Grâce et y fonder le monastère du Val-de-Grâce-de-Notre-Dame-de-la-Crèche.

Pot de Pharmacie. Collection Debat. Musée du Val-de-Grâce.

Mais ce n’est qu’en 1645 que fut posé la première pierre de l’église, construit par Mansard puis par Jacques Le Mercier et enfin Le Muet. Quant au monastère, la pose de la première pierre par le Duc d’Orléans eut lieu le 27 avril 1655, les travaux ayant consisté surtout à construire les pavillons d’angle et à surélever le cloître datant de 1624. Comme les autres couvent du royaume, le monastère du Val-de-Grâce fut supprimé en 1790.

La transformation du Val-de Grâce en hôpital militaire ne se fit pas sans complications de toutes sortes, nous explique Georges Albert-Roulhac.

Pot de Pharmacie. Collection Debat. Musée du Val-de-Grâce.

C’est en effet seulement en 1795 que vont arriver les premiers malades venant de l’hôpital militaire du Gros Caillou puis ceux de la garnison.

Les trois premiers « officiers de santé en chef » furent le chirurgien Pierre-François Percy, le médecin François Gilbert et le pharmacien Bruloy. Le premier et le dernier étant retenus aux armées, Noël (rapidement remplacé par Dufouart) et Brongniart tinrent leur place. De très nombreux vinrent enseigner et pratiquer au Val-de Grâce par la suite au cours des deux siècles suivants. C’est en 1850 que l’hôpital accueillit l’École d’application de médecine militaire.

Pots de Pharmacie. Collection Debat. Musée du Val-de-Grâce.

Aujourd’hui, l’ancienne abbaye royale du Val-de-Grâce abrite l’École du Val-de-Grâce (anciennement École d’application de la médecine et de la pharmacie militaires, créée en 1852), la bibliothèque centrale du service de santé des armées, deuxième bibliothèque médicale de France qui comporte plus de 40 000 ouvrages et près de 600 collections de périodiques, ainsi que le musée du service de santé des armées. L’hôpital est fermé depuis 2016.

Un autre hôpital parisien retenu par Ciba dans sa collection « Les vieux hôpitaux français », c’est l’Hôpital Saint-Lazare. L’ouvrage publié en 1938 est associé à Jean Robiquet. Ce fut tout à la fois un hôpital et une prison, mais hôpital d’abord, lieu de refuge pour les victimes de la lèpre. Le premier document certain qui mentionne Saint-Lazare remonte à 1122. C’est le texte d’une donation faite par Guillaume de Garlante à la léproserie parisienne. Par la suite, les rois prirent l’habitude de s’arrêter à Saint-Lazare après leur couronnement et avant leur entrée solennelle dans Paris. En 1632, la propriété du lieu fut   cédée à la Congrégation de la Mission, avec, à sa tête, « Monsieur Vincent », déjà célèbre.

Laboratoire à Saint-Lazare. L’expérience de l’hyperglobulie instantanée, avec le Dr Chéron, au centre.
L’arrivée des laitières à Saint-Lazare (pendant la révolution). Peinture de Hubert-Robert)

Parmi les œuvres qui rayonneront autour de Saint-Lazare, il y aura celle des Galères, celle des Esclaves, celle des Paroisses, la Confrérie de la Charité, le Grand et le Petit séminaire, les Enfants Trouvés, les Sœurs grises…Du Saint-Lazare de cette époque, bien peu de murs sont encore debout, nous précise Jean Robiquet en 1938.

Dès l’époque de Saint-Vincent-de-Paul, mais dans des cas assez spéciaux, l’établissement avait déjà joué le rôle de prison. A la requête des curés de Paris et avec l’approbation de l’Archevêque, on y avait enfermé des religieux plus ou moins suspects, coupables de quelque grivèlerie ou auteurs de quelque scandale.

Henri-Louis Loménie de Brienne, fils du ministre de Louis XIV et diplomate lui-même, resta dix-huit ans à Saint-Lazare. Après le XVIIIe siècle, les incarcérations vont se multiplier. Non seulement on y recevra des fous, des déséquilibrés, des malfaiteurs frappés par une sentence judiciaire, mais encore et surtout des fils de famille libertins pour lesquels leurs parents auront sollicité une lettre de cachet royale. On administrait aux nouveaux pensionnaires une correction qui devait rendre le couvent célèbre.

La porte de l’infirmerie à Sain-Lazare, vers 1900 (Musée Carnavalet)

Personne ne pouvait y échapper, ni les religieux, ni les laïcs, ni même les aliénés. Quiconque rentrait à Saint-Lazare devait recevoir sa volée de bois vert…

 

A l’aube de 1789, le public parisien n’appréciait guère les lazaristes. On les traita de frères frappards et on leur reprochait surtout de posséder des biens énormes, d’accumuler dans leurs greniers d’immenses approvisionnements, tandis que le pays mourait de faim. Dans la nuit du 12 au 13 juillet, trente six heures avant la prise de la Bastille, ce fut le pillage de Saint-Lazare qui devint Bien National en 1791.

L’ancienne maison des Lazaristes fut bientôt transformée en prison qui accueillit plus de 1400 détenus pendant la Terreur. Après une première période plutôt bon enfant, on finit par juger puis exécuter de très nombreux détenus.

Après la chute de Robespierre, les derniers détenus furent libérés et on changea la destination de l’édifice qui fut affecté aux femmes criminelles ou de mauvaise vie partagées jusque là entre les cachots de Vincennes, de la Force et de la Salpétrière. Saint-Lazare servit de prison jusqu’en 1927.

La cour de récréation à Saint-Lazare (pendant la Révolution). Peinture de Hubert-Robert
Une salle de hôtel-Dieu à Paris, gravure sur bois du XVIe siècle. 

Parmi les « Vieux hôpitaux français », le Laboratoire Ciba se devait d’évoquer l’Hôtel-Dieu de Paris, document réalisé en 1938 avec l’aide de Raymond Escholier. Si la tradition fait remonter sa création par Saint Landri, évêque de Paris, à 651, c’est seulement au IXe siècle qu’on trouve sa trace dans les archives. En 816, le Concile d’Aix-la-Chapelle avait prescrit aux évêques de doter leur hospice et d’en confier la gestion aux chanoines. En 829, Inchade, évêque de Paris, abandonne à son chapitre plusieurs domaines mais l’hôpital primitif n’occupait aucune des portions de terrains sur lequel fut construit l’Hôtel Dieu au XIIe siècle par Maurice de Sully.

L’Hôtel-Dieu bénéficiait de la proximité de la Seine, ce qu’on considérait alors comme un avantage pour rejeter les immondices de toute sorte. Mais la rue de la Bûcherie, toute proche était une source de préoccupation. On y trouvait des établissements de bains, des poissonneries, des boucheries. Le Parvis, le Marché-Palu, avec ses herboristes ou apothicaires n’offrait pas de danger, contrairement à la rue Sablon avec ses bouchers et ses filles.

Miniature ornant le manuscrit du « Livre de la Vie active » représentant l’intérieur d’une salle de l’Hôtel-Dieu

Si bien qu’en 1482, l’Hôtel-Dieu fut admis à fermer à ses deux extrémités la rue du Sablon.

Au XVe siècle, on comptait 85 lits à la Salle-Neuve, 54 à l’infirmerie, 80 à la salle Saint-Denis, soixante à la salle Saint-Thomas, 24 à la chambre des accouchées. Chaque lit pouvait recevoir trois personnes. Durant tous les XVe siècle, l’hôpital nourrissait 4 à 500 malades. Vers 1540, une nouvelle salle permit d’élever ce chiffre à 6 ou 700. On pouvait aller jusqu’à 1600 malades pendant les épidémies. On sait peu de chose du fonctionnement du service médical à cette époque. Depuis le XIIIe siècle, l’Hôtel-Dieu était le siège d’un enseignement médical pratique. Parmi les remèdes employés abondaient les onguents, les emplâtres, les herbes, les « épices de bouche », la moutarde de lin, le safran, le riz, le sucre, le sucre rosat, le miel, l’alun de glace ; on donnait encore aux malades, selon leur état, des amandes, des raisins, des pruneaux, des figues, de l’hypocras, de l’eau de rose et de la tisane d’orge. On devait parfois recourir à la saignée. On prenait aussi beaucoup de bains. 

Opération de la cataracte à l’Hôtel-Dieu pratiquée par Dupuytren en présence de Charles X (Peinture anonyme, Musée Carnavalet)

  L’hôpital va progressivement être en quelque sorte bien d’Etat et seront l’objet d’une restauration au XVIIe siècle. Sous le règne de Louis XIV, le nombre de malades augmenta tellement qu’on sera forcé de mettre six malades par lit, et même souvent huit, rapporte Raymond Escholier. Au XVIIIe siècle, l’Hôtel-Dieu fut l’objet d’un incendie, en 1772, puis progressivement reconstruit. Pendant la Terreur, les sœurs augustines vont continuer leur service à l’hôpital. Au XIXe siècle,  une grande figure domine l’Hôtel-Dieu, celle du chirurgien Dupuytren. Aujourd’hui, en 2019, cet hôpital est progressivement vidé de ses malades, ne conservant que quelques services pour un hôpital de jour.

 

Hôtel-Dieu à Paris

  C’est en 1939 que les Laboratoires Ciba édite un ouvrage sur la Salpêtrière dans sa collection « les vieux hôpitaux français ». Il y ait reproduit la totalité de l’édit de Louis XIV, scellé le 27 avril 1656 confirmant l’établissement de l’Hôpital Général qui comprenait le Pitié, le Refuge, la Savonnerie, Bicêtre et le Petit Arsenal ou la Salpêtrière. Vingt ans  après, la Salpêtrière était pleine et un document du mois d’octobre 1679 nous permet de dénombrer les personnes hospitalisées, par bâtiment, au total 3699 dont des malades mais aussi des tricoteuses, des couturières, des enfants, des « incorrigibles », des servantes de cuisine, etc.

La Salpêtrière, vue de la rive droite de la Seine. Gravure par Guéroult (B.N. Est.)

Maxime Du Camp qui visita la Salpêtrière avant 1870 s’extasiait sur la bonne tenue de de l’établissement. « Dans les hôpitaux ordinaires, écrit-il, c’est le portier qui est cantinier et qui débite aux pensionnaires les denrées autorisées. Ici, il ne peut en être de même, la population est trop considérable ; aussi, en dehors d’une cantine générale, a-t-on été obligé d’ouvrir, à l’intérieur de la maison, un véritable marché, où l’on rencontre des fruitiers, des épiciers, un café, un marchand de tabac. J’ai vu là quatre ou cinq vieilles femmes qui fumaient gravement la pipe. …

L’hôpital royal de la Salpêtrière. Gravure par Rigaud (B.N. Est.)

Il est dans le marché, une boutique qui, plus que toutes autres, est constamment en activité, c’est celle de la blanchisseuse qui ne parvient pas à satisfaire toutes « ses pratiques », tant elle a de fichus et de bonnets à blanchir, à repasser, à plisser, à tuyauter. La coquetterie des pensionnaires est inexprimable… ». 

Au mois de septembre 1792, on massacra à la Salpêtrière 45 prisonnières détenues en vertu d’une lettre de cachet et les révolutionnaires mirent en liberté les filles publiques qui vivaient là. On appelle ce coin la Cour des Massacres. Des personnages célèbres furent emprisonnées à la Salpêtrière : Mme de La Motte qui fut convaincue d’escroquerie et d’imposture dans l’affaire du collier de la reine, mais aussi Manon Lescaut et bien d’autres. L’hôpital garde aussi le souvenir du professeur Charcot !

Au réfectoire. Dessin par Morand (Musée de l’Assistance Publique)

 

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