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Les vieux hôpitaux de France d’après les publicités pharmaceutiques du XX° siècle (2)

Les vieux hôpitaux de France
d’après les publicités pharmaceutiques du XX° siècle (2)

Ouvrage sur l’hôpital civil de Strasbourg. CIBA, Lyon, 1941

En 2008, nous avons consacré une exposition temporaire à l’histoire des hôpitaux de France à travers les ouvrages publiés par CIBA. Ce Laboratoire avait en effet consacré une série d’ouvrages sur ce thème et lors de la première exposition, nous ne disposions que de quelques uns d’entre eux. Grâce à notre collègue JM Pras qui a la collection complète, nous pouvons voir aujourd’hui la suite !

 

Ancienne pharmacie de l’hôpital civil de Strasbourg

 

Porte de l’hôpital civil de Strasbourg

L’hôpital civil de Strasbourg fit l’objet d’une publication par CIBA en 1941, curieusement,  dans une Alsace passée sous domination allemande. C’est Raymond Escholier qui fut chargé de la rédaction du texte de cette brochure de 45 pages publiée à Lyon. L’introduction débute par ces mots : « Il est peu de villes, en France et ailleurs, où les hôpitaux aient joué un rôle aussi considérable qu’à Strasbourg. Ils forment, aujourd’hui, une véritable cité dans la cité. On y trouve une animation qui manque en d’autres endroits. Ils ont été richement dotés des derniers perfectionnements scientifiques et l’on vient de loin  pour visiter telle clinique moderne ».

Cloche fondue en 1766 par Chistian Couturié, sur la façade Sud de l’ancienne pharmacie du XVIe siècle, à l’Hôpital Civil de Strasbourg.

D’après l’auteur, il faut remonter à 637 où le duc d’Alsace Ettich, Attic, ou Etichon aurait fondé une chapelle, avec un hospice dédié à saint Erard, évêque de Ratisbonner. Cette fondation aurait été faite en souvenir de la visite à Strasbourg du saint homme qui donna le baptême à la future saint Odile, fille du duc. L’existence d’un hôpital à caractère ecclésiastique est en tout cas attesté dès le début du XIIe siècle. Après de multiples épisodes de déplacements, destructions et reconstructions qui ont vu la destructions de l’hôpital des XVe et XVIe siècles, Il reste en revanche la plus grande partie des bâtiments construits entre 1717 et 1724 par l’architecte de la ville Mollinger.

Mortier de la pharmacie de l’hôpital civil de Strasbourg.

La Réforme et la Révolution française vont fortement bouleverser l’organisation de l’hôpital. La majeure partie des bâtiments en 1941 appartenaient aux années 1878-1914. Un certain nombre d’entre eux sont cependant plus anciens.

Une guérite de l’ancienne enceinte de Vauban, Strasbourg

C’est ainsi qu’on peut encore voir l’entrée de l’hôpital, un ensemble imposant, flanqué d’une porte fortifiée du XIVe ou XVe siècle, seul vestige des remparts et des vingt-huit tours qui enfermaient la ville du Moyen-Age dans une triple enceinte percée de huit portes et de huit poternes.

Parmi les autres vestiges décrits par Escholier en 1941, ce dernier évoque la pharmacie « qui est reconstituée au Musée alsacien, avec ses pots de faïence et ses mortiers de métal, ses lampes, ses soufflets, ses alambics et ses balais…Le plus beau des mortiers reste, à l’hôpital même, sous la garde vigilante du pharmacien. »

La vieille pharmacie de l’hôpital civil de Strasbourg (Musée Alsacien)

Beaucoup d’autres informations sont contenus dans cet ouvrage à la fois sur la prise en charge des malades, l’enseignement et les influences tant allemandes que suisses dans le domaine médical.

L’Hôtel Dieu de Rouen, publicité CIBA, Lyon, 1945

Un autre hôpital a bénéficié des publications des Laboratoires Ciba, c’est l’Hôtel-Dieu de Rouen qui était placé sous la protection de saint Louis et de saint Roch. Les bâtiments actuels, nous indique l’ouvrage qui date de 1945, remontent au XVIIe siècle mais l’institution est beaucoup plus ancienne.

Projet d’Abraham Hardouin pour un Lieu de Santé à destination des pestiférés, 1654.

La raison de sa construction est associée aux épidémies de peste qui ravagèrent la ville. Historiquement, c’est un hôpital pour les pestiférés, créé au milieu du XVIIe siècle comme une sorte d’annexe du vieil Hôtel-Dieu de la Madeleine établi de toute ancienneté à l’ombre de la cathédrale. Ce dernier « portait encore au douzième siècle le nom d’hôpital Notre-Dame et doit être l’un des plus anciens du royaume », écrit Duplessis dans sa Description de la Haute Normandie. Les premiers fondateurs sont les archevêques de Rouen et fut par la suite, au XIIe siècle, pris en charge par des chanoines réguliers.

Hôtel-Dieu de Rouen

En 1545, le régime des Hôtels-Dieu de France fut notablement modifié. Le roi instituait à côté des communautés, des conseils administratifs pour régir le temporel des établissements hospitaliers.

Tisanerie de l’Hôtel-Dieu (Musée Flaubert)

Au milieu du XVIe siècle, le service médical était assuré par un médecin, nommé Fierabras, et un chirurgien, Guillaume Lelaige. il y avait en outre les religieux, sept à huit serviteurs ou chambrières, une dame de la gésine, et une femme qu’on nommait la coucheresse. A cette période, on constate une diminution de la lèpre mais une augmentation de la peste qui va sévir longtemps.

On préconisait alors des remèdes parfois curieux. En 1509, on exaltait les vertus merveilleuses de la triacle, vieux remède de Galien, Avicenne, Averrhoès, l’opium avec un mélange de clous de girofle, noix muscade, zédoaire, aristoloche, gentiane, tormentille, dictale, rue, menthe, aloès, etc. Jouyse e, 1620 y ajoute du jus de citron, de la conserve de roses, de l’ambre gris et du safran… Quelques uns portaient un sachet d’arsenic sur la région du coeur pour préserver cet organe que l’on pensait le premier atteint. D’autres employaient le vif argent au même usage. Jouyse emploie la saignée. Lampérière prescrit « le sel des pierres précieuses, du bézoard, du contrahieruas, le larmier de cerf, les cornes de céraste, l’or diaphorétique, le crapaud … »

L’ancienne pharmacie de l’Hôtel-Dieu (Bulletin des amis Rouennais)

Parmi les autres remèdes, on trouve aussi le tabac et des parfums que l’on brulait : myrthe, encens, clou de girofle, cannelle… L’épidémie de 1650 allait enfin décider de l’établissement d’un hôpital pour les malades de la peste qui prit le nom de Saint-Louis-Saint-Roch. C’est en juillet 1668 que l’hôpital fut mis en service.

Il faut remarquer dans cet ouvrage Ciba signé par Charles Terrasse l’indication suivante : « Cette étude sur l’Hôtel-Dieu de Rouen avait été établie dans son texte et dans son illustration, en 1939 et 1940. L’édition, retardée par la guerre, fut laissée en suspens durant l’occupation. Avant de la faire paraître, nous avons voulu connaitre l’état dans lequel se trouve aujourd’hui l’Hôtel-Dieu. La guerre avait causé tant de ravages à Rouen ! Mais, par un hasard heureux, l’Hôtel-Dieu a été épargné. Le vieil établissement hospitalier n’a pas souffert ou bien peu ! Seules, les toitures ont subi des petits dommages et des vitres ont été brisées. Toutefois, il est sauf. Comme on voudrait pouvoir en dire autant de tant d’autres beaux monuments de Normandie qui ne vivent plus que dans nos souvenirs! »

 

 

La cour du cloître et le petit dôme d’après une eau-forte de J. Drevet (Collection J. Lacassagne)

Quelques années plus tôt, Ciba avait publié un ouvrage sur l’Hôtel-Dieu de Lyon (1939, Agence de Plas, Paris). Plusieurs documents anciens font état de la création de l’hôpital. Ainsi une très vieille charte rapporte que « vers 545, saint Sacerdos, cher au roi des Francs, grâce aux largesses et à l’aide de Childebert et de la reine Ultrogothe, son épouse, construisit à Lyon un hôpital dédié à la Bienheureuse Marie, ainsi que les monastères de Saint-Paul pour les moines et de Sainte-Eulalie pour les religieuses, et les dota de riches possessions. » L’Hôtel Dieu dans son emplacement actuel a été constitué par la réunion de deux petits asiles pour l’assistance des pauvres voyageurs et pèlerins, créés par les citoyens de la ville sous le nom de deux confréries différentes : le premier, l’Aumônerie du Sain-Esprit, fondé vers 1129 par les confrères de cet ordre et l’archevêque Raynaud de Semur ;

Fronton du Portail de la place de l’hôpital de Lyon

le deuxième, l’hôpital du Pont-du-Rhône, édifié vers 1184-1185, à titre d’annexe hospitalière du pont entrepris à cette époque par les frères pontifes qui avaient toujours pour habitude d’ériger un petit établissement secourable à la tête des pont construits par eux. Ces deux asiles furent réunis, vers la fin du XIIe siècle, sous la seule administration des frères pontifes. Puis l’administration fut cédée aux religieux de Hautecombe (1308), puis aux moines de Chassagne-en-Bresse (1314), puis finalement par les consuls de la ville (1478).

Le réfectoire de la Communauté des sœurs.

C’est au milieu du XVe siècle que l’hôpital commence réellement à se développer et à recevoir, aux temps des épidémies, des contagieux de toute nature. En 1507, l’hôpital prend la dénomination d’Hôtel-Dieu de Notre-Dame de Pitié du Pont-du-Rhône et, en 1523, il comprend déjà 80 malades au lit, 9 enfants au berceau et un certain nombre d’orphelins et d’enfants trouvés et exposés.

Les sœurs dans l’apothicairerie

Ce nombre va progressivement augmenter par la suite. Une mesure importante marque le premier tiers du XVIe siècle, l’organisation d’un service médico-chirurgical par la nomination, en 1528-1529 d’un apothicaire, d’un barbier-chirurgien et d’un médecin. En 1532, ce dernier poste est occupé par Rabelais.  A la fin du XVIe siècle, le statut des sœurs hospitalières est une originalité des hôpitaux lyonnais.

Apothicairerie de l’Hôtel-Dieu

Leur situation, unique en France, était d’être regroupées dans chaque établissement en une sorte de communauté libre qui ne relevait d’aucun ordre religieux, d’aucune congrégation, mais soumise à une règle religieuse sous la surveillance d’un premier aumônier et sous le contrôle de l’administration.

Apothicairerie de l’Hôtel-Dieu

Au moment de la rédaction de ce document, en 1939, il y avait environ mille sœurs réparties dans les divers établissements dépendant de l’administration des Hospices civils de Lyon.

En ce qui concerne le personnel médico-pharmaceutique, Louis XIII par lettres-patentes de 1618, accorda la maîtrise aux chirurgiens (statut de gagnant-maîtrise) puis aux apothicaires (1620) pour les encourager à travailler pour l’hôpital. L’Hôtel-Dieu va traverser des périodes difficiles jusqu’au XVIIIe siècle, période à laquelle on met en chantier de nouvelles constructions sous la direction de Soufflot. La façade centrale est à peu près terminée en 1748 et l’ensemble se termine en 1761. En 1765, l’Hôtel-Dieu abrite 1400 malades et secours 3000 enfants. Après la Révolution, l’hôpital est placé sous l’autorité des Hospices civils de Lyon.

Hôtel-Dieu de Lyon

L’Hôtel-Dieu est aujourd’hui reconverti partiellement en hôtel de luxe de 140 chambres dont l’entrée se fait par le dôme central. Les rez-de-chaussées sont destinés aux activités commerciales, comme prévu jadis sur les plans de Soufflot, et le reste du site est occupé par des activités tertiaires et un centre de conventions.

Polyptyque du Jugement dernier des hospices de Beaune de Rogier Van der Weyden

Dernier Hôtel-Dieu à être évoqué ici : celui de Beaune qui eut aussi droit à un ouvrage des laboratoires Ciba en 1940, dont voici quelques extraits. Grâce à Nicole Rolin, l’Hôtel-Dieu de Beaune fut édifié en dix ans. L’auteur du plan de l’édifice s’appelait Jacques Wiscrere, natif de la Flandre française. Le maître maçon était Jean Rateau, le maître charpentier, Guillaume La Rathe et celui qui fut à l’origine des fameuses tuiles vernissées fut Denis Géot. Dès le 31 décembre 1451, la chapelle était bénie et le lendemain un lit recevait le premier malade.

Le but de Nicolas Rolin était d’offrir aux pauvres malades trente lits réparties par série de quinze sur les deux côtés du bâtiment principal comportant également une chapelle. Les soins étaient assurés par des religieuses indépendantes. Chaque matin, à huit heures, tous les indigents se présentant à la porte recevaient du pain blanc pour la valeur de cinq sous tournois et de dix pendant le carême.

Hospices de Beaune. Apothicairerie

Les débuts ne furent pas heureux à cause du caractère impérieux d’Alardine Ghasquière, tyrannisant les sœurs jusqu’à leur interdire de boire un verre d’eau sans sa permission, rudoyant les malades et prétendant imposer sa règle. Elle finit par être congédiée par Rolin.

Après la mort de ce dernier, l’Hôtel-Dieu poursuivit ses activités non sans difficulté mais avec le soutien constant des rois et des princes, mais aussi des particuliers. La Révolution amena une période de trouble et il fallut l’Empire pour ramener le calme et l’ordre dans un édifice appauvri et presque déserté, et qui retrouva progressivement sa beauté primitive. Les fonctions médicales ont été transférées en 1971 dans un hôpital moderne, à l’exception d’une maison de retraite. 

Beaune. Apothicairerie

Curieusement, le document de Ciba de 1940 ne mentionne pas l’apothicairerie !! Par contre, il évoque longuement la Grande Chambre.

Salle des pôvres Hospices de Beaune

« Sa voute en berceau, tout en bois, est un chef-d’œuvre de charpenterie, une carène de vaisseau, aussi harmonieuse qu’audacieuse… Cette nef ligneuse d’une sombre et chaude patine, qui semble d’un seul jet, est étayée par une rangée de poutres transversales que renforcent, en leur milieu, les entraits peints et dorés.

Volet détaché du retable de Van der Weyden. Le chancelier Nicolas Rolin.

Aux extrémités de chaque poutre, des masques polychromes rappellent le goût médiéval, prolongé jusqu’au XVe siècle, pour les fantaisies grotesques et les écussons, portent les armes des Rolin, de leurs seigneurs Philippe Le Bon et Isabelle de Portugal. Le pavé vernissé n’est pas moins riche en monogrammes et devises allégoriques… Au fond, la vaste nef se termine en chapelle, séparée seulement de la salle des malades par une cloison de claire-voie. Celle de jadis a été abattue par les révolutionnaires : on l’a remplacée par un travail de boiserie du style gothique flamboyant, qui porte à son sommet un calvaire et les écussons des Rolin et des ducs. »

Détail du retable du Jugement dernier. Hospices de Beaune

Le document Ciba donne une place importante au retable du jugement dernier. L’œuvre « se présente comme un vaste retable en neuf parties, dont six, dans le dispositif de fermeture, sont cachées par des panneaux peints ou en grisaille, l’usage ancien voulant que le spectacle de l’ensemble ne fut donné qu’aux grands jours fériés. Le panneau central, haut de deux mètres quinze et large d’un mètre dix, représente, dans sa zone supérieure, le Christ drapé de pourpre, assis; sur un arc en ciel, se détachant sur un fond d’or et de nuées où flotte à sa droite une branche de lys, symbole de l’innocence et où apparait à sa gauche un glaive, symbole du châtiment…. »

 

Détail du retable des hospices de Beaune : le Jugement dernier

 

 

 

 

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