Copies des remèdes secrets dans les formulaires (1904-1933)
Comme cela été montré souvent, la spécialité pharmaceutique a eu beaucoup de mal à prendre sa place en France au début du XXe siècle face à l’opposition des pharmaciens d’officine qui voyait là le meilleur moyen de perdre leur prérogative dans la préparation des médicaments, base de leur revenus et de leur travail quotidien. Par ailleurs, ces produits préparés par des confrères ou des industriels non pharmaciens pouvait remettre en cause le monopole pharmaceutique acquis depuis la loi de 1803 sur la pharmacie. Très rapidement, plusieurs auteurs ont donc cherché à connaitre le contenu de ces médicaments préparés à l’avance et vendus, à grand renfort de publicité, au grand public. La connaissance des formules leur permettait en effet d’une part de vendre à leur clientèle des produits similaires à des prix sans doute inférieurs, mais aussi de conserver des marges commerciales raisonnables à une époque où les « spécialistes », comme on les appelaient, laissaient peu de marge aux pharmaciens. Témoins de ces débats et enjeux : les formulaires publiés au début du XXe siècle ayant pour objectif de donner les formules des spécialités pour encourager les pharmaciens d’officine à la résistance contre elles. Les formulaires avaient aussi le souci de combler les lacunes des pharmacopées officielles, en général en retard par rapport à l’état des connaissances scientifiques. Comme l’indique Guitard dans un article de notre Revue, « la plupart des formulaires privés que publient les sociétés pharmaceutiques d’un pays ou d’une région « sont nés de l’insuffisance des pharmacopées officielles »… Cette insuffisance de ces dernières vient de ce qu’elles ne tiennent pas assez compte des habitudes locales, certains coins du territoire étant fidèles à des médicaments très particuliers que le Codex national n’a jamais connus ou qu’il a cru devoir rayer de ses colonnes…
Les « formulaires » privés modernes qu’il y a lieu de retenir pour la France sont en particulier : L’officine de Dorvault ; L’Aide-mémoire d’Eusèbe Ferrand, sorte de résumé de la précédente; le Formulaire des principales spécialités de Cerbelaud, qui déchaîna des colères… et des procès; le Manuel vétérinaire du même, enfin le Formulaire des Pharmaciens Français qui est l’ancien formulaire de la Société de Pharmacie du Loiret, créé en 1890 et adopté depuis 1904 par l’Association générale des Syndicats Pharmaceutiques de France. » C’est justement l’objet de cette exposition d’examiner quelques unes des spécialités dont les formules sont indiquées dans le formulaire de Cerbelaud (1920), d’une part, et dans le Formulaire des pharmaciens français (1933), d’autre part.
Mais il faut d’abord bien comprendre le contexte législatif dans lequel se trouve la pharmacie dans ces premières années du XXe siècle. Le brevet de médicament n’existe pas. Seule la marque est une protection pour les industriels. Dans ce contexte, dévoiler la formule, c’est de fait perdre l’exclusivité de la fabrication et de la vente du médicament. Devant la publication de ces formulaires, les industriels ont donc tenté de protester devant les tribunaux pour les empêcher d’être publié.
Assigné par Fumouze, Darrasse, Simon, Troncin, Comar et Prot en 1907 après la parution de la première édition de son formulaire, le pharmacien René Cerbelaud ne sera pas condamné par la justice pour la publication de son ouvrage. Dans son formulaire de 1933, Cerbelaud donne tout les détails des procès qu’il a dû subir du fait de ses détracteurs. Dans ce même formulaire, René Cerbelaud, conseillait aux pharmaciens de tous devenir « spécialistes ». Lui-même fabriquait ses propres spécialités dont les formules se retrouvent dans son formulaire. (Voir l’article de André Georgin, 2005, dans notre Revue). Au delà de la lutte contre les remèdes secrets, Cerbelaud fait la distinction entre les médicaments « très bien préparées, très actives, indispensables même et destinées plus tard à figurer au Codex, (qui) ne craignent pas devoir mettre leurs formules au jour et sont les premières à les publier. », d’une part, et d’autres, au contraire, qui « constituent une véritable tromperie sur la marchandise et peuvent attirer des ennuis au pharmacien, intermédiaire entre le producteur et le public. »
Nous allons maintenant voir quelques unes des spécialités contenus dans les deux formulaires : celui de Cerbelaud (1920) et l’autre publié par l’Association générale des Syndicats pharmaceutiques de France et des Colonies (1933, avec parfois quelques rappels de celui de 1904). Mais il faut bien sûr rappelé que dans la plupart des cas, nous ne connaissons pas la formule exacte du produit original.
1°) L’aniodol.
L’aniodol est très souvent présent dans les publicités de cette période. Il s’agit d’une solution de formol à 40% dont la formule est proche mais différente dans les deux formulaires, celui de Cerbelaud et celui des pharmaciens français. Il existait alors deux formules d’Aniodol : le produit à usage externe et le produit à usage interne (voir tableau ci-dessous). En 1933, il est indiqué dans le Formulaire des pharmaciens français (FPF) que le produit « Aniodol Pinard » est commercialisé par la société Lauriat. Son « équivalent » proposé est la solution de formol composée. Mais en 1932, l’Aniodol est associé dans le Vidal aux Laboratoires de l’Aniodol, à Nanterre et présenté comme « le plus puissant antiseptique interne et externe, diffère de tous les antiseptiques par son absence de toxicité et de causticité ». C’est alors « une combinaison de triformal glycérine et d’oxyméthylène sulfocarbimide ». On retrouve dans le Vidal 1932 les deux formules interne (sous forme de gouttes) et externe (solution, comprimés, poudre, savons, ovules, vaseline). Dans les années 1960, le produit est vendu par « Les Laboratoires Parisiens » de Courbevoie, puis par la société Schoum.
On peut donc voir ici que la formule de l’Aniodol et les équivalents de Cerbelaud sont très proches mais que le formulaire des pharmaciens français donne une formule moins efficace, si l’on en croit le commentaire de Cerbelaud.
Formulaire Cerbelaud |
Formulaire des pharmaciens français (Solution de formol composée) |
1) Solution de formol et de sulfure d’allyle (pour usage externe) Solution de formol à 40 p. 100, 20g. L’auteur ajoute : Cette solution peut remplacer l’aniodol, mais son pouvoir antiseptique est plus faible ; on obtiendra une solution d’un pouvoir bactéricide aussi puissant que le sublimé, en employant la formule ci-dessous à laquelle on donnera toujours la préférence lorsqu’on aura de l’oxyméthylallylsulfocarbimide : Oxyméthylallylsulfocarbimide pure (Dix grammes) 10 g. ; Eau distillée bouillie… 1000 g. 2) Solution de formol et de sulfure d’allyle (pour usage interne) Solution de formol à 40 p. 100.., 5 g. Dans ce dernier cas, les indications sont : gastroentérite, diarrhée verte, entérite muco-membraneuse, fièvre typhoïde, grippe. |
Solution mère de formol allylique*, 40g.
Eau distillée Q.S. pour 1000 cm3 Une à deux cuillerées à soupe par litre d’eau pour injections et lavages. Indications : obstétrique, gynécologie, chirurgie générale, maladies vénériennes et des voies urinaires, dermatoses, ophtalmologie, rhinologie. *L’auteur indique que la solution mère de formol allyle (Aldéhyde formique + sulfure d’allyle pur) sert à préparer le produit final, qui seul, doit être délivré au public. |
2°) La Carnine Lefrancq (Commercialisé par Fumouze à partir de 1904)
La Carnine Lefrancq a eu droit à une publicité considérable et donc à une vogue importante au début du XXe siècle. Il était donc naturel que les pharmaciens cherche à copier cette formule pour obtenir un produit équivalent mais sans doute meilleur marché. Dans le formulaire de Cerbelaud, on trouve son équivalent sous le terme « solution de jus de viande de boeuf ». Dans le FPF, l’équivalent est présenté sous le terme de « plasma musculaire ». Dans tous les formulaires, la formule est la même. Voici ce que l’on peut lire chez Cerbelaud: « A l’aide d’une presse, exprimer totalement et à froid, le jus contenu dans un kilogramme à 1200 grammes de viande de bœuf : évaporer à froid le suc, en concentrant dans le vide, obtenir 333 gr. 33 de suc, auquel on ajoutera : Sucre concassé en petits morceaux:… 333 gr. 33, Glycérine neutre à 36° 333 gr. 33, Vanilline cristallisée, (Vingt centigrammes) 0 gr. 20, Alcool à 90°, 10 gr ».
Pour l’auteur, cette formule est non seulement équivalente à celle de la Carnine Lefrancq, mais aussi de la Musculosine Byla, du Suc Durham, et de la Sangule de G. Dubat, ce qui montre que la concurrence était rude et que seule la marque différenciait ces produits les uns des autres. Cerbelaud ajoute le commentaire suivant : « Ces préparations doivent leurs propriétés aux ferments catalytiques du sang, aux diastases endomusculaires et à la présence d’opsonines musculaires dont on peut déterminer le pouvoir opsonisant. » (voir article de la RHP)
3°) La Cascarine Leprince.
Autre produit copié, mais moins connu, la Cascarine Leprince (Laboratoires du Dr M. Leprince). Il existait à l’époque plusieurs spécialités à base de Cascara sous forme d’élixirs (Cascara Alexandre, Cascara Midy) ou de comprimés (Cascara Leprince, Cascara Midy). Les deux formulaires donnent les formules de produits équivalent : « Pilules de Cascara » pour le FPP, « Pilules de Cascara Sagrada » pour le Formulaire Cerbelaud. Pour ce dernier, la formule qu’il donne est équivalent au Cascara Leprince mais aussi aux pilules de Cascara Midy et à la Cascaréine. Elle se compose de 10 g. d’extrait de Cascara, et Q.S. de poudre de cascara sagrada. Le FPF donne la même formule. Aucun des deux formulaires ne donne les indications. On les trouve dans le Vidal de 1932 : « Constipation habituelle, affections du foie, … , Cholagogue, puis copragogue de tout premier ordre (Spécifique des causes et des conséquences de la constipation), véritable traitement et non pas purgatif banal, employé couramment depuis 50 ans. »
4°) Cérébrine Fournier (Fournier et Cie, Paris, puis Laboratoire des Gloxines dans les années 1940, puis Laboratoire de l’Aethone dans les années 1960).
L’ouvrage de Gardette, en 1907 décrit la Cérébrine comme « une liqueur éthérée très diffusible, contenant les principes actifs du café, de la coca,et du guarana et notamment la cocaïne et la théine, associés à 0,15 centigrammes d’analgésine par cuillerée à bouche. » C’est différent de ce qu’indique Cerbelaud qui donne la formule suivante en 1920 : Salipyrine pulvérisée (=salicylate d’antipyrine), 35 g ; Caféine, 7 g ; Caramel pur, 1 g ; Teinture de safran au 1/10, 1 g ; Alcoolat de Garus, 300 g ; Elixir parégorique, 30 g ; Teinture de Coca du Pérou 70 g ; Sirop d’éther du Codex, 450 g ; Sirop de fleur d’oranger, 70 g ; Sirop de capillaire, 50 g, Il existait également des formules plus complexes : Cérébrine bromée, iodée ou bromo-iodée, Cérébrine quiniée, Cérébrine à Kola.
Le FPF donne une formule de la Cérébrine simple très proche en 1933, sans la teinture de safran. Cependant la formule du Vidal de 1960 est un peu différente : « Une cuillerée à soupe contient : analgésine 0.30 g., sodium salicylate, O.30 g., Caféine, 0.05 g., Opium poudre, 0.02 g., Coca, 0.05 g., Noix vomique, 0.015 g., Seneçon, 0,007g, Eau de Laurier-cerise, 0.20 g. » La cérébrine était indiquée dans les crises de névralgies ou de migraines (Cerbelaud). On voit ici que la formule recommandée par les deux formulaires est différente mais assez proche de celle décrite dans le Vidal de 1960.
5°) Elixir et Sirop Deschiens.
Les élixirs, très populaires au début du XXe siècle, vont être fréquemment copiés et proposés souvent pour les mêmes indications. L’Hémoglobine Deschiens est fabriquée sous forme de sirop, élixir, granule, dragée dans une usine à Romainville , 29 route de Noisy. En 1911 l’usine emploie 70 personnes et produit annuellement 30 tonnes d’hémoglobine. Le médicament est prescrit pour le traitement des anémies, de la neurasthénie, des faiblesses, la convalescence, le surmenage, c’est la spécialité emblématique du laboratoire. La moitié de la production est exportée. L’Elixir Deschiens est donc l’occasion pour les deux formulaires de donner des formules équivalentes, assez différentes dans les deux ouvrages (tableau ci-dessous).
FPF Elixir d’hémoglobine |
Cervelaud Elixir d’hémoglobine |
Oxy-hémoglobine liquide à 50%, 130 g. Alcoolat de Garus, 100 g. Alcool à 60°, 150 g. Vanilline, 0.05 g. Sirop de sucre, 500 g. Eau distillée Q.S. pour 1000 cmc |
Hémocristalline Byla (à 50 p. 100) 50 gr. Glycérine neutre à 30° 200 gr. Sirop simple 250 gr. Eau distillée 350 gr. Alcoolat ou Esprit de cacao (1), 150 gr. Vanilline (de Laire) 0 gr. 1.0 |
Quant au sirop Deschiens, on trouve sa formule dans les deux formulaires, où les formules sont légèrement différentes l’une de l’autre :
FPF Sirop d’hémoglobine |
Cerbelaud Sirop d’hémoglobine |
Oxy-hémoglobine fluide à 50%, 100 g.
Alcoolat d’orange, 10 g. Sirop de sucre, 890 g. |
Hémocristalline (Byla) à 50% 100 g.
Sirop de fleur d’oranger 100 g. Sirop d’écorce d’orange amère 950 g. Alcool à 90°, 50 g. |
6°) Elixir Gonnon.
L’élixir Gonnon était sans doute aussi populaire que celui de Deschiens, et les deux formulaires s’y sont intéressés pour en « copier » la formule ou plutôt pour trouver une formule équivalente. Mais les formules sont différentes dans les deux ouvrages (tableau ci-dessous). La « vraie » formule se trouve dans le Vidal 1932 : « Terpine dissoute dans l’alcool et sirop de Tolu. Les capsules de Terpine Gonnon contiennent de la terpine, de la codéine et du benzoate de soude. Quant à la pâte Gonnon, sa composition est encore différente : Terpine, aconit, benzoate de soude, Tolu, Terpinol. Dans le Vidal de 1960, on trouve aussi les granulés de Terpine Gonnon : « Terpine, Phosphate de codéine, Aconit, Tolu, Polygala, Erysimum et Gaïacosulfonate de potassium ». Aucun des formulaires ne précise les indications, mais elles se trouvent dans le Vidal 1932 : « Toux, rhumes, catarrhes, bronchites, emphysème. Employée aussi avec succès contre les maladies des voies urinaires et contre les affections du système nerveux« . Le produit est encore commercialisé en 2019 par Merck médication familiale.
FPF
Élixir de terpine et codéine |
Cerbelaud
Élixir de terpine |
Terpine pulvérisée, 6 g.
Codéine, 1.20 g Alcool à 90°, 100 g. Cognac vieux, 550 g. Eau de laurier-cerise, 50 g. Eau distillée Q.S. pour 1000 ml |
Terpine pulvérisée, 10 g. Alcool à 90°, 260 ml. Cognac origine, 50 ml. Glycérine à 30°, 170 ml. Ether oenanthyque pur, I goutte. Essence synthétique de fraise, III gouttes. Teinture de vanille à 1 /10, 5 ml. Teinture de cacao à 1 /5, 10 ml. Sirop de capillaire, 170 ml. Sirop de tolu, 240 ml. Alcoolat de Garus 70 ml. |
7°) Elixir Grez.
Là encore cet élixir eu droit à beaucoup de publicités et amena les deux formulaires à proposer un équivalent à l’Elixir Grez sous le terme d’Élixir chlorhydropepsique composé. Là aussi, les formules sont différentes entre les deux ouvrages (tableau). Voici le texte que l’on trouve dans le Vidal de 1932 : « Elixir Grez Chlorhydropepsique : Spécialement préparé pour combattre l’insuffisance gastrique sous toutes ses formes. A base de chlorhydropepsine unie aux amers digestifs. Son action doit être recherchée dans tous les cas où les fonctions sécrétrices de l’estomac sont déficientes, depuis la simple dyspepsie due à une mastication insuffisante ou trop rapide (mauvaise dentition, repas précipités, etc.) jusqu’aux plus graves troubles secrétoires. Joignant l’utile à l’agréable, est employé dans le monde entier et universellement apprécié par le corps médical. Le nombre des Docteurs qui emploient l’Elixir chlorhydropepsique pour leur usage personnel augmente de jour en jour. C’est pour nous la meilleure preuve de la qualité de notre produit et de son efficacité. »(Laboratoire de l’Elixir Grez, à l’adresse du Laboratoire Monin).
FPF
Elixir chlorhydropepsique composé |
Cerbelaud
Elixir chlorhydropepsique composé |
Vin de coca au grenache, 300 g.
Vin de quinquina au grenache, 350 g. Pepsine extractive (Codex), 20 g. Eau distillée, 40 g. Sucre, 250 g. Cannelle (teinture de), 5 g. Acide chlorhydrique, 6 g. Vin de grenache, 1000 ml |
Pepsine extractive fluide, titre 100, ou pepsine extractive en paillettes, titre 100, 10 g.
Acide chlorhydrique dilué au dixième, 40 g. Sirop simple, 100 g. Vin de Malaga noir, 60 g. Teinture de gentiane, 20 g. Alcool à90°, 80 g. Vin de Madère Q. S. pour Un litre |
8°) Elixir Robin.
Décrit dans les formulaires sous le nom d’Elixir de peptonate de fer, l’élixir Robin méritait lui aussi d’être copié. Le produit apparait dans le FPF (1933) sous le nom du Laboratoire Gauvin, mais sous celui des Laboratoires Robin dans le Vidal de 1932. Dans ce dernier, on peut lire que le Peptonate de fer Robin est une « combinaison définie de peptone, de glycérine et de fer » dont les indications sont « tous les états anémiques et chlorotiques ». Comme l’indique notre Revue en 1929, « les Laboratoires Robin furent fondés en 1883 par Maurice ROBIN, pharmacien de l’Ecole Supérieure de Pharmacie de Paris et interne des Hôpitaux. C’est en 1881 que, chef de laboratoire de Dumontpallier, à l’hôpital de la Pitié, il étudie le peptonate de fer que Berthelot présente en 1885 à l’Académie des sciences ».
Dans le FPF, la composition est la suivante : Peptonate de fer (gouttes conc.), 50 g., Alcoolat de Garus, 100 g., Alcool à 60°, 150 g., Vanilline, 0.05 g., Sirop de sucre, 500 g. , Eau distillée Q.S. pour un litre. C’est un peu différent de la formule de Cerbelaud qui donne pour les gouttes de peptonate de fer : Peptonate de viande, spongieuse et pulvérisée, 5 g., eau distillée, 83 g., solution officinale de perchlorure de fer neutre, 12g., chlorhydrate d’ammoniaque chimique pur, 5 g., glycérine neutre à 30°, 80 g., caramel, 20g. Ce dernier auteur précise que pour obtenir l’élixir, « on prendra les gouttes concentrées ci-dessus, qu’on mélangera au sirop ; on ajoutera ensuite l’alcool ou la solution aromatique et on obtiendra un élixir d’une limpidité parfaite ».
9°) Elixir Trouette-Perret (Elixir de papaïne).
En 1880, fut introduit dans la thérapeutique le principe actif du suc de « Carica Papaya », dénommé Papaïne par son inventeur, M. Trouette. MM. E. Trouette et E. Perret, tous les deux pharmaciens, avaient fondé une usine de produits pharmaceutiques à Moret-sur-Loing en 1878. Cet élixir de papaïne apparait bien dans le Vidal de 1932 pour le compte du laboratoire ainsi que des cachets et comprimés, un sirop de papaïne, etc.
Curieusement, c’est sous le nom du laboratoire Condou et Lefort que le produit est présent dans le Formulaire des Pharmaciens Français en 1933. La formule n’est pas décrite dans le Vidal de cette période mais elle est la suivante pour le FPF : Papaïne extractive, 10 g., Eau distillée, 100 g., Sirop de sucre, 400 g., Alcool à 80°, 80 g., Vin de Malaga blanc Q.S. 1 litre. Le Vidal donne l’indication : « Toutes les fois où l’on digère mal ». Le formulaire de Cerbelaud en donne une formule assez différente : « Papaïne liquide à 50%, 28 g., anisette fine, Q.S.P. un litre, teinture de safran au dixième, 2 g., Solution aqueuse de carmin d’indigo à 1 p.100, Q.S.
10°) Elixir Verne.
Cet élixir, moins connu, n’apparait pas dans le Vidal de 1932. Il est par contre bien présent dans les deux formulaires qui nous intéressent ici. Le FPF en donne la formule suivante, sous le nom d’élixir de boldo (Laboratoire De Marie) : Extrait fluide de boldo, 50 g., Alcool à 60°, 120 g., Vin de Malaga blanc, 500 g., Sirop de sucre, 350 g. Eau q.s.p. 1 litre.
Là encore la formule proposée par Cerbelaud est sensiblement différente : Teinture de vanille, 10 g., Teinture de boldo à 1 /5, 100 g., Siropsimple, 300 g., Vin de Malaga noir, 300 gr., Alcool à 90°, 150 g., Eau distillée Q. S. pour un litre. Aucun des deux formulaires ne propose une indication. Mais on trouve cette information sur les publicités : « les congestions et les troubles fonctionnels du foie, la dyspepsie atonique, les fièvres intermittentes, les cachexies d’origine paludéenne et consécutives au long séjour dans les pays chauds. »
11°) Émulsion Scott. C’est sans doute l’une des spécialités qui a bénéficié du plus grand nombre de publicités au cours de la première partie du XXe siècle. Il y a en particulier la longue série des publicités sous forme de cartes postales représentants les départements français. On trouve sa formule dans le Vidal de 1946 : Huile de foie de morue, 35.67 g, hypophosphites de calcium, 0.94 g., hypophosphites de sodium, 0.47 g., glycérine CP 30°, 16.47 g., Excipient, Q.S.p. 100 g. L’indication est alors les « affections pulmonaires, rhumes, toux, rachitisme, débilité générale ». A cette période, le produit est vendu par les Laboratoires SECLO (Y. Clément, pharmacien).
Cerbelaud, dans son formulaire de 1920, commence par donner une longue explication sur les émulsions d’huile de foie de morue : » Toutes les émulsions d’huile de foie de morue renferment environ le tiers de leur poids d’huile de foie de morue blanche, Le mucilage favorise leur fermentation, aussi Beaucoup de formules sont additionnées de 0 gr. 20 à 0 gr. 25 d’acide salicylique par litre pour obvier à cet inconvénient. On leur communique un goût sucré en ajoutant de 0 gr. 25 à 0 gr. 40 de saccharine par litre d’émulsion. Enfin, on remplace de plus en plus l’eau de laurier-cerise par l’essence synthétique d’amande amère qui n’est pas toxique. La dose habituelle d’eau de laurier-cerise est de 12 grammes par litre d’émulsion. Quant à l’eau de chaux, il ne faut pas oublier, que ce produit modifie l’huile de foie de morue en formant un véritable savon. On donnera seulement deux formules; toutes sont d’ailleurs sensiblement voisines et copiées les unes sur les autres, certaines renferment cependant de la gelée de fucus crispus ; le fucus communique toujours une odeur peu agréable, surtout lorsque l’émulsion est préparée depuis plusieurs jours. On obtiendrait peut-être un bon résultat en émulsionnant à la caséine additionnée de bicarbonate de soude ? ».
A la suite de cette explication, il donne ensuite une formule susceptible de remplacer l’émulsion SCOTT mais aussi l’émulsion Marchais, l’émulsion Hogg, l’émulsion Debresne, la crème Dulys, l’émulsion Delouche et l’émulsion Thouvenin. On voit que la compétition était très rude avec des formules très proches les unes des autres. Cette formule est la suivante : « Huile de foie de morue, blanche 300 gr., Glycérine neutre à 30° 250 gr., Gomme adragante pulvérisée 10 gr., Gomme arabique. 70 gr., Hypophosphite de chaux 5 gr., Hypophosphite de soude 5 gr., Essence synthétique d’amande amère, privée de chlore, X gouttes, Saccharine 0 gr. 20, Acide salicylique 0 gr. 25, Eau distillée (environ 400 grammes). Q. S. pour un litre. » De son côté le FPF de 1933 associe l’émulsion Scott au laboratoire Panheleux et donne la formule équivalente suivante, très proche de celle de Cerbelaud : Huile de foie de morue blanche, 300 g., Glycérine pure à 30°, 250 g., Gomme adragante pulvérisée, 10 g., Gomme arabique pulvérisée, 60 g., Eau de laurier-cerise, 60 g., Hypophosphite de calcium, 5 g., Hypophosphite de sodium, 5 g., Eau distillée Q.S. p. 1 litre.
12°) Eupnine Vernade. On trouve ce médicament dans le Vidal de 1932 sous le nom du Laboratoire Darrasse : « Eupnine Vernade à l’iodure de caféine stable ». On en sait pas plus sur sa formule officielle à cette époque, mais on trouve la description suivante dans le Vidal 1960 : « Solution à 10% d’iodure de caféine vrai et stable fixé sur extrait de café concentré », ce qui n’est pas beaucoup plus précis. Dans le formulaire Cerbelaud (1920), c’est la formule suivante qui est proposée pour se substituer à la spécialité : » Iodure de potassium 100 gr., Glycérine neutre 50 gr., Caféine (Quatorze grammes) 14 gr., Benzoate de soude 20 gr., Infusion de café torréfié à 10 p. 100… Q. S. pour un litre. » C’est sous le titre de « solution iodo-caféine » que le FPF propose sa formule : Caféine, 30 g., iodure de sodium, 50 g., benzoate de sodium, 16 g., glycyrrhizine, 8 g., infusion de café à 4% Q.S. p. 1 litre. On voit donc que les formules sont assez différentes entre les deux formulaires ! même s’il y a un air de ressemblance. L’indication chez Cerbelaud est « Diurétique et tonique du cœur et des voies respiratoires », ce qui est assez proche de l’indication du Vidal 1932.
13°) Les Grains de Franck (Grains de santé pour le FPF, Pilules d’aloès composées chez Cerbelaud). La publicité était également très importante pour ces pilules au début du XXe siècle (voir l’article de Cécile Raynal dans notre Revue). Les grains du Dr Franck font leur apparition dans l’Illustration de novembre 1899. Le produit est disponible dans toutes les pharmacies, et permet de traiter la constipation et ses conséquences ». Le Formulaire de Gautier en 1895 nous en donne la formule à base d’aloès, gomme-gutte et acide borique. L’aloès est à l’époque très à la mode et est présent dans les « grains de vie de Clérambourg », « les pilules Anderson » et « les Pilules Dehaut », tous ces produits étant généralement utilisés comme purgatifs. Il s’agit d’une copie des « pilules écossaires ou d’Anderson » : Aloes pulvérisé : 20 g, Gomme guta pulvérisée : 20 g, Huile volatile d’anis : 1 g, Miel blanc : 10 g, Pilules de 20 cg. Chacune contient 0,08 g d’aloes et 0,08 g de gomme gutte.
Quelles sont les formules de remplacement proposées par nos deux formulaires ?
Celle de Cerbelaud consiste en : « Aloès pulvérisé, 8 gr., Gomme-gutte pulvérisée, 2 gr., Poudre de jalap, 8 gr., Poudre de rhubarbe 2 gr., Extrait de rhubarbe, Q. S. ». il ajoute : » D’après le professeur Guibourt : « Les fameux Grains de santé du Dr Franck ne seraient formés que d’aloès et de sucre de réglisse dissous à chaud et évaporés en consistance pilulaire. ». Quant au formulaire des Pharmaciens Français, il donne la formule suivante : « Aloès, 10 g., Jalap, 10 g., Rhubarbe, 2.50 g., Excipient Q.S. On voit donc que toutes ces formules sont proches mais non identiques d’un auteur à l’autre.
14°) Grains de Vals. On trouve assez rarement la description précise de la formule des Grains de Vals. Elle existe cependant dans le Vidal de 1932 (Laboratoire H. Noguès): « Composition végétale et opothérapique. Podophyllin, 0.01, Cascara et Bourdaine (extrait) ââ 0.025, Belladone (extrait), 0.01, Bile, 0.02, Erepsine, 0.01, Entérokinase, 0.01. », avec, pour indications: « constipations, embarras gastrique ; les grains de Vals décongestionnent le foie et la vésicule biliaire. » Comme on peut le lire dans notre Revue en 1929, « Vers 1898, le regretté Demourgues, alors établi pharmacien, 86, boulevard Port-Royal, créa, dans les dépendances de sa pharmacie, un laboratoire de produits pharmaceutiques destinés à des recherches scientifiques. L’année suivante, en collaboration avec le Dr Gelineau, il fixa une formule de laxatif qui, par ses effets constants et ses appréciables qualités, attira tout de suite l’attention du Corps médical. Les Grains de Vals, aujourd’hui répandus dans le monde entier, connaissent une vogue des plus méritées. »
L’intérêt pour ce produit laxatif conduit nos deux formulaires à proposer des alternatives : Cerbelaud propose la formule suivante : « Aloès du Cap pulvérisé, 0 gr.10, Podophyllin pulvérisé, 0 gr. 01, Extrait de cascara sagrada, 0 gr. 05, Pour une pilule enrobée au gluten, N° 100 ». On voit ici que ce médicament est beaucoup plus simple que dans le Vidal de 1932. La formule du FPF est en revanche plus proche de la formule officielle des grains de Vals : Podophyllin, 0.02 g., Extrait de Belladone, un centig., Extrait de gentiane, 0.04 g., poudre de réglisse Q.S. pour une pilule.
A suivre ……