C’est sous ce titre qu’un colloque fut organisé à Paris en 1990 sous le patronage de la SHP et de l’Académie Internationale d’histoire de la Pharmacie. Cette exposition en présente les éléments essentiels et sera complétée par d’autres informations et publications parues depuis cette date.
Parlons d’abord de la France : Notre pays peut se glorifier d’avoir publié le premier journal scientifique, le Journal de Sçavants , créé en 1665. Côté médecine, le premier journal fut publié en Allemagne puis en France, avec la publication en 1680 du journal « les Nouvelles découvertes sur toutes les parties de la médecine », puis le Journal de médecine (1683) et le Progrès de la médecine (1695). Ces revues mentionnaient la pharmacie mais il faut attendre 1754 pour que ce mot apparaisse clairement dans le titre d’une revue : « Recueil périodique d’observations de médecine, chirurgie, pharmacie. Le premier journal réellement et seulement pharmaceutique est dû à l’énergie et la persévérance de Fourcroy. Pharmaceutique. Très tôt dans sa carrière Fourcroy était rédacteur de plusieurs revues, notamment les Annales de chimie, mais il ne tarda pas à fonder lui-même une nouvelle revue qu’il intitula La Médecine éclairée par les sciences physiques ou Journal des découvertes relatives aux différentes parties de l’art de guérir. Fourcroy insiste dans ce nouveau journal sur le fait « qu’il offrira la première image de la réunion de la médecine, de la chirurgie et de la pharmacie désirée depuis si longtemps ». Fourcroy reprochait en effet au Journal de médecine, alors dirigé par Bacher, de ne pas insister suffisamment sur les découvertes des sciences accessoires : la pharmacie y est presque entièrement oubliée, faisait-il remarquer. Dans son esprit, la pharmacie était en plein essor et à cette situation nouvelle, il fallait des réponses nouvelles : publier des articles « courts et clairs ». Son journal ne dura malheureusement que peu de temps : sous le coup des événements politiques, la publication fut arrêtée en décembre 1792, quelques mois donc après sa création en 1791. Vint ensuite la création de la Société de pharmacie et l’élection de Fourcroy comme associé libre en 1796. Les statuts de cette société prévoyaient entre autres qu’un recueil périodique des mémoires et observations de la Société et autres savants serait publié.
Le Journal de la Société des pharmaciens de Paris fut donc fondé le 3 juin 1797, c’est-à-dire trois mois avant la constitution officielle de la Société. Fourcroy eut un rôle clef dans la fondation du journal : il fut chargé par la Société d’en composer le prospectus, puis fut officiellement le rédacteur de la revue, avec comme adjoints Bouillon-Lagrange et Demachy. Mais les difficultés financières vont vite apparaître. La Société de pharmacie, qui n’a pas les moyens ni l’intention de perdre de l’argent à cause de ce journal, le cède à Fourcroy lui-même pour une durée de six ans. Fourcroy accepta, paya les dettes et continua la publication avec Parmentier, Vauquelin, Bouillon-Lagrange et Deyeux. Le journal restait officiellement celui de la Société des pharmaciens. La place de la chimie et de la pharmacie dans la revue était considérable puisqu’on estimait que 78 % des articles y furent consacrés contre seulement 1,8 % à la botanique et 6 % à la physique. Mais il dû arrêter un an plus tard, le 15 frimaire an VII. (1799), au profit des Annales de chimie dont Fourcroy était lui-même co-fondateur en 1797, et qui publièrent quelques articles associés à la pharmacie. On peut donc remarquer que les initiatives de Fourcroy pour la création d’un journal pharmaceutique firent malheureusement long feu, malgré tous ses efforts financiers personnels !
Arrive 1803 et la création de la Société de pharmacie de Paris, l’ancêtre de l’Académie nationale de pharmacie. Cadet de Gassicourt rédige un rapport qui recommande la publication d’un Recueil périodique des travaux de la Société. Le 15 septembre 1808, la demande est rejetée par la Société et du coup, le 20 septembre 1808, est fondée par ces trois commissaires (entre autres) une société privée dont l’unique objet est de faire paraître un journal professionnel, le Bulletin de pharmacie. Le premier numéro va sortir le 1er janvier 1809. Les rédacteurs ou sociétaires se disent tous « membres de la Société de pharmacie de Paris », dont Cadet qui en est le secrétaire et devient l’âme du nouveau journal. Ce dernier eut beaucoup de succès et, en 1815, il prit le nom de « Journal de pharmacie et des sciences accessoires », puis de Journal de Pharmacie et de chimie jusqu’à la deuxième guerre mondiale où, fusionnant avec le Bulletin des sciences pharmacologiques (créé en 1899), il devint les Annales pharmaceutiques françaises (qui existe toujours aujourd’hui). D’autres revues scientifiques proche de la pharmacie seront publiées par la suite, en particulier le « Journal de chimie médicale, de pharmacie et de toxicologie » créé par Alphonse Chevallier en 1825. Au cours du XIXe et XXe siècle, d’autres organes de presse pharmaceutiques, très nombreux, verront le jour, puis disparaitront pour la plupart.
En Suisse, le premier périodique professionnel et scientifique consacré essentiellement à la pharmacie ne paraît qu’en 1848. Il s’agit des Mitteflungen des Schweizerischen Apothekervereins, publié sous les auspices de la Société helvétique des Pharmaciens. Sous différents titres elle paraîtra pratiquement sans interruption jusqu’à nos jours. Ce retard par rapport aux autres pays voisins vient sans doute de la diversité des langues du pays et de l’éparpillement des compétences qui en découle (F. Ledermann, 1990). Chaque région linguistique a eu tendance à se tourner vers son voisin immédiat, en particulier dans le domaine de la pharmacie, pour les pharmacopées et la formation des étudiants. Les pharmaciens suisses ont en revanche publié dans de nombreuses revues de leur pays ou d’autres pays. La grande majorité des publications est consacrée à exposer un problème de chimie ou de botanique, en liaison avec la préparation et l’usage de produits pharmaceutiques.
En Espagne, c’est également dans les années 1840 qu’est publié le premier périodique de pharmacie, El Mensual Farmaceutico (1842). Cependant, avant cette date, deux revues avaient fait leur apparition : les « Décades Médico-Chirurgicales et Pharmaceutiques », et le « Bulletin de Médecine, Chirurgie et Pharmacie ». La première revue fut publiée à Madrid à partir du 10 janvier 1820 et son édition se poursuivra jusqu’en 1828. Ses objectifs étaient d’abord de communiquer les nouvelles découvertes scientifiques, mais aussi de donner des informations sur les dispositions légales concernant la médecine, la chirurgie et la pharmacie.
On y trouve des travaux locaux mais aussi des publications d’auteurs étrangers comme Louis Prouts (« Analyse et observations des eaux de Madrid »), ou des extraits des travaux de Pelletier et Caventou (« Examen raisonné des principales préparations pharmaceutiques qui ont pour base le quinquina »), etc. On y découvre aussi en 1821 la liste des pharmaciens qui reçoivent une pension du gouvernement espagnol pour avoir servi dans l’armée lors de la guerre contre la France. Quant au « Bulletin de de Médecine, Chirurgie et Pharmacie », il parut pour la première fois le 5 juin 1834. Elle fusionne en 1854 avec la Gazette médicale pour devenir « Le Siècle Médical » à partir de 1854. Ces deux revues publiaient des informations scientifiques provenant de revues étrangères, principalement françaises.
En Italie, la Gazzeta eclettica di Farmacia chimica-medica ed industriale… parait à Vérone à partir de septembre 1831. Publié tous les quinze jours, la gazette contenait des procédés de préparations des médicaments, diverses préparations chimiques et des résumés d’articles parus à l’étranger, en particulier en Allemagne.
En Allemagne, J.B. Trommsdorff fut à l’origine du journal de pharmacie (Journal Der Pharmacie) publié de 1793 à 1834. La revue contenait en majorité des articles scientifiques allemands, mais aussi les résultats de savants français. On y trouve en particulier en 1804 l’article de Sertürner pour la découverte de la morphine, ainsi que de nombreux articles sur les alcaloïdes et les méthodes analytiques les concernant. Dans le dernier numéro de 1834, Trommsdorff explique : « Quand j’ai créé ce journal… la pharmacie était, en général, encore artisanale… Sa grande valeur et son importance n’était pas reconnue… seuls quelques gouvernements prêtait attention à la pharmacie…à cette époque, il n’y avait pas de journaux pharmaceutiques et pourtant cela me semblait nécessaire pour mettre en valeur la profession pharmaceutique, et révéler le caractère scientifique chez les pharmaciens… ». A partir de 1834, Trommsdorff devint co-éditeur avec Liebig et Geigerdes « Annales der Pharmacie ».
En Turquie, les premiers périodiques de pharmacie parus dans l’Empire Ottoman, ils furent publiés en français (https://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1996_num_84_312_6235). Avant la parution des journaux scientifiques de pharmacie et de médecine, des nouvelles professionnelles et annonces de médicaments paraissaient déjà dans le « Moniteur Ottoman », édition française du premier journal officiel turc « Takvim-i Vekayi », publié de 1831 à 1843. En 1849, le premier journal de médecine fut publié sous deux éditions, l’une en français : « Gazette Médicale de Constantinople », l’autre en turc : « Vekayi-i Tibbiye ». Par la suite, la Gazette Médicale d’Orient, publiée de 1857 à 1925, a consacré une place dans ses colonnes pour les informations pharmaceutiques, les travaux originaux et les procès-verbaux de la Société de Pharmacie de Constantinople.
Les périodiques pharmaceutiques étaient les suivants :
- La Revue de Médecine et de Pharmacie de l’Empire Ottoman fut publiée à partir de décembre 1875. Ce journal bi-mensuel publiait des mémoires originaux, des extraits d’articles parus dans les journaux étrangers, des nouvelles diverses comme décès, nominations, épidémies et à la fin de chaque numéro les observations météorologiques de l’Observatoire de Constantinople.
- L’Union Pharmaceutique d’Orient était le supplément de l’Union Médicale d’Orient publié par le Dr Spagnolo. D’après le catalogue de G. Grog et I. Çaglar. Ce journal fut publié bi- mensuellement à partir de 1875.
- Le Journal de la Société de Pharmacie de Constantinople était l’organe de publication de la Société de Pharmacie de Constantinople. Il fut publié du 1er août 1879 jusqu’au mois d’octobre 1880. Les premières pages de chaque numéro étaient réservées aux procès-verbaux de la Société de Pharmacie de Constantinople qui se réunissait tous les 15 jours. Travaux originaux, résumés des articles parus dans les journaux étrangers et annonces professionnelles constituaient le contenu du journal.
- La Revue Médico-Pharmaceutique Journal Mensuel des Intérêts Scientifiques et Professionnels, autorisé par Iradé Impérial, était publié par le pharmacien Pierre Apéry. Le premier numéro date du 3 1 janvier 1888. Mensuel au début, ce journal devint bi-mensuel à partir du 1er janvier 1900 et fut publié régulièrement jusqu’en 1914. Chaque numéro débutait par une chronique ou étaient citées les décorations, promotions, nominations, décorations étrangères, distinctions honorifiques ; suivaient la revue des journaux étrangers, les annonces des Congrès, les comptes- rendus analytiques des Congrès, les statistiques, nécrologies, annonces des médicaments et nouveaux remèdes.
- L’Union Pharmaceutique Ottomane fut publiée entre juillet 1908 et mai 1909 par Hasan Rauf Efendi, propriétaire du journal turc « Ispintchiar ».
Avec le dernier numéro de la Revue Médico-Pharmaceutique paru en novembre 1914, l’ère des journaux pharmaceutiques publiés en français s’achève. A partir de cette date tous les journaux pharmaceutiques seront publiés en turc.
Aux Etats-Unis, le premier journal pharmaceutique fut publié à Philadelphie, le Journal of the Philadelphia College of Pharmacy, à partir de 1825, transformé en 1835 en « American Journal of pharmacy ». Il fut concurrencé quelques années plus tard, en 1857 par le « American Druggists’ Circular » davantage tourné vers les aspects professionnels que scientifiques. De son côté le journal américain de pharmacie refusa les publicités jusqu’en 1834, puis les accepta très progressivement ensuite.