Les dessins humoristiques du « Moniteur des pharmacies » (1991-1993)
et l’histoire du journal (à partir de 1947)2
Le Moniteur des pharmacies, créé en 1947, est bien connu des pharmaciens qui l’ont reçu et le reçoivent encore depuis plus de 70 ans. Nous avons voulu, dans cette exposition temporaire évoquer l’histoire de ce journal et des évènements qui l’on marqué et montrer également les dessins humoristiques publiés depuis les années 1990. Seules les illustrations des trois premières années seront évoquées, tant est riche cette iconographie. Ces dessins destinés à inciter le lecteur à poursuivre la lecture de l’article associé, avaient pour objet d’illustrer les sujets d’actualité de la pharmacie ou bien des thématiques générales pour aider le pharmacien à répondre aux questions des patients qui entrent dans la pharmacie.
Le Moniteur des pharmacies et des laboratoires (en abrégé « Le Moniteur ») a donc été créée en 1947 par Philippe Brousmiche, pharmacien d’officine dans le Nord, et G. Colin, publicitaire. Successivement mensuel, bimensuel et enfin hebdomadaire, il est le reflet de la pharmacie française et de son évolution. 1947 fut marqué par le numéro 1 du journal (tiré à 15 000 exemplaires) mais aussi par un changement d’époque comme en témoigne Fernand Vasseur, de Lille, dans le numéro consacré au 50ème anniversaire: « 1947 a marqué la fin d’une période difficile où nous étions amenés à faire du troc avec les laboratoires. Quand je descendais à Paris en direct, pour faire mes achats, il m’arrivait d’échanger des paquets de sucre ou de chicorée, des bouteilles de Cointreau pour des produits de prescription courante. » Les créations d’officine étaient également difficiles. Jean Nayme, gérant d’une pharmacie mutualiste à Charlieu dans la Loire de 1945 à 1981, raconte que l’Ordre des pharmaciens et les syndicats se sont toujours opposés à ses demandes de création par dérogation à Roanne.
Sur le plan professionnel, il n’y avait pas de TVA sur le médicament, pas de délégation de paiement, pas de garde obligatoire ni de dépôt de bilan de pharmacie. C’est l’année d’isolement du chloramphénicol, et l’introduction du carnet à souche pour la prescription des médicaments du tableau B.
Les années suivantes restent associées à la création de l’URSSAF et de l’OMS en 1948, à une première baisse des taux de marque qui passe de 33.33% à 32.40% (1949), la création d’un statut de la répartition pharmaceutique, le remboursement des produits « sous cachets » (1950), et surtout la parution de la 7ème édition de la Pharmacopée française (1950). En 1951, la direction du journal est prise par Michèle Lachenaud. Elle est à la tête d’une équipe, une majorité de pharmaciens, dont Pierre Martinot qui deviendra l’un des piliers du journal. Les conditions économiques des pharmaciens commencent à devenir plus difficiles. On peut voir paraitre en 1950 les propos incisifs d’une association dite de la libre entreprise qui souligne que les charges sont trop élevées (déjà !)-une heure de salaire de 100F est payée 94F à l’employé et coûte 135F à l’employeur. L’association pense aussi qu’il y a trop de fonctionnaires et de distributeurs, respectivement 462 000 et 500 000 de plus qu’en 1938, qui non seulement ne produisent pas mais encombrent de paperasserie ceux qui produisent, que les nationalisations coûtent cher, en accordant notamment aux effectifs nationalisés promotions et avantages sociaux. Pour s’en sortir, conseille l’association, il faut supprimer le dirigisme. Par ailleurs, le nombre d’organisations, associations ou autre comités professionnels a fortement augmenté entre 1930 et 1950, occupant davantage de salariés et de locaux, ce qui ne cesse de faire croître les cotisations du pharmacien.
A l’époque; le dynamisme économique de la France d’après-guerre est limité. Le Moniteur analyse l’état de l’industrie pharmaceutique. Du 2ème rang où elle se situait avant-guerre pour les exportations, elle est passée au 17ème rang. Nos firmes, s’interroge le journal, sont-elles suffisamment aidées par nos gouvernements dans leurs efforts commerciaux ? « Notre fiscalité stupide qui tend à niveler le revenu au-dessus d’un certain chiffre ne paralyse-t-elle pas tout esprit d’initiative ? ». Le débat porte aussi sur ce qu’il convient de vendre ou pas à l’officine. on peut lire dans Le Moniteur de l’époque : « La défense des intérêts moraux de la pharmacie la conduit pratiquement toujours à un abaissement de son niveau matériel ». S’il veut élever son « standing » ou même « survivre », le pharmacien doit briser sa condition artisanale, « se comporter de plus en plus en commerçant » et passer de l’état de potard à celui d’omnipraticien, dont « la compétence touchera à tous les domaines de la santé et de l’hygiène », mais sans pour autant tomber dans une américanisation de l’officine qui pourrait « la faire confondre avec une boutique de coiffeur » 1.
Les problèmes de sécurité sociale apparaissent dès les années 1950. Malgré l’excédent du régime vieillesse, on parle alors d’un déficit global de 45 milliards. Il sera de 19 milliards en 1954 et de 37 milliards en 1956 (58 milliards pour la seule assurance maladie). Ceci va conduire par trois fois au blocage des prix, en 1952, 1954 et 1956, ce dernier blocage étant plus connu sous le nom « d’arrêtés Gazier », du nom du ministre de l’époque, qui débouchera sur une pénurie de médicaments et un combat conjoint de l’officine et de l’industrie. C’est aussi la période où la croix verte s’impose progressivement : en janvier 1950, on est encore en attente d’un texte précis sur la couleur de la croix lumineuse à adopter en enseigne : le rouge semble désormais réservé à la Croix Rouge et de nombreux pharmaciens passent au vert !
Quelques éléments marquant des années 1950 et 1960: | |
1951 : décret fixant la composition des tableaux A, B et C. 1952 : création de la vignette. Affaire de la poudre BAUMOL (absence de contrôle des matières premières) : 73 décès et 290 accidents. Le BCG devient obligatoire. Découverte de l’érythromycine. 1955 : naissance de la pilule Tarification des analyses médicales. 1956 : Établissement de la convention collective de l’industrie pharmaceutique. Inscription obligatoire des pharmaciens assistants à l’Ordre. Blocage des prix des produits pharmaceutiques. Premiers antidiabétiques oraux (Dolipol, Glucidoral) 1958 : Dispositif réglementant le nombre de pharmaciens assistant en officine : un pharmacien assistant pour 8 à 12 millions de Francs. Création des CHU Création du Brevet Spécial du Médicament. Premier antidépresseur tricyclique (TOFRANIL) 1960 : Nouveau franc 8700 étudiants en pharmacie Premier IMAO 1961 : Mise au point du paracétamol Sortie du Librium, première benzodiazépine anxiolytique 1962 : Problème de réinstallation des pharmaciens rapatriés d’Algérie Sortie du Valium et de l’Aldomet
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1963 : 50 ans de la Société d’histoire de la pharmacie
Le gouvernement propose de sortir l’aspirine du monopole pharmaceutique ! Décret réglementant la publicité pharmaceutique 1964 : Apparition des encarts publicitaires couleurs dans Le Moniteur Projet de nationalisation des laboratoires pharmaceutiques 1965 : Publication de la Directive 65/65 relative aux spécialités pharmaceutiques et aux AMM Édition de la Pharmacopée dite de 1965 Découverte de la rifampicine Mise au point de Lasilix, Keflin, Negram 1966 : Décret décrivant les conditions de remboursement des spécialités Ordonnance créant l’AMM 1967 : Obligation de mention du prix sur la vignette La loi Neuwirth confère aux pharmaciens le monopole de la vente des produits, médicaments et objets contraceptifs Sortie de Calciparine et propranolol 1968 :Intégration du médicament au régime général des brevets Création des options en 5° année des études pharmaceutiques Décret instituant un visa publicitaire Accord Roussel Hoechst Sortie du Dogmatil 1969 : Création du rôle de Pharmacien responsable Création des UER en pharmacie |
Dans les années 1950, on voit arriver de nombreuses transformations : la féminisation de la profession en est une. En 1956, on apprend que la pharmacie d’officine, qui compte alors 12 100 hommes et 7 300 femmes, est la plus féminisée des professions de santé. La même année, une statistique révèle que la France est le pays le moins cher des pays développés pour le médicament. En 1956, Le Moniteur devient hebdomadaire ! A partir de 1963, Pierre Martinot, déjà évoqué, impose une nouvelle ligne éditoriale au journal. Son petit-fils, Jean-François Coulomb raconte dans Le Moniteur les dimanches très occupés de son grand-père qui recevaient les grands noms de la pharmacie de l’époque : Charles Mérieux, Franck Arnal et bien d’autres 1.
Revenons aux dessins du Moniteur : C’est surtout à partir des années 1990 que le Moniteur associe aux articles qu’il publie un ou plusieurs dessins associés au thème abordé. Et ces thèmes sont nombreux, suivant ou non l’actualité professionnelle du moment. Nous allons en voir ici quelques uns. Les premiers de la série concernent les parasitoses externes, dessins de Rino parus en septembre 1991.
Un autre sujet est traité en septembre 1991 : la grossesse, qui fait l’objet d’un encart spécifique :
Trois autres sujets sont abordés par Le Moniteur fin 1991: la peau au masculin (octobre 1991), les mycoses superficielles (octobre 1991), les maux de la bouche (novembre 1991) et les pathologies ORL hibernales (novembre 1991).
Autres sujets abordés en 1991 : le dopage, thème abordé en décembre 1991.
Il faut aussi admirer les dessins sur les cures et eaux thermales, de septembre 1991 :
Enfin, 1991 se termine avec la fête du nouvel an et les conseils officinaux qui vont avec !
Poursuivons l’histoire des évènements qui ont accompagnés Le Moniteur : Les années 1960 font l’objet d’un article de Jacques Busseau à l’occasion du 50ème anniversaire du Moniteur. Il indique que la décennie fut faite d’une période d’intenses débats sur de nombreux thèmes chers à la profession : la défense du taux de marque, la limitation du nombre de pharmacies, le tiers payant et les pharmacies mutualistes, la réforme des études, l’Europe ou le déficit de la Sécurité Sociale. Mais la période commence par deux coups de tonnerre : la déclaration provocatrice de Edouard Leclerc qui annonce en janvier 1960 vouloir vendre les médicaments 20% moins chers. Le second coup de tonnerre vient quelques mois plus tard avec la publication d’un rapport sur la pharmacie par un comité rédigé par l’économiste Jacques Rueff-Armand. Ce comité remet en cause le monopole pharmaceutique, proposant que les médicaments sans danger sortent du monopole. Ces débats reviendront régulièrement sur la scène publique.
Les années 1970 vont voir émerger de nombreux sujets et des nouveautés tant organisationnelles que techniques.
En 1970, alors qu’il y a 22 160 étudiants en pharmacie et 2312 diplômés, la première pharmacopée européenne voit le jour. C’est l’apparition également du cadre noir sur les nouveaux médicaments (cadre qui disparaitra en 1984). L’héroïne ne peut plus être vendue en pharmacie ! En 1971, l’industrie pharmaceutique crée une fondation pour la recherche. Les amphétamines passent au tableau B. Parmi les nouveaux produits, c’est la sortie du Catapressan. En 1972, c’est l’affaire du talc Morhange à base d’hexachlorophène, conduisant au décès de plusieurs enfants. C’est aussi l’année de la IXe édition de la pharmacopée française et de la distinction désormais possible entre fabricant et titulaire d’AMM. La commission de la publicité est nommée par décret en 1973. La dermopharmacie fait son entrée à la Pharmacopée en 1974. 1975 est marqué par la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse. C’est aussi l’année des plusieurs directives européennes visant à rapprocher les législations pharmaceutiques en Europe. Par ailleurs, les médicaments vétérinaires font désormais partie du monopole pharmaceutique, et le bismuth passe au tableau A. En 1976, la loi relative à la biologie médicale fait son apparition, de même que le numerus clausus en pharmacie. Franck Arnal (1898-1985) est élu président de l’Académie de pharmacie, en 1977, tout en exerçant son rôle de président de l’Ordre et du Conseil supérieur de la pharmacie. C’est l’année de la découverte de la cimetidine, de la réforme du 3ème cycle des études en pharmacie, et de la publication de la procédure pour obtenir une AMM européenne. C’est également le 30ème anniversaire du Moniteur. Il y a alors 34 000 étudiants en pharmacie et 3126 diplômés.
En 1978, M. Legrain est alors le président de la Commission d’AMM. On dénombre cette année-là 1049 pharmacies cambriolées, et 4% de chômeurs parmi les pharmaciens. Les centres de pharmacovigilance hospitaliers sont créés en 1979, tandis que le décret organisant la toxicovigilance et la pharmacovigilance en France sort en 1980. C’est aussi l’année de la création de la Commission de transparence. Pierre Martinot, le rédacteur en chef du Moniteur, décède également en 1980. L’année 1981 est marquée par l’arrivée au pouvoir de François Mitterand et par la nationalisation de PUK et de Rhône-Poulenc. C’est en 1982 qu’est créé le Comité interministériel de lutte contre la toxicomanie. La Xe édition de la pharmacopée est éditée et on célèbre de centenaire de l’installation de la Faculté de Pharmacie de Paris avenue de l’Observatoire. C’est aussi l’année de création de Tulipe, une association soutenue par le SNIP devenu LEEM. En 1983 est créé le Comité consultatif d’éthique pour les Sciences de la Vie et de la Santé, mais aussi la taxe sur la publicité pharmaceutique. Enfin, en 1985, parait la directive européenne sur la reconnaissance des diplômes et est annoncée la réforme des études pharmaceutiques avec la création d’une 6ème année et d’une 5ème année hospitalo-universitaire 1.
Nous avons vu que l’année 1991 avait été le principal démarrage des dessins humoristiques dans le Moniteur, principalement avec le dessinateur Rino. En 1992, son effort s’est poursuivi avec des thèmes nouveaux pour la plupart : Le premier d’entre eux fut, en janvier 1992, un encart spécial sur l’homéopathie :
Le même sujet revient quelques mois plus tard, en novembre 1991
L’autre sujet d’intérêt cette année-là concerne les pathologies oculaires :
Le sujet des escarres fait également partie des encarts spéciaux de l’année 1992 :
Ce thème est à rapprocher du sujet du 3ème âge :
Toujours dans le même registre, plusieurs sujets pourraient rejoindre le vieillissement, et c’est bien logique dans le domaine de la santé. En voici ici quelques exemples :
En conclusion, quelques autres dessins remarquables de Rino pour conclure cette année 1992 très riche !
1. Extrait du numéro spécial édité par le Moniteur à l’occasion de son 50ème anniversaire.
2. Nous tenons à remercier le rédacteur en chef du Moniteur des pharmacies, M. Laurent Lefort, pour nous avoir donné l’autorisation de reproduire ces dessins parus dans son journal. Nous remercions également la Bibliothèque de la Faculté de Pharmacie de Paris qui a conservé l’ensemble des numéros de la Revue depuis 1947 et les a mis à notre disposition.