Nous sommes à la troisième étape de notre parcours de la Revue Médico-littéraire, le Courrier d’Epidaure, publié en 1934 par le laboratoire Corbière. Nous avons déjà examiné les 4 premiers mois de l’année 1934 et nous allons examiner ici les mois de mai et juin de la même année. Après un article sur le nudisme, puis un autre sur Joachim du Bellay, « une étoile de la pléiade sous le ciel d’Italie », le journal se poursuit avec la rubrique habituelle « La chimie de la félicité », à propos des « hallucinants ». Selon Hypatia qui signe l’article, « c’est sans doute en s’empoisonnant que l’homme s’est civilisé ». Il s’intéresse au Peyotl, cette plante étrange décrite par Sahagun, « dont la mastication provoque chez l’homme, outre le courage et une sensation de plénitude, des hallucinations effarantes ou amusantes, dont raffolent les Mexicains. Le savant Hernandez, sous Philippe II, assure que manger la racine du Peyotl permet de prédire l’avenir. » Mais l’intérêt pour cette plante n’a pas été important avant la fin du XIXe siècle. C’est vers 1885 que le chimiste Lewin étudia le Peyotl et y découvrit des alcaloïdes spécifiques, parmi lesquels l’Anhalonine, dont le pouvoir excitant est considérable. On constata que le Peyotl agit à l’inverse de l’opium. Il exalte le goût de vivre, nous dit Hypatia, par des hallucinations de l’intelligence et de la sensibilité qui transportent l’esprit, en quelque sorte, dans un monde supra-humain. « L’intoxiqué entre dans un rêve, un rêve étonnant, qui révèle des couleurs inconnues, des perceptions exquises, des musiques inouïes, et se complète d’hallucinations tactiles. Ivre de Peyotl, l’homme se dépersonnalise et se dédouble, mais sans perdre sa conscience et en ignorant nullement qu’il est sous l’influence d’un produits spécial, responsable de sa songerie fantastique. » En revanche, l’ivresse passée, le peyotl provoque un état nauséeux, des crampes et une pénible constriction thoracique*.
Un autre article est consacré aux symboles géométriques dont nous allons voir quelques extraits. En astronomie – et en astrologie – les planètes et le soleil sont représentés par des symboles classiques. le voici ci-dessus avec, en dessous, les couleurs, les jours de la semaine et les métaux correspondants.
« Si nous passons aux symboles religieux, nous aurons fort à faire, ne fut-ce qu’avec les diverses formes de croix. » L’auteur cite la croix gammée, croix grecque, c’est à dire à branches égales, dont les extrémités sont agrémentées de petits traits perpendiculaires ou crochets, représentant des flammes, la croix cerclée, la rose croix, le tau, la croix latine, la croix de saint André, etc. En alchimie, les symboles jouaient aussi un grand rôle. le soleil figurait l’or, la lune, l’argent; on en tirait le mercure et le soufre philosophique, dont le mariage, également philosophique, devait donner la précieuse pierre philosophale. Quant aux symboles hermétiques, il y a le pentagramme, ou étoile à cinq branches, qui désigne surtout l’homme ou microcosme, la pointe supérieure représentant la tête et les quatre autres, les membres. L’hexagramme, ou sceau de Salomon, est formé de deux triangles équilatéraux, enchevêtrés, l’un droit, l’autre renversé ; il désigne l’univers et ses deux ternaires : Dieu et la Nature ; c’est l’image du macrocosme. Le premier triangle représente ce qui monte, c’est à dire le feu, le chaud ; le second, ce qui descend, c’est à dire l’eau, l’humide. « Quant à la table ronde, chère aux chevaliers, compagnons du roi Arthur, elle symbolisait l’égalité… toutes les places sont également honorables. »
Un autre article intéressant de ce numéro du Courrier d’Epidaure concerne le calendrier des Aztèques. Il y en avait en fait trois : le calendrier solaire ou tonalpohualli (supputation du soleil ou compte des jours) et deux calendriers sacerdotaux, le tonalamatl (livre des jours) et le calendrier vénusien.
Le tonalpohualli comprenait 18 périodes de vingt jours, appelées improprement mois par les Espagnols ;
comme cela ne faisait que 360 jours, on y ajoutait 5 jours complémentaires, les nemontemi. Ils étaient consacrés à un repos général ; on cessait alors toute occupation, même le service des temples, car on les considérait comme une période néfaste, surtout à la fin de chaque siècle. Les noms des 20 jours étaient souvent associés à des animaux. Quant aux « mois », ils s’appelaient ainsi :
Atlcahualo | fête de Tlaloc, dieu des montagnes, des sources, de la pluie | |
Tlacaxipehualitzli | fête de Xipe, « notre seigneur l’écorché ». | |
Tozoztontli | fête de Tzinteotl, dieu du maïs. | |
Hueitozoztli | fête de Tzinteolt, dieu du maïs. | |
Toxcatl | fête de Tetzcatlipoca, dieu du soleil d’été. | |
Etzalqualitzli | fête de Tlaloc, dieu des montagnes, des sources, de la pluie. | |
Tecuilhuitontli | fête de Huixtocihuatl. | |
Huieilecuilhhuitl | fête de Xochipilli, dieu des fleurs, du chant et de la danse. | |
Miccailhuitzintli | fête de Tlaxochimaco ou petite fête des morts. | |
Hueimiccailhuitl | fête de Xocotluetzi ou grande fête des morts | |
Ochpanitzli | fête de Toci | |
Teotleco | fête de Tetzcatlipoca, dieu du soleil d’été. | |
Tepeilhuitl | fête de Tlaloc, dieu des montagnes, des sources, de la pluie. | |
Quecholli | fête de Mixcohuatl, dieu du Nord. | |
Panquetzaliztli | fête de Huitzilopochtli, dieu de la guerre. | |
Atemoztli | fête de Tlaloc, dieu des montagnes, des sources, de la pluie. | |
Tititl | fête de Ilamatecutli. | |
Itacalli | fête de Xiuhtecuhtli, dieu du feu. |
Ces jours étaient, en outre, sous l’invocation des neufs divinités de la nuit, que les Espagnols ont appelés : senores de la noche ; en langue nahuatl : yohaltecuhtin.
Le second calendrier s’appelait tonalamatl (livre des jours); il comprenait un cycle de vingt treizaines, soit au total 260 jours. Le troisième calendrier peut être dit vénusien, parce qu’il était basé sur les révolutions de la planète Vénus. Il comprenait 584 jours, commençant, comme le tonalamatl, par le jour dénommé cipactli (crocodile). Le calendrier vénusien coïncidait à la fois au calendrier solaire et avec le tonalamatl tous les 104 ans seulement, c’est à dire après un espace de deux siècles exactement.
Le Courrier d’Epidaure de juin 1934, dans sa rubrique « La chimie de la Félicité » aborde le sujet du chanvre indien (Haschich). L’auteur raconte que sa consommation a attiré l’attention des sultans en Orient vers 1375 car ils voyaient croître les crimes et disparaître toute activité industrielle là où le Haschich était en usage. « Il y eut un monarque pour faire détruire tous les plants de chanvre indien sur les terres où il régnait. Il fut assassiné ainsi que son successeur pour avoir tenté de faire emprisonner tous les mangeurs de Haschich. Un autre souverain, également autoritaire et sans douceur, décida de faire arracher les dents de tous les hommes qui usaient du chanvre. Ce fut vain. » Quelques siècles plus tard, au XIXe siècle, l’Égypte, dit l’auteur, était entièrement sous le pouvoir du Haschich.
Bonaparte publia contre lui un édit. Mais on retrouve cette plante dans l’Antiquité, en Grèce par exemple. L’auteur conclut : « Il semble que l’usage habituel du Haschich rende coléreux, méchant, cruel et hypocrite. En outre, un affaiblissement intellectuel apparaît assez vite, accompagné de psychose grave, une sorte de délire de la persécution, suivi d’une entière déchéance organique. »
Un autre chapitre est consacré à François Pizarre, sous le titre : étrange odyssée d’un vieillard conquérant au XVIe siècle. En 1524, il forma une association avec un prêtre, Ferdinand de Lucques et Diégo Almagro. Ils achètent en commun un vaisseau et Pizarre, accompagné de cente douze hommes et quelques serviteurs indiens, part vers l’Archipel des Perles, près de Panama. Une série d’aventures va suivre pour aboutir à une lutte à mort avec le fameux Almagro !
Le Courrier d’Epidaure évoque également « un médicament mirifique pour les plaies et contre la folie ». A notre époque, dit l’auteur (Henricus), « où il y a tant d’attentats contre les personnes, tant de gens désaxés, tant de fous et demi-fous, ce remède pourrait faire merveille ». Il s’agit du diamerdis, cité par Rabelais dans Pantagruel au début du chapitre XXX du Livre II. On s’occupe de panser la blessure d’Eusthènes ; Panurge utilise ce médicament qui est une préparation de sauge « et d’une autre substance d’origine humaine que Cambronne seul oserait nommer en français ». On en trouve la composition dans les Recherches italiennes et françaises d’Oudin.
* à noter que l’usage du Peyotl est interdit en France