Histoire du Laboratoire de la Cooper
Albert Salmon exploite une officine 2 rue Carnot à Melun (Seine-et-Marne), « au coin Musard » la Pharmacie du Soleil depuis 1902, trois ans plus tard il fabrique une spécialité les Pastilles Salmon à base de goudron de Norvège, la formule n’est pas très originale. Il va proposer à des confrères qui fabriquent comme lui des médicaments de se réunir dans une coopérative, chaque membre que l’on baptise « sociétaire » s’engage à les promouvoir dans leur officine. Elles sont baptisées « socialités » .Les affaires se développent rapidement; l’entreprise s’installe dans des locaux neufs, 66 rue Dajot, des représentants sont engagés pour visiter les pharmaciens.
En 1910, 700 000 socialités sont vendues dont les Pastilles Salmon, les cachets Sandol, les sirops Rose et Jacquet, le Purgatif Laxiline
La Cooper crée ses propres marques à partir de 1911:
- les ampoules hypodermiques Méram,
- les pansements et le coton hydrophile Tuto fabriqués par les laboratoires Corbiére
- les produits opothérapiques FITO produits par l’Organotechnie
Elle distribue les extraits végétaux des Laboratoires de Galénique Vernin, c’est le façonnier privilégié des adhérents de la Cooper, il fabrique en particulier des comprimés et des saccharures.
L’entreprise est très prospère, le chiffre d’affaire et les profits progressent régulièrement, elle développe la vente de matières premières nécessaires à la fabrication des préparations et des spécialités vétérinaires . Albert Salmon est un visionnaire, sa stratégie de substituer la vente des produits Codex par des spécialités va s’avérer une stratégie redoutable pour les drogueries classiques.
Cooper publie:
- une revue le Bulletin de la Cooper avec la participation de L.G.Toraude à partir de 1920. Elle rend compte des activités de l’entreprise, des nouvelles socialitées, elle est complétée par un Prix courant mensuel et propose des annonces pour la vente des officines et la recherche de personnel.
- l’almanach François, une publication annuelle qui fait discrètement la promotion des socialités.
Après la Première Guerre mondiale l’entreprise prend rapidement de l’extension.
– des succursales sont ouvertes à Paris, à Brives, Lille, Lyon, Nantes, Alger, Casablanca, Bruxelles et Tournon, Athènes, un dépôt est crée à Saïgon dans la Pharmacie Sarreau.
– un laboratoire d ’analyse médicale biologique et bactériologique, le Labo-Cooper est ouvert à Melun, les pharmaciens expédient leur prélèvement et échantillon et le laboratoire exécute les analyses dans les meilleurs délais.
– une nouvelle usine est construite à Ponthiérry. (Seine-et-Marne).
– afin de contrôler ses fournisseurs Cooper achète La verrerie Ricourd d’Eu qui fusionne avec les verreries Brosse, devient distributeur exclusif d’eaux minérales à Vichy (la Source Manon) et à Valls, et absorbe les laboratoires Méram et de l’Organotechnie.
– le laboratoire Salver est crée pour exploiter l’huile de foie de morue fabriquée par la société Isdahl de Bergen (Norvège).
– Il prend une participation dans la société de l’ Alcool de menthe Ricqlés , dans la Pharmacie centrale de France en association avec Darrasse, dans les Laboratoires Corbiére et les Laboratoires de Galénique Vernin.
L’entreprise met en place une association d’entraide des coopérateurs.
La Seconde Guerre mondiale va être dramatique, les restrictions, l’arrêt des importations, l’absence de collaborateurs prisonniers rendent chaque jour l’activité plus difficile. La Cooper n’a plus de contact avec ses filiales étrangères. elle doit s’adapter à la situation. Elle reste fidèle à ses valeurs, elle continue à verser le salaire des membres du personnel prisonnier en Allemagne, procède à un achat fictif des parts de la famille Ricqlés afin de la protéger de la législation antisémite de Vichy, aide les pharmaciens sinistrés.
En 1942, la Cooper située en zone occupée ne peut plus approvisionner ses clients de la zone sud, elle s’associe avec l’Air Liquide pour créer une nouvelle entreprise dénommée LIPHA (Lyonnaise Pharmaceutique). La LIPHA fabrique des extraits végétaux et fournit dans la mesure de ses moyens les officines de la zone libre. Le 16 Aout 1942, Albert Salmon décède d’un accident sur la voie publique, son fils Jacques lui succède.Une partie de l’usine est détruite par un bombardement en 1944.
A la Libération , l’activité redémarre difficilement, l’usine est reconstruite. Lipha continue son activité et développe à coté de la fourniture de matières premières, des activités de façonnage essentiellement pour la Cooper et la production de spécialités confraternelles : les pastilles de Tyrotricine Tétracaïne, le Digestif Lipha, le Bain de bouche Lipha, l’Aspirine Effervescente Lipha.
Les activités sont prospères : le laboratoire est leader en France de produits Grand Public, il est le fournisseur incontournable de toutes les pharmacies françaises. Il renoue avec les investissements : création de Lyophil par Charles Sénez, construction d’une usine à Moussac prés d’Uzés (Gard) pour produire la gamme Ricklés. En 1956, la filiale indochinoise, la Coopération Pharmaceutique Indochinoise est cédée à des pharmaciens vietnamiens , elle est rebaptisée Cophavina. En 1962, la filiale algérienne est fermée, le personnel est rapatrié et reclassé à Melun.
Le laboratoire Méram commercialise des spécialités vignettées : le laxatif Modane et le Mag 2 (1974) sous forme d’ampoules buvables qui va connaitre un grand succès commercial.
Au début des années 1980, l’entreprise est en panne de stratégie et va progressivement changer d’orientation, elle devient distributeur pour des tiers:
– le Doliprane des laboratoires Bottu qui devient le premier antalgique français
– le vaccin anti grippe des laboratoires Mérieux
– les spécialités vétérinaires Biocanin.
– les spécialités OTC des laboratoires Martin.
En 1985, le Doliprane est en vente ; trop timoré le conseil d’administration ne réagit pas , il est cédé au groupe alimentaire BSN qui le remet en vente trois ans plus tard, la Cooper ne bouge toujours pas et cette fois c’est Rhône Poulenc qui en fait l’acquisition: le loup est dans la bergerie.
La situation est contrastée, d’un coté la société est prospère , les ventes sont en croissance , en 1993 le chiffre d’affaire est de 2,4 millions de francs, la marge nette est de 8,5% , la trésorerie de 650 millions et l’endettement est nul. L’entreprise a des joyaux , elle possède 43% du groupe Lipha et des biens immobiliers dont un immeuble à Paris. Par contre les 2/3 de son activité sont réalisés avec des produits qui ne lui appartiennent pas.
En 1994, Cooper renonce à lancer une OPA sur le grossiste OCP. Un actionnaire, le groupe Sabaton, dirigé par Claude Gros, s’inquiète de la stratégie ; depuis quelques années il rachète discrètement des actions, il finit par posséder 23% du capital et devient le principal actionnaire de la Cooper. Il demande la mise en place d’une nouvelle direction. Le conseil d’administration se tourne vers les prospères laboratoires Beaufour mais ils renoncent à jouer le rôle de chevalier blanc, et finalement Cooper doit se résoudre à accepter les propositions de Rhône Poulenc.
Rhône Poulenc procède à une profonde restructuration, le Doliprane, le Mag 2 sont cédés à Théraplix , les laboratoires Meram et Salver sont absorbés (1996), la participation dans Lipha est cédée à Merck KG (1995) la filiale marocaine est cédée (1997), les locaux parisien sont vendus.
La nouvelle direction est aussi incompétente qu’arrogante, Rhône Poulenc ne tire aucune expérience de l’échec de sa division OTC, Rhône Poulenc Labo. Elle met en place une nouvelle informatique qui se révèle une catastrophe, il faut quinze jours pour honorer une commande, les commettants historiques comme Biocanina se retirent et constituent leur propre réseau de vente.
En 1999, la Cooper réalise un chiffre d’affaire de 800 millions et 100 millions de perte, les effectifs sont passée de 1 200 à 700 personnes. Elle est cédée après avoir été recapitalisée à Caravelle pour 1 F, une entreprise spécialisée dans l’achat d’entreprise en difficulté. L’entreprise redevient bénéficiaire, elle se consacre à la vente de ses produits OTC.
Rhône Poulenc devenue Aventis a réussi l’exploit de faire passer en une année la Cooper du statut d’entreprise prospère à celui d’entreprise en difficulté, une incompétence qui les conduira à être piteusement absorbé par Sanofi.
En 2015 Caravelle revend la Cooper au fond britannique Charterhouse pour 700 millions d’Euro.
Jeudi 21 mai 2020
Sources:
- La Revue de la Cooper, 1907-1971
- Cooper, Mémento des sociabilités et produits conditionnés de la Cooper, 1929
https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/cote?extcnop0006x001
- Cooper, Mémento des sociabilités et produits conditionnés de la Cooper, 1930
https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/cote?extcnop0006x002
- Cooper, Mémento de la Cooper, 1938
https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/cote?extcnop0006x003
André Frogerais
22 mai 2020